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Chroniques - Darth Nico - 19-11-2020

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SOMMAIRE

- Questions/réponses sur Rokugan en 1325

- Lieux d'intérêt à Bakufu. Plan de la ville.

- Chroniques I : Le commerce avec les gaijins

- Chroniques II : Les terres de l'expansion

- Chroniques III : Les Daidoji

- Chroniques IV : L'assèchement des marécages d'Uebi et la première insurrection des Poings de Justice

- Chroniques V : Le palais de l'Harmonie

- Chroniques VI : Le masque de l'honneur brisé

- Chroniques VII...


RE: Chroniques de Bakufu - Darth Nico - 19-11-2020

Questions/réponses sur Rokugan en 1325

*

Les clans existent-ils toujours en 1325 ?

Officiellement non... quand on est du côté du Guide. Il n'y a plus que des familles administrant des districts.

Oui, rien n'a changé... quand on est fidèle à l'Empereur. 

Qui dirige Rokugan, l'Empereur ou le Guide ?

Dans les faits, le Guide a dirigé l'Empire depuis une vingtaine d'années. Il a apporté indéniablement la paix et une certaine prospérité dans l'Empire. Le règne des empereurs Iweko a été marqué par de nombreux conflits avec les gaijins. Un Empereur y a même perdu la vie lors d'une bataille à Otosan-Uchi. Le Guide a été le premier à ne pas prendre les gaijins de haut, et à chercher la coopération plutôt que l'affrontement. C'est pourquoi certains reconnaissent son mérite... quand les partisans de l'Empereur le détestent pour cette même raison. 

Grâce aux progrès engagés dans l'armement, l'armée du Guide, la Tortue, a réussi à marcher sur une bonne partie de l'Outremonde, ce qui ne s'était jamais vu en 1000 ans. Une bonne raison de respecter le Guide... et de craindre ses canons. 

Enfin, les avancées dans les machines ont permis d'améliorer l'agriculture, d'ouvrir les premières manufactures etc. Autant de progrès qui améliorent la condition matérielle de tous, samouraïs autant que paysans. Cela reste difficile à admettre, dans une culture imprégnée de spiritualité, où cette vie n'est qu'une préparation pour la suivante. Mais le fait est qu'avec moins de guerres et plus de riz dans les rizières, la situation s'est amélioré pour les rokuganis.

En 1325, un nouvel Empereur, Iweko V, monte sur le trône et condamne la modernité et le confort matériel. Mais il a peu de légitimité, car la plupart des clans se sont ralliés à l'idée que Rokugan doit se moderniser pour faire face à l'arrivée des gaijins par la mer (du côté des Mantes) et par le désert à l'ouest.
Donc l'Empereur est vénéré officiellement, mais dans les faits, c'est le Guide qui dirige l'Empire. C'est à lui qu'on obéit.

Qui est le Guide ?

Miya Atsumori était le jeune daimyo de la famille Miya lors du coup d'Etat des Seppun et des Otomo en 1302. Dirigeant de la banque Miya qui imprime les premiers billets de banques, c'est aussi un féru d'astronomie et un polyglotte : il peut discuter avec les émissaires gaijin dans leur langue, ce qui ne manque jamais de les impressionner.
Les Miya, émissaires impériaux, sont un des clans les plus populaires grâce à la caravane de bienfaisance. L'arrivée d'un Miya comme régent a donc été accueilli favorablement : tout le monde imaginait un personnage inoffensif, qui assurerait paisiblement la régence en attendant le prochain empereur. Or, le Guide est d'une toute autre trempe que cela. C'est un fanatique du progrès. L'écrasement de l'Outremonde doit lui servir à prouver la supériorité de la technologie moderne sur la magie, dont il se méfie comme de la peste.

Le Guide lit le Tao et apprécie Shinsei, le petit homme qui a parlé d'égal à égal avec les dieux. En revanche, il déteste le clergé, qui selon lui a fait du shinseisme une doctrine de soumission et de résignation. C'est pourquoi il a chassé les religieux de l'Harmonie et fait saisir tous leurs bâtiments. Pour lui, la seule religion valable est celle du Progrès.

Qu'est-ce que le clan de l'Araignée ?

L'Araignée était un clan mineur du Scorpion, qui est devenu un clan majeur sous l'impératrice Iweko I. 
Lors du discrédit des clans majeurs traditionnels, après les guerres de succession sous Toturi II et III, les familles Scorpions ont été supplantées par la famille Daigotsu.
Le clan de l'Araignée inclut les familles traditionnelles des Scorpions (Bayushi, Shosuro, Soshi, Yogo) mais c'est désormais un symbole d'araignée qui flotte sur la Cité des Mensonges. 
Ils sont vus comme des Scorpions sous un autre masque, experts en matière de manipulations, trahisons etc. 

D'aucuns disent que les Daigotsu viennent de l'Outremonde, sont corrompus par l'Ombre, ont voyagé dans le monde des morts avant de ressusciter, et qu'ils sacrifient des bébés chats lors des pleines lunes, en écoutant du Michel Sardou.
Qu'en est-il de ces rumeurs ?


« Qu'ils me haïssent pourvu qu'ils me craignent » pourrait être la devise des Daigotsu. Que les pires rumeurs circulent sur eux les sert bien... jusqu'à un certain point : celui où le pire sur leur compte serait avéré, et où l'armée de la Tortue marcherait sur eux pour les pilonner à coups de canons.
Les Daigotsu ont des choses à cacher, oui. Mais il faut croire que le Guide sait à quoi s'en tenir sur leur compte, et c'est pourquoi il les laisse à leur place.

Les Lions sont traditionalistes. Pourquoi servent-ils quand même le Guide ?

Les Lions tiennent surtout à leur indépendance. Ils se font une fierté de ne craindre personne et de n'avoir besoin d'aucun autre clan. Ils ont les terres les plus grandes et les plus riches.
Or, les Lions n'auraient aucun intérêt à affronter l'armée des Tortues. Et le Guide n'aurait pas les moyens de déplacer son armée jusqu'au nord.
A l'ouest, les Licornes les protègent des barbares. Au nord, leurs voisins Dragons et Phénix ne sont pas une menace. Au sud, la chaîne des montagnes les sépare des Araignées. A l'est, ils sont en bons termes avec l’Émeraude.
Les Lions pratiquent donc l'isolationnisme.

Comment fonctionnent les bateaux volants ?

