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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 23-11-2008

Exil #8



- L'Inspecteur Fantôme ? Qui est-ce ?
- Un policier scrupuleux, solitaire, et qui poursuit un somnambule.
- Et quel crime a-t-il commis ce somnambule ? Il tue des gens dans son sommeil ?
- Peu importe qu'il soit éveillé ou endormi. Ce qui est sûr, c'est qu'il est en passe de devenir l'ennemi public n°1. C'est là que Maréchal et Portzamparc entrent en scène.
- Comment vont-ils être liés à cette affaire ?
- Ils prennent du galon ! Seulement, ils en prennent encore plus que ne le croient leurs supérieurs.
- Que vont-ils encore inventer ?
- L'Inspecteur Fantôme a tôt fait de les repérer. Et maintenant, ils ne fermeront plus l'oeil avant d'avoir mis fin au cauchemar du Somnambule...



DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->




Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 23-11-2008

EXIL

Dans la nuit éternelle d’Exil,
Les lampes grasses brûlent, timides.
Les mitiers plongent dans la brume au bout de leurs fils
Et les passerelles rouillent dans l’air humide.

Créatures, anges, gouffres, orages :
L’insondable noirceur de l’océan
Noie les explorateurs du large.
Les ballons – taxis sont des dessins d’enfant.

L'acier chauffe, la vapeur brûle et fuit.
Dans les profondeurs gisent des tombeaux anciens.
Chaque jour on bâtit des édifices cyclopéens
L'avenir est au Progrès, et la machine est dans l'esprit.

Rêves d'androïdes, humanoïdes des nébuleuses...
Trams, Cité des métamorphoses industrielles
Lune branchée à l’électricité universelle !

L’insomnie règne et l’angoisse creuse
Des cauchemars hypersensibles
Dans Exil, dédale de l’acier et du vide.<!--sizec-->
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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 23-11-2008

DOSSIER #8<!--/sizec-->


L'INSPECTEUR FANTÔME<!--/sizec-->

SHC 1 - RUS 4 - IEI 3


La pluie tombait sur Exil depuis des jours. Tout devenait épais et trouble. La vie tournait au ralenti, morose sous cette averse permanente. Dans les bureaux, les gens étaient de mauvaise humeur ; on se pressait dans les cafés pour profiter de la chaleur humaine ; l'ambiance était à la grogne.
Les rigoles crachaient en permanence, les égouts étaient noyés. Les enfants ne s'étaient jamais tant amusé à sauter dans les flaques et leurs mères s'arrachaient les cheveux pour sécher leurs vêtements.

Au commissariat de Mägott-Platz, Maréchal somnolait dans son bureau et regardait la pluie taper à la vitre, au travers du nuage de fumée de sa cigarette.
Il n'arrivait plus à se plonger dans son dossier. Il en avait "avalé" des pages et des pages, que ça en devenait obsédant. Il alla se chercher du café. Portzamparc s'en versait un, brûlant. Dehors, le vent hurlait.
- Alors, ça avance ?
Il était déjà tard et les deux policiers étaient restés les derniers. Rampoix avait pris son service de nuit dans son bureau et venait de s'assoupir. Il ne fallait pas le réveiller...

Depuis deux semaines, Maréchal et Portzamparc se préparaient au concours de la police judiciaire. Encouragés par l'inspecteur-chef Novembre et le commissaire Horson, ils s'étaient inscrits et avaient obtenu une décharge partielle de travail. Ils restaient le soir pour apprendre les codes administratifs régissant TRIBUNAL, tandis que la journée, Novembre se chargeait de leur administrer une formation intensive ! En effet, Novembre avait fait ses débuts à la PJ, avant de décider d'aller mener une vie plus tranquille dans un quartier sans histoire.
Depuis deux semaines, nos héros étaient donc astreints à faire des pompes en récitant les articles du code !
Pour cela, l'inspecteur-chef avait aménagé une salle d'interrogatoire, où nos deux policiers passaient des épreuves blanches, sous l'oeil médusé des quelques détenus, pour la plupart des petits braqueurs ou des ivrognes.
- Fermez-la, leur disait Novembre, les deux pieds sur la table, j'en vois qui essaient de souffler !
Après les épreuves écrites du début d'après-midi et la correction impitoyable assurée par Novembre, c'était l'heure des épreuves physiques : combien de fois ils avaient fini en sueur, le visage contre le sol, les cheveux dégouttant, après une quarantaine de pompes, à réciter les articles relatifs au droit de perquisition !
Maréchal crachait tout son tabac, tandis que Portzamparc retrouvait le vrai goût de la discipline autrellienne !
- C'est mou, Maréchal, c'est mou !...

