![]() |
Topic des personnages - annexes - Printable Version +- Forum du Mamarland (http://forum.chezseb.ovh) +-- Forum: Jeux de rôles (http://forum.chezseb.ovh/forumdisplay.php?fid=3) +--- Forum: Le Livre des Cinq Anneaux - Iron Rokugan (http://forum.chezseb.ovh/forumdisplay.php?fid=21) +--- Thread: Topic des personnages - annexes (/showthread.php?tid=1291) Pages:
1
2
|
Topic des personnages - annexes - sdm - 15-11-2020 Le topic pour regouper les textes d'historiques des PJ ![]() RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 15-11-2020 Bakufu 1325 Utaku Feiyan déambulait dans les rues animées de Bakufu depuis déjà longtemps, perdue dans ses pensées elle n'avait pas vu l'heure de Shinjo faire place à celle d'Hida. Cela faisait plusieurs mois maintenant qu'elle était en poste à la cité du Guide Radieux mais elle n'arrivait toujours pas s'habituer à ses dimensions colossales. Dans les rues innombrables, des boutiques, à peine plus larges qu'un pas, s'alignaient sans fin et attiraient une foule dense et bruyante. Feiyan observait avec un certain malaise nombre de samurais se mêler à ces attroupements et d'où elle se trouvait la distinction devenait presque impossible à faire d'avec les marchants ou les fonctionnaires de l'administration. Parfois des Gaijins se trouvaient là pour négocier l'achat d'une estampe ou d'une pièce orfèvrerie. Le reste de la foule les regardaient avec curiosité et se gardait de trop s'approcher, mais leur présence dans les rues de Bakufu n'était plus assez rare pour provoquer des attroupements. En passant Feiyan parvenait à entendre quelques bribes de leurs marchandages et les mots maladroitement prononcés par les Gaijins lui semblaient étrangement menaçants. Elle percevait aussi les regards des autres samurais qui glissaient sur elle. Le Mon de la famille Utaku était rare dans la ville, elle savait cependant qu'elle devait en vérité ces regards à ses traits qui portaient la marque subtile mais indéniable d’ancêtres venus des steppes de l'Ouest. Certains samurais ne cherchaient même pas à masquer leur dédain, pour eux commercer avec des Gaijins était acceptable mais entacher la pureté du sang Rokugani était une affaire bien plus sérieuse. Toute à son errance ses pas l'avaient conduit non loin du monde flottant. C'était un des prodiges de Bakufu, de la taille d'une petite ville il était ceint de canaux creusés depuis le fleuve voisin. A cette heure les préparatifs battaient leur plein pour que dès le coucher du soleil les notables de la ville puissent venir profiter de tous les plaisirs des arts, des tables, et des femmes naturellement. Feiyan resta là debout sur la berge assez longtemps pour apercevoir les silhouettes des serviteurs de chaque établissements allumer les nouveaux éclairages qui brilleraient toute la nuit sans discontinuer. Le tableau était superbe avec ses myriades de lumières rouges qui se reflétaient sur l'eau, c'était d'ailleurs l'une des vues les plus courantes sur les estampes que les visiteurs de Bakufu ramenaient avec eux. Mais il suffisait d'une respiration pour sentir le mélange d'odeurs écœurantes des échoppes des artisans. Et un coup d’œil plus perçant vers les canaux pour voir les immondices qui flottaient à la surface le long de la berge. Feiyan n'avait nul besoin d'être moine pour sentir que les esprits de la nature s'étiolaient en ces lieux. Les pensées de Feiyan n'allaient pas aux esprits cependant, en face du monde flottant elle ne pouvait s’empêcher de penser à sa sœur ainé Xulian. D'après la rumeur c'est là qu'elle aurait rencontré un Gaijin dont elle serait tombée amoureuse et avec qui elle aurait fini par partir abandonnant sa famille et son honneur. Feiyan ne se rappelait pas très bien de sa soeur, elle était encore très jeune lors du Gempuku de Xulian et elle n'avait jamais eu l'occasion ensuite de rester longtemps avec elle. Xulian était toujours en mission ou en représentation. Elle avait été la fierté de la famille, éclipsant toute sa classe dans le Dojo des Vierges de Bataille. Elle semblait aussi à l'aise à la cour qu'à la guerre où elle avait prouvé son courage lors d'affrontement contre des tribus Gaijin de l'Ouest. Encore enfant Feiyan avait même entendu ses parents se féliciter que les dirigeants de la famille Utaku plaçait beaucoup d'espoir en elle. Lors de son apprentissage Feiyan était parvenu à être acceptée au même Dojo et avait essayé de se montrer à la hauteur mais elle n'était que l'ombre de sa sœur. Souvent ses professeurs et même ses parents avaient laissé percevoir la déception de ne pas avoir eut deux fois le même joyau en main. Feiyan avait fini par trouver la situation bien injuste pour elle et en conçut une certaine amertume. Xulian de son côté avait continué de briller et avait été envoyée comme membre d'une garde d'honneur pour un haut magistrat Ide en poste à Bakufu. Feiyan avait fini par passer son Gempuku pour partir servir dans les patrouilles qui surveillent inlassablement la frontière de l'Empire. Là elle s'était senti à sa place au milieu des grandes plaines, sous un ciel infini, partageant la vie rude mais simple des soldats. La nouvelle de la disparition de Xulian et plus encore les rumeurs sur les circonstances de celle-ci avait été pour ses parents comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Ils l'avaient fait revenir auprès d'eux pour lui apprendre la nouvelle. En réalité elle n'avait pas bien compris qui avait découvert et informé sa famille de la disparition sa sœur mais ses parents ne s'étaient pas attardés sur ce point donc Feiyan en avait conclu que l'affaire ne devait pas faire de doute. La disparation au parfum de scandale avait embarrassé jusqu'au dirigeants de la famille Utaku, une garde d'honneur de Vierges de Bataille était souvent une monnaie d'échange avec les autres familles du clan et la disparition de Xulian rendait presque sans valeur ce cadeau consenti à la famille Ide. Un émissaire du Daimyo de la région était venu alors trouver ses parents et l'affaire avait été vite entendue, elle prendrait la place de sa sœur qui serait rayée de l'histoire de la famille. Ses parents avaient remercié abondement l’émissaire, s'inclinant jusqu'au sol pour montrer leur gratitude. Feiyan avait remercié aussi l’émissaire pour l'honneur qu'il lui faisait mais n'avait pu s’empêcher de blâmer cette sœur si encombrante. Apercevant sur le pont les premiers visiteurs du monde flottant, Feiyan sortit de ses rêveries et décida de rentrer avant d'être la cause de rumeur à son tour. Elle s'engouffra d'un pas rapide dans les rues encore animées et fendit la foule avec cette fois toute la détermination d'une samurai-ko de la plus prestigieuse école du clan de la Licorne. RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 15-11-2020 Passe de la Ki-Rin 1323 La colonne s'étirait à perte de vue au pied des contreforts, avançant inexorablement sous le ciel bas. Les étendards se balançaient lentement au rythme du pas des chevaux et quelques rayons de soleil automnal faisaient briller un instant le violet et le blanc. Le sentiment d'invincibilité qui se dégageait de la Horde Blanche en campagne gonflait la poitrine de Feiyan. Elle doutait qu'il existât dans le royaume d'Emeraude ou au delà, qui que ce soit capable de s'opposer à une telle force. Elle devinait au loin sans les voir les éclaireurs Shinjo de Bugaisha qui ouvraient la voie pour l'armée. Les samouraïs de leur famille occupaient ce poste depuis des générations car leurs terres bordaient la frontière et ils connaissaient mieux que personne les grandes plaines. En tête de la colonne venait la première ligne Moto dans toute sa splendeur. Silhouettes sombres et massives, leur simple vue inspirait la peur aux ennemis de la Horde. Leurs chevaux lourdement caparaçonnés s'enfonçaient à chaque pas, luttant presque pour s'arracher à la terre humide. Mais Feiyan savait que l'impression était trompeuse et qu'ils pouvaient partir au galop sur un simple geste. Derrière les Moto s'étendait le flot de la cavalerie légère et l'infanterie montée Shinjo qui formait l'épine dorsale de l'armée. Lors des affrontement la première contournait les lignes ennemies pour harceler leurs arrières, pendant que l'infanterie mettait pied à terre et progressait derrière les charges des cavaliers. Invisible à cette distance au milieu de ses hommes, la présence de Moto Taïkan était pourtant palpable. Sotaisho de la Horde, le Tigre Blanc de l'Ouest était l'un des quatre grands généraux du clan qui ne répondaient qu'au Daimyo Shinjo Altansarnai en personne. Il avait la charge de la défense de l'immense frontière occidentale du clan et s'en acquittait implacablement depuis plus d'une décennie. Il inspirait crainte et respect bien au delà des frontières de la Licorne, ses victoires sur les gaijins étaient innombrables et il avait plusieurs fois guidé sa Horde loin au Sud, pour des expéditions dans l'Outremonde. Il était le seul général en dehors du clan de la Tortue à mener des batailles sur ces terres maudites et pour cela il jouissait d'un grand prestige parmi leur samurais. Mais son habitude de ne pas les avertir avant de surgir provoquait disait-on la colère de leurs généraux. En écoutant les récits des vétérans de ces