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Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 21-03-2003 :LeLudwig: Le_Ludwig Productions et ![]() ![]() pr?sentent... La Vengeance est un mets qui se d?guste comme un calice de Vieux Sang... ![]() :demoniaque: HISTOIRE DE LAURA-GABRIELLE CERVANTES :demoniaque: 1ERE PARTIE : LA PERLE ET LE POIGNARD ![]() OMBRES SUR VENISE Le d?but du soir ?tait chaud, et d?j? ?pais, comme un caf? expresso ; la lagune se baignait sous une cuve brillante, qui refroidissait lentement, comme une marmite apr?s un festin de sorci?res. Mille couronnes cr?pusculaires finissaient de luire, rouges, ? la pointe de l?horizon. La chaude journ?e laissait l?atmosph?re luxuriante d?une jungle sur les palais v?nitiens. Une gondole passa dans un sillon chantant ; le grondement d?une vedette rasa les quais ; des splendeurs passaient sous les draps de l?obscurit?. La ville trempait dans les gr?ces printani?res d?un automne princier. Pigeons et ordures chauffaient aussi dans le ph?nix de cet ?crin, serti d?une ?meraude en serpent, tendrement lov?, d?gustant des charmes de verre, des tr?sors de marchands d?Orient. C??tait la Renaissance, c??tait la nuit, sa palpitation. Le monde roulait, r?ve d?or, cuve d??b?nes et de flammes, dans la douceur du silence. ![]() Dans une ruelle, une bande d?ombres, d?guis?s en spadassins ?amples manteaux, chapeaux pointus, masques de carnaval ? glissaient, discrets comme leurs ombres, sans craindre le ridicule. Ils montaient un court escalier entre des b?timents nus. Nos bandits de com?die allaient silencieusement sur les pav?s, souples comme des servals ; parvenus dans une ruelle ? l??clairage timide, sous une enseigne de bois qui mena?ait de se d?crocher, ils frapp?rent ? une porte d?auberge. Un robuste domestique vint les introduire dans le b?timent. Ils pass?rent le vestibule, puis une salle de repas, d?cor? dans un go?t rustique, mais de bois noblement travaill?, et ils pass?rent ? la cave, au cellier, puis, par une trappe, descendirent vers un couloir taill? dans la pierre, o? ne luisaient que les m?ches fines de chandelles. Pass?e une porte o? ?tait clou?e une t?te de bouc noir, ils entr?rent dans un appartement. L?endroit ?tait bas de plafond, tapiss? au sol et sur les murs, avec, dans cet espace restreint, des chandeliers, des luminaires. On baignait dans une lumi?re rouge tamis?e ; des lanternes en carton, quelques coffres dispos?s en d?sordre ; une table ronde, ? pied central, sur laquelle ?taient grav?es des signes cabalistiques en sang, or et cuivre. De vieux livres ?taient empil?s ? terre ; dans une cuvette pr?s de la table trempaient des restes d?abats animaux. Une psych?, dont le cadre ?tait d?cor? avec la magnificence nacr?e caract?ristique de Venise, s?appuyait contre un mur. De chaque c?t? de ce miroir, des parchemins clou?s au mur, couleur gris-vert sombre, plein de formules de sabbat qui respirent la laideur ; pos? sur une table basse, un pr?sentoir avec diff?rents mod?les de couteau et de poignard aux manches ouvrag?s. Le domestique fit signe aux visiteurs d?attendre, et se retira de l?appartement. Une petite minute apr?s, alors que les ? spadassins ? pouvaient contempler ? loisir cette antre digne de la loge d?un th??tre italien ?ou d?une d?monne port?e sur les tenues en cuir et le spiritisme noir? ? entra pr?cis?ment la ma?tresse des lieux. Elle ne portait pas ? ainsi qu?apr?s tout on aurait pu s?y attendre ? une combinaison de cuir clout?e int?grale, non plus qu?elle ne tenait un fouet aux lani?res piqu?e d??clats de verre. Elle ?tait habill?e d?une robe grise, fine, comme compos?e de p?tales cristallines et de fum?e ; elle portait des escarpins noirs, des bagues de couleurs diff?rentes aux doigts, et son front ?tait ceint d?un diad?me, qui exer?ait, de par son ?clat myst?rieux, l?attrait d?un troisi?me ?il. Le visage de cette femme n??tait pas gracieux ; il n??tait pas laid, il n??tait pas repoussant, mais quelques traits marquaient l?endurcissement par la tristesse. Le gris ? l?vres compl?tait cette non-beaut?. Elle alla s?asseoir sur un imposant fauteuil en osier, dont le dossier se d?ployait comme une roue de paon lugubre. - La Mascarade cherche t-elle ? en rajouter, pour m?impressionner ? demanda t-elle, d?une voix o? entraient le noir de la m?fiance, le blanc de la froideur, pour donner le gris d?une intonation inamicale. ![]() Elle regardait fixement les cinq visiteurs grim?s. - Tr?s bien, dit l?un d?eux, tombons le masque puisque notre h?tesse nous en prie. - Je dis simplement, continua la grise femme, que vous avez de dr?les de mani?re ? la Camarilla? Le carnaval n?est pas en cette saison. - Veuillez nous excuser, Madame, mais il ?tait convenu ainsi? - Sans quoi il est vrai, intervint le domestique qui ?tait revenu et qui se tenait derri?re les visiteurs, j?aurais pu aussi trucider proprement nos visiteurs? Il ?tait convenu de ne laisser rentrer que cinq hommes portant des masques ? long nez et des manteaux bruns. Les cinq hommes se retourn?rent. Sous leurs manteaux, ils port?rent la main ? leurs armes. - M?fiez-vous, messieurs, sourit la femme, mon Brujah ne plaisante pas. Il m?a fallu du temps pour le dompter, et d?sormais il est mon cerb?re fid?le? Les visiteurs abaiss?rent la main qui venait de s?emparer de leur arme. Ils se d?firent de leurs amples manteaux et retir?rent leurs masques : deux d?entre eux ?taient des Nosf?ratus ; le troisi?me, ? en juger par le frisson qui l?agitait, par le regard vitreux, fuyant, par les cicatrices nombreuses trac?es sym?triquement sur le visage ? qui aurait pu donner ? croire qu?il ?tait tomb? dans un buisson de ronces ?, ?tait certainement un Malkavien. Les deux autres, on n?aurait pu pr?ciser leur clan. L?un d?eux portait beau : moustache fi?re et bouc ? la d?Artagnan : une cicatrice pleurait de son ?il gauche et venait accrocher la commissure de la l?vre ; le dernier ?tait plus replet, habill? d?une robe d?un bleu profond, avec un tissu mauve ?l?gamment nou? sur la t?te. - Si ces messieurs veulent que je les d?barrasse, dit le domestique Brujah, aimable comme poignard dans la gorge. Les cinq visiteurs lui confi?rent leurs d?guisements. Le domestique alla les accrocher ? un porte-manteau de bois. Un beau porte-manteau en bois noueux, taill? en forme d?arbre sur lequel ?taient perch?s de belles chauves-souris noires comme minuit. ![]() LE FRISSON ASSAMITE - Alors, maintenant la Camarilla accepte de tomber le masque? dit la ma?tresse des lieux, alors que son diad?me prit un ?clat gris plus p?n?trant. - Il semble que les circonstances l?exigent, affirma le d?Artagnan. Mais nous vous invitons maintenant ? rejoindre ? votre tour la Mascarade? provisoirement. Et pour une somme importante? - Notre ma?tre, commen?a d?une voix douce le petit replet habill? en robe, ne d?rangerait pas la c?l?bre v?nitienne et tr?s puissante Assamite pour? - Cessez donc votre boniment ! r?pliqua celle-ci. Je n?aime pas les tours et d?tours des gens de la Camarilla, qui usent mille artifices, qui veulent toujours se d?rober derri?re une nouvelle apparence? Nous Assamites sommes plus directes !? Quelle est donc votre affaire ? - Pardonnez, ch?re Cervant?s, dit le mousquetaire, mais notre seigneur a la r?putation d??tre franc du collier, pour le dire sans d?tour ! Sans quoi, il ne serait pas qui il est, et nous ne serions pas l? !? - Et qui est donc ce beau Prince des T?n?bres, qui veut go?ter aux frissons Assamites ? fit, narquoise, la d?nomm?e Cervant?s. - Co-naissez, naissez-vous ? articula le Malkavien au visage lac?r?, pris de tremblement comme une pythie en transe, naissez-vous le prince le seigneur le baron et sultan duc s?r?nissime Lucien Hieronymus, ma?tre des rues de la gare de l?Est et de l??le de Malte ?? - Calme-toi donc. Peut-?tre que tu devrais nous laisser parler, sugg?ra le d?Artagnan. - Hieronymus Lucien ? C?est bien le nom qu?il a prononc? ? dit Cervant?s. - Exactement, Hieronymus Lucien, r?pondit d?un l?air inspir? le ca?nite replet, Lucien, le c?l?bre diable qui a hant? les campagnes de France. Lucien, le perdu ! l?h?r?siarque ! le loup du G?vaudan !? le Ctulhu ! La Cervant?s rit doucement : - Oui, je connais ce Lucien? Une belle l?gende le devance. Il a terroris? le Moyen-Age, je crois? Et ainsi donc je pourrais rencontrer ce personnage? Je constate que sa r?putation ne ment pas sur ce point : il aime les m?langes in?dits, il aime les apparences chatoyantes, touffues, il aime surprendre? - Prendre surprendre pendre et d?pendre ! l?cha le Malkavien dans un tremblement fi?vreux, son regard semblant ? chaque parole vouloir s?enfuir ? toutes jambes. - Avant de poursuivre, si nous faisions les pr?sentations ? sugg?ra Cervant?s, en portant ? ses l?vres une coupe de sang purpurin que son domestique venait de lui apporter. - Volontiers madame, bien volontiers ! fit le ca?nite en robe, d?un air p?n?tr?. Il est impoli de notre part de ne pas l?avoir fait d?entr?e de jeu. L?homme s??claircit la voix. - Les deux Nosf?ratus ici pr?sents sont le cousin D?sastre et la cousine Pers?phone? - Original, commenta Cervant?s. - Notre Malkavien se nomme Ronce-Vive, et je me passerai de vous en expliquer la raison !? Il pratique le body art sur lui-m?me souvent ; parfois sur des personnes consentantes, ou non? L?orateur toussota. On regardait de c?t? le Malkavien, dont les expressions corporelles indiquaient qu?il n?y pr?tait pas attention : il ?treignait du regard les tapisseries vieillies. - Le beau sire ici pr?sent, reprit le ca?nite au turban, est le Tor?ador Anton van Steenwick, qui fut fameux mousquetaire du Roy, qui ferrailla avec le c?l?bre Cyrano de Bergerac, eut maille ? partir avec l?Inquisition, et perdit la vie au si?ge de Maastricht, en m?me temps que d?Artagnan soi-m?me ! N?est-ce pas romanesque ? - Certainement, approuva froidement Cervant?s. Et vous-m?mes ? - Et moi-m?me, je suis nomm? Fantas et? eh bien je suis un peu mage et quelque peu sp?cialis? dans certains grimoires et? - Fantas veut dire, intervint van Steenwick le Tor?ador, qu?il est quelque peu li? au clan Tremere, sans pour autant ?tre appr?ci? par ses membres. Il est trop heureux d??tre le prot?g? du seigneur Lucien. - Lucien m?nerait-il des recherches? occultes ? demanda l?Assamite (elle n?avait pu retenir cette curiosit?, comme on ne peut se retenir de croquer une friandise app?tissante). - Certainement ! certainement ! dit Fantas, comme poss?d? des flammes magiques de la parole. Et d?ailleurs, d?ailleurs !? - Fantas, dit le Nosf?ratu nomm? D?sastre, nous ne sommes pas l? pour parler de cela !? - Exactement, dit l?Assamite (? contrec?ur, car pour le coup, elle ravalait sa curiosit?.) Si vous me disiez pourquoi vous avez accompli tout ce beau voyage. Certainement pas seulement pour le caf? du Harry?s Bar ou les beaux gondoliers? ![]() A part soi, les visiteurs s??tonnaient du ton de familiarit? qui apparaissait dans la voix de l?Assamite. Ils s?attendaient, en venant ?van Steenwick en particulier ? ? rencontrer une princesse : il n?avait en face d?eux qu?une femme sans charme, mais qui ne manquait pas d?indiquer, dans ses intonations, combien elle ?tait dangereuse. Ronce-Vive le Malkavien fixait avec avidit? les signes grav?s sur la table : il semblait les d?chiffrer comme un autiste g?nial d?crypte du chald?en. - Puisque les pr?sentations sont faites, dit Fantas le Tremere, nous pouvons vous d?clarer que nous sommes ici, belle Laura de Cervant?s, pour vous emmener avec nous ? Paris !? oui, la Ville Lumi?re, pensez donc ! - Mettons les choses au point, siffla l?int?ress?e : mon nom exact est Laura-Gabrielle Cervant?s. Oubliez donc d?y adjoindre une particule. Et je peux vous suivre ? Paris, oui. Mais est-ce pour les bateaux-mouches ? pour le Ritz ? pour assassiner une soutane de Notre-Dame ? - Pas du tout ! pas du tout ! dit Fantas, les mains grandes ouvertes ? hauteur de son visage, comme s?il mimait le port d?une boule de cristal. - En r?alit?, poursuivit van Steenwick le Tor?ador, notre ma?tre Lucien aimerait se d?barrasser d?une personne rivale, puissante, bien introduite dans les meilleurs milieux de la Camarilla? - Et pour maintenir sa ridicule mascarade, r?torqua l?Assamite, la Camarilla doit se salir les mains, et embaucher une personne comme moi? Et apr?s cela, votre Prince de Paris pr?tendra ?tre le garant des lois? Amusant, je le note? Il y eut un silence g?n?. Le Malkavien marmottait ? son seul usage des paroles d?inqui?tudes et de menaces. - A vrai dire, intervint Pers?phone la Nosf?ratu, notre ma?tre ne pr?tend pas agir pour le Prince Fran?ois Villon? Il serait m?me en froid avec ce dernier. - Tiens donc ? fit la Cervant?s. C?est exquis dans ce cas, vraiment?. Et pour ajouter au piquant, dites-moi que cette rivale encombrante est au contraire une prot?g?e du Prince ? - Eh bien, dit le cousin