L'entraînement commençait d'ailleurs le matin, en écoutant à la radio le programme de culture physique. Et on finissait le soir, comme ce soir-là, pour des révisions en vue du lendemain.
Maréchal ne rentrait pas chez lui sans aller s'offrir un petit verre chez l'un ou l'autre troquet des environs, chez Marcelin Lampreux ou chez Gino. Tous l'encourageaient, s'inquiétaient de savoir si ça se passait bien... Portzamparc avait le soutien moral et matériel de sa femme, qui surveillait plus que jamais son alimentation.
- Ne remets pas de fromage dans ta soupe, je t'ai vu !
- Rien que quelques croûtons !
- Tu as de la mauvaise graisse. J'ai lu ça dans mon journal. Tu ne vas jamais faire le poids aux épreuves sportives. Ou plutôt si, tu ne feras que trop le poids ! Alors que tu devrais avoir un mode de vie bien plus sain !

Le lendemain, on recommençait la même vie :
- Maréchal, lançait Novembre, article 349-76, alinéa 3 ?
- "Le prévenu a le droit de..."
- Non, mauvais ! Rien à voir ! Il s'agit du droit de circulation sur les voies privées ! Portzamparc, article 25-56, sections 2 et 3 !

Les deux candidats récitaient un peu à la façon des acteurs qui disent un texte dans une langue étrangère, car, sur Exil, le sabir administratif était comme une langue à part. Il était compris des fonctionnaires de la Cité, mais pas tellement au-delà. Les ordres qui émanaient de la Cité, rédigés dans ce dialectique étrange, étaient d'autant plus effrayants, parfois, qu'on ne les comprenaient pas. On comprenait juste que quelque chose de terrible venait de vous être intimé.
Un citoyen dévoué, Casper Volapük, avait tenté un dictionnaire exiléen - administratif, mais il n'avait pas dépassé la lettre G. Il avait été victime d'une crise de démence. On l'avait retrouvé chez lui, pendu à son lustre, auquel il s'était acrroché en montant sur les piles de papier de son dictionnaire.

Novembre retrouvait les accents martiaux de sa jeunesse, à l'armée, quand il s'était hissé au grade de maréchal des logis.
- Qu'est-ce que c'est que ce tas de fainéants que j'ai sous mes ordres ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ! Vous allez lécher le parquet mes gaillards, si vous ne pouvez pas me faire une quarantaine de pompes ! Et vous allez en bouffer du code administratif, c'est moi qui vous le dis !
Il se laissait emporter, à l'hilarité de Rampoix et Sampieri, qui continuaient leur petite vie tranquille, à "relever les compteurs" près des hôtels mal famés et chez Gino, entre deux rondes dans les bistrots des galeries Dédale.

*


Il pleuvait donc depuis des jours, à tel point que la nuit devenait un soulagement, car elle masquait l'attristant ciel lourd et gorgé d'eaux. C'était comme une fin du monde qui ne commence pas.
C'était dans cette ambiance humide, enfumée, réchauffée au café, que les deux candidats de Mägott Platz préparèrent leur concours.
Enfin, par une journée sèche et venteuse, ils montèrent au quai des Oiseleurs, accompagnés de leur famille. Madame de Portzamparc accompagnait son mari, et tante Myrtille son neveu.
Pendant la mâtinée, les deux femmes attendirent dans un café de l'autre côté du quai, le retour des deux hommes. Ceux-ci retrouvaient l'odeur du parquet ciré de la grande salle de réception du quai. Ils y furent brièvement accueillis par un huissier, qui les mena, eux et une cinquantaine d'autres candidats, dans un petit couloir banal, dans une salle fermée par une vitre fumée, où ils s'assirent, comme de bons écoliers.
Cette première journée était consacrée aux épreuves théoriques : d'abord la composition générale. Le sujet qui "tomba" portait sur les devoirs du policier. C'était une question classique, mais néanmoins une hantise pour nos deux candidats. Portzamparc avait bien potassé pour les références et il mit du cœur pour exprimer ses convictions, tout en faisant preuve d'esprit critique.
Maréchal tirait la langue sur sa copie. Il s'ennuyait à essayer de trouver des bonnes raisons d'entrer dans la PJ, en dehors du traitement.
Ce fut ensuite la terrible épreuve de connaissance du code administratif. C'est là qu'on allait voir si l'entraînement intensif de Novembre avait payé !
Portzamparc se jeta sur l'épreuve comme un mort de faim, pressé de remplir les cases. Il en voyait un, petit gros, qui devait se retrouver dans la position du cancre qu'il avait été, et qui transpirait devant sa copie. Maréchal n'était pas bien fier : les souvenirs entassés dans sa tête se volatilisaient, comme emportés par un courant d'air ! C'était rageant...