expéditions, Feiyan devinait que là-bas les armées de la Tortue prenaient peu à peu le dessus sur les légions maudites grâce à de nouvelles armes à la puissance terrifiante. Ils ajoutaient en riant que bientôt à cause des Tortues il n'y aurait plus d’adversaires au Sud pour le grand Tigre Blanc. Mais leur rire un peu forcé cachait mal leur soulagement. Feiyan n'avait pas connu les terreurs de l'Outremonde dont parlaient ces samouraïs, elle n'avait rejoint la Horde qu'au printemps, peu de temps après avoir accompli son Gempukku. La mémoire des longues années d'apprentissage au dojo Utaku étaient encore vivaces dans son esprit et dans son corps. Chaque muscle, os et tendon gardait trace de la souffrance des journées répétées d'efforts interminables. Le dojo ancestral de sa famille était le plus secret et le plus élitiste du clan, être fille d'une samurai Utaku permettait de prétendre à y entrer mais de là c'est la volonté et le talent seul qui comptait. Dès la première année la plupart des élèves étaient renvoyées chez elles, et chaque année suivante les effectifs se réduisaient un peu plus. L'esprit de compétition entre les élèves était féroce et les affrontement loin du regard des instructeurs n'étaient pas rares. Mais avant tout l'école leur enseignait viscéralement l'esprit de corps, lors des dernières années tous les exercices se faisaient en groupe et l'échec de l'une signifiait l'échec du groupe, et toutes subissaient la punition. Il résultait de cette sélection que les effectifs des Vierges de Batailles étaient bien plus limités que ceux des autres écoles du clan. Ses soeurs formaient ainsi un détachement réduit au sein de la Horde, regroupées en rangs serrés au centre de la cavalerie Shinjo. Là, indifférentes au pas irréguliers des cavaliers autour d'elles, elles avançaient d'un pas coordonné, pointe de diamant cachée dans la roche. Lors des batailles lorsque les flancs de l'armée se déployaient et que les Moto menaient le premier assaut elles jaillissaient comme une flèche silencieuse, menée par leur Taisa Utaku Satomi, pour aller frapper le point des lignes ennemies que le général Taïkan avait désigné. La discipline des Shiotome et la vitesse sans pareil de leur monture rendait l'assaut infaillible si l'adversaire n'avait pas eu le temps de préparer des fossés ou des pics. Derrière l'infanterie montée venait les grands chariots qui transportaient les provisions, les yourtes et la cohorte des artisans de la Horde. Tous les soirs ces heimins montaient le camp temporaire et s'affairaient pour préparer les repas, réparer les selles ou remplacer les fers des chevaux. C'était grâce à eux que l'armée pouvaient opérer si longtemps loin des terres du clan, tous les samurais de la troupe en avait conscience et les traitaient avec respect. Enfin fermant la marche se trouvait encore une grande partie de la cavalerie Shinjo, dirigée par le second de Taïkan, le Shireikan Shinjo Nagori. En cas d'attaque surprise sur l'arrière de la colonne la présence du commandant Nagori permettait d'assurer le commandement en attendant que Taïkan décide de ce qu'il convenait de faire. Feiyan avait du mal à imaginer deux hommes plus différents, là où le général vieillissant était impassible, minéral, Nagori était jeune et affable avec les soldats. Et si Taïkan portait sur son visage l'héritage des peuples gaijins, son second avaient les traits parfaitement Rokugani et aurait pu passer pour un Doji perdu loin de ses terres. Son allure et son éloquence lui valait évidemment certaines attentions et il n'était par rare qu'une samurai-ko quitte sa couche pour passer la nuit dans la tente de Nagori. Le vieux général fermait les yeux sur ce comportement car son second était un soldat et un commandant de valeur, et aussi murmurait-on parmi les soldats parce que Taïkan était bien content de lui déléguer les tractations qui l'horripilaient tant lors des rencontres occasionnelles de la Horde avec des officiels d'autres clans. Feiyan avait quitté les rangs de son régiment pour passer le mot d'une de ses soeurs à destination d'un maréchal ferrant, elle se plaignait des fers de son cheval et demandait qu'il en prépare de nouveaux en prévision du campement du soir. Il n'était pas rare que Feiyan serve de messagère ou soit chargée de toutes sortes de petites corvée car elle faisait partie des dernières arrivées dans le régiment et ses soeurs arrivées l'année précédente n'étaient pas les dernières à lui confier ces tâches, bien contentes de ne plus être les novices. Elle ne s'en formalisait pas car ces taches restaient loin des rigueurs du Dojo Utaku, et sans qu'elle ne se l'avoue vraiment elle aimait avoir cette excuse pour quitter ses soeurs et chevaucher seule quelque temps. Elles partageaient toutes un lien unique qui dépassait la simple camaraderie, un lien plus fort encore que celui de solidarité qui unit tous les samouraïs du clan de la Licorne et qui fut forgé dans l'âme du clan par les rigueurs de l'exil. Mais ce lien avec ses soeurs se passait des mots, c'était une confiance absolue dans les autres au moment de la bataille. --------------------------------------- Une fois le message délivré, elle s’apprêtait à remonter la colonne pour rejoindre sa place quand elle apercut attaché à l'arrière d'un chariot un cheval sellé mais sans cavalier. Intriguée, elle se porta à sa hauteur et là sous la toile elle reconnut bien vite à ses cheveux blancs en bataille, le vieux samurai qui somnolait allongé sur les sacs de provision. Il s'agissait de Iuchi Gintoki, le plus expérimenté shugenja de l'armée avec qui elle aimait discuter, même si elle désapprouvait le plus souvent ses discours et son attitude. Elle toussa pour attirer son attention, il ouvrit les yeux et bailla sans retenu avant de se relever. - Ah c'est vous ma jeune amie, fit-il en s'étirant exagérément. J'offrais justement un peu de repos à mon pauvre cheval fourbu. L'aplomb avec lequel le vieux shugenja mentait ne cessait d'estomaquer Feiyan. - Sensei vous savez bien que nous ne sommes pas supposés monter dans les chariots lorsque l'armée est en mouvement. Que se passerait-il si nous étions attaqués par surprise. - Vous rappelez-vous la dernière fois qu'une telle chose nous est arrivée Feiyan-chan ? répondit-il en cherchant visiblement quelque chose dans son kimono. - Et bien cela n'est pas arrivé depuis que j'ai rejoint la Horde mais cela ne veut rien dire, nos ennemis sont prêt à profiter de nos moindres faiblesses, dit-elle avec l'assurance de la récitation bien apprise. - Hmm et bien je vais vous dire moi, ce n'est pas arrivé depuis la dernière fois que nous avons mis les pieds dans l'Outremonde et cela commence à dater. Tout en parlant, Gintoki continuait de chercher avec ardeur quelque chose qui se dérobait à lui, passant alternativement ses mains dans les grandes manches de son kimono et dans ses nombreux replis. - Cela ne change rien, les tempêtes ne sont pas fréquentes mais elles n'en arrivent pas moins, s'agaça Feiyan qui sentait confusément la discussion lui échapper malgré l'évidente justesse de sa position. - Oh mais si ma jeune amie, cela change tout au contraire. Il se soulevait maintenant pour regarder sous lui si l'objet de ses recherches s'y trouvait, en vain. - Car voyez-vous, continua-t-il, nos ennemis, contrairement aux tempêtes, ne sont pas idiots et savent bien qu'ils n'ont rien à gagner à venir attaquer notre fière compagnie comme cela en pleine journée avec presque deux lieues de visibilité dans la plaine. - Nous pourrions être attaqués depuis les reliefs à l'Est, fit-elle avec une conviction chancelante. - En admettant que des troupes ennemies aient réussi à se glisser là, elles ne pourraient certainement pas être très nombreuses vue l'étroitesse de ces chemins escarpées et notre cher Taïkan aurait tôt fait de les repousser, les encercler et les prendre en étau avec la muraille de notre clan plus loin dans la montagne. Ah te voilà ! Gintoki avait tiré triomphalement de sa botte une vieille pipe gaijin qu'il s'affaira à bourrer d'herbes indistinctes, indifférent à la moue contrariée de la jeune Utaku. - Votre manque de respect pour le général est inqualifiable Sensei. - Je connais trop bien Taïkan-sama pour les afféteries d'usage ma jeune amie, vous ai-je déjà raconté comment alors que j'étais Shugenja novice et lui seulement lieutenant nous avons combattu des barbares effroyables sous les murs de Medinaat ? - Oui plusieurs fois. - Il fallait le voir à l'époque, jeune samurai impétueux, méprisant la stratégie, il rendait fou son capitaine, toujours le premier à charger en hurlant. Rien de lui résistait. Le vieil homme entreprit d'allumer sa pipe. - J'ai du mal à imaginer ça. - C'est parce que nous le connaissez que sous ses oripeaux de grand Tigre Blanc de l'Ouest mais vous savez Feiyan-san, Taïkan-sama porte un masque comme tout le monde. Pour tous il est le général silencieux, celui au visage de granit, celui qui ne sourit jamais, et autres fariboles. Mais à l'époque il n'était pas le dernier à rire, à vider les verres et se battre pour un rien dans les tavernes. Il est en guerre depuis si longtemps maintenant, je ne sais pas s'il pourra retirer ce masque là un jour. - Il a trouvé sa voie de la