Un mélange de technologie gaijins + savoir-faire des ingénieurs Kaiu (Crabe) + magie des shugenjas du clan de la Mante pour dompter les tempêtes. 
Donc un mélange de technologie et de magie.
On soupçonne les shugenjas Agasha (Dragons) et Isawa (Phénix) de travailler sur des engins plus puissants, grâce à leur maîtrise des esprits du feu. LÉmeraude (l'Empereur) et l'Harmonie (le Guide) essaient de s'attirer les services de ces shugenjas... qui vendront leur savoir-faire à prix d'or.
Il n'est pas impossible que les shugenjas Soshi, dont l'affinité est forte avec l'Air, permettent de perfectionner à leur façon ces engins. 
Le Guide se méfie de la magie, mais si elle est au service de la technologie, elle reste acceptable.

Justement, la magie est-elle encore autorisée ?

Officiellement, elle est mal vue dans l'Harmonie. Reliquat de superstitions du passé, puissance dangereuse qui a ravagé l'Empire lors des guerres de succession de Toturi, elle devrait appartenir aux temps sombres et reculés. Mais dans les faits, elle est toujours pratiquée. Elle est moins célébrée, elle est concurrencée par la technique, mais elle n'est pas prêt de disparaître, au grand dam du Guide. 

Qui sont les gainins ? D'où viennent-ils ?

- Le peuple de Merenae est l'inventeur de la polvora, la poudre noire explosive. Celle-ci a été ensuite perfectionnée par les Agasha. 

- Les étrangers de Thrane sont de grands navigateurs. Ils ont une armée moderne et bien organisée. Lors d'une bataille contre eux, un Empereur de Rokugan a été tué. Aujourd'hui, ils ont des bateaux volants.

- Différents peuples des Sables Brûlants : certains viennent pacifiquement, d'autres de ces tribus sont les envahisseurs de l'ouest. 

- Au sud-ouest, les hommes à la peau brune des Royaumes d'Ivoire et leurs éléphants de guerre. Les contacts sont encore peu nombreux, car il y a l'Outremonde entre les deux. Un couloir terrestre permet de passer, mais il reste étroit. 

- Enfin, Rokugan a peu de contacts avec le peuple du nord, les Yodotai, avec leurs casques à crêtes et leurs sandales.

Je suis gaijin, puis-je me promener dans Rokugan ?

Dans Bakufu et dans l'Harmonie, les facilités de circulations pour les gaijins sont assez grandes. Cela fait partie du traité de paix avec eux. 
Dans les autres clans, cela dépend. Il leur faut des autorisations pour circuler, comme pour les autres samouraïs. Les Renards, les Licornes, les Phénix, les Dragons en accueillent volontiers. Les Araignées en accueillent aussi (mais parce qu'il faut en apprendre le maximum sur eux). Ils sont mal vus chez les Lions, évidemment. 
Certains étrangers sont reçus aussi dans l’Émeraude, à la cour de l'Empereur, pour essayer de les monter contre le Guide.



RE: Chroniques de Bakufu - Darth Nico - 19-11-2020

Lieux d'intérêt à Bakufu

[Image: LaDAqdB.jpg]

- Le palais du Guide

- Les Naseaux du Buffle : le port rempli de la vapeur des engins volants.

- La Maison des horloges et des cieux. Le Guide collectionne les horloges de tous types. C'est un cadeau traditionnel de la part des clans et des étrangers en résidence à Bakufu. Elles sont exposées dans une grande bâtisse, où des serviteurs sont chargés de les remonter toujours à l'heure. A chaque heure, elles sonnent en même temps en un tintamarre assourdissant. A l'étage, un observatoire astronomique.

- Le Nid : la taverne qui sert de repaire au clan de la Guêpe. On y trouve un panneau d'annonces de contrats. Le patron est un ancien chasseur de primes à la retraite, qui garde toujours un mousquet sous son comptoir. Le Nid est stratégiquement situé à quelques rues du Monde Flottant.

- La Maison du premier rayon du matin. L'ambassade des Licornes, située à l'extérieur de la ville. Plus communément appelée la Yourte, car le bâtiment comprend où une vaste cour intérieure, où les Licornes ont installé une yourte traditionnelle, pour se sentir comme à la maison. Derrière, un grand champ en bordure d'un bois. Par un petit sentier côtier, un accès à la plage, où les Utaku vont faire courir les montures.


RE: Chroniques de Bakufu - Darth Nico - 19-11-2020

Chroniques

I- Le commerce avec les gaijins


Les Lions n'ont pas d'ambassade dans Bakufu. En fait, le clan ne reconnaît ni l'existence du Guide ni celle de l'Harmonie. Pour eux, il n'y a que le chef de la famille Miya et Jukami Mura, le Port qui ne Dort Jamais, le nom originel de Bakufu.

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A l'origine, le Port qui ne Dort Jamais était dans le sud des terres de la Grue. Les Mantes y avaient une importante ambassade et y engageaient des mercenaires. Les Crabes avaient leurs propres docks à l'autre bout de la ville.
Les armes étaient interdites en ville, ce qui amena le développement de combats clandestins de jiu-jitsu et autres arts martiaux.
Aujourd'hui, cette tradition perdure dans le Port des Brumes. Les plus forts lutteurs rokuganis et gaijins s'y affrontent dans des tournois très suivis, où l'on voit souvent des samouraïs s'encanailler dans le public. Mais les paris sont plus encadrés : les Miya prennent un impôt sur les combats. Il y a même une salle officielle dans les Naseaux du Buffle. Cependant, des combats clandestins se déroulent toujours dans les entrepôts du Port des Brumes.
Togashi Korimi a participé une fois à une tournoi, qu'elle a remportée. Mais depuis, elle est interdite de compétition : tout le monde connaît ses tatouages d'éléments de la terre et la force surnaturelle qu'ils lui confèrent.

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L'existence d'un marché noir est le secret le plus connu de Bakufu. En fait, la ville ne pourrait pas exister sans la contrebande de produits gaijins. Tout le monde a un jour acheté des produits qui ont évité la douane : vêtements, bijoux, parfums, épices, vases, drogues, armes... Les produits qui ont passé légalement les frontières valent une fortune et ne sont pas de meilleure qualité : ils ne servent que pour les cadeaux officiels.
Si les Miya voulaient mettre fin au marché noir, ils devraient interdire tout commerce maritime, ce qui reviendrait à asphyxier la ville en quelques semaines, et bientôt l'Harmonie.
En réalité, les produits gaijins sont le cachet et la fierté de Bakufu. On trouve les meilleurs articles dans la luxueuse boutique de Wasu, le plus célèbre marchand Yasuki de la ville, qui appelle toutes les femmes "princesse", quel que soit leur âge.
Il y a donc la contrebande tolérée, celle sur les produits de luxe, et il y a la contrebande réprimée : la drogue, la poudre à canons, les esclaves, les mercenaires, la fausse monnaie...