D?sastre, nous approchons du vrai? - Tr?s bien, fit l?Assamite, en d?gustant son verre. J?aime quand le frisson est au rendez-vous? Puisqu?il s?agit de Hieronymus Lucien? susurra t-elle, d?un air de m?chancet? voluptueuse, qui laissait para?tre un certain charme mauvais sur sa personne. Je n?aurais pas accept? de travail pour la clique de la Camarilla? - Du tout du tout ! dit Fantas le mage. Vous travaillerez sous l?ombre et sous le voile du secret ! Comment en serait-il autrement avec notre ma?tre Lucien ? - Et comptez-vous, siffla l?Assamite comme une vip?re, me payer avec l?or sorti des cornues de vos recherches alchimiques, ma?tre Fantas ? - Du tout, dit van Steenwick. Nous parlons de v?ritables euros. Votre prix sera le n?tre, cela va de soi. - Tr?s bien. Vous allez donc me pr?ciser qui est cette personne importante dont souhaite se d?barrasser votre ma?tre. Et vous allez m?expliquer pourquoi il ne s?en charge pas lui-m?me. Et je vous fixerai un prix. Je vous donnerai un num?ro de compte en Irlande, indiqua Cervant?s. - Nous allions bien s?r en venir ? des explications approfondies, assura van Steenwick. - J?ignorais que Cervant?s ?tait un nom irlandais. C??tait Ronce-Vive qui venait de prononcer clairement et distinctement cette phrase. On en fut surpris : il ?coutait donc toute la conversation, derri?re ses airs ?gar?s. L?Assamite se leva, le verre ? la main, but les derni?res gouttes en s?approchant du Malkavien. - Tu es tout ou?e, donc fou et dangereux, dit-elle, le visage presque coll? contre les cicatrices de Ronce-Vive? Alors je vais te dire, pour toi dont l?esprit vagabonde ?elle passa son bras autour de la nuque du Malkavien ? je suis n?e sous un autre nom, ? Dublin. J?ai ?chou? ? s?duire Oscar Wilde, et j?ai ?chou? ? nouveau avec Guillaume Apollinaire : il m?a rejet? en me disant que j?avais une triste figure. Et depuis, en souvenir de cet affront, j?ai pris le nom du p?re du chevalier ? la Triste Figure? Cette r?ponse te convient-elle, Malkavien ? ![]() Mais Ronce-Vive ?tait d?j? retomb? dans les limbes de son autisme. L?Assamite eut un sifflement de d?dain. Fantas pr?senta ces excuses pour Ronce-Vive, puis, pour clore l?incident, Cervant?s fit servir des calices remplis d?un sang onctueux ? ses visiteurs et leur fit donner des si?ges. - J?oubliais messieurs, reprit l?Assamite. Je n?ai pas l?habitude d?exiger de l?argent pour mes services. Vous oubliez que les Assamites demandent? du sang. - Du sang de qui ? demanda Fantas. Cervant?s eut un rire qui fit sentir au Tremere sa na?vet?. - Mais voyons, puissant mage? il ne peut s?agir du sang de troupeau. - Du sang de vampire, vous voulez dire ? - Exactement. Et pas n?importe quelle sang? Je suis un serpent, un serpent venu des d?serts de l?Est, de la forteresse d?Alamuth? Je me nourris du sang de mes proies. Les visiteurs se turent quelques secondes, le temps de peser ce que signifiait cette demande. - Au fond, dit le Tor?ador pour briser la glace, nous pensions bien que votre prix serait en ces termes? Nous n?avons pas re?u de consignes pour n?gocier quoi que ce soit. - Tr?s bien, dans ce cas, je serai ravie de tremper mes l?vres dans le sang de ma prochaine victime? Regardez : c?est sans doute cette arme qui lui tranchera la gorge. Avec les mani?res d?une femme qui d?voile ses dessous affriolants ? son amant, Cervant?s sortit d?une boite nacr? un poignard de rituel, ? la lame recourb?e. Cervant?s le prit d?licatement, et le fit passer ? la coterie de Lucien. - Prenez-le, je vous en prie? C?est une arme magnifique, alors prenez garde. - Le nombre d?encoches sur le manche correspond au nombre de victimes ? demanda D?sastre le Nosf?ratu. Cervant?s eut un rire sinistre qui ne laissa pas de doute sur la r?ponse. La lame brillait, et le manche prenait ? la garde la t?te d?un cobra, si vivant qu?on aurait pu croire qu?il allait vous mordre. On redonna l?arme ? l?Assamite, qui la rangea dans la bo?te. - Et maintenant, si vous me parliez plus en d?tail de cette proie? Plusieurs heures apr?s, alors que la nuit s??claircissait l?g?rement, dans la brume endormie du point du jour, une vedette ? moteur passa en vrombissant sur la lagune. Elle fut suivie de deux autres, qui quitt?rent laiss?rent derri?re elle la cit? v?nitienne, radieuse comme une jeune mari?e dont la vie ne serait que lune de miel. ![]() ECLATS PARISIENS A Paris, une authentique Rolls Royce venait de se garer rue de Rivoli, pr?s de la place de l?H?tel de Ville. Ce soir l?, la patinoire restait ouverte tard : les patineurs ?voluaient sur la glace, dans la f?erie des d?corations de No?l. V?tu d?un long manteau en fourrure, d?un chapeau haut de forme, portant une longue canne ? pommeau de p?lican, des gants en peau de biche et sur le nez un lorgnon dor?, un imposant personnage sortit de la Rolls chrom?, ?pousseta son ?paule, et partit aussit?t d?un pas alerte en direction du Louvre. Des passants siffl?rent d?admiration en contemplant le magnifique v?hicule, dont la figure de proue les narguait en ricanant. Il ne s?agissait pas d?un ange argent?, mais d?un petit satyre, au sourire charg? de sarcasmes. On s??tonnait de cette substitution, mais on restait frapp? de stupeur admirative. On fit remarquer que ce devait ?tre un v?hicule d?enfer? Le chauffeur ne pr?tait aucune attention au cercle qui se formait autour de la Rolls. Il restait au volant, ? lire une revue de mode am?ricaine, sans daigner jeter un regard aux badauds. Plusieurs agents de police regardaient depuis leur poste de faction la voiture, fascin?s eux aussi. Dans Paris, soufflait le vent, la lumi?re poudreuse, et une pellicule de neige fine comme une toile d?araign?e. L?homme qui marchait h?tivement jeta un regard en arri?re, et sourit de l?attroupement qui se formait autour de son v?hicule. Il p?n?tra dans le Louvre par le passage Richelieu. L?, un gardien l?attendait ? la barri?re, et le fit entrer rapidement. Notre personnage prit l?escalier m?canique, arr?t? ? cette heure de la nuit, en regardant les statues athl?tiques de la cour Marly plong?e dans l?obscurit?. Le gardien et le visiteur arriv?rent sous la Pyramide, qui luisait comme une ?toffe de nuit en verre, et dispensait ? la galerie souterraine l??clairage myst?rieux d?une nef translucide. Les deux hommes se dirig?rent sans attendre vers la cour Marly. Le gardien appuya sur un bouton dissimul? sur le socle d?une statue de Napol?on. Un socle qui supportait une sculpture de lion puissant se d?pla?a, r?v?lant un petit escalier qui menait au sous-sol.. - C?est ici, monsieur, dit le gardien. Vous ?tes attendu. - Tr?s bien. - Arriv? en bas, n?oubliez pas de refermer le passage. - N?ayez crainte, je suis un habitu? des lieux. Le visiteur disparut dans le passage, et le gardien se h?ta de rejoindre son chemin de ronde normal. ![]() En bas, l?imposant personnage p?n?tra dans une salle o? l?on entreposait des ?uvres gard?es en r?serve. Un Nosf?ratu surgit des t?n?bres, et demanda au visiteur de le suivre. Ils descendirent encore quelques ?tages. Dans un couloir humide, ils crois?rent un jeune homme au pas press?. - Tiens donc, fit le visiteur, dont la voix semblait profonde comme l?obscurit?. N??tes-vous pas ce nouveau-n? Tor?ador, qui organise des visites nocturnes du mus?e ? - Par l?Enfer !? Le visiteur sourit de l?effroi du jeune homme ; celui-ci porta la main ? la bouche : - Je veux dire? pardonnez-moi, Sire Lucien !? Oui, je me nomme Aladax Lucinius, et il est exact que ? - Tr?s bien. Votre Sire est bien Tropovitch ? - Oui, c?est vrai? - Vous a t-il parl? de l?Op?ra ? - L?Op?ra de Paris ? Non? Le jeune homme tremblait: qui sait ce qu?apporterait une mauvaise r?ponse ! - Dans ce cas, dites-lui de vous inviter pour le 20 d?cembre. Dites-lui que c?est moi qui insiste. - Tr?s bien, Sire Lucien? Je ferai comme vous dites. Je vous remercie? - Ce sera La fl?t? enchant?e. Un artiste comme vous aime la belle musique, n?est-ce pas ? - Tout ? fait et je ? - Alors dans ce cas, c?est parfait. Vous serez aux premi?res loges. - Je l?esp?re? et bonne nuit ? vous Sire? Lucinius n?avait pas termin? sa phrase que le terrible Sire avait repris sa marche. Le mart?lement de son pas, r?p?t? par l??cho, prolongeait le frisson que provoquait sa simple pr?sence. Sans parler de sa voix : on aurait jur? qu?il avait une caverne log?e dans la gorge ! Le jeune Tor?ador s??loigna rapidement, pour rejoindre les riches ca?nites qui venaient d?Italie ou d?Allemagne pour admirer les ?uvres du mus?e. ![]() DIALOGUES EN SOUS-SOL Le visiteur du soir, qui ?tait bien Hieronymus Lucien fut introduit dans la crypte du Prince Villon : un portail en fer ouvrag? s?ouvrit comme une gueule et l?avala. Une goule mena ensuite Lucien ? un petit salon Napol?on III, d?cor? de petits tableaux de bacchanales de Poussin. Lucien se fit servir ? boire, et attendit plusieurs minutes. Il avait vid? son verre, et s?impatientait. Il tapotait nerveusement de sa canne sur le tapis. La porte s?ouvrit dans son dos : un huissier entra et annon?a : - Le Prince Fran?ois Villon ! Lucien se retourna et retira son chapeau. Le ma?tre de la Camarilla parisienne entra nonchalamment, son porte-cigarette ? la main. Lucien s?inclina l?g?rement. Derri?re Villon entra un ca?nite qui pouvait avoir le corps d?un mortel de cinquante ans : s?v?re comme un comptable protestant, smoking gris, cravate fine ; le visage allong?, les yeux scrutateurs, la bouche et tous les traits du visage que l?on devinait habitu?s ? ne se crisper que pour exprimer l?essentiel. - Sire Armand d?Hubert bonsoir, fit Hieronymus Lucien, j?ignorais que vous seriez de cette r?union? Armand d?Hubert ?tait le Primog?ne Ventrue de Paris. - Bonsoir Sire Lucien r?pondit d?Hubert. Le Prince a effectivement tenu ? ce que j?assiste ? cette rencontre? plut?t impr?vue. - J?ai h?sit? ? la solliciter, il est vrai, dit Lucien ?qui avait affaire ici ? un sup?rieur hi?rarchique, bien que lui, Lucien, soit un personnage de plus de prestige que le raide Armand d?Hubert. Mais j?ai cru qu?il ?tait de mon devoir de vous parler d?s ce soir... ![]() Le Prince Villon regardait sans inqui?tude son vassal Lucien. - Sire Lucien, voulez-vous une de ces excellentes cigarettes de Virginie ? C?est le Prince de Washington qui me les envoie? - Je sais, Prince, fit Lucien d?un air g?n?, qui ne dissimulait que mal son agacement, mais je ne peux h?las pas fumer, comme vous? - Parlez-nous de cette affaire si urgente, dit Armand d?Hubert. Lucien donna son manteau, son chapeau et sa canne ? l?huissier. Puis il prit une courte inspiration, comme l?avocat avant la plaidoirie. - Je vais aller droit au but, Prince. Vous savez que je ne me permettrais pas de solliciter de votre temps et de votre biens?ance pour des billeves?es. (Ce genre de langage aga?ait profond?ment Armand d?Hubert l??conome, mais il faisait partie des joliesses de langage que le Prince go?tait). Je pense que l?on fomente actuellement des activit?s destin?es ? renverser le pouvoir de la Camarilla sur Paris. - Et qui repr?senterait un tel risque selon vous ? demanda le Primog?ne Ventrue. - J?ignore qui est la t?te du complot, mais je crois qu?il faut agir rapidement, Sire d?Hubert. - Nous appr?cions votre aide, Sire Lucien, mais vous n??tes gu?re pr?cis dans vos assertions? fit remarquer le Ventrue. - Des membres du Sabbat. Voil? la menace, repartit Lucien, la voix charg?e de menace et de grandiloquence. Le Ventrue hocha la t?te, pensif. Il se caressa le menton. - Comment savoir ce que vous avez derri?re la t?te, Sire Lucien? Vous semblez oublier la disgr?ce que notre Prince a prononc? contre vous, il y a de cela seulement quatre ans? Villon se contenta de toiser Lucien d?un air snob, quoiqu?emprunt de s?v?rit?. Cet air qui avait le don de mettre hors de lui Lucien. Ce dernier eut le sang qui afflua au visage. - Sire d?Hubert, j?admets avoir eut la main l?g?re en juillet 1998, mais je n?admets pas ?tre ainsi tois? ! Vous Primog?ne Ventrue avez tous les droits, hormis celui de porter atteinte ? un Sire qui est votre ?gal en g?n?ration, et qui plus est un appui indispensable de la Camarilla. Lucien s?en prenait au Ventrue, mais c??tait une mani?re d?attaque indirecte contre Villon. - Vous ?tes bien col?rique, Sire Lucien, dit le Ventrue. Nous connaissons du reste bien vos humeurs d?artiste? J?ai peur de percevoir une tentative maladroite de votre part pour obtenir une r?habilitation, avant le moment venu. Voudriez-vous forcer la main du Prince ? Lucien faillit r?pondre qu?il ne pourrait forcer cette main tant que d?Hubert serait occup? ? manger dedans. Il se retint et choisit l?effet : - Ecoutez-moi Armand d?Hubert !? Si je prends le mal de venir ici, ce n?est pas pour mendier ma r?habilitation ! Pour ma part, je sais vivre hors des salons du Louvre et de ses intrigues. Je viens vous avertir que des S?thites pourraient fomenter un