A un moment on vit la silhouette débonnaire du commissaire Ménard passer dans le couloir et jeter un oeil dans la salle, paternel devant ces collègues volontaires.

Les candidats ressortirent, après quatre heures passées à mariner dans cette salle. On respirait enfin ! Maréchal alluma une cigarette. Le ciel était dégagé, les deux femmes attendaient à l'intérieur du café. Elles avaient passé la mâtinée à discuter et à s'échanger des "trucs" de couture. Elles riaient comme de vieilles amies.
- Elle est très sympathique, disait Myrtille au retour, alors que Maréchal la raccompagnait en tram chez elle. Il serait temps que tu te trouves quelqu'un comme elle...

- Tu penses que ça s'est bien passé ?
- Je ne préfère rien dire, répondit de Portzamparc à sa femme. Cela porte malheur. Enfin ! Le pire est passé ! Fini de gratter du papier !
Le couple avait réservé une chambre dans un hôtel pas loin du quai.
- C'est la première fois depuis longtemps que tu m'emmènes à l'hôtel, dit madame de Portzamparc en rougissant.
Cela leur rappelait inévitablement les premières semaines de leurs rencontres, quand Portzamparc finissait son service militaire et profitait de ses permissions pour aller dans la première chambre venue avec son amie, comme des voleurs...

*

Le lendemain était le jour des épreuves sportives. Les candidats étaient réunies sur un grande stade militaire, tôt le matin, sous de grands projecteurs aveuglants. On faisait des assouplissements, pendant que des gradés consultaient leurs papiers, avant l'épreuve de course à pied.
Portzamparc se sentait en forme : il faisait jouer ses muscles et se concentrait sur le terrain. Maréchal, lui, était aussi à l'aise que s'il avait dû filer un suspect en faisant la course en sac. Il avait de ces souvenirs du cours de culture physique, à l'école...
C'était une épreuve de demi-fond. Et rien qu'à voir la longueur du tour de piste, Maréchal avait le vertige...
Le sifflet retentit et les candidats partirent en petite foulée. Peu à peu, on accélérait le rythme de la course. Portzamparc tint bon jusqu'au bout, s'accrochant au peloton de tête. Quant à Maréchal, après huit tours, les poumons réclamant d'urgence du tabac, il finit épuisé, tremblant.
- Allez, on se traîne ! lui criait un grand costaud. Tu crois que c'est comme ça que tu vas les attraper, les criminels !
Maréchal allait répondre qu'en leur logeant dès le début une balle dans la jambe... Mais il n'avait plus assez d'air pour parler !

On passa à la douche, puis il y eut une collation. Maréchal détestait retrouver cette ambiance de garnison, avec tous ces muscles rutilants et luisants, et ces blagues de corps de garde. Évidemment, Portzamparc, lui, était très à son aise, parmi ces dieux du stade !
Maréchal se jeta sur le café, sa drogue quotidienne. Là où l'inspecteur retrouvait sa solidarité perdue avec son collègue Portzamparc, c'était quand on se mit à raconter des anecdotes du travail. Là, nos héros auraient eu de quoi raconter, mais ils n'en firent rien. Ils se contentèrent de se regarder d'un air entendu...

On passait au sous-sol, pour les épreuves de tir.
Les hommes s'alignèrent devant leur ligne et jaugeaient de leurs armes. Maréchal se sentait enfin à son aise. De la main gauche, les yeux fermés, il pouvait réussir un meilleur carton que tous les autres !
Les coups de pistolets éclatèrent dans la grande salle, sous l'oeil vigilant des instructeurs, qui prenaient des notes derrière.
Il réussit une belle performance, mais constata qu'il ne faisait pas mieux que Portzamparc. C'était rageant !
- Terminé, messieurs. Merci à tous.

On était en milieu d'après-midi : les deux hommes allèrent boire une bonne bière pour fêter ça ! D'habitude, ils n'allaient jamais au café ensemble, Portzamparc pour retrouver sa femme et Maréchal par goût de la solitude.

Le lendemain, retour au commissariat où nos deux héros racontèrent leurs exploits. Maréchal revenait quand même déçu.
- Bah, il ne faut préjuger de rien, dit Novembre, on ne sait jamais !
- Allons, ne pensons plus à ça, dit le commissaire Horson. D'ailleurs, venez plutôt voir le cadeau que nous envoie le cousin de Maréchal.
Le cadeau promis par Gérald !
Un beau tonneau de bière. Et de la meilleure, Maréchal pouvait le confirmer. Priscilla remplissait les verres et on trinqua à la famille Maréchal.
- Voilà un citoyen honorable ! nota Rampoix.