sagesse voilà tout, répondit-elle, nerveuse que Gintoki parle si librement du général. Le commandant Nagori-sama semble encore rire souvent, chacun suit son propre chemin, voilà tout. - Ah lui... Son masque est plus subtil. La phrase avait résonné étrangement dans l'air comme si des menaces se glissaient sous la surface du mot. Mais Gintoki reprit sans laisser le temps à Feiyan de parler. - Mais vous manquez le point essentiel ma jeune amie, tout le monde porte un masque et même plusieurs, selon les circonstances. Que cette façade soit austère ou souriante n'est pas la question. - Même vous ? Demanda-t-elle. - Bien sûr, comprenez-moi bien ils sont nécessaires pour que tout cela tourne correctement, fit-il en englobant tout l'horizon d'un grand geste, sinon les gens s'entretueraient. Ils sont simplement la voie pour présenter au monde, mais l'important est de toujours être conscient de leur existence pour ne pas se duper soi-même. - Cela n'a pas de sens, murmura-t-elle, comment le pourrait-on. - La chose est malheureusement commune, soupira-t-il en exhalant une nuage de fumée aux parfums épicés. Même vous mon amie vous en portez en permanence sans le voir. Il la regarda droit dans les yeux avec une acuité qui obligea Feyan à détourner la tête. - Vous devez vous tromper Sensei, répondit-elle vexée. Tout cela ressemble à des fables du clan de l'Araignée, il n'y a rien de tel dans notre respectable famille. - Oh mais je sais que vous êtes une samouraï très respectable Feiyan-san, je le sais bien. Mais vous vous êtes façonné un masque si parfait que vous n'avez pas encore trouvé l'interstice entre lui et vous. Et vos désirs à vous se cachent quelque part dans cet espace que vous ignorez. - Ca suffit ! cria-t-elle au Shugenja en le foudroyant du regard. Mon seul désir est de servir ma famille, combattre les ennemis du clan, vivre et mourir au combat comme toutes mes soeurs ! - Et pourtant vous êtes la seule de vos soeurs à venir discuter avec un vieil homme comme moi, répondit-il avec un sourire. Connaître ses vrais désirs permet de savoir quand ils sont à la manœuvre Feiyan-san, c'est comme avoir une torche pour savoir à qui appartient cette main qui nous guide dans la nuit. - L'honneur est mon seul guide, lacha-t-elle sèchement. - N'en pouvant plus, elle coupa court à cette conversation déplaisante en lançant brusquement sa monture au galop. --------------------------------------- Le soir tombé, dans la tente de commandement les discussions allaient bon train. Les rapports des éclaireurs signalaient la présence inattendue d'une troupe de pillard Ujik-Hai plus loin au Sud. Ils n'étaient pas assez nombreux pour justifier de lancer toute la Horde à leurs trousses mais ils pouvaient représenter une menace pour les caravanes et les paysans de la région. En temps normal le général aurait dépêché les hommes spécialisée dans ce rôle mais tous étaient déjà partis à la poursuite des restes de l'incursion Gaijin que la Taïkan avait défaite quelques semaines plus tôt à la lisière du désert. Loin de ces discussions stratégiques Feiyan mangeait avec ses soeurs installées non loin du feu qui marquait le centre du vaste campement. Les grandes yourtes capables d'accueillir des centaines de samurais pour la nuit s'alignaient avec ordre autour des feux mais les Utaku bénéficiait du privilège de leur propre tente eu égard à leur prestige. Plus loin, perdu dans l'obscurité, les chariots à présent vides servaient de position défensive pour les guetteurs qui se relaieraient toute la nuit pour prévenir les attaques sur le camp ou les chevaux. C'était le moment de la journée où les langues se déliaient, les groupes se formaient pour écouter les récits des plus volubiles, ou pour reprendre en chanson les exploits légendaires du clan pendant l'Exil, c'était aussi le temps des regards lourds de sens échangés en prévision de la nuit. Les Shiotome profitaient du moment pour discuter elles aussi mais toujours avec une certaine retenue. Elles ne se défaisaient jamais tout à fait de leur fierté qui frisait l'arrogance, forgée par l'élitisme de leur Dojo. Si elle se gardait bien de le montrer Feiyan comme les autres gardait au fond d'elle cette certitude tenace d'appartenir à l'élite de leur clan, elle en concevait une obligation morale à la plus grande droiture. Mais ce soir-là elle n'écoutait que vaguement les discussions de ses soeurs, elle ressassait les paroles du vieux Shugenja et se perdait dans le labyrinthe de ses pensées. Toutes les discussions cependant s'estompèrent et tous se rassirent lorsque Shinjo Nagori s'avança vers le grand feu, son éternel sourire charmeur aux lèvres. - Samourais, j'ai besoin de votre attention quelques minutes. Déclaration de pure forme tant le silence était maintenant total autour de lui. - Vous savez tous que nos vaillants frères des escouades d’avant-gardes sont partis mener leur mission dans les Sables, mais à présent il semble que nous ayons un petit problème au Sud. Nous avons donc besoin d'une escouade de volontaires pour partir en chasse du petit problème en question. Il vous faudra chevaucher à pleine allure pendant longtemps, surement plusieurs semaines sans ravitaillement pour les rattraper, il faudra se battre contre des adversaires féroces et vicieux qui ignorent l'honneur, les paysans de la région seront à peine plus civilisés. Enfin la neige sera peut-être déjà installée lorsque vous pourrez rejoindre notre camp d'hiver au lac du pétale de Chrysanthème. Qui est partant pour cette délicieuse balade ? lança-t-il en parcourant du regard l'assemblée. Autour du feu, un lieutenant et plusieurs vétérans du régiment d'archers montés Shinjo se levèrent, suivi d'une poignée de Moto aux visages burinés. Feyan avait entendu la déclaration du commandant mais elle continuait à dériver dans ses réflexions, Gintoki pouvait-il avoir raison, cela lui semblait impossible et pourtant elle ne parvenait pas à simplement repousser cette idée. Portait-elle réellement un masque, si bien conçu qu'elle ne le distinguait pas de son visage ? Ses véritables désirs se cachaient-ils là quelque part derrière ce masque ? Elle revint à la réalité d'un coup avec un grand choc, comme le dormeur qui plonge dans l'eau. Elle entendit les petits rires étouffés et réalisa que tous les regards se tournaient vers elle. Les autres Shiotome novices ouvraient de grands yeux incrédules et même des plus expérimentées avaient du mal à cacher leur surprise. Le commandant Nagori à qui elle n'avait jamais eu même l'honneur d'adresser la parole la regardait avec un étonnement amusé. Elle s'était levée pendant qu'elle réfléchissait. Elle sentit le rouge lui monter aux joues et tous les mots d'excuse se bousculaient dans sa tête sans former le moindre début de phrase cohérente. - Voilà qui est... inattendu, reprit le commandant Sans se départir de son air amusé, il adressa un regard à Satomi qui haussa les épaules. - Bien, c'est donc entendu, vous partirez demain à la première heure vers le Sud. Lieutenant Junzo présentez-vous à l'heure du Tigre à la tente de commandement pour prendre les instructions; fit-il en s'adressant au premier Shinjo qui s'était levé. - J'en serai également Nagori-san si vous le permettez. La voix s'était élevée d'un peu plus loin, d'un endroit que le feu n'éclairait que partiellement. Le sourire de Nagori se fit plus perçant et découvrit un peu ses dents comme un loup qui montre les crocs. - Gintoki-sensei, je ne vous savais pas porté sur les expéditions de chasse. - Je suis sûr que je pourrai être utile à notre petit groupe, et ils cultivent des herbes délicieuses par là bas dont j'ai grand besoin, pour mes potions. Après un bref instant de tension, Nagori soupira en levant les yeux au ciel, manifestement peu désireux de relever le mensonge du vénérable shugenja. - Très bien, très bien, vous accompagnerez le groupe, puissiez-vous attirez les faveurs des fortune par vos prières, Gintoki-sensei. Nagori se retira et la vie autour du feu reprit son cours normal. Sauf pour Feiyan qui restait figée, incapable d'appréhender toutes les conséquences de son geste. Satomi finalement brisa le sort en lui posant gentiment la main sur l'épaule. - Venez vous reposer jeune écervelée, vous aurez besoin de toutes vos forces à partir de demain. --------------------------------------- RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 15-11-2020 Ah j'oublais que le site nique la mise en page pour les sauts de lignes ![]() RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 19-11-2020 Le groupe progressait avec peine sur les chemins escarpés, bordé de toute part de rochers tranchants. Yue ouvrait la voie, elle était la seule samurai-ko du groupe avec Feiyan mais elle était avant tout l'une des meilleures pisteuses de la famille Onshigawa, réputée pour ses chasseurs. Elle savait interpréter les traces les plus ténues qui échappaient au regard des autres. Son instinct était si affûté qu'elle pouvait presque sentir les esprits lui confier dans un bruissement la direction prise par sa proie. Cela faisait bientôt deux semaines qu'ils avaient quitté la Horde pour prendre en chasse le groupe de maraudeurs Ujik-Hai. Leur traque les avait conduit loin au Sud de leurs camarades, à