attentat et que ? - Vous semblez pourtant ne pas ?tre f?ch? avec les disciples de Set, Sire Lucien, le coupa d?Hubert, de sa voix de percepteur qui vient enqu?ter sur vos comptes aux Antilles. Des t?moins dignes de foi pourraient affirmer vous avoir vu en leur compagnie. - Mensonges, Sire d?Hubert ! Mensonges et hypocrisies ! Ces belles bouches pleines de fiel vous versent leurs mensonges ? l?oreille ! Prenez garde de ne pas trop y pr?ter attention, Sire ! Moi au contraire, je vous avertis de dangers r?els. Je n?ai pas cru longtemps ? cette G?henne qui couve, mais prenez garde ! Elle n?est pas si loin que l?on croit. Elle pourrait se d?clencher sous peu. - Ces paroles ne ressemblent pas, dit le Ventrue, ? quelqu?un que tous, au Louvre, le Prince en premier, croyait certes prompt ? l?action, mais endurci par l?exp?rience. Seriez-vous pris au pi?ge de vos propres mascarades priv?es, Sire Lucien ? - A votre guise, Sire Armand ! Prenez-le ? la l?g?re. Lucien laissait la col?re gronder dans sa voix. Il savait que m?me le Primog?ne Ventrue, solide comme une porte blind?e, ne pouvait y ?tre insensible. Prenez garde, Sire, n?anmoins aux cr?atures qui tournent comme des harpies autour de notre Prince. ![]() A ce moment, Villon laissa ?chapper un rire moqueur et haussa les ?paules. Il tira sur sa cigarette et dit : - Voyons, Sire Lucien, vous n?y pensez pas. Si vous voulez parler de la Comtesse Constance de Bathory, il y a bien longtemps qu?elle n?attise plus mes passions? ? Qui attise encore tes passions, mon Prince ? ? Lucien reprit d?un air sombre : - J?ai bien peur que cette vip?re soit mieux log?e dans des nids d?intrigues que ne le pensez, Prince? - Il suffit Sire Lucien, coupa d?Hubert. Je crois que vous m?langez trop vos ranc?urs personnelles avec la r?alit? des jeux du pouvoir. Il est clair que vos rancunes contre la Comtesse Bathory obscurcissent votre jugement? Allons, la Comtesse Bathory, alli?e des S?thites, cela ne tient pas debout ! - La v?rit? est parfois aussi am?re que surprenante, Sire... - Si vous ne voulez rien ajouter ? ces belles pens?es, Sire Lucien, je crois que cet entretien doit se terminer. - En revanche, intervint le Prince, en souriant, comme perdu dans ses pens?es, nous serons bien s?r heureux d?assister ? votre soir?e ? l?Op?ra. Nous comptons beaucoup sur Tropovitch et vous pour nous r?galer les oreilles et les yeux. N?est-ce pas Sire Armand ? - Tout ? fait Prince. Je pense que le th??tre est un domaine o? le Sire Lucien excelle ? contrairement ? d?autres arts? - Je vous remercie Sire de cette marque de confiance, dit Lucien en s?inclinant ?et sans relever la pique du Ventrue. Mais pour le bien de la Mascarade, souvenez-vous de ce que j?affirme? - La Comtesse Bathory, dit d?un ton rogue le Ventrue, est appr?ci?e de la cour du Louvre, et le restera jusqu?? ce qu?elle accomplisse des actions nuisibles ? notre ?tiquette ?ce qui n?est pas encore le cas pour le moment? - C?est ? vous ? disposer des informations que des gens inform?s comme moi peuvent vous fournir, Sire Armand. Si vous n??tes pas convaincu par la menace des S?thites, puis-je cependant vous conseiller de regarder du c?t? de Saint-Germain en Laye ? On y a aper?u nombre de rassemblements de Tzymices? et peut-?tre quelques Tremeres? On parle d?infants non d?clar?s au Prince? - Tiens donc ? fit Villon, qui sous le coup de la surprise perdit de sa nonchalance. Si c?est le cas, il faudra aviser en cons?quence Sire Armand. Lucien sentit qu?il venait de marquer un point. - Tout ? fait, Prince. Quoique par ailleurs, je n?ai encore jamais entendu parler de pareilles activit?s ? Saint-Germain, et que la haine du Sire Lucien contre les Tremeres fasse partie de sa l?gende? - Il ne tient qu?? vous, Sire Armand, dit Lucien en remettant son manteau, d?envoyer des informateurs sur place, pour d?m?ler la r?alit? de mes affabulations. - Nous verrons bien, dit le Prince Villon, ?vasif. D?une d?marche r?veuse, il fit quelques pas vers la porte qui menait ? ses appartements. Bonne soir?e, Sire Lucien. - Je vais mettre la derni?re main ? un spectacle qui, j?en suis s?r, vous ravira, r?pondit Hieronymus. Le Prince sortit en souriant dans le vague. Lucien remit son chapeau, et alla vers la sortie de la crypte de la Camarilla, accompagn? d?Armand d?Hubert. - Vous avez incontestablement marqu? des points, Sire Lucien. Mais ne croyez pas trop vite que votre z?le fera oublier vos actes de 1998. - A ma connaissance, on a jamais rien pu prouver contre moi. - Non, et c?est heureux pour vous. Vous pourriez d?j? ?tre frapp? d?ostracisme? - Allons donc ! Un authentique Parisien comme moi !? - Nous allons v?rifier pour Saint-Germain en Laye. Mais je vous conseille de vous en tenir ? l?Op?ra. La chor?graphie et l?art lyrique sont votre domaine ; moi je m?occupe de garder en ordre une cours o? la poigne du Prince peine ? se faire sentir. - Villon affiche il est vrai une nonchalance qui pourrait l?affaiblir dans l?opinion de son propre clan? - Autre chose, Sire Lucien. Oubliez un peu la Comtesse Bathory : le Prince a bien plus d?estime pour elle que pour vous. Lucien s?arr?ta devant la porte en fer qui marquait la limite du domaine de la Camarilla : - Je n?aurai pas de peine, d?ici peu, ? montrer que cette pr?f?rence est contraire aux int?r?ts du Prince. - Bonne soir?e, Sire Lucien. Et la prochaine fois, ?vitez de vous pavaner dans la rue avec ce costume de lord Anglais? - Vous ne voulez pas sortir voir ma Rolls ? Je viens juste de l?acheter ! - Merci mais j?ai du travail. ![]() Lucien, content de son dernier effet, repartit dans les entrep?ts souterrains du mus?e, accompagn? d?une goule, ressortit dans la cour Marly puis rejoignit son v?hicule. Les passants continuaient de se rincer l??il en se regardant dans la carrosserie de la Rolls, tandis que le chauffeur fumait des cigarettes am?ricaines en feuilletant n?gligemment le dernier num?ro de Vanity Fair. Quand il vit Lucien arriver d?un pas alerte vers lui, il ordonna ? la foule de se disperser et mit le contact. Plusieurs amateurs de voiture manqu?rent tomber en p?moison en entendant ronfler le moteur. Lucien monta ? l?arri?re, et lan?a ? haute voix : - Chauffeur, ? la maison ! La Rolls d?marra comme une fus?e, et Lucien partit d?un grand rire, qui r?sonna dans toute la rue de Rivoli. Sur le chemin, il re?ut un coup de t?l?phone : c??tait van Steenwick, le Tor?ador, qui l?appelait, pour le pr?venir que ? la perle grise de Venise serait sous peu ? Paris. ? Au feu rouge, dans le trafic, la Rolls ressemblait ? un long dauphin argent? au milieu des bancs de requins qu??taient les Mercedes des hommes d?affaires. Lucien s?approcha de l?oreille de son chauffeur : - Nous n?allons plus ? l?h?tel. Nous allons rendre une visite impromptue ? Tropovitch. Le chauffeur fit gronder le moteur, et battit ? plate couture au d?marrage les berlines noires. Et la Rolls partit dans la folle agitation nocturne, vers la Seine aux milles couleurs nocturnes, quand glissent sur elle des bateaux-mouches fant?mes. ![]() UNE DANGEREUSE INTERPRETATION Eros Tropovitch, ma?tre de musique du Prince Villon ?certains disaient son saltimbanque attitr? ? tournait nerveusement en rond dans le salon de r?ception de sa demeure de l??le Saint-Louis. Trois goules domestiques se tenaient immobiles dans la pi?ce, sans oser prononcer un mot. Tropovitch se rongeait ses ongles sur ses canines aff?t?s. Fatigu? par cet ?nervement, il alla soudain au piano, s?assit brusquement, et entama une interpr?tation fracassante de musique dod?caphonique ; il parcourait ? l?allure d?une dactylographe les quatre-vingt huit touches, martelait les notes, disloqua les m?lodies avec fr?n?sie et donna ? sa demeure un r?cital court mais d?ment, o? les accords se promenaient au hasard, comme des morceaux de v?hicule apr?s une collision. Il frappait les touches comme pour jouer de la batterie, poussait ? bout son piano jouant comme on se sert d?un marteau piqueur, au milieu de la fanfare d?une usine de montage. Il aimait la musique concr?te. Apr?s quelques minutes ? cette cadence, il parcourut d?un doigt la longueur du clavier, frappa de tous ses doigts les touches, et maintint le son, qui vibra longuement dans la pi?ce, comme l??cho d?un cristal pur au milieu de vitres bris?es. ![]() Tropovitch entendit alors des applaudissements derri?re lui. - Sire Lucien? enfin vous ?tes l? ! - Mes f?licitations ma?tres, votre technique est toujours aussi? athl?tique. - En effet. Il faut garder la forme? et se tenir au courant de l?avant-garde. Connaissez-vous Cecil Taylor ou Edgar Var?se ?? Mais assez parl? de mes talents !? Qu?a donn? votre entrevue avec Villon ? - J?allais y venir? mais avant, offrez-moi donc un verre de ce d?licieux sang hongrois? - Ah mon breuvage des Carpates !? A la sant? d?Ersebeth Bathory alors !? Tropovitch alla ? une armoire, et servit deux verres ? whisky de cette liqueur ?paisse. - A la sant? d?Ersebeth Bathory ! dit Lucien en levant son verre Les deux Sires trinqu?rent et savour?rent leur verre. Lucien regarda ? travers les fins rideaux les bords du fleuve, les p?niches anim?es. Tropovitch cong?dia ses domestiques, baissa les lumi?res et ferma les volets. Lucien s??tait assis dans un fauteuil. Ses yeux rougeoyaient dans l?obscurit?, signe chez lui d?une intense activit?. - Alors, dit Tropovitch, assis au piano, vous me faites br?ler d?impatience? Les canines de Lucien scintillaient ? la maigre clart? de la lune qui filtrait ? travers la fen?tre. - J?ai rencontr? Villon comme pr?vu. Armand d?Hubert ?tait l? aussi. Evidemment, il ?tait l? pour soutenir Villon, qui est trop faiblard pour m?affronter en face ? face. C?est le Ventrue qui a fait toute la conversation? - Vous ne croyez pas que Villon joue la com?die ? demanda Tropovitch, inquiet. - Ecoutez-moi : je m?y connais en com?die, et je peux vous dire que Villon est sur la pente descendante? Non, il ne joue pas la com?die ! Il s?est amolli, il est d?cadent ! Il ne s?entoure plus que de faibles, de petits politiciens gris. Pour ne rien dire des artistes sans talent ? qui il accorde ses faveurs? Croyez-moi, si d?Hubert ne lui servait pas de canne, il y aurait beau temps que Villon aurait mordu la poussi?re? - Et ensuite ? Tropovitch se rongeait les ongles. - Calmez-vous donc ! Que craignez-vous ?? Villon n?est plus qu?un poseur, un ? h?doniste ? comme la plupart des Tor?adors !? Il y a dix ans encore, il m?aurait inqui?t?, mais maintenant non? D?ailleurs, depuis les ?v?nements de 1998, c?est d?Hubert qui a pris les choses en main. Villon, lui, se laisse vivre. - Que leur avez-vous dit ? - Ah ah ! Je leur ai fait mon grand num?ro ! du cabotinage pour music-hall !? Ils m?ont pris pour un acteur victime de son r?le. Mais quand je leur ai parl? de Saint-Germain en Laye, l? ils ont tiqu?. Surtout le Ventrue. Ils ont senti que je n??tais pas demeur?, que j?avais encore des oreilles o? il faut. - Nous jouons sur la corde raide, Lucien? Je me demande si? - Si quoi ? - S?il ne faudrait pas revoir nos ambitions? Lucien posa son verre sur un gu?ridon, se leva vivement et dit : - Que voulez-vous dire, Tropovitch ? Vous voudriez annuler maintenant ? Mais c?est impossible ! Impossible !? Il est trop tard pour vous montrer pusillanime cher ma?tre de musique ! La soir?e ? l'Op?ra aura lieu, quoiqu'il arrive. La partition est entam?e : il faut l'ex?cuter jusqu'au final. - Mais nous parlons de meurtre, de sang, de diablerie? - Croyez-vous que cela ait jamais arr?t? un vampire ?? La diablerie est interdite, mais nous savons tous qu?elle est le d?lice supr?me auquel puisse go?ter un ca?nite !? La diablerie est interdite, sans quoi tous les Brujah et tous les Anarchs du monde sauteraient ? la gorge des plus Anciens? Mais go?ter le sang d?un fils de Ca?n est un bonheur que les plus intr?pides ne pourront pas s?emp?cher de d?sirer, vous comprenez ?? - Bien s?r, mais? - Alors cessez de vous faire des scrupules ! Vous ?tes bien na?f si vous croyez qu?un vampire doit toujours ?tre ? humain ?? Non. Nous ne sommes plus des mortels, Tropovitch ! Nous sommes devenus des b?tes. Les humains sont bestiaux ? leurs heures. Eux aussi d?vorent. Et nous, nous n?avons plus l??cueil de la mort qui nous attend !? Nous ne savons plus quand la b?te en nous rel?ve la t?te, et quand l?humanit? fl?chit l??chine !? ![]() - Vous parlez comme ces Lasombras? fit Tropovitch en baissant la t?te et en regardant le fond de son verre. Lucien lui marchait dans la pi?ce, serrait les poings, s?animait d?une vigueur tragique. - Non, je ne suis pas encore du Sabbat ! Parce que je n?ai pas renonc? aux prestiges des masques ! - Vous ha?ssez le naturel? - Non, Tropovitch ! Non !? Mais je ne suis pas seulement un animal plein de rage, expos? ? la peur et aux hasards de l?obscurit? !? et je vous le prouverai ? l?Op?ra ! Vous sentirez alors combien j?avais