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Autre élément-clef de la fortune de Bakufu, le papier monnaie s'est développé depuis une dizaine d'années. Aussitôt, de fausses coupures ont commencé à circuler et les Miya ont fini par ouvrir un bureau de répression des fraudes. Un travail à plein temps...
Le Palais de la Monnaie est l'un des bâtiments les mieux gardés de la Cité Miya, qui est une sorte de mini-Cité Interdite au cœur de la ville, adossée au port militaire. A l'intérieur, on y trouve une énorme presse à billets, construite par des artisans de Thrane.

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La lointaine nation de Thrane a la plus puissante flotte des Sept Mers. On les surnomme parfois les "Lions des Mers" pour la discipline de leur armée et la robustesse de leurs navires équipés de canons. Les Thranois sont grands, ont la peau pâle, des cheveux roux ou blonds. Ils viennent d'une région froide aux terres arides, où a sévi plusieurs fois la peste. Tout cela explique qu'ils se soient tournés vers la mer et les îles tropicales. C'était pour eux une question de survie. Ils y ont réussi admirablement et ont amassé des fortunes grâce à leurs conquêtes. Les Thrane aiment passionnément l'argent, et n'ont aucune honte à afficher leur réussite sociale. Leurs manières directes et franches sont déroutantes même pour les habitants de Bakufu, pourtant moins réservés que les samouraïs plus traditionnels.

Le plus célèbre Thranois de Bakufu se nomme Jan-Aleksander de Mecklenburg. Mais comme son nom est imprononçable pour un Rokugani, il se fait appeler "monsieur Jan". Après une jeunesse passée sur les mers, il a ouvert un grand restaurant qui reçoit une clientèle très huppée. Depuis la grande salle du troisième étage, on a une vue magnifique sur les Naseaux du Buffle. Monsieur Jan se vante de servir la meilleure soupe de la mer de la ville.

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Merenae est la rivale éternelle de Thrane. Les Merenaens sont plus petits, ont la peau plus foncée, les cheveux bouclés. Ils n'ont pas de grande flotte, peu de grands territoires sur les Sept Mers. Ils sont davantage connus pour employer toutes sortes de mercenaires et de pirates. Mais ils ont un énorme avantage : le fameux "poivre gaijin" mis au point par la famille Cornejo, et dont le secret est toujours bien gardé. Les Thranois ont aussi de la poudre, mais de moins bonne qualité. Aujourd'hui, les Agasha, les shugenjas Dragons, essaient tant bien que mal de reproduire la poudre Cornejo, mais malgré leurs talents de chimistes, ils n'y sont pas encore parvenu.
Les Merenaens sont beaucoup moins bien accueillis à Bakufu que les Thranois : si seulement ils voulaient partager le secret de leur poudre ! Comme ils refusent, ils sont cantonnés aux mauvais quartiers. Quand il y a des échauffourées sur le Port des Brumes, des règlements de comptes sanglants dans le quartier des Tanneurs, des armes cachées dans les entrepôts, ce sont toujours les Merenaens qui sont soupçonnés.

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Merenae a de bien meilleurs contacts avec les Mantes. Ceux-ci sont en contact avec tous les gaijins des Sept Mers, et ne pratiquent pas beaucoup de discrimination dans leur archipel. S'ils commençaient à faire les difficiles avec telle ou telle nation, ce serait des guerres ruineuses et la perte de nombreuses routes commerciales. Donc : pas de favoritisme, tout ce qui compte est la quantité de pièces qu'on met sur la table !
Outre Thrane et Merenae, on trouve donc dans l'archipel Mante des gaijins des Sables Brûlants, dont des émissaires de Medinat Al'Salaam. On trouve aussi des représentants de la lointaine monarchie du Senpet : cette nation rivale de Medinat est connue pour avoir construit dans le désert des pyramides en l'honneur de leur Dieu-Serpent. La Calife de Medinat et le Pharaon du Senpet se haïssent mais leurs sujets se réconcilient dans les luxueux palais de la famille Yoritomo. Et leurs produits se retrouvent dans les boutiques de Bakufu...


RE: Chroniques de Bakufu - Darth Nico - 19-11-2020

Chroniques

II- Les terres de l'expansion


La célèbre caravane de bienfaisance des Miya existe toujours. On se souvient du dévouement avec lequel le magistrat Miya Toshiro la dirigeait, à l'époque où il collectait les impôts des clans mineurs...
Aujourd'hui, la caravane ne va plus dans tout l'Empire, seulement dans les terres de l'Ouest. Les Araignées sont trop fiers pour l'accueillir, les Lions n'en voudraient évidemment pas, les Dragons et les Phénix sont trop loin.
L'oeuvre de bienfaisance du Guide sert à soulager la misère ici ou là, et bien sûr à se renseigner sur ce qui se passe dans la région d'expansion, à l'ouest : la paume de la main est ouverte et généreuse mais l'oreille est aux aguets...
La caravane est cependant mal reçue chez les Lièvres. Elle contourne leurs terres autant que possible, et va jusqu'aux terres du clan du Singe (voir plus bas).

*

D'un tout autre style est la prestigieuse caravane marchande des Licornes. Il s'agit en fait de convois réguliers qui font l'aller-retour entre Bakufu et la muraille de l'Ouest.
La caravane est somptueuse, avec ses bannières et ses tentures au style gaijin. Elle est chargée d'épices, de parfums et de tissus qui viennent d'aussi loin que Medinat Al'Salaam.
La caravane fait du commerce avec qui veut, les Licornes passant outre tous les conflits entre clans dans la région. Comme le dit le vieux dicton du désert : les chiens aboient, la caravane passe... Et qui voudrait s'opposer à une caravane gardée par les terribles vierges de bataille Utaku ?

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Les Renards sont les descendants des Licornes qui ne sont pas partis dans les Sables Brûlants avec Shinjo. Depuis que l'ambassade Licorne a été ouverte à Bakufu, les Kitsune y sont reçus chaque année pendant trois jours pour la fête du départ de Shinjo.

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Le clan du Moineau est réputé pour son école de magistrats. Honnêtes, habiles aux armes, les Suzume servent le Guide en rendant la justice dans une partie des terres de l'ouest.
Les choses ont bien changé depuis qu'un de leurs prestigieux ancêtres, Matsu Mitsurugi, combattait le Gozoku et qu'avec son ami Matsu Sasuke, ils mettaient le feu à l'ancienne cité de Bakufu...