travers les plaines sèches et les collines rocailleuses de la région. Les conditions de vie étaient aussi dures que la description que le commandant Nagori en avait faite. Pour rester légers chaque samurai n'avait emporté avec lui qu'un équipement minimum et des rations de viande séchée qu'ils consommaient en chevauchant la journée. Ils alternaient les longs galops et une allure plus lente pour reposer les chevaux quand ils devaient franchir les collines. Malgré cela les animaux étaient poussés dans leurs derniers retranchements par l'effort. Parfois ils apercevaient un village qui se réduisait à quelques huttes de terre séchée, avec une poignée de familles cultivant le sol maigre autour. Ces terres se trouvaient au delà de la Muraille de l'Ouest donc elles n'appartenaient pas formellement au clan mais les habitants des plaines étaient le plus souvent venus s'installer là depuis des villages semblables de l'autre côté du mur, ils parlaient donc leur langue et savait reconnaître les couleurs de la troupe. Ils se perdaient en prosternations maladroites lorsqu'un des samurais avançait jusqu'à eux pour demander du ravitaillement ou des informations sur les environs. Plusieurs fois Gintoki se joignait à la visite et repartait avec des plantes qu'il faisait sécher sur la selle de son cheval toute la journée. - Les malheureux qu'ils s'en servent pour faire des cordages... avait-il dit à Feiyan l'air consterné un jour qu'il revenait d'une de ces visites. Tous les soirs à tour de rôle les hommes se chargeaient de trouver un point d'eau et préparer le campement sommaire pendant que Yue se débrouillait pour ramener à la troupe un peu de gibier. Elle le faisait alors cuire lentement dans un récipient d'argile posé au dessus d'un feu enterré pour ne pas être vu. La nuit un guet était organisé deux par deux dans le vent froid et solitaire de la région. Seul le vieux sensei était exempté. Ceux qui ne veillaient pas essayaient de trouver le sommeil dans leur simple couverture de toile. Quand il leur arrivait de camper à côté d'une rivière ils en profitaient pour se laver et retirer la poussière incrustée sur leur peau, mais les autres jours ils devaient se contenter d'un linge humide passé sur le visage. Les premiers jours, Feiyan avait essayé de comprendre comment elle avait pu commettre une telle maladresse, mais elle avait vite renoncé car ses réflexions n'aboutissaient jamais. A sa grande surprise Satomi ne l'avait pas trop sermonée lors de cette soirée, elle avait dû se rendre compte que c'était par imprudence plus que par orgueil mal placé que sa novice s'était ainsi portée sottement volontaire. Mais elle l'avait mise en garde, les expéditions de ce genre demandait beaucoup d'endurance, une grande autonomie et de nombreuses habitudes que l'on enseignait pas dans leur école. C'était le terrain de jeu des éclaireurs ou des chasseurs et personne ne se souvenait avoir vu une Vierge de Bataille y participer, encore moins une recrue de l'année. Plus tard cette nuit là, dans les chuchotement échangés après l'extinction des torches, ses soeurs l'avaient assailli de réprimandes, de moqueries entendues et de voeux de réussite Elle avait vite pardonné au sensei ses paroles vexantes de ce jour-là, elle avait grand besoin d'un visage amical et en fin de compte elle n'arrivait pas à lui en vouloir vraiment. Les relations avaient d'abord été assez difficiles avec ses autres compagnons, il s'agissait tous de soldats expérimentés qu'elle ne connaissait pas. Ils l'avaient regardée avec suspicion et même hostilité. La tendance des Utaku à dédaigner les familles moins prestigieuses était bien connue. Elle dut s'employer à leur montrer qu'elle ne cherchait pas à rivaliser avec eux sur leur propre terrain par arrogance. Peu à peu, à force d'humilité et d'observance, et avec l'aide discrète du sensei qui savait toujours placer un bon mot, elle avait fini par les convaincre et l'ambiance s'était alors détendue autour d'elle. Seul le chef de l'expédition, le lieutenant Junzo continua un temps de la regarder d'un air sévère et ne manqua pas une occasion de souligner son inexpérience de ce type de mission. Les visages inconnus de ces compagnons de route se firent plus familiers, elle apprit à reconnaître quand ce jeune Shinjo bien en chair plaisantait ou était sérieux, quand ce sombre Moto avait besoin d'être laissé seul ou était d'humeur à raconter quelques souvenirs de bataille épique. Elle partageait souvent son tour de garde avec Yue et la pisteuse qui ne disait pratiquement pas un mot la journée avait fini par lui enseigner patiemment les bases de son art lors de ces longues veilles. Même les récriminations du lieutenant se firent plus rares. Ainsi au fil des jours elle se surprit à apprécier pleinement cette expérience inattendue. --------------------------------------- Un matin, alors qu'elle terminait son tour de garde, Feiyan aperçut Gintoki assis sur un rocher. Il se tenait un peu à l'écart du campement qu'ils avaient installé la veille en haut d'une colline dominant les alentours. Elle le rejoignit en s'étirant pour réveiller ses muscles engourdis par les heures de guet. En s'approchant elle vit que le shugenja tenait un de batonnet de fusain et avait posé une feuille déroulée sur ses genoux. - Konnichiwa, Sensei. - Konnichiwa Feiyan-chan, dit-il sans quitter l'horizon des yeux. Elle resta à ses côtés en observant le paysage et en inspirant à plein poumon l'air encore frais de l'aurore. Le silence était seulement ponctué par le bruit de la tige courant par à-coup sur le papier de mûrier. La plaine s'étendait devant eux à l'infini dans toutes les directions et le ciel qui la surplombait était d'une pureté éclatante. Au loin, au bout du monde se disait-elle, une fine ligne brasait les deux immensités. Feiyan était ensorcelée par la splendeur de la nature, par l'ordre divin qui s'en dégageait et elle dut se rendre à l'évidence. - Je crois que ce sont les Fortunes qui m'ont guidée jusqu'ici, fit-elle. Elles ont voulu me montrer toute la beauté du monde. - Hmm peut-être, lui répondit distraitement le shugenja sans s'interrompre. - Je vous assure Sensei, mon erreur a été en réalité une bénédiction. Je me rends compte que je n'avais jamais ouvert les yeux pour de bon jusqu'à présent mais maintenant je vois clair. Comment ma place pourrait-elle ne pas être ici, en étant témoin de tant de merveilles. - C'est une étape importante de savoir apprécier la beauté quand elle est devant vous ma jeune amie mais ce n'est pas la fin du voyage. - Que voulez-vous dire ? fit-elle en se tournant vers lui, sincèrement surprise. - Si vous voulez trouver votre place dans le monde vous devez accepter d'en faire pleinement partie, pas d'en être une simple témoin, Feiyan-chan. Elle regarda attentivement le sensei, il était penché sur sa feuille pour donner une série de coups secs et puissants avec son fusain. Elle remarqua alors seulement à ce moment qu'il ne dessinait pas du tout le décor qui s'étalait devant eux. Elle n'osa pas l'interroger cependant et reprit son admiration silencieuse du panorama. - Voilà. C'est terminé ! finit-il par dire en se relevant Il tint son oeuvre au bout du bras comme pour évaluer la qualité de son travail, le soleil du matin dans leur dos frappait le papier et semblait le faire irradier de lumière. L'air satisfait il se tourna alors vers la jeune femme et lui tendit le dessin. - Tenez mon amie, c'est pour vous. Elle resta interdite un instant puis s'approcha. - Je vous remercie Sensei, mais je ne saurais accepter un tel... - Epargnez-moi les trois refus par pitié, l'interrompit-il Elle prit alors avec précaution le papier et le regarda attentivement. Le sensei avait dessiné un magnifique oiseau en vol, les plumes, les pattes, jusqu'aux yeux, tout semblait si plein de vie qu'elle s'attendait presque à le voir s'envoler là devant eux. - C'est magnifique Sensei, je ne sais comment vous remercier, fit-elle admirative. - Mais vous vous demandez pourquoi je n'ai pas dessiné ces si belles prairies. Elle se tourna vers lui et acquiesça d'un léger signe de la tête. - Les formes et les couleurs si belles soient-elles ne sont que la surface des choses Feiyan-chan. Quand vous êtes à votre vraie place dans le monde, vous ne faites qu'un avec lui, vous n'en êtes plus le simple spectateur mais un fragment unique. La beauté au dehors et celle à l'intérieur de vous sont une seule et même chose. La forme qu'elle prend ensuite sur la feuille n'a pas d'importance en soi. Feiyan chercha un instant ses mots, incertaine de ce que le Sensei venait de lui dire mais il ne lui laissa pas le temps de répondre. - Mais ne vous tracassez donc pas, un jour cela vous apparaîtra comme la plus évidente des choses. Puis comme si une idée brillante lui était venue d'un coup il sourit largement et reprit la petite sacoche dans laquelle il venait de ranger le rouleau de papier et les bâtons de fusain. - Tenez, prenez cela mon amie et livrez vous à ce petit exercice, lorsque vous verrez la beauté dans le monde, laissez-la vous pénétrer et représentez la telle que vous la ressentez. - Je suis confuse Sensei, je n'ai rien à vous offrir en retour qui soit digne de ce présent. - Enfantillages, prenez cela et n'en