raison ! Je m?nerai ma politique jusqu?au bout, m?me si cela d?plait ? Villon et ? sa clique ! - Les Judicars vont avoir notre peau, comme ils ont d?j? eu la peau du Ravnos et du Gangrel ! - Ne me faites pas rire avec ces deux-l? ! Ils n??taient pas de notre carrure. Et contre nous, les services du Prince se casseront les dents. - Comment comptez-vous op?rer ? - Le public verra tout, et il ne verra rien ! Il applaudira au sublime, au merveilleux de Mozart. il aimera la Reine de la Nuit, et il la verra succomber. Et le Prince d?couvrira l?immonde? Ils se croiront ? l?op?ra, et ils se retrouveront dans le burlesque, int?ressant, non ? - Et vos hommes sont d?j? ? Venise ? - Ils sont m?me sur le chemin du retour, figurez-vous : ? l?heure qu?il est, mes goules conduisent les corbillards qui les ram?nent. Et ils reviennent avec la plus belle perle de la lagune : froide comme un serpent, noire comme l??b?ne? - Mais vous vous rendez compte !? M?me les Tzymices h?siteraient ? engager les services d?un Assamite ! - Vous n?aurez rien ? craindre Tropovitch! Je serai l? pour ma?triser tout le d?roulement de notre sauterie? - Et vous ne craignez pas les fausses notes ?? - Moi aussi ? ma mani?re, Tropovitch, je suis un ma?tre de l?improvisation? Lucien ricana de bon c?ur, et finit d?une gorg?e son verre. Le musicien, tout en fixant droit dans les yeux Lucien, approcha sa main des touches du piano, et joua quelques notes de marche fun?bre. Lucien en rit de plus belle, avant de se servir un autre verre. Eblouissant, un bateau glissa sur la Seine, moussant l?eau de sa lumi?re, qui gicla aux alentours sur les b?timents, ainsi que des couronnes de lauriers blancs, sur les deux Sires ca?nites qui devisaient sur l??le Saint-Louis. ![]() A suivre... ![]() Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 22-03-2003 HISTOIRE DE LAURA-GABRIELLE CERVANTES (suite) 2EME PARTIE : DRAME EN COULISSES LE DOMAINE BATHORY Une semaine plus tard, dans la nuit du 14 au 15 d?cembre, Aladax Lucinius ?le guide nocturne du Louvre, qui avait crois? la silhouette gla?ante de Lucien dans les sous-sols pr?s de la crypte de Villon ? se rendait au Mus?e Gr?vin. Il frappa ? la porte, resserra le col de sa cravate, remit droit son chapeau de feutre, toussota. On ouvrit : il entra et fut accueilli par une des goules de l?occupante des lieux, la Comtesse Constance Bathory. - Bonjour G?rard. - Ah ! Monsieur Lucinius ! Venez donc ! Mademoiselle Bathory vous attend. G?rard la goule ?tait un des guides du mus?e. Il devait approcher la cinquantaine, il ?tait r?serv?, poli, aimable et devait ?tre de la famille des Toulemonde par une ascendance sur de nombreuses g?n?rations. - Je n?aime pas cet endroit? j?en ai de mauvais souvenirs. Lucinius regardait avec des restes de frissons les statues de cire, laides dans l?obscurit?. - Allons bon, fit G?rard par plaisanterie. Ces statues ne vous ont pas saut? ? la gorge au moins ?? - Pas loin, dit le jeune Tor?ador qui se revoyait quatre ans auparavant, alors qu?il ?tait encore mortel, pris dans la farce burlesque-tragique qui s??tait d?roul?e dans ces lieux. - Oh, je puis vous assurer qu?ils savent se tenir tranquilles, monsieur ! J?y veille de pr?s? - Je l?esp?re, dit Lucinius, inquiet, alors qu?il regardait les statues de footballeurs. ? Ces ?uvres, se disait Lucinius, veulent trop imiter le r?el pour ne pas ?tre laides. Zidane a l?air bien tranquille ici : s?il savait ce qui s?est pass? ici, le soir o? il venait de gagner la coupe du Monde !? Ah la f?te n??tait pas que sur les Champs ! ? ![]() Lucinius fut amen?e par un passage souterrain vers le sous-sol d?une maison bourgeoise, dans une rue ? l??cart de l?agitation des Grands Boulevards. On se trouvait sur le 4e c?t? d?un carr? dont les trois autres angles ?taient respectivement le Mus?e Gr?vin, les Folies Berg?res et? Notre-Dame de Lorette ! - Tout l?univers de Constance Bathory tient dans ce carr?, se disait Lucinius. Il ?tait vrai que la Comtesse Ventrue ne pouvait boire que du sang de femmes pieuses, qui comptaient sur la religion pour refroidir les ardeurs inavouables qui les hantaient ; le lieu de chasse de pr?dilection de la Comtesse Bathory ?tait donc l??glise de Lorette, toute proche : la Bathory se faisait passer soit pour une bigote, soit pour une illumin?e, selon la mani?re dont elle voulait approcher ses victimes, entre les piliers froids et les prie dieux o? l?on marmottait des supplications. La Comtesse aimait aussi chasser parmi les femmes qui venaient ? s?encanailler ?, en regardant les spectacles de jupons rouges qui se soulevaient comme des gerbes de plumes de flamands roses, de paons d?guis?s, comme des sexes de femmes et des coquelicots tout chauds : elle aimait donc les Folies-Berg?res, et ne se lassait pas de voir depuis des d?cennies la m?me revue, remise au go?t du jour tous les cinq ans. Enfin, le Mus?e Gr?vin ?tait sa chasse gard?e de Bathory, et toute la Camarilla le savait : c??tait son territoire, son domaine o? elle r?gentait ses affaires, ses trafics, ses n?gociations et ses intrigues politiques. - La Comtesse a fait tout refaire chez elle r?cemment, demanda Lucinius, dont la voix r?sonnait dans ces souterrains. - Ah exactement monsieur ! ?a ?t? un sacr? chantier ! du pl?tre, de la poussi?re, du bruit ! Mais maintenant, tout est rentr? dans l?ordre, et le salon est poli comme un sou neuf ! La Comtesse inaugurera bient?t ce salon par une soir?e ? th?me. - Ah tiens donc ! Voil? qui sera distrayant? G?rard pr?c?da Lucinius dans une cave encombr?e de cuves de produits chimiques, d?instruments de mesure, de cornues, de fioles et de bocaux, d?ordinateurs, d?oscilloscopes, de chaises de dentistes et autres appareils de Frankenstein ? la mode du 21e si?cle. - Ses recherches avancent ? - Ouhl? monsieur, je vous en prie, ne me posez pas la question : poser l? directement ? Madame, ou ? Mademoiselle : je ne me m?le pas de ce qui sort de cet attirail ! Je me contente de le nettoyer quand on me le demande. G?rard monta ? une ?chelle en bois et frappa au plafond : un soupirail s?ouvrit ; G?rard souffla quelques mots ? une autre goule, puis fit signe ? Lucinius qu?il pouvait monter. ![]() Le Tor?ador remercia les deux goules, leur glissa un billet ? chacun, les laissa s??clipser par la cave. Il se trouvait dans un petit d?barras plein de cartons, qui donnait sur une arri?re-cour. Il ouvrit discr?tement la porte, passa dans un long couloir nu. Il passa pr?s d?une porte entreb?ill?e : derri?re, un salon de causerie. La Comtesse ?tait l?, assise, sur un fauteuil Louis XVI, en discussion avec un homme. Lucinius osa un coup d??il plus avanc? : l?homme parlait avec d?termination, mais Lucinius ne comprit pas le sens de la conversation, ni ne reconnut l?homme. Une voix, qui criait dans un murmure, surprit soudain notre Tor?ador : - Aladax ! Qu?est-ce que tu fais ? ?couter aux portes ! Une porte s??tait ouverte dans le couloir, derri?re Lucinius : - Nom de !? Lize ! - Allez, viens vite ! Lucinius laissa la conversation et alla ? la chambre : la fille qui venait de l?appeler ?tait Lisbeth Bathory, l?infant de la Comtesse. Lucinius et Bathory s?aimaient d?j? quand ils ?taient mortels. Apr?s plusieurs p?rip?ties, ils en ?taient venus ? se faire ?treindre pour vivre leur amour sans craindre la mort. Mais Eros les avait aveugl?s sans doute, car, si la vampirisation avait insuffl? des forces nouvelles aux sens artistiques de Lucinius et ? l?intelligence pour les intrigues de Bathory, elle les avait priv?s de leur sexualit?. Mais ils ?taient encore frais : leur humanit? palpitait encore. Ils n??taient pas comme les plus anciens, qui ressemblaient ? des chrysanth?mes p?trifi?s par la tristesse d?un cimeti?re. Lucinius et Lisbeth vivaient donc un amour qui n?avait de platonique que la chastet?. Bien s?r, ils continuaient ? imiter, comme les humains, les passions de l?amour, des charmes, du manque et des retrouvailles. Mais leurs mauvais instincts avaient pris de la vigueur aussi. Aladax savait ?tre plein de sautes d?humeurs, de col?res, de maladresses, tandis que Lisbeth avait des petites haines comme on a ses petits secrets, elle avait des caprices, des intol?rances, elle jouait souvent l?indignation, elle aimait exprimer le oui en souhaitant le non, elle aimait ?tre insupportables et inventer mille charmes pour se faire pardonner. Ils avaient gagn? en quelques mois plusieurs d?cennies de d?sillusions sur l?amour. Ils tiraient un trait sur la na?vet? radieuse de l?amour? Lucinius et Lisbeth s??taient d?j? travestis : ils avaient chang? de sexe, et, le visage poudr?, ils avaient grim? leurs apparences, ils s??taient cach? parmi les statues de cire de Gr?vin. Ils jouaient les cr?atures blafardes. Ils voulaient passer pour des Nosferatus, par certaines nuits o? la lune ?panchait ? plaisir sa blancheur suave. Ils avaient encore les canines fra?ches, non pas comme les plus Anciens ca?nites, dont la bouche s??tait remplie du sang d?innombrables g?n?rations de nombreux pays. Leur go?t ?tait encore ?pre, parfois glouton, tr?s vert. Les Anciens aimaient afficher vis-?-vis des nouveaux n?s les passions endurcies de l?exp?rience, les ressentiments ? froid qu?ils avaient ?prouv? et longuement rem?ch?s, ou encore les d?ceptions, ou les intuitions p?n?trantes sur la nature humaine : ils parlaient comme de vieux ours qui sentent venir leur dernier hiver? ![]() - L?homme avec qui discute la Comtesse, dit Lisbeth ? voix basse, est Armand d?Hubert, le Primog?ne Ventrue. - ?a doit ?tre important, alors? - Oui. Si tu les avais d?rang?s, pour le coup, ils t?auraient trucid? ! La chambre de Lisbeth ?tait d?cor?e comme si l?occupante devait ?tre une enfant mod?le, ? l?imitation d?une fille au paire pleine de sentiments charitables. La Comtesse avait fait am?nager la chambre ainsi, pour n??veiller les soup?ons de personne parmi les mortels qui avaient particip? aux travaux. Lisbeth comptait bien changer ce d?cor victorien ! On ?tait pas chez la Comtesse de S?gur. Lucinius posa son manteau sur le lit, s?avan?a vers Lisbeth pour qu?elle remarque chez lui un changement. Elle ne le vit pas, trop empress?e de faire d?couvrir au Tor?ador son domaine : - Regarde : l? je mettrais mes produits de toilette, l? ce sera pour mes robes de soir?e : dans ce placard, ce sera parfait. L?, j?aurai mes livres, j?esp?re qu?ils tiendront tous ; si j?ai de la place, l? je mettrai un aquarium de poissons d?eau chaude : ce sera tellement plus color?e ! Et l?, dans ce coin, je mettrai mes scalpels, tous mes instruments de chirurgie... Tu sais que G?rard m?a ramen? encore de superbes crapauds du bois de Vincennes : je les diss?que dans la cave pour le moment, ou ? la cuisine. Et la Comtesse m?a promis que bient?t, je passerai ? des mammif?res plus gros?et plus tard ? des humains? ajouta t-elle, comme si elle go?tait par avance ? une g?terie. - Des humains ? Et la Comtesse veut autoriser ?a ! - Que tu es na?f vraiment ! Tu crois que l?existence de Vampire n?est faite que de contempler b?atement la Joconde ! - Je n?aime pas la Joconde ! - Et tu n?aimes pas non plus les plaisirs de la non-vie, voil? tout ! Lucinius chantonna : - Constance est en bas, qui fait d?la mort aux rats, Lisbeth est en haut, qui diss?que un crapaud ! - H? l? mon pote ! un ton en dessous ! on ne dit pas ? Constance ? mais ? la Comtesse ? ! - Ne m?accroche pas comme ?a par le col ! Tu vas froisser mon nouveau costume? fit fi?rement le Tor?ador. - Un nouveau costume ? Tiens mais oui !? Lisbeth inspecta le Tor?ador. Et il vient de chez Yves Saint-Laurent, dis-moi ! - Euh oui, fit Lucinius en bombant le torse, tu ne crois pas que je vais m?habiller chez un quelconque fripier? ou m?me chez un snobinard du marais ! Il se dressait sur ses ergots, il jouait la posture aristo. - Tu m?as l?air bien pr?tentieux ce soir !? - Oui, mais heureusement, me faire arriver par le soupirail de la cave m?aide ? relativiser les choses ! - Oh, excuse-moi, fit Lisbeth, en balayant le reproche d?un revers de main? La Comtesse a insist? pour que ton arriv?e soit discr?te. Elle ne voulait pas que d?Hubert voit un Tor?ador chez elle. - Oh c?est ridicule ! - Oui mais c?est comme ?a ! conclut Lisbeth. Alors, tu avais quelque chose ? me dire? - Alors quoi ? s?exclama Aladax. Pour commencer, je suis venu te voir, et c?est tout l?effet que ?a te fait !? Nous ne nous sommes pas vus depuis plus d?une semaine, et mademoiselle ne donne pas signe de vie ! - Mais j?ai ?t? tellement occup? par ces travaux? - Oui, et par tes dissections, et par les pr?parations chimiques de la Comtesse. Sans doute des lotions de beaut? maison. - Oh ?coute, la Comtesse a eu besoin de moi : tu sais, elle s?int?resse aux minutes du proc?s de la Voisin? l?empoisonneuse sous Louis XV ! - Et alors ? - Alors, j?ai lu ?a, et les minutes des proc?s de l?affaire des Poisons, des