*

Aujourd'hui, malgré leur ralliement à Bakufu, les Moineaux tiennent à une certaine indépendance. Ils enquêtent dans les campagnes et gardent un mode vie traditionnel.

Au contraire, les Guêpes s'occupent plutôt de Bakufu et des îles de la Mante. Il y a une certaine rivalité entre Guêpes et Moineaux, qui tient à l'opposition de deux styles : les Moineaux sont des lettrés, qui suivent les procédures de façon stricte, tandis que les Guêpes cherchent d'abord l'efficacité et la rapidité. Les Miya emploient les services des deux clans en faisant en sorte d'être "harmonieux". Dans les faits, les deux clans sont employés différemment : les Moineaux reçoivent un paiement annuel pour rendre la justice dans la région, alors que les Guêpes se font payer à la prime.

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Le clan du Lièvre a une histoire tumultueuse : fondé au 8ème siècle après les guerres contre Iuchiban, le clan devint réputé pour ses chasseurs de maho-tsukaï. Mais peu avant le jour des Tonnerres, le clan fut détruit par les Scorpions, à la suite de manipulations orchestrées par des conspirateurs dirigés par Daidoji Dajan. Les plans de Dajan furent mis en déroute par le magistrat Kakita Hiruya et son équipe. Grâce à eux, le rônin Ozaki put refonder les Lièvres et retrouver son nom de famille, Usagi.

En 1325, les Lièvres forment un clan farouche, qui continue de traquer les adeptes de la maho. Les tensions sont nombreuses entre eux et leurs voisins, les Moineaux et les Renards. Les Lièvres sont aidés financièrement par les Araignées, qui ont besoin d'eux au sud de la forêt Shinomen. Les Lièvres sont très traditionalistes : ils ne veulent pas de la modernité, et en particulier du chemin de fer qui passerait en plein milieu de leurs terres.

*

Tout à l'ouest, passé le clan du Lièvre, se trouve la région d'expansion. Une région qui a toujours été isolée, et où le Guide voudrait étendre l'Harmonie. En allant tout à l'ouest, on trouve le chemin le plus rapide pour aller chez les Licornes. C'est ce trajet de l'ouest qu'empruntent les caravanes Licornes, et c'est par là que le guide voudrait faire passer le chemin de fer.

Dans la région d'expansion, on trouve les plus petits clans de l'Empire :
- les Faucons, chasseurs de yorei (les esprits enragés revenus du monde des morts)
- les Sangliers, d'habiles forgerons
- les Singes, des magistrats qui maintiennent un semblant de justice dans ces terres reculées, et qui sont en bons termes avec les Moineaux.
On y trouve aussi des ruines de la civilisation Naga, ce qui donne à cette région écartée un air encore plus mystérieux.

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Dans l'expansion, on trouve enfin un clan à moitié officiel, les Loups. Détruit puis refondé plusieurs fois dans l'histoire, le clan se reconnaît comme ancêtre Ranto, un rônin honorable qui avait servi Matsu Mitsurugi.
Les Loups de Rantô habitent un village fortifié et sont employés comme mercenaires dans toute l'Harmonie. Ils n'ont pas de noms de famille cependant, et sont considérés à tous égards comme des rônins. Mais il arrive que les Moineaux fassent appel à eux. En revanche, ils sont mal vus dans Bakufu : trop rustres.
D'autres rônins moins honorables revendiquent aussi la bannière du Loup et les Lièvres emploient parfois leurs services.


RE: Chroniques de Bakufu - Darth Nico - 19-11-2020

Chroniques

III- Les Daidoji


Le clan de la Grue est aujourd'hui divisé : les Grues du sud (Asahina et Daidoji) sont les modernistes, ralliés à l'Harmonie. Les Grues du nord (Doji et Kakita) sont les traditionalistes, fidèles à l’Émeraude.

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Bâtie à partir de l'ancienne cité du Port qui ne Dort Jamais, Bakufu est implantée sur les terres de la famille Daidoji.
Les Daidoji se sont ralliés au Guide Radieux et ont prêté serment de fidélité aux Miya. Mais en échange, ils occupent des postes-clefs dans l'administration. De nombreux magistrats de l'Harmonie sont des Daidoji qui ont le droit de porter le mon de leur famille en plus du mon de la magistrature.
Le puissant conseil de l'Harmonie extérieure (service du renseignement et du contre-espionnage) est dirigé par un Daidoji.

*

Au nord de l'Harmonie, ce sont donc les terres Daidoji. Et après la frontière, les terres Doji de l’Émeraude. Des forces du Guide et de l’Émeraude sont stationnées de chaque côté et observent le moindre mouvement de l'autre côté.
Il y a régulièrement des incidents à la frontière, mais ils n'ont jamais dégénéré en un conflit ouvert.
Si cela arrivait, les Daidoji seraient en première ligne contre leurs frères ennemis Doji et Kakita.

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Les Daidoji ont également une flotte et font du commerce dans l'archipel des Mantes. Ils disposent de ports et de relais dans de nombreuses îles, faisant d'eux des informateurs de premier ordre pour Bakufu.

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Les marins Daidoji sont beaucoup moins regardants que les Miya et plus pragmatiques : ils n'hésitent pas à faire du commerce avec les Merenae, pourtant méprisés à Bakufu, et ils entretiennent de bonnes relations avec certains Frères de la Côte, ces groupes informels de flibustiers, boucaniers et contrebandiers qui pullulent dans l'archipel, et qui opèrent aussi sur les côtes désertes du continent.

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Le Daidoji le plus apprécié de Bakufu est le docteur Daidoji Rijin. Ancien chirurgien de marine, il a voyagé à travers tout l'archipel Mante, a fait partie des premiers vols en aéronefs, a rencontré de très nombreux gaijins, observé leurs pratiques médicinales et écrit des traités sur les codes de navigation.
Aujourd'hui à la retraite, il continue à recevoir certains patients qu'il suit depuis longtemps (dont Miya Genichi pour ses séances d'acupuncture !)

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Surnommés la Grue de Fer, la petite mais redoutable armée des Daidoji seconde souvent la Tortue, l'armée de l'Harmonie. Beaucoup d'ingénieurs Daidoji occupent des postes importants parmi les officiers de la Tortue, et collaborent avec les Kaiu pour mettre au point les machines de guerre.