parlons plus, fit-il amicalement en lui poussant la sacoche dans les mains. Feiyan s'inclina très bas et le remercia abondamment avant qu'ils ne rejoignent tous les deux le groupe qui se préparait au départ. --------------------------------------- Au fur et à mesure de leur descente vers le Sud le climat et la nature avait fini par changer, l'air était moins froid mais l'humidité le rendait plus désagréable encore. Le ciel devenait plus nuageux et les pluies fines devenaient fréquentes. Depuis qu'ils avaient traversé le grand fleuve Shinano les steppes sèches avaient laissé place à des terres plus riches, plus lourdes aussi sous les pas des chevaux. Le vieux sensei avait expliqué à Feiyan que l'influence de la grand forêt de Shinomen maintenant proche se faisaient sentir jusque sur ces plaines. Un soir, les langues s'étaient un peu déliées autour du repas, un des samurais avait posé au lieutenant la question qui commençait à tous les tracasser, que cherchaient donc ces hommes si loin au Sud s'ils ne venaient pas piller les quelques villages de la région. Junzo répondit qu'il ne savait pas non plus. Mais qu'il serait toujours temps de demander à un survivant quel pouvait bien être le but de cette folle course quand ils les auraient attrapés. L'expédition gagnait d'ailleurs du terrain, ici les traces d'un camp abandonné n'étaient plus tout à fait froides, là ce berger se souvenait d'avoir aperçu des cavaliers deux jours plus tôt. Le lieutenant imposait dans la journée des allures de plus en plus soutenues pour les rattraper. Enfin dans un hameau des enfants jurèrent avoir vu les démons du Nord passer le matin même. Ce soir-là dans le camp la détermination se lisait sur tous les visages, chacun savait que l'expédition touchait à son but, le lendemain sans doute ils pourraient enfin affronter leurs ennemis. Yue et Feyian avaient hérité du premier tour de garde au crépuscule, le plus facile. Il semblait pourtant à la jeune femme que leur tour aurait du être plus tard dans la nuit, mais tout le monde avait fait comme si la chose était entendue. Gintoki leur tenait compagnie. Le vieux shugenja avait sorti de sa manche un objet étrange. Feiyan avait déjà remarqué que son kimono semblait receler un nombre insoupçonnable de colifichets et d'objets gaijins qui lui étaient totalement inconnus. Celui qu'il manipulait maintenant était un disque de métal doré avec sur l'une de ses faces des arabesques complexes et sur l'autre des bras mobiles raccordées au centre du disque. Il portait la tranche du disque en hauteur devant ses yeux et bougeait mystérieusement les branches métalliques. Les deux samurai-ko se regardèrent mais aucune ne se décida à poser la question. - Ceci est un astrolabe, finit-il par dire contrarié de son effet raté. C'est un objet qui vient de loin, par delà les mers à l'Est. - A quoi sert-il ? demanda Feiyan - Il permet de connaître sa position entre le Nord et le Sud de notre Empire et au-delà bien sûr. Les femmes échangèrent un regard sceptique. Les yeux toujours rivés sur son instrument, il fit un signe du bras. - Tenez par exemple mesdames, si vous marchiez, disons 300 lieux dans cette direction, vous arriveriez à Otosan Uchi. Ou à peu près. - Comment pouvez-vous en être sûr, hasarda Yue. - Et par là, continua-t-il déplaçant un peu son bras, si vous avanciez 350 lieux bien tassées vous atteindriez Bakufu Feiyan regarda dans cette direction en imaginant ce que pouvait bien contenir 350 lieux d'Empire. - Et pour vous répondre Yue-san mon amie, j'en suis sûr car c'est avec ce genre d'objet que les Gaijins ont réussi à naviguer sur la mer immense et atteindre nos côtes. Il ne faut pas sous-estimer l'ingéniosité de ces hommes. - En avez-vous déjà rencontré ? demanda Feiyan. - Je me suis rendu à Bakufu il y a quelques années. Un endroit fascinant, les Gaijins de l'Est y font commerce et c'est là que j'ai acquis ce bel appareil. - J'ai entendu dire qu'ils ont interdit les clans là bas, intervint Yue avec un ton de reproche. - Interdit est un bien grand mot, disons que le Guide considère que les clans sont un obstacle car ils divisent l'Empire. Mais la chose n'est pas si simple, les familles qui administrent les terres sous son contrôle agissent encore souvent à la manière des clans. - Cet homme ne m'inspire pas confiance, j'espère que l'Empereur fera disparaître ce desordre, conclut fermement Yue. - Le Guide est un homme très intelligent, ajouta Gintoki, je ne sais pas si ce qu'il cherche à batir sauvera notre Empire ou le mènera à sa perte mais si les Fortunes me prêtent vie, je serais curieux de voir cela. Son Harmonie a montré des résultats, c'est indéniable, mais il change en prodondeur l'ordre millénaire, qui sait quelles en seront les conséquences. - Vouloir l'harmonie me semble une bonne chose, osa timidement Feiyan - Oh oui, c'est le plus noble des desseins, c'est elle qui nous unit au monde, nous rattache à toutes choses, de la petite pierre à vos pieds jusqu'aux grands fleuves qui descendent des montagnes, aux oiseaux qui nous survolent comme à tous les hommes de l'Empire. - Donc le Guide a raison ? demanda-t-elle Gintoki baissa le disque doré pour la première fois depuis le début de leur conversation et la regarda avec un petit sourire mystérieux. - Peut-être Feiyan-chan, mais une chose est sûre, l'harmonie ne se décrète pas d'un coup d'éventail. ------------------------------------- Le groupe allait à présent à un galop soutenu, Junzo voulait en finir. Yue se contracta un instant et fit claquer ses rênes pour lancer sa monture à pleine vitesse. Sans un mot tous l'imitèrent et la petite troupe se mit à filer comme le vent vers un but encore invisible. Feiyan finit par distinguer ce qui avait attiré l'attention de la pisteuse, une mince colonne de fumée se détachait au loin. Au fur et à mesure de leur approche elle distingua mieux la scène, le chariot d'une caravane brûlait tandis que tout autour les autres gisaient renversés, leur contenu d'étoffe et de poudres de toutes les couleurs répandu sur le sol. Quand ils parvinrent à hauteur de la caravane ils s'arrêtèrent pour chercher des survivants parmis les commerçants. Ils en trouvèrent un seul qui était si mal en point que les assaillants avaient du le croire mort comme les autres. Gintoki l'installa un peu à l'écart sous un arbre et entreprit de lui prodiguer des soins en invoquant les esprits de l'eau contenus dans quelques une de ses innombrables fioles. - Quelque chose cloche ici lieutenant, dit l'un des Moto, en égrénant une des poudres rouge qui s'était échappée d'une petite jarre. Je connais ces épices, elles valent un bon prix. Junzo regarda l'homme et acquiesca - Je suis d'accord, c'est étrange, mais cela ne change rien nous devons les trouver, ils ne peuvent pas être loin, les traces sont fraiches. Il remonta en selle, imité par toute la troupe sauf Gintoki qui tentait encore de retenir la vie dans le corps du malheureux marchand. - Sensei ! Nous repartons ! lança Junzo. - Oui, oui je vous rejoindrai, lui répondit le shugenja sans se retourner. Sans un mot de plus, le lieutenant fit signe à Yue d'ouvrir la route et tous se mirent en mouvement. Feiyan jeta un regard inquiet en arrière vers Gintoki puis remonta la file pour se porter à hauteur de Junzo et du Moto qui discutaient vivement. - Pardon Lieutenant, réussit-elle à glisser pour les interrompre, mais ne devrions-nous pas laisser quelqu'un pour protéger le sensei, un de ces pillard pourraient revenir pour ces épices si elles sont précieuses. Junzo et le Moto se tournèrent vers elle et la regardèrent comme si elle venait de dire une absurdité insondable. Elle n'osa pas insister et ils reprirent leur conversation agitée. Yue maintenait son galop sans effort, relevée au-dessus sa selle, les yeux plissés pour mieux voir sous le soleil timide du début de l'hiver. Tous savaient maintenant que l'affrontement était proche. Soudain elle leva le poing et fit une série de signes rapides. Junzo lança ses ordres, deux archers Shinjo du groupe partirent dans une course oblique tandis que le reste du groupe accéléra encore. Feiyan vit bientôt au détour d'une colline ceux qu'ils poursuivaient depuis tant de jours. A son côté elle vit l'un des Moto accrocher ses rênes à sa selle, prendre l'arc immense qu'il portait sur le dos, y placer une flèche et le tendre à la limite de la rupture. Le trait parti avec une force effrayante et après longue parabole se planta dans la croupe d'un cheval des fuyards qui s'affaissa sous la blessure, projetant son cavalier dans les airs. Les archers Shinjo se mirent bientôt aussi à décocher leurs flèches et les Ujik-Hai finirent par changer de tactique et se séparant en deux files ils entamèrent un demi tour pour l'affrontement maintenant inévitable. Feiyan n'avait jamais participé à une charge sans ses soeurs et elle dut faire un effort pour s'adapter à la situation. Son Yari à la main elle avait choisi son adversaire de loin, un colosse qui faisait tournoyer une masse hérissée de pointe. Tous ses compagnons avaient jeté leur arcs et saisi eux aussi leur lance ou leur katana. Les deux groupes se rapprochaient à grande vitesse, c'est à ce moment que les deux Shinjo partis en contournement surgirent sur un