autres femmes impliqu?es : j?en ai extrait ce qui int?ressait la Comtesse, voil?? Pour le moment, elle va juste essayer ses pr?parations sur des animaux d??gouts. Elle va engager des Nosfe pour en attraper. - Elle renonce aux lupins ? - Oh oui je crois ! Elle en a assez vu avec ceux-l? ! - Et apr?s les rats et les chats de goutti?re, ? qui va t-elle s?attaquer ? demanda Lucinius sur un ton qui sugg?rait une nette d?sapprobation. - Mais sans doute aux g?neurs? et puis un peu sur des gens comme ?a, pour essayer? - Ah oui, je vois : tout ?a est entre gens de bonne compagnie, et un empoisonnement de ci de l? n?a jamais provoqu? de drames ! - Mais si tu n??tais pas si timor?, si contemplatif, tu d?couvrirais qu?il y a une vie sortie des all?es de la peinture italienne ! - Oh oui, des anarchs, des Brujahs, des Malkaviens enrag?s, des gens du Sabbat ! quelle fr?quentation !? Lisbeth contint l?agacement qui la piqua alors, se versa un verre de sang, en proposa un ? Lucinius sur un ton qui n?admettait pas de refus, s?assit ? son bureau et dit : - Bon, pourquoi es-tu venu me voir ? Pas seulement pour me faire la morale sur nos exp?rimentations ? - Oh, je d?teste quand tu es s?rieuse ? ce point ! J?ai l?impression d??tre ? un entretien d?embauche. Lisbeth ne r?pondit rien : elle sirotait son verre, en attendant la suite. ![]() LUCINIUS A CONTRE-EMPLOI - Tr?s bien, dit le Tor?ador, son verre ? la main. Je suis venu d?abord pour te donner ceci? Il sortit de la poche de son costume une enveloppe : - De la part de Sire Tropovitch. - Oh, une place pour l?Op?ra !? le 20 d?cembre, la Fl?te Enchant?e. Merci beaucoup. Le visage de Lisbeth passa de l??nervement ? la reconnaissance sinc?re : une ?motion chasse l?autre. - J?esp?re que tu pourras venir. Ce sera la ? premi?re ?, sourit Lucinius. - Mais bien s?r. Et toi, tu viendras ? - Evidemment. Comment est-ce que je pourrais rater ?a, alors que c?est mon propre Sire qui dirigera l?orchestre ! - Oh l? l? ! Tu dois ?tre fier ! - Et comment ! Je serai aux premi?res loges, c?est lui qui me l?a dit ! Et il y aura tout le gratin parisien des mortels? Lisbeth esquissa un soupir d?indiff?rence? - ? et le Prince Villon avec sa cour. - Non ? Sans rire ? Les yeux de Lisbeth brill?rent. - Et oui ! reprit Lucinius. Et pas que des Tor?adors ! Non, les Ventrues aussi sont invit?s ! - Il y aura le conseil Primog?ne ? - Oh certainement? plus d?autres sommit?s. Quelle occasion de me faire conna?tre ! Tropovitch a promis de me pr?senter ? plusieurs personnalit?s : tu connais Elisabath d?Orval ?? - La Primog?ne Tremere ? - Oui, Tropovitch est un bon ami ? elle. Et je ne t?en dis pas plus pour le moment? - Oh tu me pr?senteras aussi ! - Peut-?tre, peut-?tre, mais seulement si? - Si quoi ?? - Si tu me laisses partager les secrets de la Comtesse ! - Quoi ? quels secrets ? - Oh, ne fais pas l?enfant ! je veux conna?tre les recherches qu?elle poursuit ! les grimoires, les fioles, les ordinateurs, tout cet attirail, ?a sert ? quoi ? - Mais enfin ?a ne te regarde pas. Et puis d?abord, je ne le sais pas moi-m?me. Je t?ai dit qu?il y avait des poisons? - Mais il n?y a pas que ?a? insinua Lucinius. - Oh, je n?en sais pas plus. Lisbeth d?tourna le regard, but son verre. - A ta guise? Je te laisse r?fl?chir jusqu?au 20 d?cembre. Mais tu sais, il para?t qu?une Tremere comme Elisabeth d?Orval appr?cierait beaucoup une jeune Ventrue comme toi. - Oh ?coute on verra hein ! Pr?sente-moi d?abord, puis je t?en dirai plus sur les grimoires de la Comtesse? - Entendu, sourit Lucinius. ![]() Lisbeth se versa un autre verre de sang. - Il n?est pas de la meilleure qualit?, dit-elle, d?un air las : il vient d?un h?pital ; la Comtesse ne me laisse pas boire sur son troupeau, et je suis fatigu? de boire le sang de G?rard, qui est tellement insipide. J?ai donc achet? ces poches, pour me changer de l?ordinaire. - Ressers m?en donc? Il est vrai qu?il n?est pas de premi?re fra?cheur, dit Lucinius en claquant sa langue sur son palais, et que j?en bois du meilleur avec Tropovitch apr?s les r?p?titions, ou avec le troupeau que mon domestique rabat? - Vante-toi donc !? Oh, si j?avais moi aussi un domestique ca?nite ! Moi aussi je pourrais pavaner. - Ah parfaitement. Tu sais, la modestie n?est pas le fort de nous autres Tor?adors. Nous vivons dans la passion ; la modestie, c?est bien bon pour les mortels, ou les Gangrels en torpeur... Mais n?en parlons plus? Je suis ici pour te demander un service? - Quelque chose plein d?ambition j?imagine ? - Oui. Je voudrais que tu parles ? la Comtesse, et que tu la persuades d?accepter l?invitation que voici ?Lucinius tendit une autre enveloppe ?. Elle vient de Tropovitch, accompagn?e de ce mot. Je voudrais que tu en parles ? la Comtesse, et que tu la persuades de venir. - Lucinius, dit s?v?rement Lisbeth, tu sais tr?s bien que c?est inutile. La Comtesse ne voudra jamais accepter, m?me si je lui demande personnellement. - Mais enfin pourquoi ? - Arr?te, tu le sais tr?s bien. Parce que cette soir?e n?est pas organis?e que par Sire Tropovitch, mais aussi par cet horrible personnage? le Sire Lucien !? - Allez, tu en parles de ce Lucien comme une d?vote qui se signe furtivement en ?voquant Belz?buth !? Moi je suis s?r qu?il n?est pas si effrayant qu?on le dit, ce Hieronymus Lucien. - Ah ne prononce pas ce nom ici ! Interdiction ! La Comtesse l?entendrait ? des kilom?tres ! Elle le d?teste depuis si longtemps qu?elle a l?oreille affin?e pour percevoir le nom de ce d?mon S?thite ! - Mais Lucien n?est pas un d?mon S?thite, dit Aladax en se for?ant ? rire, c?est un Vampire ancien, voil? tout ! - Ah oui, et pourquoi tout le monde pr?tend qu?il est li? au culte de Seth ? Tu peux me le dire ? Il suffit de laisser tra?ner les oreilles, et tout le monde te le confirmera !? D?ailleurs, qui sait d?o? il vient ce Lucien? ? quel clan il appartient ? tu le sais toi ? - Non, ?videmment. Ce n?est pas mon Sire, mais je suis persuad? qu?il y a dans Paris des vampires plus ?g?s et plus dangereux que lui ! - Arr?te, Lucinius, tu m?inqui?tes ! fit sombrement Lisbeth. - Oh, ne fais pas ta mijaur?e ! Il se trouve simplement que Lucien et Tropovitch sont amis depuis une dizaine d?ann?es ! - Oh oui, et aujourd?hui, tu viens de la part de cet adorateur de Seth ! Tu fais partie de leur complot maintenant ! Monsieur Lucinius joue dans la cour des grands? Je me demande pourquoi je te re?ois, alors que tu es du parti ennemi des Bathory ! - Mais calme-toi ? la fin ! fit le Tor?ador en s?effor?ant de rire (jaune) ; tu t?emportes, tu racontes n?importe quoi ! - Tu ne devrais pas rester ici plus longtemps, Lucinius? d?clara l?infant. ![]() - Ah tu me chasses maintenant ?s'exclama Lucinius. Tr?s bien, c?est moi qui m?en vais dans ce cas, fit Lucinius, en enfilant son manteau. Il jouait expr?s l?indignation. Je compte quand m?me sur toi pour parler ? ta ma?tresse ! Si tu m?aides maintenant, je pourrai te faire d?couvrir des myst?res qui vont au-del? de tes exp?riences de sciences nat? ou de chimie amusante? - Ah oui ? et quoi par exemple ? - Je t?en ai d?j? parl?? Lucinius marqua un silence, et murmura : les esprits des souterrains ! les Ombres !? Allons, je dois filer. Pense ? ce que je te proposes. Lisbeth ?tait partag?e entre sa haine de ce qui, chez le Tor?ador, touchait de pr?s ? Lucien et sa curiosit? br?lante pour ce qui touchait aux arcanes et aux souterrains. Lucinius ouvrit la porte de la chambre, passa dans le couloir sans bruit. La conversation entre la Comtesse et d?Hubert se poursuivait. Lisbeth accompagna Lucinius jusqu'au soupirail, l?embrassa enfin. Lucinius murmura encore ? Lisbeth d?essayer d?interc?der ; celle-ci promit, puis s?en mordit les l?vres, une fois le Tor?ador partit dans la cave. Elle se jura qu?Aladax lui revaudrait cher, oui tr?s cher, ce service? ![]() L'IMPENETRABLE FRISSON Pench? au dessus d?un chaudron ?norme comme une cuve brumeuse, o? s?amalgamaient et se d?chiraient des ectoplasmes, Ma?tre Fantas le Tremere touillait ce bouillon magique d?une baguette charg?e d??clairs. A c?t? de lui, Hieronymus Lucien surveillait ce rago?t magique. La cuve reposait sur des flammes noires qui d?gageaient des fum?es bleut?es ; la vapeur qui s??chappait de la cuve montait au plafond ; la cuve semblait gonfler, se r?tracter, respirer, et comme une casserole qui bout, elle expulsait des d?chets, de petits geysers de liquide infect, tandis que de grosses cloaques venaient ?clater ? la surface, ? la mani?re d?yeux tordus de d?mons. Fantas remuait cette soupe de tourbe mar?cageuse, avec le soin d?un grand chef. - Il ne vous manque que la toque, dit Lucien gravement. - Vous me flattez, Sire. Fantas sortit la baguette de ce bouillon, la mit ? refroidir sur un pr?sentoir, puis plongea une grosse cuill?re, et la mania avec la force d?un rameur qui veut extraire sa barque de sables mouvants. Il d?tournait le regard pour ne pas respirer trop les vapeurs toxiques qui s??chappaient de la marmite d?enfer. - Je sens que cela prend bonne tournure, Sire? Notre soupe au clou sera bient?t pr?te. Fantas touilla encore la pr?paration : il devait produire un effort semblable ? celui n?cessaire ? remuer un chaudron de fondue savoyarde. - Et voil? pour parfaire cela, dit le Tremere. Il prit une grosse sali?re et versa une poudre argent?e, qui eut pour effet de secouer la mixture inf?me : prise de secousses, comme un ?pileptique, l?horrible liquide visqueux manqua d?border. Fantas referma aussit?t un couvercle en fonte sur la marmite. La pi?ce, que n?avait ?clair? que la soupe phosphorescente, fut plong?e dans l?obscurit?. On entendait le chaudron vrombir comme une chaudi?re. - Je pense que nous allons laisser mijoter ? feu doux pendant quelques jours, affirma le Tremere. - Parfait, parfait, dit avec app?tit Lucien. Vous avez bien travaill?, ma?tre Fantas. - La cuisine est mon violon d?Ingres? Si le plat est relev? de quelques ?pices de ma sp?cialit?, alors l?, je n?ai plus mon ?gal sur Paris, dit le Tremere en s?inclinant. - Tant mieux, dit Lucien, dans un grand sourire carnassier. Venez, nous allons nous sustenter : je suis s?r que le troupeau piaffe d?impatience. Fantas se retourna vers le chaudron, contemplant fi?rement sa cuisine qui ronronnait dans le noir. Il vit soudain deux ?clats de diamants luire pr?t du chaudron. - Sire? dit-il inquiet? - J?ai vu, r?pondit Lucien. ![]() Ce dernier se pr?cipita vers ces ?clats : un feulement lui monta dans la poitrine, comme pour un fauve qui va bondir. Lucien vit un cobra noir comme le jais, brillant, qui s?enroulait pr?s du chaudron : il voulut le saisir, le cobra se d?tendit, ?chappa aux griffes de Lucien. - Ne joue pas avec moi, rugit Lucien. Le serpent ?chappa une deuxi?me fois ? la pr?hension de Lucien. Fantas s?empara de sa baguette chauff?e ? rouge qui refroidissait. Il se mit dos au serpent ; Lucien avan?a vers l?animal, qui se trouva encercl?. Fantas le piqua du bout de sa baguette. Le cobra se d?tendit dans un r?flexe, siffla de douleur? et sauta au visage du Tremere ! Lucien ne laissa pas le temps au cobra de s?enrouler autour de la gorge de sa victime. Il l?attrapa vivement. La b?te ?tait terrifiante, fantastique ; son regard vous foudroyait comme sa morsure. Le cobra voulut se d?battre, fr?n?tique comme un tuyau d?arrosage, mais Lucien l?attrapa par le col, par la queue, le tendit comme une corde, et le jeta au loin. Le serpent atterrit souplement et se redressa. - Assez maintenant ! cria Lucien. Un nuage de fum?e enveloppa soudain le serpent. La seconde d?apr?s, ? la place de l?animal se tenait l?assassin Assamite, Laura-Gabrielle de Cervant?s. Elle toisait Lucien d?un regard haineux. Elle tendit le bras vers des couteaux de cuisine, qui vol?rent vers elle. Elle en prit deux en mains, les soupesa, se mit en garde. Lucien sourit. - Tu n?as pas encore compris, petit Assamite? Je t?ai engag?e pour une mission pr?cise. D?ici l?, tu vas te tenir ? carreau. L?Assamite siffla comme le cobra, avan?a de quelques pas. Lucien d?noua sa cravate, jeta sa veste. - Reculez ma?tre Fantas? Lucien fit face au cobra. Ses mains se transform?rent en pattes de loups, ses canines pouss?rent, ses yeux se remplirent de sang, tous ses muscles se tendirent. Il devenait bestial : des cornes de bouc pouss?rent au-dessus de ses oreilles, un pelage envahissait sa figure. Sa voix se fit grognement. L?Assamite, sans peur, bondit vers cette puissante chim?re. Ma?tre Fantas avait recul? de plusieurs pas, effray?. Dans l?obscurit? glac?e, il assista aux ?treintes guerri?res de l?Assamite cobra, face au monstrueux Lucien. ![]() Cervant?s le serpent attaqua : elle ?tait si rapide qu?elle n??tait que crocs, langues, lames, crochets et griffes ! Elle se tordait, esquivait souplement, bondissait, lan?ait ses coups avec rage, elle piquait, mordait, sans rel?che sur le formidable fauve qui s?opposait ? elle. Lucien ne pouvait contenir les assauts impitoyables de l?Assassin : il reculait, il sentait les mordures s?enfoncer dans sa chair ; il saignait en plusieurs endroits, et les coups de son ennemi furieuse venait aigrir les plaies de venin et de coups de lames. Elle ponctuait ses attaques de cris aigus, sa langue sifflait comme ses lames ; elle para?t, se cambrait, se fendait, se d?tendait comme un ressort meurtrier ; elle harcelait, prise de la fr?n?sie du sang ; elle multipliait les attaques, ainsi qu?une hydre dont chaque t?te coup?e repousse ? trois exemplaires, et qui d?cha?ne toutes ses m?choires, dans des claquements affreux. Lucien ployait sous les coups, tr?bucha contre une mauvaise dalle, tomba ? la renverse sur le dos. Il avait entaill? la cuisse et la poitrine de l?Assamite, qui s?excitait encore plus ? la rage quand son sang coulait. Elle se dressa comme un cobra victorieux devant Lucien. Fantas n?osait pas bouger : mais l?Assamite allait mettre ? mort son adversaire ; selon le rituel Assamite, elle allait l??gorger, puis se repa?tre de son sang, le diaboliser longuement, dans la jouissance de l?h?moglobine et de la mort, puis abandonner une carcasse ass?ch?e. La silhouette fine, magnifique de Cervant?s le serpent se dressait l?, dans l?obscurit?. L?Assamite saisit un poignard ? deux mains, visa le c?ur de Lucien, qui trempait dans une flaque rouge, chim?re sanguinolente. La lame froide aurait d? tailler le c?ur. Mais l?Assamite n?eut pas le temps d?ex?cuter son geste : Lucien sauta ? la gorge de son adversaire comme un diable jaillit de sa bo?te. Il gisait ? terre la seconde avant, et il s??tait relev?, m? par une force surnaturelle. Cervant?s sentit les griffes de loup de Lucien se refermer sur sa gorge comme une gueule : elle enfon?a son poignard dans l?abdomen du monstrueux ca?nite, qui d?goulinait de sang et de bave animales. Lucien ne fl?chit pas : elle l?enfon?a encore plusieurs fois. ![]() Lucien crachait du sang apr?s chaque coup, son visage se m?tamorphosait en celui d?un bouc qui souriait hideusement, sa musculature grossissait encore, ses griffes de loup poussaient encore, un brasier vigoureux le parcourait, qui s?accroissait avec les efforts malheureux de l?Assamite pour abattre ce monstre. Lucien la repoussa en arri?re : elle vit le corps du monstre qui saignait des dix coups de poignard qu?elle venait de lui ass?ner. Lucien, plus b?te qu?humain, respirait d?un souffle charg? de haine. Il mesurait maintenant pr?s de trois m?tres de haut, sa peau devenait ?cailleuse, une pilosit? dense poussait sur tout son corps, ses cornes poussait et s?aff?taient, ses jambes se tordaient pour donner des pattes de bouc. L?Assamite regarda, ?bahie, des ailes effil?es et cern?es de dents pousser ? partir des omoplates de Lucien, dans un craquement d?go?tant. Le ca?nite lui lac?ra alors le visage de ses griffes dures comme l?acier. L?Assamite fut envoy?e ? terre, se cogna contre la marmite qui grondait de col?re. Lucien, qui avait quitt? toute ressemblance avec un humain, fit quelques pas vers elle et dit : - Tu ne dois pas te mesurer ? moi, Laura-Gabrielle l?Assamite? Tu n??tais pas n?e que je connaissais d?j? un bouc, une chauve-souris et un hibou qui m?ont appris les secrets des b?tes? Maintenant, tu vas te soumettre ? moi pour accomplir le meurtre ? l?Op?ra de Paris, est-ce bien clair ? - L?Assamite se releva vivement, tourna les talons, pour fuir de la pi?ce ? toutes jambes. Elle n?avait pas fait trois m?tres qu?elle re?ut un fort coup sur la t?te, qui la mit KO. Ma?tre Fantas venait de la frapper de sa baguette. Il la frappa encore une fois, ce qui la transforma en cobra, puis l?enferma dans un coffre blind? dont il verrouilla l?ouverture. ![]() Hieronymus Lucien, qui avait repris son aspect ? normal ? s?approcha du Tremere et dit calmement : - Tr?s bien, Ma?tre. Je pense que la le?on a ?t? salutaire? - Nous devrions jeter cet assassin dans la marmite, Sire ! dit Fantas, inquiet, en toisant le coffre. Elle sera moins nuisible pour nous comme ingr?dient que comme alli?e? Lucien rit, et dit : - Non, Fantas? Si je t?ai envoy? ? Venise avec ta coterie, c?est bien parce que j?avais besoin d?elle. Elle vient de m?offrir la preuve qu?elle est un assassin redoutable. Nous allons la garder en captivit?, et le moment venu, nous la l?cherons comme on l?che la peste sur l?ennemi !? - Oui, fit Fantas, effray?. Ce coffre est la bo?te de Pandore de nos ennemis? - Exactement, dit Lucien en souriant ? belles canines, et comme de juste, une femme curieuse viendra ouvrir cette bo?te, pour y d?couvrir ce d?licat serpent de jais? Lucien ?clata alors de rire, pris Fantas par l??paule et l?emmena d?guster quelques calices de sang. Le Tremere se for?a ? rire, mais il se sentait aussi en s?curit? que dans la gueule d?un lion affam?. Il laissa le serpent prisonnier dans le coffre, pr?s de la myst?rieuse marmite qui chauffait sur des flammes verd?tres. A suivre... ![]() Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Gaeriel - 22-03-2003 alors l? j'hallucine compl?tement o? je vois un texte absolument monstrueux, non mais ce message en vaut o? je suis compl?tement fou Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 24-03-2003 HISTOIRE DE LAURA-GABRIELLE CERVANTES (suite et fin) 3EME PARTIE : UN SOIR A L'OP?RA MASCARADE Sous cette tendre et p?le araign?e, la lune, qui trempe dans une piscine de soie bleu, scintillent les flambeaux align?s de l'Op?ra, la bacchanale haussmanienne des grands magasins, l'orchestre baroque du tintamarre de la soir?e, les fourrures, les diamants chatoyants qui r?verb?rent sur les vitres et le pav?, sur la folie bouffe de l'agitation parisienne, dans la nuit qui ?tinc?le. Arrive une Rolls Royce d'enfer, chromes ardents, moteur feulant ravi, satyre r?joui, avan?ait comme le prince des dauphins au milieu des pr?dateurs grondants. L'Op?ra en ce soir de premi?re est un retable pa?en, le panth?on des danseuses ?toiles v?n?r?es et des saintes actrices. Chor?graphie ! Art lyrique ! sont nos mauvais larrons ! Voil? ce temple qui attire ? lui les processions de spectateurs ; voil? le Tout-Paris, voil? le gratin des grands boulevards ; voil? les marquis, voil? le monde des grands soirs. Les Muses danses, mutines, sur les toits ; la ville s'abreuve ? la fontaine de magie ?lectrique. Ce soir, les danseuses d?fieront les roses et les ?toiles, pr?s des fils d?or de la rampe. Le faste de la m?tropole s'?panche, majestueux. ![]() La Rolls d'Enfer vint se garer pr?s sur la place. On en vit descendre vivement, un personnage inqui?tant et superbe, qui attira sur lui tous les regards des invit?s, venus assister ? cette premi?re de la Fl?te Enchant?e. - Le voil?, enfin !, disait-on. - C'est lui, murmurait-on. J?r?me Saint-Luc? le m?c?ne, celui qui a mont? cette pi?ce? Un homme secret, mais tellement esth?te, tellement g?n?reux au fond ! Les ragots commen?aient : - Sa vie n'est pas exempte de zones d'ombres, mais quelle charisme ! On murmurait sur le parvis de l'op?ra, on murmurait dans les loges, chez les costumi?res, chez les ?lectriciens. La ville ce soir est un banc de murmures qui coule dans les profondeurs du vacarme. Plusieurs personnes all?rent vers Saint-Luc pour le saluer. Celui les ?vita poliment, pour aller vers un personnage d'allure emprunt?e, vaguement amus? du succ?s de Saint-Luc. - Marquis de la Villeferri?re, comment allez-vous ? dit ce dernier - Mais tr?s bien, et vous-m?me, monsieur Saint-Luc ? dit le Marquis, qui fumait n?gligemment avec son fume-cigarette. Il ?tait entour? de plusieurs ravissantes jeunes femmes. - On ne peut mieux. Je suis ravi de voir que vous ?tes venu en bonne compagnie. - Oui c'est vrai, l?cha avec un sourire paresseux le Marquis. Laissez-moi vous pr?senter la comtesse de Rothschild, le duc de Montpensier? - Enchant?, dit Saint-Luc. Nous nous ?tions d?j? rencontr?s ? ce gala de charit?, si je ne me trompe? - Ma foi, c'est bien possible, dit le duc de Montpensier. La comtesse de Rothschild salua et partit vers un autre groupe. Devant plusieurs quidams et journalistes qui prenaient des photos de ce caviar des nuits parisiennes, le Marquis de la Villeferri?re continua les pr?sentations : - J?r?me Saint-Luc, vous connaissez d?j? Elisabeth d'Orval? - Tout ? fait, dit Saint-Luc en posant un baisemain sur la jeune femme blonde au regard profond. Toujours avec son sourire plein de d?tachement, le Marquis pr?senta une jeune femme brune, qui rentrait son menton dans le col roul? de son pull. - Christina Giovan, je vous pr?sente mon ami J?r?me Saint-Luc. - Enchant?e, j'ai entendu parler de vous, longuement... dit-elle, avec un l?ger accent italien. - Voici Armand d'Hubert, un bon ami ? moi, dit le Marquis. - Comment allez-vous, dit Saint-Luc en serrant la main au s?v?re personnage. - J'appr?cie beaucoup la musique de Mozart, dit d'Hubert, raide comme un piquet. Je suis certain que nous passerons une excellente soir?e. Les flashs des journalistes people cr?pitaient comme la mitrailleuse d'Al Capone. Le Marquis posait complaisamment pour les photos, toisant de haut les journalistes, qui adoraient cette attitude de snob qui daigne s'abaisser ? ?tre pris en photo. Elisabeth d'Orval et Christina Giovan ne firent pas d'effort pour avoir la semaine d'apr?s leur portrait sur papier glac? : elles donn?rent le bras ? J?r?me Saint-Luc et entr?rent dans l'Op?ra. Voyant que la meute ?blouissante des journalistes s'acharnait, Saint-Luc pria aimablement les deux femmes de rentrer, d'aller s'asseoir aux places d'honneur qui leur ?taient r?serv?es. Puis il redescendit quelques marches et fit face au h?rissement de micros, de cam?ras et d?appareils photos qui se fit devant lui. Les journalistes, affam?s de confidences, serraient le rang en demi-cercle autour de Saint-Luc, s?agitant comme des gueux attendant qu?on leur donne leur pain quotidien. Les question fus?rent : - Monsieur Saint-Luc, que pensez-vous de Mozart ? Pourquoi la Fl?te Enchant?e ? Savez-vous que Maurice B?jart montera la m?me pi?ce en avril prochain : est-ce un choix d?lib?r? de vous mettre ainsi sur le m?me plan ? Votre projet est-il financ? par des loges ma?onniques ? Que pensez-vous de la politique culturelle de l?actuel gouvernement ? Etes-vous pour la l?galisation des drogues douces ? Et la guerre en Irak : votre pi?ce n?est-elle pas un t?moignage ? Quel message voulez-vous faire passer ? La culture est-elle soluble dans la soci?t? du 21?me si?cle ? Saint-Luc laissa les questions fuser comme des p?tards, puis en souriant appela au calme les journalistes. On manquait se jeter sur lui, pour tout savoir, pour tout apprendre d?un coup ! lui ouvrir la bo?te cr?nienne pour y prendre toutes les opinions sur tous les sujets et les ?taler sur le papier ! - Messieurs, messieurs ! je vous en prie ! Un peu de raison. Si je monte cette pi?ce, c?est d?abord en hommage au divin Mozart, ? qui nous pensons tous ce soir. J?esp?re rendre une interpr?tation qui aurait plus ? notre cher Amadeus et je pense ce soir ? tous ceux qui aiment la grande musique et qui en connaissent le caract?re universelle ! voil?. Il acheva sa phrase sur une intonation magistrale et fit volte-face, triomphant et d?daigneux. Les journalistes voulurent lui courir apr?s, le prendre en chasse, lui en extorquer encore de l?information, le vider enti?rement !? Mais ils n?arriv?rent pas ? la bo?te cr?nienne. Des gardes du corps s?interpos?rent et firent reculer les indiscrets imp?tueux, qui devraient encore attendre pour entrer. Saint-Luc put enfin rentrer dans l?op?ra. Dans le hall d?entr?e, on voulut le saluer, on voulait le toucher, avoir son morceau de conversation avec lui. Il s?excusa encore poliment, passa rapidement au milieu des convives. On vit ? regret Saint-Luc passer une porte ?qui devait le mener vers les loges des acteurs. Derri?re, il tomba face au ? Marquis ?. Il fumait sa cigarette avec la m?me allure, entour? de deux gardes du corps et d?Armand d?Hubert. La porte se referma derri?re Saint-Luc en battant. - Alors, Sire Lucien, dit le Primog?ne Ventrue, gu?re avenant, votre soir?e est-elle pr?te ? - Tout ? fait, r?pondit le Ca?nite, m?fiant. Quel tour pendable cherchait ? lui jouer le Marquis, alias le Prince Villon ? Pourquoi ne pas gagner vos places, d?s maintenant, proposa Lucien. Je vais vous faire porter discr?tement des coupes de mon meilleur cru. - C?est bien aimable ? vous, dit Villon. Le Sire d?Hubert et moi-m?me esp?rions que tout se passerait ce soir sans? anicroche. - Naturellement, l?assura Lucien, sur la d?fensive. Nous sommes l? pour c?l?brer les trois M : la Mascarade, Mozart et la Musique ! - Tant ce cas, tr?s bien, r?pondit Villon. Nous nous verrons apr?s la repr?sentation, fit-il en tournant les talons lentement, mani?re de montrer ? Armand d?Hubert qu?il n?y avait pas plus lieu d?insister. Lucien les