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Les Asahina composent des courtisans et des artistes qui sont attirés par la vie mondaine de Bakufu. En effet, la cité de l'acier et de la vapeur a développé le mécénat des artisans en tous genres : peintres, musiciens, danseurs, calligraphes etc. Les Asahina ont l'occasion de rencontrer des artistes gaijins qui séjournent dans l'Harmonie.
Les Asahina ont reçu la charge hautement honorifique de l'anniversaire du Guide. Chaque année, ce sont eux qui mettent en place ces célébrations.

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Les Daidoji ont aussi un projet indépendant de chemin de fer, mais il est encore moins avancé que celui du Guide.
Le projet du Guide partirait vers le nord-ouest, passant à l'ouest de Kitsune Mori, traversant les terres Lièvres, passerait chez les Scorpions et se terminerait chez les Ide, à l'ouest de la chaîne du toit du monde.
Le projet des Daidoji partirait vers le nord et passerait à l'est de Kitsune Mori, pour finir chez les Scorpions. Ce projet est plus modeste que celui de l'Harmonie, mais pas moins difficile à mettre en place, car il passerait non loin des terres Doji et Kakita.

[Image: OOzvBN1.jpg]


RE: Chroniques - Darth Nico - 27-11-2020

Chroniques

IV - L'assèchement des marécages d'Uebi et la première insurrection des Poings de Justice


1314 : l'Harmonie s'apprête à fêter son dixième anniversaire, quand une violente épidémie de malaria se déclenche dans les campagnes au nord de Bakufu et menace d'atteindre la capitale. Le Guide Radieux ordonne la fermeture des portes de la ville, un confinement de plusieurs semaines, et une fermeture quasi-complète du port.
Cette solution de survie immédiate est pourtant intenable à long terme, car sans commerce avec les gaijins, Bakufu va asphyxier financièrement. Le Guide consulte donc les plus savants citoyens de la capitale pour trouver une solution. Le plus haut responsable de l'Eglise de Shinsei lui dit à demi-mot que cette épidémie est une maladie envoyée par les Ancêtres pour lui signifier qu'il doit se réconcilier d'urgence avec l’Émeraude. Le Guide, qui ne porte déjà pas la religion dans son cœur, est ulcéré et refuse d'écouter le vieil homme.
Les Araignées sont chargées de trouver une éventuelle conspiration, mais ils ne découvrent rien. Les contrôles sur les frontières maritimes montrent qu'aucune maladie ne vient de la mer, alors même que cette malaria, d'après les médecins Mante et Daidoji, ressemble à une fièvre des tropiques. Les autres clans n'ont pas plus d'idée sur l'origine de l'épidémie.

La vérité sera découverte de manière assez fortuite. Des chasseurs de primes Guêpes traquent à ce moment des criminels dans le territoire des Renards. Lors de leur enquête, ils vont surprendre une réunion qui n'a rien à voir avec leur traque : une réunion entre des moines de Shinsei et des shugenjas Kitsune. Ils comprennent que les Renards connaissent l'origine de l'épidémie, mais que les moines les intimident pour qu'ils n'en parlent pas, en les menaçant de subir des réincarnations horribles. Pragmatiques, les Guêpes sentent qu'il y a un coup à jouer. Ils rencontrent discrètement des Renards, qui leur disent la vérité sous la promesse de l'anonymat : l'épidémie vient des marécages d'Uebi, au nord de Bakufu et juste au sud-est du château des Renards. Ce sont des moustiques de ces marécages qui propagent la malaria.

Les Guêpes se rendent à Bakufu et en informent le Guide. Consterné, le maître de l'Harmonie fait convoquer les Renards, qui avouent et qui acceptent de témoigner. Le Guide, se disant qu'il n'a plus rien à perdre, ordonne l'assèchement d'urgence des marécages d'Uebi. Il fait déplacer une partie de l'armée de la Tortue : des centaines de soldats Crabes creusent un fossé tout autour des marécages pour les encercler d'eau, avant que les terribles Bunraku ne mettent le feu à ce nid de malaria, puis qu'on ne fasse amener les machines de guerre pour assécher tout cela à grandes pelletées de terre.
En quelques jours, les résultats sont spectaculaires : l'épidémie reflue aussi soudainement qu'elle était arrivée.
Les Renards avaient donc raison ! Dans une colère noire, le Guide réunit un conseil extraordinaire de l'Harmonie et y fait venir les représentants de l'Eglise de Shinsei : il les l'accuse d'avoir laissé se propager cette maladie, coûtant la vie à des milliers de samouraïs et de paysans, menaçant même la survie de l'Harmonie. Il décrète alors que les religieux sont un fléau pire que l'épidémie et qu'ils ont une semaine pour quitter Bakufu.

Terrorisés, les moines crient que la colère des Ancêtres sera terrible.
- Elle me fait moins trembler que les cris d'agonies des maladie dans ma cité, réplique le Guide.

Apprenant cela, des religieux affluent du reste de l'Empire et, dans les semaines qui suivent, montent une révolte en s'appuyant sur les paysans de l'ouest, illettrés et traditionalistes. Parmi ces religieux, nombre d'entre eux viennent de monastères isolés : ils ont été entraînés soit par les Lions aux armes, soit par les Togashi aux arts martiaux, pour pouvoir se défendre d'attaques contre les brigands.
Bientôt, la révolte gronde dans l'ouest de l'Harmonie : ces insurgés réunissant paysans et moines se font appeler les Poings de Justice. Ils accusent le Guide d'impiété envers les Ancêtres et les Esprits.

Après de dures batailles, les Poings de Justice sont défaits, les religieux interdits dans Bakufu, et à peine tolérés dans le reste de l'Harmonie.
Le Guide peut alors fêter les dix ans de l'Harmonie, après ce coup de force qui assoit définitivement son autorité... et sa rupture avec le reste de l'Empire.
S'étant fâché avec assez de monde comme cela, il convie les Renards aux fêtes de la décennie pour une grande réconciliation : tout est mis sur le dos des moines superstitieux. Les terres du marais sont offertes en partie aux Renards, tandis que le reste est utilisé pour installer des manufactures. Les marécages d'Uebi se prolongent tout le long de la rivière qui descend au sud vers les terres Asahina : ils seront peu à peu asséchés pour développer des rizières.
Le Guide invite ensuite des Guêpes à venir s'installer comme magistrats ordinaires à Bakufu. Il leur offre un grand et solide bâtiment, idéalement situé dans le centre de la cité, qui deviendra bientôt le légendaire Nid ! Les Guêpes qui ont permis de découvrir la vérité resteront "célèbres pour leur succès" ! wink


RE: Chroniques - sdm - 28-11-2020

Excellent smile

Salopards de moines Captain


RE: Chroniques - Darth Nico - 28-11-2020

Chroniques

V - Le palais de l'Harmonie


1300. Anou Saburo est un jeune magistrat de la principale famille vassale des Miya. Après son gempukku, il a hérité de la charge ancestrale des Anou : la supervision et l'entretien des fortifications autour de Kyuden Miya. Cette charge est une sinécure : d'abord parce les Miya sont des maîtres parmi les plus doux qui soient, comme le veut leur fonction de porte-paroles de l'Empereur. Ensuite parce que Kyuden Miya se trouve au pied de la chaîne du toit du monde, à égale distance du château des Iuchi et du château des Soshi, dans une région où il n'y a jamais de conflits.