flanc et firent sonner leur corne pour déstabiliser l'ennemi. Cette tactique traditionnelle du clan montra encore son efficacité et les Ujik-Hai se déconcentrèrent quelques secondes ce qui permit aux samurais de prendre l'initiative de la charge. La jeune Utaku fonça vers sa cible sans dévier sa course, l'énorme brute était bien trop lente pour éviter le coup et la pointe du yari transperça profondément son armure sous le cœur. La hampe se brisa sous le choc tandis que l'homme tué sur le coup basculait à la renverse. Tout autour d'elle le chaos regnait, la charge du groupe avait mis hors de combats plusieurs adversaires mais à présent c'était une lutte pied à pied qui se jouaient entre les cavaliers. Feiyan avait sorti son katana et cherchait une nouvelle cible à atteindre. Elle vit un peu plus loin l'un des pillards abattre un samurai d'un coup de cimeterre habile, elle remarqua sans y prêter attention dans le fracas de la bataille que cet homme là portait un masque qui lui couvrait tout le visage. Elle se résolu de l'abattre pour venger la mort de son camarade, et manoeuvra pour se rapprocher de lui. Elle allait l'atteindre quand un autre barbare surgit et elle dut engager le combat avec lui dans une lutte à mort. Derrière son adversaire rugissant elle aperçu l'Hujik-Hai masqué faire demi tour et accompagné de deux autres hommes partir à brides abattues laissant le reste de ses compagnons affronter les rokugani. Feiyan enrageait de ne pouvoir les arrêter mais son adversaire lui barrait la route et elle savait qu'elle devrait le tuer pour passer. Alors qu'elle s'apprêtait à se lancer sur lui, elle vit soudain une lame surgir du cou de l'homme puis ressortir en un instant, ne laissant qu'un mince trou dont jaillissait des giclées de sang. Derrière l'homme qui tentait en vain de contenir la blessure Junzo s'élançait déjà sur la piste en criant. - Avec moi ! Rengainant son arme, elle partit au galop derrière lui à la poursuite des trois fuyards. --------------------------------------- Le vent sifflait aux oreilles de Feyan lancée sur son cheval furieux. Elle suivait Junzo sans parvenir à le rattraper, le lieutenant compensait la vitesse moindre de sa monture par sa maîtrise de l'équitation aiguisée par les années. Le décors autour d'eux changeait peu à peu, le sol déjà humide devenait marécageux et de grands arbres torturés faisaient leur apparition de plus en plus nombreux. Au loin une immense barrière barrait l'horizon d'un vert sombre, la forêt de Shinomen n'était plus qu'à quelques lieues des cavaliers. Devant eux les silhouettes des trois hommes se rapprochaient, Feiyan savait que Junzo faisait tout pour les arrêter avant qu'ils ne disparaissent dans la forêt. Peut-être conscients qu'ils ne parviendraient pas à semer les Licornes, deux des Ujik-Hai se redressèrent et firent faire demi-tour à leur monture. Ils restèrent alors immobiles un moment, Feiyan vit l'un d'eux tendre le bras et avant qu'elle ne réalise le danger une détonation assourdissante résonna. Elle vit Junzo fauché en pleine course, désarçonné par la violence de l'impact de la balle. Il chuta lourdement et roula à terre puis s'immobilisa enfin. Feiyan fut stupéfaite un instant que ces pillards ait pu disposer d'une telle arme, mais elle avait déjà affronté des gaijins qui en disposaient avec la Horde pendant l'été et elle savait qu'il faudrait du temps au tireur pour recharger. Tirant son katana du saya elle continua la charge sans un cri, fidèle à la tradition de son Dojo, mais la colère lui battait les tempes et elle se jura de renvoyer ces hommes dans l'autre monde. Le second Ujik-Hai donna un coup dans les flancs de son cheval pour se lancer à sa rencontre, son arme à la main, il hurla un cri de guerre de sa tribu. Les deux cavaliers se rapprochaient à une vitesse presque surnaturelle et ils furent face à face en un instant. Les réflexes inscrits dans son corps par l'entraînement firent jouer alors tous ses muscles. Elle lâcha les rênes de sa monture et, s'inclinant en arrière avec la grace d'une prétresse d'Uzume, elle évita le large mouvement circulaire du cimeterre puis avec les deux mains fermement agrippées sur la garde elle frappa de toute ses forces le flanc exposé de l'homme. Le katana vibra jusque dans ses bras, elle sentit la lame pénétrer le cuir clouté de l'armure et s'enfoncer profondément dans la chair, brisant les côtes sur son passage. Mais loin de la maîtrise de la Taisa de son régiment elle se rendit immédiatement compte qu'elle avait voulu frapper avec trop de force, le contrecoup fut si brutal qu'elle fut projetée au sol en même temps que son adversaire. Sonnée par le choc, elle chercha à se relever rapidement mais ses mains étaient aspirées par la boue et elle dut fournir un grand effort pour se remettre sur ses deux pieds. De la sueur froide et acide coulait le long de son dos, la situation ne se présentait pas comme elle l'avait prévue, elle ne voyait plus son cheval qui avait dû être entraîné par son élan. Elle mobilisa toute sa volonté pour empêcher ses pensées d'être contaminées par le doute qui érode le jugement et fait le lit de la peur. Son adversaire s'était relevé aussi, il grognait comme un animal et se tenait le côté. Son sang épais inondait ses doigts et ruisselait le long de sa jambe. Son visage tordu par la douleur et par la haine meurtrière, il proféra une bordés d'injures dans sa langue rugueuse comme des pierres qui s'entrechoquent, puis avança pesamment vers elle, brandissant encore son arme énorme. Feiyan recula avec peine pour garder ses distances, chaque pas était pour les deux adversaires un affrontement avec la tourbe qui les cherchait à les engloutir patiemment. Finalement quand il fut à quelques mètres, l'homme poussa un hurlement et chargea, prêt à abattre son cimeterre. Elle réussit à l'éviter au dernier moment et il ne frappa que le sol avec un un bruit répugnant. Elle en profita pour attaquer son flanc déjà blessé mais sans appui ferme au sol son coup cette fois manqua de force et son katana se ficha dans l'armure. L'Ujik-Hai avait maintenant un regard fou, il attrapa à la main la lame pour l'immobiliser mais dans un geste désespéré Feiyan la dégagea en lui tranchant les doigts. La douleur ne semblait plus atteindre son adversaire, qui se remit à avancer vers elle. Feiyan recula encore, le poison de la peur s'instillait peu à peu dans ses veines devant cette force implacable. Elle parvenait de plus en plus difficilement à maîtriser le fil du combat. D'un coup pourtant la peur disparue et son esprit retrouva sa clarté, en reculant elle avait mis le pied sur une zone un peu surélevée, formé d'un amas noueux de racines d'un arbre mort depuis longtemps. Sur cette plateforme naturelle dégagée, elle savait parfaitement ce qu'il lui restait à faire. Encore en pas, l'homme, aveuglé par la rage se rapprochait, encore un pas, il monta très haut son arme et l'abattit. Cette fois cependant les mouvements de Feiyan n'étaient pas contrariés par la terre collante. D'une volte fluide elle évita le coup puis, les deux pieds bien campés entre les racines, elle déclencha une frappe sèche qui décrocha la tête de l'homme du reste de son corps. Sans perdre un instant, alors que son adversaire s'affaissait mollement, elle se tourna pour chercher du regard l'autre Ujik-Hai qui ne pouvait être loin, elle se figea brusquement en le voyant. Il se tenait à un jet de pierre et la toisait du haut de son cheval, un rictus mauvais sur le visage. Penché en avant, il avait les mains croisées sur le pommeau de sa selle, balançant négligemment son long pistolet à la gueule menaçante. Feiyan savait que sur un terrain ferme elle aurait été assez rapide pour avoir une chance de l'atteindre sans se faire tuer mais dans ce marécage c'était impossible, elle serait une cible trop facile. Elle serra les dents. Comme tous les samurais, ses maîtres lui avait enseigné à être prête à mourir chaque matin en ouvrant les yeux mais l'instinct de survie plonge ses racines trop profondément pour jamais disparaitre, elle ne pouvait que le contenir, le tordre à sa volonté pour qu'il ne remonte pas à la surface. L'homme parlait dans son dialecte qu'elle ne comprenait pas mais elle devinait qu'il la narguait et lui promettait quelque enfer barbare après la mort. Puis lentement avec un plaisir malsain il la mit en joue. Une lumière aveuglante embrasa soudain la terre et une déflagration comme elle n'en avait jamais connue retentit, emplissant tout l'air autour d'eux. Au même instant elle reçut un choc qui la projeta plusieurs mètres en arrière. --------------------------------------- Elle pensait bien être morte, ses yeux n'arrivaient pas à sortir de l'obscurité blanche et un bourdonnement effroyable la lancinait. Son esprit tout entier semblait avoir quitté son corps et peinait à y revenir. Après un temps indéfinissable ses sens commencèrent à se réveiller, le toucher, quelqu'un la secouait, l'ouïe, une voix lointaine l'appelait, la vue, un dégradé de gris découpait une silhouette devant elle. - Feiyan-chan vous m'entendez ? L'ordre du monde se remit en place, les images et les sons se précisèrent. Elle reconnut le visage de Gintoki penché sur elle. Ses cheveux blancs étaient encore