regarda s??loigner, emprunta un grand escalier, puis alla ? grand pas vers une loge discr?te, ? l??cart de celles des danseurs et des com?diens. On ?tait en quelque sorte dans les coulisses des loges, l? o? les journalistes, les admirateurs et les amants ne venaient pas, faisant des loges une annexe de la sc?ne et un endroit encore plus couru. Lucien entra vivement, apr?s avoir jet? un coup d??il dans le couloir, d?sert. L?int?rieur ?tait une petite pi?ce presque nue : une table, un frigo, une pauvre lampe. Assis ? la table, cinq hommes en bras de chemises, r?volvers en holsters, jouaient au carte pour tuer le temps, en buvant de la bi?re et en fumant abondamment. Cinq autres ?taient assis autour, ? v?rifier des fusils ? pompe. A la fen?tre, un autre comparse jetait des coups d??il intermittent ? travers le rideau. Tous s?arr?t?rent en voyant Lucien entrer. - Eh bien, dit-il, o? en sommes-nous ? - Tout va bien, monsieur, dit le chef de la bande, un type costaud, voix ?raill?e, assez ?g? avec une petite t?te et des cheveux gras et broussailleux. Nous sommes pr?ts. - Bon, tr?s bien. Vous ne faites rien sans mon signal. Dans l?id?al, je n?aurai pas besoin de vous. Je vous appellerai sur votre t?l?phone portable. - ?a va de soi, monsieur. On bougera pas d?ici de la soir?e, sauf si ce t?l?phone que j?ai dans la poche se met ? sonner. On est juste votre service de s?curit? priv?, monsieur. - Tr?s bien, dit Lucien, ? plus tard. Il ressortit, continua dans le couloir d?sert, inqui?tant de par son aspect froid, nu, qui contrastait singuli?rement avec le faste chaleureux ?quoique mondain ? o? baignaient tous les invit?s de la soir?e et les acteurs. Le Ca?nite alla frapper ? une autre porte, au bout du couloir. On vint lui ouvrir. C??tait Ma?tre Fantas, le Tremere. A suivre... ![]() Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 11-04-2003 ![]() Juste pour dire que j'ai commenc? ? mettre la 3e partie du dernier "Conte de la Canine". ![]() Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 03-11-2003 ![]() HISTOIRE DE LAURA-GABRIELLE CERVANTES (suite) 3EME PARTIE : UN SOIR A L'OPÉRA (suite) - Assurez-vous, dit Lucien à sa coterie, que tout se passera bien ce soir. - Je m’en porte garant, Sire, répondit le Tremere. Notre serpent des sables est enfermé dans son panier, les crochets avides de mordre. - C’est le soir de notre triomphe, Maître Fantas… - Votre triomphe, Sire, avec notre aide. - Puisque le Prince ne veut entendre raison… commença le Toréador van Steenwyck. - … nous devrons redresser son jugement, dit Perséphone la Nosfératu. - Bien, approuva Lucien, je vois que nous nous comprenons. C’est le triomphe du théâtre ce soir, de Mozart en scène, de la tragédie en coulisse. Que ce soit inoubliable ! Je veux que les applaudissements tombent à tout rompre, que le beau monde baigne dans la belle illusion. - Je ne pousserai pas le vice jusqu’à en parler au doge de Venise, dit Ronce-Vive, tremblant, mais j’avouerai cette passion aux fils de César. Lucien rit sans arrière-pensée : - Dans ce cas, c’est parfait ! Je vous quitte, je vais rejoindre ma loge. J’aurai le Prince et les Primogènes à l’œil toute la soirée. Van Steenwyck ouvrit un flacon rempli d’un nectar de sang mêlé à un Chianti. Il remplit des verres pour toute l’assistance. On trinqua, les verres s’entrechoquèrent. Le vin tinta d’une lueur magique. - A notre triomphe, dit Lucien. Eblouissons l’Elysium, invitons les satyres à danser sur notre scène, puis enfilons nos masques et disparaissons ! - A notre triomphe ! lança en chœur l’assemblée. ![]() L'EPOUVANTAIL DE L'OPERA Rien n’égale la nuit aux étoiles sinon la pénombre dorée de l’opéra. Le mystère envoûtant, la spiritualité magnifique, la joie du recueillement, le plaisir pris au drame qui monte, qui gronde, emplit les cœurs… Mozart, la flûte enchantée, le chant de la Reine de la Nuit. D’une trouée d’étoile et d’obscurité fusait le chant d’une diva à la couronne nocturne. Dans la majesté verticale des lieux s’épanchait un charme puissant. La salle puait le vampire. Chaque siège était occupé par un fils de Caïn. L’Elysium dans sa grande majorité se trouvait réuni ce soir, sous l’égide du Prince, entouré de son conseil Primogène, à la place d’honneur, près de l’orchestre. On avait d’ailleurs plus d’yeux pour Villon que pour le spectacle. Les plus anciens Toréadors s’étaient déplacés pour l’opéra –plusieurs étaient en transe, tremblant, comme raidi par une épilepsie ; les Ventrus jouaient leur rôle de pilier de la Camarilla ; les autres clans étaient venus par déférence ou par obligation, quoique nombre d’entre eux fut en réalité absorbé dans le spectacle, plus qu’ils ne pourraient se l’avouer au sortir de la salle. Toute Bête, même féroce, prompt à se déchaîner, comme celles des membres du Sabbat, lrie l’échine un instant devant la musique, et laisse l’esprit redresser la tête. La Bête n’est jamais repue, elle irait jusqu’à se repaître de féeries musicales – et parfois, même la mort sait danser… Des dignitaires Giovanni avaient répondu à l’invitation, et siégeaient dignement, honorant pour un soir le Prince de la ville-lumière ; des Gangrel auraient payé de leur sang pour verser des larmes d’admiration ; des Brujah se rappelaient leur noblesse grecque ; des Tremere se sentaient ensorcelés, des Nosfératus transfigurés. Des Caïnites de clans mineurs, venus de régions reculées, s’étaient mêlés aux Familles célèbres. Des marmottements venaient de plusieurs d’entre eux, soupirs et murmures étranges, comme si un varan de Komodo était en cage à l’opéra. Lucien était au balcon, surplombant la scène. Plein de tristesse et d’admiration, il regardait successivement la scène, le Prince et la Comtesse Bathory, en face de lui. - O Salieri… Salieri… Salieri… murmurait-il, pris dans l’étreinte du rêve. Des images défilaient violemment dans sa tête, l’agitant de courts soubresauts ; de courts délires défilaient en lui, à pas menus ; il plongeait dans une mer de tristesse insondable, sous des vagues merveilleuses. ![]() - Voici venue l’heure, Sire, lui rappela le Toréador Steenwyck, assis derrière lui. Lucien sortit de la fascination dans laquelle il s’était laissé glisser. Il se frotta le visage, secoua la tête, jeta un œil au Prince, à la Comtesse, à la scène. Il se tourna vers la femme assise à côté de lui, Laura-Gabrielle Cervantès, qui fixait sévèrement le spectacle. - C’est à toi ma belle, dit Lucien en lui caressant le menton. Elle demeura impassible. Elle regarda de ses yeux perçants Lucien, pour montrer qu’elle relevait le défi. La Reine de la nuit, apparue dans un trou du décor, captivait la salle, étendait les bras, et son champ jaillissait comme une fontaine exubérante. Cervantès l’Assamite se changea en serpent, sous l’œil de Lucien. Sa peau devint encore plus froide, son visage plus cruel ; elle devenait plus fine, plus souple encore, poignard sans maître. Steenwyck lança de son téléphone un discret signal à l’éclairagiste, qui baissa insensiblement la lumière sur scène. L’obscurité épaissie, Lucien prit le serpent à deux mains, prit de l’élan pour son mouvement de bras, et lança vigoureusement le serpent en direction de la loge de la Comtesse. Le serpent s’envola dans le vide de l’opéra, par dessus tous les spectateurs, comme une flèche noire. Mais on n’avait plus d’yeux maintenant que pour la Reine de la Nuit. Le serpent, après avoir échappé un court instant à la pesanteur, redescendit, et s’enroula prestement autour d’un rebord, juste devant le siège d’un Tremere. C’était Maître Fantas. Lucien avait visé juste. A côté du magicien, les deux Nosfératus Perséphone et Désastre, le Malkavien Ronce-Vive. Fantas jeta un regard à Lucien, déroula le serpent, qui frissonna de colère. Le Tremere avait le sentiment de tenir une aiguille empoisonnée entre les mains, ou bien un bâton de dynamite ! La Comtesse était dans la loge juste au dessus. Tout se passait à merveille. Apparemment, personne n’avait rien vu. L’élixir de Fantas agissait correctement : il en avait répandu sur scène et sur les acteurs avant la représentation ; cet élixir agissait comme un aphrodisiaque pour vampires. Aussi n’y avait-il, ce soir-là, nul besoin d’être un Toréador pour se prendre d’une fascination hypnotique pour Mozart !… La plupart des caïnites ce soir-là devait vivre l’un de leurs plus beaux rêves éveillés, un rêve chargé d’un érotisme captivant. Des volées d’applaudissements partirent spontanément du public, relevés de bravos et de sifflets. Fantas aida le serpent à atteindre le bas de la rambarde de la loge de Bathory, au-dessus de lui. De sa loge, en face, Lucien suivait la progression du serpent avec appréhension. Cervantès grimpa avec assurance le long de la rambarde, sous les regards inquiets de toute la Coterie de Lucien. Le chant de la nuit se faisait plus intense encore, plus glacé, plus exubérant. L’Assamite finit son ascension, posa le haut de son corps sur le sol de la loge, s’infiltrant entre la rambarde. Elle était aux pieds de la Comtesse. Derrière celle-ci, trois gardes du corps Brujah se tenaient debout, observant les alentours –mais pas leurs pieds ! Cervantès se redressa d’un coup, poussa son sifflement effrayant, et sauta sur la Comtesse. Celle-ci ne fit pas un geste. Cervantès allait la mordre, mais, stupéfaite, se retint de mordre la chair de la Caïnite. Elle venait de regarder le visage de Bathory : ce n’était qu’un mannequin ! Un mannequin, hâtivement maquillé et habillé ! un mannequin grotesque, hâtivement empaillé et vêtu d’une robe, souriant comme une momie ! ![]() Sur le coup, Cervantès retomba en arrière. Les trois Brujah avaient vu le serpent. Ils sortirent leurs armes. La porte capitonnée de la loge s’ouvrit derrière eux. Un Caïnite, cagoulé, armé d’un pistolet automatique à silencieux, abattit d’une rafale les trois gorilles. Le serpent siffla de plus bel. L’assassin cagoulé entendit des pas de course dans le couloir. Il voulut sortir de la loge : une rafale d’arme le cueillit au sortir. Il l’évita de peu. Les balles percèrent la porte capitonnée. Le Caïnite tira une rafale en direction du groupe, qui venait de la droite. Il jeta un coup d’œil à gauche, puis se précipita à nouveau dans la loge. D’autres Brujahs arrivaient. Il était cerné. Il rentra dans la loge. Le serpent glissait péniblement vers la rambarde, s’apprêtant à se laisser redescendre vers les sièges où était assise la Coterie. Soudain, un Gangrel, assis à l’étage en dessous du Tremere Fantas, vit le serpent. Il poussa un cri, qui fit se lever tous les regards ; on aperçut le serpent. Le Caïnite cagoulé attrapa alors l’animal, qui ne devait pas rejoindre Fantas (et dénoncer du même coup la coterie de Lucien). Il enroula vite le serpent autour de lui. Les Brujahs pénétraient à ce moment dans la loge. Le Caïnite n’hésita pas plus : il se mit dos à la rambarde, tira encore une rafale d’arme, qui fit refluer les hommes du Prince dans le couloir, puis il sauta à pieds joints sur la rambarde et, d’un salto arrière, se jeta dans le vide ! Il vit la salle se renverser comme une balançoire lancée à toute force, et les grands lustres, et les balcons, et tout le public, s’élever, renversé vers le bas ! Il chuta sur le public de l’orchestre. Une quinzaine de Caïnites s’était jetée précipitamment hors de leurs sièges, mais, gênés les uns par les autres, plusieurs d’entre eux reçurent le Caïnite et son serpent sur le dos. Il y eut un mouvement de panique dans le cercle autour. Le Caïnite avait atterri lourdement. Il se releva, piétinant au passage les vampires sous lui, écrasés par terre. Il dut jouer des coudes, et distribuer plusieurs crochets violents pour éloigner les plus intrépides, qui voulaient l’empêcher de partir. Le serpent ouvrait tout grand la gueule, claquait des mâchoires, mordait ceux qui s’approchaient. Plusieurs voulurent se jeter sur le Caïnite, le plaquer à terre : ce fut peine perdue. Ils n’étaient pas de taille à le neutraliser. Il est vrai que la plupart d’entre eux était des Ventrus plus habitués à se servir de menaces et de manœuvres politiques que de leurs poings. Le Caïnite, lui, avait un entraînement de mercenaire ! Il se fraya un chemin vers le couloir, lâcha des rafales de son arme au hasard, pendant que la panique s’emparait de toute la salle. Pour le bonheur du fuyard, les Brujah du service de sécurité avaient interdit toute arme pour la soirée. ![]() Le Prince, furieux, exhortait ses sujets à la chasse à l’assassin. Mais des membres du Sabbat, trop heureux d’aider un terroriste qui venait de s’en prendre à une Comtesse du Louvre, provoquèrent des mouvements de foules, qui gênèrent la progression de Brujah, assis dans les rangs latéraux. Le serpent sur l’épaule, le Caïnite put atteindre la sortie, tandis que des bagarres éclataient entre Tzymisces et Nosfératus, ainsi qu’entre des Toréadors