Anou Saburo n'a donc presque rien à faire. Il a tout le temps pour rêver. A l'ouest, il voit passer, dans d'énormes nuages de poussière qui brouillent le crépuscule, les armées de la Horde.
Il a tout le loisir de flâner parmi les collines, les rivières et les cascades des terres fertiles de la région. Il descend parfois avec sa jeune épouse vers le sud, aux abords de la forêt Shinomen. Les deux jeunes mariés aiment frayer avec le surnaturel : apercevoir une biche mystérieuse qui s'enfuit, courir avec des renards qui sont peut-être des esprits, camper près d'un lac où dansent des lucioles ; surprendre un tanuki (blaireau) pour l'attraper par la queue, présage de bonne fortune et de fertilité.

Dans la plaine, il a aussi l'occasion de monter des chevaux de guerre que les Shinjo, à leur retour des Sables Brûlants, ont offerts aux Miya. Avec ces montures, accompagné de ses camarades, Saburo part régulièrement vers l'est, à brides abattues dans des courses folles. Ils vont jusqu'aux terres des Soshi où ils passent plusieurs jours. Ils participent à des fêtes mémorables, avec des filles qui n'ont rien à envier aux créatures les plus épicées de la Cité des Mensonges. Les Soshi sont toujours contents d'accueillir ces visiteurs pleins aux as et inoffensifs... et de leur soutirer à l'occasion quelques informations sur les familles impériales.
La vie est belle pour Saburo, qui se sent pourtant des fourmis dans les jambes. Il veut réaliser quelque chose dans sa vie, ne plus croupir dans cette région loin de tout ! Nous sommes en 1300, et le siècle qui vient n'annonce rien de palpitant. Sur les terres des Miya, les lentes caravanes Licorne passent, comme depuis cinq cents ans.

*

Au palais, il rencontre des messagers Ide, des négociateurs Shosuro, des diplomates Ikoma, des pèlerins de Shinsei, des moines tatoués Togashi et même des chasseurs d'esprit Toritaka, et pourtant... il ne se passe rien. Tout le monde s'entend bien, les petits conflits occasionnels se règlent autour d'un bon saké : on échange quelques cadeaux et tout est oublié ! Et cela dure depuis des siècles !
Saburo est le vassal d'une des familles les plus hautes dans l'Ordre Céleste. Pourtant, personne ne les sollicite et ils sont loin de tout. Saburo n'a même pas la chance de faire partie des hérauts qui vont galoper aux quatre coins de l'Empire pour porter les messages du Trône d'Emeraude.
il faut presque quinze jours pour se rendre à Otosan Uchi. Saburo s'y est déjà rendu une fois, pour des cérémonies purement honorifique avec sa famille. D'ailleurs, toutes les familles impériales, les Seppun, les Otomo, les Toturi, les Iweko, les Hanteï, ont été bien aimables avec lui :
- Comment allez-vous, Anou-san ? Votre séjour dans la capitale est-il agréable ? Transmettez nos salutations chez vous.

Ainsi, lors de la cour d'hiver à Otosan-Uchi en 1301, il s'ennuie ferme. Il a autour de lui des seigneurs qui ont d'énormes responsabilités sur les épaules, qui peuvent déplacer des armées, qui peuvent bouleverser le destin de régions entières, qui peuvent d'une parole déclencher un conflit ou mettre fin à une guerre. Et lui, il n'est rien ! Tout ce dont il peut parler, ce sont des travaux de réfection du mur nord de Kyuden Miya ! Ces grands seigneurs le trouvent sympathiques, ils le regardent en fait comme un pinson, gentil et amusant quelques minutes.
Cette année-là, il fait particulièrement froid dans la capitale. La femme de Saburo attrape une mauvaise bronchite, qui empire en un refroidissement. Cela va l'obliger à rester alitée deux semaines. Anou Saburo craint même pour la vie de son épouse bien-aimée. Il est bientôt approché par des moines de Shinsei, bien plaintifs, qui viennent empirer son quotidien par leurs prières sinistres, leur encens qui empeste et fait encore plus tousser sa femme. Saburo comprend qu'aux yeux de ces religieux, elle est condamnée à retrouver bientôt ses ancêtres.
Désespéré, il commence à chercher d'autres médecins. Son sort émeut quelques personnes bien placées à la cour, et on fait venir un des plus grands médecins de la famille Daidoji, le docteur Fumetsu. Celui-ci ausculte l'épouse et, au contraire des autres praticiens, se montre rassurant : il conseille plutôt à Saburo de l'emmener vers le sud, au soleil. Pourquoi pas chez les Asahina par exemple ? Là-bas, en bord de mer, l'hiver se fait à peine sentir et les artistes du clan de la Grue sont des gens charmants.

Saburo est trop heureux de quitter la cour qui le fait crever d'ennui et de jalousie. Il prend le bateau pour arriver au plus vite chez les Asahina. Pendant le transport en mer, sa femme reprend déjà des couleurs. A leur arrivée, ils s'installent dans un charmant petit palais, à deux pas de la plage. Ils ont pour voisins les Daidoji, mais ils sont juste à côté de chez les Asahina.
Bientôt, sa femme retrouve la santé, et peu après, elle lui annonce qu'elle est enceinte ! Saburo rayonne de bonheur, et ne sait pas comment remercier le médecin qui les a envoyés ici. Il lui écrit une lettre émue, où il dit qu'il ne pourra jamais rien faire d'assez grand pour le remercier. De cette période, Abou Saburo gardera un respect quasi-religieux des médecins, et un ressentiment tenace envers les moines qui, ne pouvant rien pour les hommes, se chargent de hâter leur passage dans l'autre monde !