plus désordonnés qu'à l'habitude, il souriait toujours mais son front plissé trahissait une inquiétude rare chez lui. - Sensei, commença-t-elle avant de se tordre dans une quinte de toux. - Là, respirez ça, vous avez été un peu secouée ma jeune amie, j'en suis désolé, j'ai dû parer au plus pressé. Le shugenja passa sous les narines de Feiyan une fiole dont l'odeur apaisante s'insinua dans tout son corps. A nouveau en état de voir correctement, elle hasarda un coup d'oeil derrière l'épaule du vieil homme. Là gisait une masse carbonisée qui avait du être un cheval et son cavalier. - Vous, vous avez fait ça ? réussit-elle à articuler. - Vous ne pensiez tout de même pas que j'avais servi trente ans dans la Horde en dessinant des petits oiseaux, répondit-il avec un sourire complice. Feiyan reprit peu à peu une respiration normale et le bourdonnement dans ses oreilles se fit moins obsédant. La mémoire des événements commença à lui revenir, comme un dernier invité important qui arrive en retard. - Le lieutenant ! Il a été blessé ! - Oui j'ai vu, ne vous inquiétez pas, je vais m'occuper de lui, fit-il en l'aidant à se relever. Après quelques pas hésitants, elle constata que tous ses membres fonctionnaient à peu près correctement et récupéra son arme qui gisait plus loin. Son cheval attendait là aussi, grattant nerveusement le sol, Feiyan courut le rejoindre. - Pardon, tu as dû avoir peur, je suis désolé de t'avoir laissé, lui murmura-t-elle. - Il est resté malgré le bruit, il tient vraiment à vous Feiyan-chan, dit Gintoki en s'éloignant pour rejoindre Junzo. Elle posa la joue contre celle de l'animal et ferma les yeux, elle aurait voulu étirer cet instant pour des siècles. Elle s'imprégnait de sa douceur, du bruit régulier de sa respiration et du battement souterrain de son coeur au loin. Jamais, même dans les plus longues séance de méditation au Dojo, elle n'avait senti une telle harmonie avec le monde. Mais le moment prit fin quand les derniers fragments de mémoire finirent par revenir. Elle se tourna brusquement vers le shugenja qui s'affairait déjà sur le blessé. - Sensei ! Il en reste un ! lui cria-t-elle. Sans attendre, elle se hissa sur la selle et reprit les rênes. Le sang lui cognait dans les tempes. - Vous devriez attendre les autres, ils ne vont pas tarder, répondit Gintoki inquiet. - Je dois l'arrêter avant qu'il ne s'enfonce dans les bois ou nous le perdrons ! Le vieil homme fit une moue préoccupée. - Promettez-moi de ne pas vous aventurer trop loin dans cette forêt, il y a des choses qu'il ne faut pas déranger là-bas. Mais Feiyan n'avait pas entendu cette mise en garde, elle avait déjà lancé son cheval au galop sur les traces du dernier Ujik-Hai. Il la regarda s'éloigner puis se tournant vers le lieutenant toujours inconsient il soupira et murmura pour lui-même. - Junzo-san je crois bien que notre jeune amie ne sait toujours pas discerner ce qui anime vraiment son coeur. --------------------------------------- RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 19-11-2020 Suite postée ![]() Pas tout à fait fini. J'ai essayé de poster dans le même message et j'ai eu une erreur, "message trop long" ![]() RE: Topic des personnages - annexes - Gaeriel - 19-11-2020 Mamar tu es prolifique comme un GN des grands soirs!!! j'ai hate de voir la rencontre Feyan et les Nagas, arbitrée par un Nezumi ![]() RE: Topic des personnages - annexes - Darth Nico - 19-11-2020 Génial, cette epicness de tous les instants ![]() RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 23-11-2020 Feiyan se concentrait pour repérer toutes les traces du passage du fuyard, elle se rappelait des quelques conseils de Yue, cherchait des yeux les tiges hautes des prêles que le cheval avait cassé dans sa course, scrutait le sol sur les zones moins humides pour y trouver les empreintes de ses sabots. Bientôt son regard fut attiré plus loin par une forme étendue sur le sol, elle reconnut le cheval de l'Hujik-Hai. Quand elle arriva à la hauteur de l'animal, elle vit qu'il s'était cassé une jambe sur une racine enterrée. Il gisait là, affolé et incapable de se relever. Elle aperçut tout près un coffret en bois ouvragé qui avait été abandonné par le fuyard. L'objet semblait ancien et portait sur son pourtour d'étranges décorations. Il avait été fracturé et son contenu avait disparu. Feiyan savait qu'elle ne devait pas perdre de temps pour rattraper l'homme mais son cœur se serrait devant la souffrance de la pauvre bête. Elle mit pied à terre et s'approcha de lui, elle savait la seule chose à faire. Elle caressa gentiment l'encolure de l'animal en lui parlant d'une voix douce pour l'apaiser. - Tu seras en paix dans le Chikushudo, laisse moi te libérer de cette vie. L'animal cessa de s'agiter. Elle lui couvrit les yeux d'un morceau de tissu et sortit son wakizashi, puis fit le geste qui était enseigné à tous les samouraïs de son clan pour abréger les souffrances d'un cheval blessé. Elle fit une courte prière pour que l'esprit de l'animal trouve le repos, puis se hâta de se remettre en selle pour repartir en chasse. La forêt se rapprochait à présent, Feiyan se rendait pour la première fois compte de son immensité tangible. Elle cru distinguer brièvement un mouvement à la lisère et lança sa monture aussi vite qu'elle le pouvait sur le sol traitre du marais. Elle finit par arriver au pied des grands arbres et hésita un instant à continuer à cheval mais elle comprit vite que l’entrelacs des branches rendrait la progression impossible. Elle se jeta alors à terre, fit un signe rapide à sa monture pour qu'il l'attende ici puis sans un regard en arrière elle s'engouffra dans la forêt. Sur les premiers arpents la lumière baignait encore le sous-bois, et Feiyan aurait pu se croire dans une forêt des terres de sa famille, non loin de la petite ville où elle avait grandi. Le sol restait imprégné d'eau mais la marche était plus facile que dans le marécage proche. Tous les sens aux aguets elle entendit plus loin l'envol bruyant d'une foule d'oiseaux et se précipita dans cette direction. Tandis qu'elle s'enfonçait plus avant dans la forêt le décors changea rapidement, comme les panneaux d'une pièce de théâtre. Au dessus de sa tête les arbres s’élançaient de plus en plus haut et leur cime se perdait dans les ombres. La lumière ne parvenait plus qu'avec difficulté au sol, comme si elle était retenue de toutes leurs forces par les branches contorsionnées. Une brume d'humidité avait fait son apparition insidieuse et nimbait maintenant tout l'atmosphère. Feiyan n'avait jamais vu une forêt aussi impénétrable, mais elle n'avait aucune intention de renoncer. Elle vit soudain une silhouette furtive et se mit à courir en sa direction. Elle sortit son arme et bientôt elle déboucha sur une trouée. L'homme se tenait là, de l'autre côté d'un ruisseau qui coulait à vive allure vers une dépression toute proche. Il la toisait. Ses vêtements gaijin et son armure était d'un noir de jais et il émanait de lui une sourde menace bien différente de la simple force brutale des autres qu'elle avait affronté. Son masque de cuir lisse lui couvrait tout le visage sous son capuchon et ne laissait percer que son regard froid. A son flanc pendait son cimeterre d'un métal sombre et dans sa main gauche il tenait un linge noué autour de l'objet qui avait du se trouver dans le coffre en bois. - Vous êtes obstinée. Il s'était exprimé en rokugani mais avec un accent et une intonation qu'elle n'avait jamais entendu. Elle hésita alors à lui demander de se rendre pour qu'il réponde de ses crimes à la justice de son clan mais abandonna vite cette idée quand l'homme tira son arme et se mit en garde. Ils restèrent un long moment à s'observer. Les animaux de la foret avaient fait silence et la brume légère qui baignait les combattants leur donnait des airs de fantômes. Le sang bouillonnant, Feiyan finit par s'élancer, sautant comme un chat sur les rochers glissants elle fut de l'autre côté en un instant, fendant l'air de son arme. L'étranger évita le coup et riposta dans le même geste. A son tour elle échappa avec souplesse à sa lame sombre. Elle poursuivit ses attaques furieuses pour garder l'initiative, mais à chaque fois l'homme réussissait à les éviter ou les dévier légèrement. Il plaçait des contre-attaques tranchantes mais Feiyan parvenait à se dérober. Elle avait remarqué que l'homme protégeait particulièrement l'objet qu'il serrait contre lui et elle usait de cela à son avantage en l'attaquant sur ce côté, le forçant à faire des mouvements difficiles. Plus agile que lui, elle bondissait en équilibre incertain sur des rochers ou des racines saillantes, décochant des attaques soudaines. Mais malgré ses efforts elle ne parvenait pas à percer la défense de l'étranger et elle se rendit compte qu'elle ne pourrait pas soutenir pendant longtemps un combat aussi intense. Il reprit peu à peu l'initiative des échanges et elle se trouvait contrainte de reculer. Essoufflée, elle respirait difficilement l'air trop lourd tandis que l'homme ne semblait pas montrer de signe de fatigue. Une nouvelle charge la força à reculer. Il lançait son arme avec de plus en plus de force. Elle comprit qu'elle devait tenter le tout pour le tout pour renverser