anti-tribus et les policiers Brujahs (de vieilles histoires qui surgissaient soudain). La cohue dans la salle devenait indescriptible. Le Prince, du haut de sa loge, voyait l’anarchie s’emparer de son Elysium ! -Silence ! Silence ! grondait-il. Je suis le Prince de Paris ! Je vous ordonne de vous calmer ! Le Caïnite profita de cette emballement collectif pour courir vers la sortie. En arrivant aux billetteries, il vit arriver vers lui un groupe de Gangrels, des guerriers formés pour réprimer les anarchs. Le Caïnite lâcha plusieurs rafales de son arme dans leur direction. Les Gangrels plongèrent derrière un guichet. Dans la course, le serpent était tombé près d’un pilier, juste au sortir de la grande salle. Deux Gangrels se précipitèrent vers lui, tandis que les autres prenaient à parti le terroriste. Le serpent se glissa derrière la porte d’où il venait de sortir. Les Gangrels s’y précipitèrent. Ils n’avaient pas passé la porte que celle-ci s’ouvrait brusquement, manquant de les frapper en pleine face. Ils reculèrent ; le premier reçut un coup à la gorge, frappé du côté de la main, fort comme une lame d’acier ; le second fut jeté en arrière par un coup de pied au visage ; le troisième plié en deux par un direct à l’estomac , et jeté à terre par un uppercut. Cervantès avait repris sa forme humaine. Nue, elle était effrayante comme un serpent à la peau opaline. Avec ses seules mains, elle égorgea ou brisa le crâne de ses opposants immédiats. Puis elle attrapa les deux automatiques, et vida les chargeurs en direction des autres Gangrel, à moitié à couvert derrière les guichets. Le Caïnite au passe-montagne avait été blessé par les tirs des anti-anarchs. Elle même reçut plusieurs balles dans la poitrine, plongea sur les Gangrel, et leur planta ses dents dans la gorge, avant de boire abondamment leur sang. Plié par la douleur, l’autre Caïnite parvint à la rejoindre derrière le guichet. Cervantès enfila à la hâte les habits d’une de ses victimes. Les Brujah arrivèrent dans le hall aux guichets. Armés de fusils, ils ouvrirent le feu en direction de la cachette des deux terroristes. Les vitres volèrent en éclat, des chaises, les piquets pour la queue, ainsi qu’un lustre et plusieurs lampes. L’ambiance devenait al-caponienne ! ![]() Les Brujah étaient en mauvaise position : pas d’abri autre que l’embrasure de la porte. Cervantès et son compagnon en terrorisme de la haute se regardèrent : ils devaient fuir le plus tôt possible. Ils lancèrent conjointement une longue rafale en direction des Brujah, qui obligea ceux-ci à refouler. La violence monstrueuse ainsi déchaînée transformait le hall de réception de l’opéra en bâtiment sinistré par des jours de bombardements ! Cervantès et le vampire burent encore quelques gorgées de sang Gangrel, avant de courir ventre à terre vers la sortie. Les Brujah tirèrent plusieurs coups dans leur direction. Ils furent touchés, mais il en faut plus pour abattre un vampire ! Ils dévalèrent les grands escaliers, ensanglantés. L’avenue de l’opéra était encore encombrée de trafic nocturne, des décorations de Noël. Les deux échappés coururent pour traverser le rond-point, et partir en direction de la Madeleine. Une camionnette s’arrêta à côté d’eux d’un violent coup de frein. Le conducteur était le Nosfératu Désastre. Il descendit du véhicule, et le laissa aux deux fuyards. Lui devait retourner dans le théâtre au plus vite. Cervantès prit les commandes, et démarra à cercueil béant, menaçant le lent traffic de ses zig-zags déchirant. Elle faucha plusieurs passants, percuta de l’aile la vitrine d’une banque, se rétablit sur la route. L’autre vampire retira sa cagoule : c’était Steenwyck ! Il connaissait un moyen de disparaître : une ruelle, près de l’opéra comique. Là, une plaque d’égoût, puis rejoindre le jardin des Plantes, un des repaires de Lucien, se changer, et prendre le train gare d’Austerlitz. Et ensuite, arriver en lieu sûr pour passer la journée, quelque part en France, ou plus loin encore. ![]() LES DEBUTS DE L'ENQUETE Quelques heures plus tard, au Louvre, Simon, le chef de la police Brujah, faisait son rapport devant le Prince et le conseil Primogène, qui s’étaient réunis dans l’urgence. - A l’heure qu’il est, les événements de l’Opéra passent pour de simples incidents isolés. Les victimes ont été mises au secret, de même que quelques témoins humains. Peu de choses ont filtré jusqu’à présent. Mais le choc et la consternation sont indescriptibles. - Il est vrai qu’on avait jamais vu cela ! s’exclama le Primogène Ventrue, Armand D’Hubert, pourtant flegmatique à l’habitude. - Il est pourtant à parier, remarqua, narquois, le Primogène Tremere, que les ragots iront bon train dès la nuit prochaine. Sans parler des doutes sur la capacité du Prince à maintenir la Mascarade. - Qu’importe les ragots, dit Armand d’Hubert. Nous nous débrouillerons, comme toujours, pour canaliser les rumeurs et amener les curieux aux conclusions qui nous arrangent, tout en les laissant croire qu’ils ont déduit cela de leur propre chef. Mais impossible de faire oublier les affrontements sanglants ! Nous sommes tous sortis d’une transe bienheureuse, pour plonger dans la violence. - Il faudra nous mettre d’accord sur ces conclusions, remarqua le Primogène Nosfératu. Sans quoi l’anarchie pourrait devenir durable ! - Tout à fait, dit le Prince, qui tâchait d’ignorer les menaces à l’acide qui fusaient contre lui. Aussi écoutons la suite du rapport de Simon. - On a tout de même jamais vu cela, s’exclama la Primogène Tremere. Lucien ne nous avait jamais préparé pareille soirée ! - Il suffit, lança le Prince. Rien ne prouve que Lucien soit coupable. Je ne vous permets pas d’attaquer ainsi le prestige Toréador. François Villon se sentait plus fragile qu’il ne l’avait jamais été. Avant que l’ordre ne puisse se faire entre membres du Primogène, il y avait déjà eu près d’une demi-heure d’éclats de voix, de disputes, de cris de consternations, de déclarations de stupeur, de scandale ! Cela se voyait rarement parmi le conseil Primogène, d’habitude conscient de ses responsabilités et pragmatique. Le silence se fit pourtant. On était trop curieux, à présent, d’entendre les conclusions de Simon. Celui-ci poursuivit : - Nous ignorons qui était la femme serpent, ainsi que son acolyte. Nous mettons tout en œuvre pour les appréhender !… Ah, si je les tenais ! je les ferais parler, croyez-moi ! - Nous comptons sur les méthodes robustes de vos hommes pour cela, dit le Primogène Tremere. Nous savons que l’Inquisition n’a rien à vous envier… - Certainement pas, répondit Simon avec un sérieux bourru. - Encore faudrait-il qu’ils ne se soient pas échappés, comme un couple d’amoureux, par le train ! Comme c’est romantique ! ironisa la Primogène Tremere. - Où sont-ils à l’heure actuelle ? repartit Armand d’Hubert. - Je l’ignore, dit Simon. - Avez-vous des suspects ? demanda le Primogène Nosfératu. - Eh bien, sauf le respect du Prince, nous soupçonnons évidemment Hiéronymus Lucien, qui a organisé toute la soirée. Mais impossible de rien prouver contre lui. Tous les membres de sa coterie avaient un alibi. Ils étaient soit à l’opéra, soit dans un des repaires de leur Sire. - Et où en est la Comtesse ? Aux dernières nouvelles, elle réchappait de peu à la mort ultime, fit remarquer le Primogène Tremere. - C’est exact, répondit Simon. Des menaces d’un attentat contre sa personne ont filtré, quelques heures avant la représentation. Dénonciation anonyme. Mais dénonciation téléphonée du Louvre. Aussi nous l’avons prise au sérieux, et la Comtesse aussi. Elle a décidé de ne pas se rendre à l’opéra. Elle est restée dans sa maison, près de la Madeleine, entourée de gardes du corps. Nous avons mis à sa place un mannequin. Une de ses infants, Lisbeth, est allée à l’opéra malgré l’interdiction de la Comtesse. Peu après la fuite des deux anarchs, un de mes gars a appelé chez la Comtesse pour la rassurer : on tenait l’assassin. Seulement, le manoir Bathory ne répondait pas. Inquiet, j’ai envoyé une équipe supplémentaire là-bas. On a trouvé les lieux dévastés, le service de sécurité étripé, et la Comtesse dans un état grave, à deux doigts de basculer dans la mort ultime. On a pu la sauver, mais elle en a pour un moment avant de se remettre… On avait prévu le coup de l’opéra, donc on a pu mettre un épouvantail à sa place, sur les conseils du Primogène Toréador, après l’avoir fait venir en début de soirée, pour qu’elle se montre. Mais on a été pris de court pour l’attaque de la Madeleine… Son manoir a été dévasté. Croyez-moi, c’était bestial !… - Cette action barbare n’est donc pas à mettre sur le compte de la Coterie de Lucien ? nota le Primogène Toréador. - A priori non, mais qui sait ? Nous n’excluons aucune piste. Mais pour le moment, il n’y a pas d’autre suspect que Lucien. Un silence de réflexion profonde s’installa alors parmi les membres du Primogène. Silence qui succédait à l’agitation, la confusion. On pesait de mieux en mieux l’ampleur et la gravité des attentats de l’opéra et de la Madeleine. Chacun posa son menton sur ses mains jointes en poing, et examina la situation. - Nous devons peser la gravité des événements de cette nuit, dit Armand d’Hubert, en tapant la table du bout de l’index. Nous parlons de deux tentatives de meurtre qui ont manqué de très peu d’aboutir. - Est-ce que cela équivaudrait à un assassinat réussi, Sire d’Hubert ? demanda avec ironie la Primogène Tremere. Un regard noir du Prince coupa court à cette verve moqueuse. - Qu’en est-il de Lucien lui-même ? demanda alors Villon au Brujah. Sans fierté, Simon répondit que Lucien avait été cohérent dans tout son discours. Il n’avait pu aider à dire d’où venait le serpent. Evidemment, le fait que la Coterie de Lucien était juste en dessous de la loge de la Comtesse, c’était suspect. Lucien assurait qu’il avait disposé les sièges ainsi pour protéger Bathory –en dépit de leur rivalité notoire. La police se mobilisait, ainsi que l’armée, pour attraper les fuyards. On pensait qu’ils avaient sauté du train en marche, peu avant une gare. Ils pouvaient avoir disparu dans la campagne. Le jour allait bientôt se lever, seuls les humains pourraient poursuivre les recherches. ![]() Le conseil Primogène décida de lever la séance. Ses membres, et tous les Caïnites présents à l’opéra, passeraient une journée agitée. Villon ne voulait pas penser encore aux conséquences de cette affaire sur le Sabbat et les antitribus. Il faudrait dans les mois à venir être inflexible sur la Mascarade. En raccompagnant le Prince à ses appartements, Simon comprit clairement qu’il devrait durcir les règles, être un molosse. Dans les six mois suivants, l’affaire de l’Opéra fut peu à peu étouffée. Les rivalités intestines, les guerres perpétuelles, la recherche du plaisir, du divertissement, les voyages, tout cela égara loin des esprits la tentative de meurtre de Bathory. Ainsi les passions recouvrent les passions, interminablement. La version officielle qui fut communiquée à l’Elysium était la suivante : la Comtesse Bathory avait succombé à ses blessures. L’attaque de l’opéra et de la Madeleine étaient dues à des anarchs bien organisées. La Comtesse avait bien été attaquée à l’Opéra, son infant Lisbeth avait été enlevée à la Madeleine. Or, c’était le contraire qui était vrai –quoique… La police Brujah avait appréhendé un grand nombre d’anarchs, qui circulaient sur les réseaux underground. On purgeait les ombres. Hieronymus Lucien, quoiqu’il fut impossible de le tenir coupable, resta longtemps suspect. Il se tiendrait pour longtemps à l’écart du Louvre, et même de Paris. Il partit en voyage à Venise. ![]() Quelques temps plus tard, vers le mois de février 2003, le nom de Kruegger commença à circuler parmi ceux qui s’intéressaient à l’affaire de l’Opéra. Ce nom éclipsa celui de Cervantès, qui avait circulé quelques temps dans l’Elysium. Ce Gangrel avait presque perdu toute humanité. Il ressemblait à un fauve lubrique. Il avait vécu au bois de Vincennes. Il pouvait être coupable du meurtre de la Comtesse Bathory, et de plus encore… FIN ![]() Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - CROM - 21-10-2004 Nico, tu m'authorises, en citant ton nom en tant qu'auteur, à mettre tes textes sur mon site? Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 21-10-2004 Hmmm... j'hésite. Non que je veuille te le refuser, mais je n'aimerais pas qu'on me pique mon texte. :( Il n'est déposé nulle part. Enfin, c'est sans doute de la parano, mais ces choses-là arrivent, hélas. :? Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - CROM - 21-10-2004 OK Les Contes de la Canine #4 : Histoire de Laura G. Cervantès - Darth Nico - 22-10-2004 Bon, d'un autre côté, je ne veux pas faire le fier-à-bras, hein. :? A la limite, je pourrai déposer les CdlC au SACD, le centre spécialisé dans les dépôts officiels. ![]() |