*

Les époux passent tout l'hiver puis le printemps 1302 chez les Asahina. Il ne leur manquerait que deux montures Shinjo pour aller faire des courses effrénées sur la plage. Ils se sentent trop bien ici. Kaijuko doit accoucher avant l'automne. Pourquoi retourner à Kyuden Miya, où les étés sont toujours trop chauds alors que chez les Asahina, il fait doux toute l'année ?
Compréhensifs, les supérieurs Miya s'arrangent pour lui trouver une petite charge diplomatique auprès des Daidoji, le temps de son séjour. Rien d'épuisant, il aura tout le temps de veiller sur sa femme !
Pendant que celle-ci s'amuse à recevoir des artistes Asahina, Anou Saburo apprend à connaître les redoutables tacticiens et marins du clan de la Grue. Il demande à voir leur armée, à visiter leurs bateaux, les terribles Kantetsuken (Tortues de Fer). Par eux, il croise aussi les marins et contrebandiers du petit clan de la Tortue. Un jour, au palais Daidoji, il rencontre les géants roux de la nation Thranoise. Aussitôt, Saburo est fasciné. Ils viennent de par-delà les mers, sur lesquelles ils ont bâti un véritable empire !

A la fin du printemps, Saburo prend prétexte de sa mission diplomatique pour accomplir un voyage sur l'archipel des Mantes et là, son étonnement est décuplé. Il croise des émissaires de gaijins de toutes les couleurs de peau, il voit leurs navires de toutes les formes, il visite des palais de tous les styles. Et il devine des richesses, des richesses comme on n'en imagine que dans les légendes ! Bouleversé, il revient auprès de sa femme, qui a le ventre qui s'arrondit merveilleusement. Leur enfant va naître dans cinq mois. Il prend alors une décision soudaine : il veut partir en voyage au-delà de l'archipel ! Il jure à son épouse adorée qu'il sera de retour pour la naissance de l'enfant. Kaijuko voit que son époux brûle de découvrir le monde, mais s'inquiète qu'il aille se mêler à ces barbares. Elle le laisse cependant partir. Avant le début de l'été 1302, Abou Saburo embarque sur un Kantetsuken pour une traversée au long cours jusqu'à l'est de l'archipel. Il visite une dizaine d'îles, apprend à connaître leurs mœurs, devient un boulimique de connaissances. Il fait rire les gaillards Yoritomo, qui voient ce petit Miya qui s'agite en tous sens, toujours de quoi écrire et dessiner avec lui.

Nous sommes au milieu de l'été, quand Saburo apprend qu'un navire Thrane va faire un aller-retour à Nassanje, une grande ville à une semaine de là, plus à l'est. Il hésite : son enfant peut naître bientôt. Mais il ne tient pas en place et parvient à se faire accepter parmi les Thranois, en se présentant comme un émissaire diplomatique. Sur l'archipel, il a appris qu'un peu de culot peut rapporter beaucoup. Et là, il fait preuve de beaucoup de culot ! Il ne séjourne que quelques jours dans la vaste cité de Nassanje mais assez pour voir l'essentiel : les Thranois ont des engins d'acier à vapeur dont on ne peut même pas rêver à Rokugan. Ils ont un chemin de fer, ils ont d'énormes bâtiments de production qui crachent de la fumée de charbon, ils ont des armes à feu précises et puissantes, à côté desquelles les misérables armes rokuganies font figure de pistolets à bouchons. Il entend tonner les canons du port alors qu'un énorme galion de priates Merenae lance une attaque. Des canons énormes qui abattraient Otosan-Uchi comme une pile de cartes. Il voit ensuite une flotte de vingt navires partir sur la mer en représailles contre cette nation ennemie. Des navires qui couleraient les kantetsuken comme des coquilles de noix ! Il se mêle à la vie de la cour, découvre la dynastie prestigieuse de Nassanje-Horrau, leur histoire de conquête sur les mers, en même pas deux siècles ! Deux siècles, le temps qu'il faut à Rokugan pour modifier un décret impérial sur la taille standard des roues de chariots militaires !

Cinq jours après, il repart. Il passe en hâte chez les Mantes et prend la liaison la plus rapide vers le continent, via Porto Maravila, un beau repaire de truands. Il a hâte de retrouver son épouse, mais il sait qu'il reviendra chez les Thranois. Il en a trop vu et pas assez !
Au premier jour de l'automne, il passe le seuil de sa maison : son épouse est au lit, une sage-femme à ses côtés. Il se jette aux pieds de Kaijuko, et le surlendemain, leur fils vient au monde.

*

Dans la semaine qui suit, il prend quelques nouvelles de Kyuden Miya, par pure politesse. Il apprend alors que des conflits ont éclaté pendant les préparatifs de la cour d'hiver 1302, révélant des hostilités cachées depuis des lustres. On ne lui dira jamais les dessous de cette affaire, on se contentera de lui raconter l'essentiel, en pure langage diplomatique Miya. Mais Saburo comprend ce qui s'est passé : les Seppun et les Otomo, humiliés d'être encore plus écartés du cercle de l'Empereur Iweko IV, se sont ligués pour reprendre leur pouvoir traditionnel, et dans les faits, ont pris l'Empereur en otage ! Ils ne le laisseront pas sortir tant qu'il n'aura pas redonné à ces deux familles leur lustre perdu ! Une véritable révolution de palais ! Enfin une décision courageuse dans cet Empire de mollassons !

Or, sans surprise, les Miya se sont laissés mêler à ces intrigues pour lesquelles ils ne sont pas du tout faits. Oui, Saburo les imagine bien, les gentils hérauts Miya, tentant de calmer la situation, et se faisant prendre dans l'engrenage. Les pauvres sont incapables de faire face à un conflit sérieux. Ils sont bons à porter des messages et à distribuer des poignées de riz aux paysans depuis la caravane de bienfaisance. Dès que l'on passe à de la politique sérieuse, ils ne peuvent plus rien que se confondre en excuses à plat ventre.
Quelques semaines plus tard, alors que la cour d'hiver devrait commencer, nouveau coup de tonnerre : les Seppun et les Otomo ont chassé Iweko IV du trône ! Oui, l'Empereur abdique et charge les familles qui l'ont pris en otage de nommer son successeur ! Saburo éclate de rire ! Ce n'est pas chez les Thranois que cela se serait passé ainsi : si le Prince-Électeur de Nassanje-Horrau avait été menacé, il aurait fait cracher tous ses canons sur les insurgés, aurait pendu les meneurs et envoyé les suiveurs aux galères !

Avec l'abdication, la situation ne s'est pas arrangée pour les Miya. Les Seppun et les Otomo ont les moyens, diplomatiques mais aussi physiques !, de se défendre contre leurs rivaux Toturi et Iweko, qui ne les laisseront pas nommer le nouvel empereur. Mais les pauvres Miya vont servir de victimes expiatoires. Anou Saburo est alors rappelé d'urgence à Kyuden Miya, car toute la famille va opérer une retraite stratégique sur les terres ancestrales, en attendant le prochain occupant du trône d’Émeraude.