le cours du combat. L'idée lui vint en apercevant un arbre à la forme torturée à quelques pas derrière elle. Elle recula en faisant de son mieux pour éviter les coups et lorsqu'elle sentit le tronc dans son dos elle fit semblant de perdre l'équilibre pour un instant. L'homme fit un grand geste pour la faucher mais elle se jeta sur le côté. Le cimeterre fit un bruit sourd en s'enfonçant de plusieurs pouces dans le bois humide, un genou à terre Feiyan lança son attaque en s'étirant aussi loin qu'elle le pouvait. Trop courte pour atteindre un point vital, sa lame entailla cependant le bras gauche de l'homme en profondeur. Il poussa un feulement de tigre blessé, et la douleur lui fit lâcher son précieux paquetage. En tombant le linge se défit et Feyian aperçu un moreau de cuir vieillissant et des tranches de pages jaunies. Elle reconnut la forme d'un livre gaijin d'après les descriptions des voyageurs de son clan. Elle avait baissé les yeux une seconde seulement vers l'objet mais cette inattention avait été suffisante, l'homme avait laissé son arme fichée dans l'arbre et d'un bond s'était jeté sur elle. Feiyan essaya de reculer mais de sa main valide il la retint et lui assena un coup de genou qui lui fit craquer les côtes. Elle se dégagea d'un moulinet de son arme et tituba en reculant, le souffle coupé. Elle sentit brusquement son pied qui glissait vers le vide derrière elle. Dans un temps comme suspendu son regard croisa celui de l'homme, indéchiffrable, puis elle bascula en arrière. --------------------------------------- L'anfractuosité était heureusement peu profonde et végétation dense de la forêt ralentit sa chute. Elle finit par atterrir plusieurs mètres en contrebas sur un épais lit de mousse. Rassemblant ses esprits et ignorant la douleur intense dans ses côtes, elle se releva et observa en surplomb. Elle ne vit que l'eau du ruisseau indifférent coulant de rocher en rocher. Elle testa les prises pour remonter mais les pierres humides étaient trop glissantes pour l'escalade. Observant les alentours pour trouver une solution, elle remarqua que le terrain remontait en pente douce d'un côté. Elle se mit à longer la paroi dans cette direction. Au bout d'un moment l'à-pic s'était suffisamment réduit et elle parvint à remonter en grimaçant sous la souffrance. Sur ses gardes elle rejoignit le lieu de leur affrontement à présent d'une quiétude totale. L'homme avait disparu, emportant avec lui le livre gaijin qu'il avait volé dans la caravane. Feiyan entreprit de chercher des traces de sang et ou des empreintes pour le traquer. Elle ne tenait que par sa volonté tant la douleur menaçait de la submerger. Mais toute sa résolution n’empêchait pas ses sens de se troubler peu à peu. La brume lui paraissait plus dense, les arbres semblaient se mouvoir dans le coin de ses yeux. Au sol les traces tremblaient quand elle les regardait et n'importe quel trou prenait la forme d'une empreinte de pas. Ivre de fatique elle progressa vers l'intérieur de la forêt qui se refermait sur elle. Elle n'aurait su dire combien de temps elle marchait ainsi, suivant des traces à la réalité incertaines. Tout autour d'elle les animaux avaient reprit leur bavardage incessant, les cris des oiseaux résonnaient et se mélangeait au croassements permanent de crapauds invisibles. Elle arriva enfin en haletant dans un endroit plus calme, une petite mare peu profonde dont l'eau était si immobile qu'elle était comme un miroir laissé là par un dieu oublieux. Mais ce n'était pas la mare qui attirait le regard de Feiyan, c'était l'animal qui s'y désaltérait en son centre. Un cerf d'une blancheur immaculée se tenait là, la tête baissée pour boire. Au bruit de l'arrivée de la jeune femme il se releva et la regarda. Il y avait dans ses yeux la même sérénité que celle des immenses plaines de l'Ouest. Feiyan resta figée au bord de l'eau, subjuguée par la beauté de l'animal. Elle oublia pour un temps tout ce qu'elle savait et tout ce qu'elle cherchait. L'homme en noir s'était dissout dans ses pensées comme une ombre chassée par un soleil resplendissant. Au pied du cerf, son reflet parfait se tenait là, à l'envers du monde, assombri par la terre noire qui affleurait sous l'eau. Le temps avait interrompu sa course autour d'eux. Puis un bruit vint rompre le charme, Feiyan tourna la tête et devina un mouvement fugace entre les arbres plus loin. Elle jeta un dernier regard vers l'animal mais il avait déjà disparu et ne restait que la mare stagnante. Reprenant pleinement ses esprits Feiyan se remit en route en direction du mouvement qu'elle avait cru voir. Arrivée non loin de l'endroit, elle se fit plus discrète et s'accroupit derrière un arbre pour essayer d'observer, mais de là elle ne vit rien d'autres que des arbres, encore plus sombres et menaçants que tout ceux qu'elle avait déjà vu. --------------------------------------- Feiyan se figea au contact de la lame froide sur son cou. Presque surprise de ne pas être morte, elle baissa lentement les yeux et vit que l'arme qui la menaçait était un katana effilé et non le cimeterre de l'homme masqué. Rassurée, elle tourna la tête, tandis que la lame restait suspendue à un souffle de sa gorge. La samouraï-ko qui se tenait là devait avoir seulement quelques années de plus qu'elle, son visage élégant ne trahissait aucune émotion. Son kimono était d'un vert si sombre qu'il semblait absorber le peu de lumière qui perçait encore la cime des arbres. Sans prévenir, elle écarta son katana et le replaça avec soin dans le saya à sa ceinture. L'ébauche d'un sourire apparu sur ses lèvres. - Pardonnez-moi Licorne-san, je ne vous avais pas reconnu, dit-elle d'une voix douce. Feiyan baissa la tête et s'aperçut qu'elle était à présent si recouverte de terre et de poussière que ses couleurs de son clan n'étaient presque plus visibles. Elle aurait pu passer pour une sauvage. - Je m'appelle Utaku Feiyan, dit-elle en se relevant difficilement, excusez mon aspect. - Toritaka Rin, c'est un honneur de rencontrer une prestigieuse Shiotome. Un honneur inattendu je dois dire. - Je poursuis un homme dangereux Rin-san, un barbare gaijin qui s'est enfuit dans la forêt, je dois le retrouver. Feiyan s'attendait à ce que la samouraï-ko propose de l'aider dans son entreprise et elle commençait déjà à repartir quand elle sentit sa main sur son épaule. - Utaku Feiyan vous ne pouvez pas aller plus loin, lui dit-elle avec assurance. - Que voulez-vous dire ? fit Feiyan, en se retournant, incrédule. - Permettez-moi de vous demander, que savez-vous de cette forêt ? - Ce qu'en raconte les histoires, comme tous les samouraïs de mon clan, dit-elle irritée. - Alors vous en connaissez bien peu. Au delà de l'endroit où nous nous trouvons c'est la terre des esprits Feiyan-san. Rin leva la main pour prévenir ses protestations. - Comprenez-moi bien, en disant cela je n'use pas du langage énigmatique des moines des montagnes, ni des belles images des poètes Asahina, cet endroit appartient aussi réellement aux esprits que la Muraille appartient aux Hida. - Mais je veux pas offenser les esprits, je cherche simplement ce gaijin, dit-elle excédée. Nous le pourchassons lui et ses complices depuis des jours, ils ont attaqué une caravane non loin d'ici. - Je suis sûr que votre traque est juste Feiyan-san, mais considérez là comme achevée. Cet homme est comme mort s'il s'est aventuré dans cette direction. Même les gens de mon clan ne pénètrent dans ces parties de la forêt qu'avec de grande précaution. Particulièrement depuis quelques temps, les esprits sont en colère. Feiyan observa les environs, tentant vainement de vérifier les dires de Rin. - Vous ne pourrez pas les voir, un long entrainement auprès des maitres de mon clan est nécessaire pour développer ce sens. Vous devez me faire confiance Feiyan-san, ils sont plus proches que vous ne le pensez et bien plus dangereux. Les paroles la jeune femme étaient amicales mais fermes. Feiyan admettait que Rin devait connaitre infiniment mieux qu'elle la foret de Shinomen, et elle savait aussi que ceux du Faucon en avait la responsabilité tacite dans cette région. Passer outre son avertissement et s'entêter pouvait placer ses supérieurs de la Horde dans l'embarras. Enfin elle devait bien convenir que si jamais elle avait besoin de repousser la samouraï-ko par la force, elle n'aurait peut-être pas le dessus, surtout dans son état. La frustration lui fit se mordre les lèvres jusqu'au sang mais avec la lucidité qui lui restait elle finit par admettre qu'elle ne pouvait continuer. Poussant un soupir elle se tourna vers le ciel invisible derrière les hautes frondaisons. Les yeux clos, elle se délesta peu à peu de la tension qui l'habitait depuis des heures. Le poids de la fatigue et la douleur lancinante vinrent occuper la place maintenant vacante. Rin attendit patiemment à quelques pas qu'elle termine d'accepter la situation. - Je dois retourner auprès de mes compagnons, fini-t-elle par dire en rouvrant les yeux, je crains de devoir solliciter votre aide Rin-san, je serais bien incapable de retrouver mon chemin. La samouraï-ko sourit et l'invita à la suivre. ---------------------------------- RE: Topic des personnages - annexes - sdm - 23-11-2020 Suite et presque fin ![]() |