Mais non, Saburo s'est juré de ne jamais retourner d'où il vient. Il est allé trop loin, il ne reviendra plus sur ses pas. Faisant mine de suivre les ordres, il quitte la province Asahina. Mais il ne part pas vers la chaîne du toit du monde, non il prend un navire plein nord pour entrer dans Otosan Uchi. Là, il retrouve les dignitaires Miya, prostrés, paralysés, ne sachant que faire : les pauvres sont accusés de faire partie du coup d'Etat alors qu'ils n'ont rien fait ! Ils en seraient bien incapables, les pauvres !
Pendant ce temps, le conflit entre les familles impériales s'éternise. La cour d'hiver s'est transformée en terrain d'affrontement. Des duels à mort ont lieu dans la Cité Interdite. On se demande si les Lions ne vont pas venir occuper le trône ; les Licornes y remonteraient bien, deux siècles après Chagataï Khan. Les Kakita sont prêts à prendre leur tour, et puis tiens, pourquoi pas les Shiba ! On parle aussi des Daigotsu, dans un autre genre de pouvoir fort qui n'admet pas la contradiction...

Cela va être la ruée sur le trône d’Émeraude, ils vont bientôt être six ou sept à vouloir y grimper et en chasser les autres, comme des enfants qui se battent pour occuper une chaise !
Anou Saburo a pitié de sa famille. Il les abandonnerait bien à leur sort, mais c'est sa famille. Il veut au moins les sortir de ce guêpier : il leur propose alors de venir dans le sud chez lui, leur affirmant, avec un culot qui lui est de plus en plus naturel, qu'ils y trouveront du soutien ! S'ils ne veulent pas se faire piétiner, il leur faut des d'alliés et, concrètement, une force armée pour les défendre en cas de besoin !
Nous sommes à l'hiver 1302 : une grande partie des Miya accepte la proposition du jeune et bouillant vassal. Cependant, il se laissent quelques semaines; pour ne pas partir de la capitale comme des voleurs.
Lui-même étonné qu'ils acceptent, Saburo rentre en catastrophe dans le sud. Bon cavalier, il traverse toute la côte à cheval, comme un vrai héraut Miya !

*

A cette époque, les Daidoji ont pris leurs distances depuis longtemps avec le pouvoir d'Otosan-Uchi, et même avec les familles du nord, les Kakita et les Doji. Les Daidoji commercent ouvertement avec les gaijins. Or, le daimyo du clan, un Doji, ne cesse d'alourdir leurs impôts, taxant toujours plus les marchandises venues de la mer. Une façon de les punir de ce commerce déshonorant... et de profiter de la manne financière des produits gaijins. Anou Saburo s'appuie sur leur rancune pour faire accepter l'arrivée des Miya, ces si malheureux nobles, victimes des manigances de courtisans ! Saburo plaît de plus en plus aux rudes Daidoji. Il se fait aussi remarquer des émissaires Hida, qui apprécient son style franc et loyal, loin de l'image qu'ils se faisaient des timides Miya. Les Hida eux aussi ont de la rancune contre "ceux du nord" : ils sont méprisés depuis des siècles, ils se sacrifient sur la Muraille, on ne les écoute jamais, on les prend pour des rustres qui doivent être tenus en laisse. Et le souvenir du Grand Ours alors ! Il ne les fait plus trembler depuis là-haut, l'esprit du terrible Hida Kisada qui a marché sur l'Empire ! Alors rien que pour faire la nique à Otosan Uchi, il faut accueillir les Miya.

Anou Saburo a compris qu'à l'heure du crépuscule, il faut trouver des alliés discrets mais puissants. C'est pourquoi il se constitue des réseaux d'amis dans la famille Yasuki. Il ne les prend pas de haut, il s'intéresse de près à leurs tractations commerciales. Pas pour surprendre des secrets mais pour apprendre comment font des marchands qui négocient férocement. Il les écoute eux aussi, et il voit toute la richesse de ce clan, seulement bridée par le système industriel arriéré de Rokugan. Chez les Thranois, les Yasuki seraient dix fois plus riches ! Ils auraient des îles entières à eux, des palais sur chaque île, des corsaires pour les défendre, des flottes marchandes sur les sept mers !

En quelques mois, Saburo se fait connaître et apprécier de tout le gratin du sud de Rokugan. Quand, enfin !, les Miya se décident à venir au printemps, ils sont accueillis comme des héros, de courageux ennemis d'un pouvoir corrompu ! Saburo remarque que seule une partie des Miya est venue : d'autres ont préféré retourner au château ancestral, qu'on ne peut tout de même pas laisser désert.
Saburo promet à ceux qui sont venus de s'occuper de tout. Il faudrait juste, pour faciliter les choses, dans l'intérêt de tous bien sûr, que Saburo ait vraiment le nom de famille Miya. Personne ne connaît les Anou, et d'ailleurs, on l'a toujours appelé Miya !
Au premier jour du printemps 1302, Saburo est intronisé dans sa famille suzeraine. Il faut dire que grâce à ses efforts, les Miya ont été royalement accueillis près des champs d'entraînement Daidoji. Ils ont le droit de loger dans le petit palais près du bord de mer où Saburo était déjà installé avec son épouse, et qui va être agrandi. Le palais se trouve dans une cité pleine de gaijins surnommée le Port Qui ne Dort Jamais. Au nord de leur palais, un bâtiment fortifié des Daidoji les protège. Au sud, un vaste port d'où l'on arrive de l'archipel Mante, via Porto Maravila, le paradis des mercenaires et des truands.

Rayonnant, Saburo a déjà installé sa femme et son fils dans le palais. Et le jour où il accueille officiellement les Miya, au petit matin, il fait hisser le drapeau aux couleurs de la famille, avec son mon de sept lunes autour d'un soleil symbolisant la réconciliation des clans. Le doyen de la délégation le salue :
- Miya Saburo, soyez remercié de nous avoir guidés jusqu'ici.
Cette expression, sans doute prononcée sans réfléchir, n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Saburo la garde dans un coin de sa tête et, sur le seuil du palais, la lumière de l'aurore dans le dos, il leur répond :
- Honorables seigneurs, soyez les bienvenus au palais de l'Harmonie.


RE: Chroniques - Gaeriel - 28-11-2020

Sabu san est donc notre vénéré guide!
Mais pourquoi a-t-il 9 conseillers?