*

Il se passa ensuite un mois, où la routine reprit le dessus. Portzamparc et Maréchal redevenaient de banals policiers de quartiers. Quelques arrestations, un ou deux interrogatoires difficiles, des affaires de mœurs dans la bonne société. Le train-train quotidien.

La veille des résultats, les deux hommes eurent du mal à dormir. Penser que soudain, leur vie pourrait changer ! Fini de prendre Mägott Platz pour le centre du monde...
Ils se précipitèrent au commissariat et se connectèrent aussitôt au réseau de TRIBUNAL. Le chromatographe peinait à afficher la page des résultats, car ce canal était saturé. Des messages de CONTROLE arrivaient pour signaler des problèmes techniques sur la ligne.
Enfin, les aiguilles finirent d'afficher la liste des reçus : et nos héros y étaient tous les deux !
Novembre leur tapa dans le dos :
- Bravo, les petits gars !
Pour le coup, on finit le tonneau de Gérald et à midi, le commissaire offrit à ses hommes un formidable gueuleton pour fêter ça. Là encore, c'était une première.

L'après-midi, alors qu'on digérait le repas et les quelques pousse-cafés avalés en sus du vin et de l'alcool en apéritif, le commissaire reçut les deux héros du jour dans son bureau.
- Bien, messieurs...
Son bureau était toujours mal éclairé, et dans un état de désordre incroyable. Il était envahi de colonnes de papiers. C'était une partie du capharnaüm laissé par son prédécesseur.
- Je tenais à vous recevoir avant votre départ. Je voulais vous dire que j'ai été très content de travailler avec vous pendant ces quelques mois...
En apparence, c'était un discours convenu, mais une sourde émotion perçait dans la voix du commissaire. Il y avait quand même eu cette prise d'otage...
- Vous avez accompli un travail remarquable, chers collègues, tout le temps où vous avez été là. Je sais que la police judiciaire a beaucoup de chance de compter désormais deux hommes comme vous dans ses rangs.
- Merci, commissaire.
C'était quand même émouvant. Ce gros commissaire, avec ses allures pataudes... Il se reprit, plus professionnel :
- Je sais que vous commencerez par un stage dans un des services du quai. Vous serez affectés selon les besoins du service. Ensuite, vous pourrez faire des demandes pour vos affectations définitives. A ce sujet, savez-vous ce que vous comptez demander ?
- Oh, cela ne fait guère de doute pour nous deux, dit Portzamparc.
- Nous demanderons le meilleur, commissaire, la crim' !
La crim' !
La brigade criminelle, dirigée par le commissaire Ménard, était en effet la branche la plus prestigieuse et la plus courue, du quai des Oiseleurs. C'était elle qui faisait la couverture des journaux, parce qu'elle traitait des affaires de meurtre qui passionnaient l'opinion publique.
- Je crois que vous y serez bien, oui, dit le commissaire en souriant de ses grosses babines.

Nos héros avaient rendez-vous dans trois jours au Quai. Le jour d'avant leur départ, ils firent leur dernière patrouille dans le quartier, salués par les Pandores et quelques "bons" citoyens, et même par les prostituées et leur accent gouailleur :
- Vous nous manquerez, les chéris !
Gino était vraiment triste :
- Ahlala, sans vous, ce ne sera plus la même chose... Avec vous, il y avait des règles, c'est vrai, c'était strict... Mais surtout, il y avait un style, une façon de faire...
- Allons, Gino, s'exclama Maréchal, je suis certain que nos successeurs sauront trouver leurs marques dans ce quartier. Grâce à toi en particulier !
- Ahalala...
Il leur resservait un petit verre d'adieu.

Depuis que nos deux héros avaient débarrassé le quartier de Gueule de Rat, ils jouissaient d'une aura incroyable. Les petits truands filaient doux, pour ne pas avoir affaire aux deux hommes qui étaient aller chercher un tueur sanguinaire au fond des égouts. On se racontait déjà leurs exploits.
C'était donc l'émotion dans le monde interlope du quartier, ce jour-là.
- Après eux, ce ne sera plus pareil...
- Mange ta soupe, disaient les mamans, sinon les policiers viendront te mettre en prison.
Pris par ces nouvelles occupations, Maréchal en oubliait ses problèmes personnels et oublia même d'aller dire au revoir chez Emma. Il était trop heureux de ne pas se sentir poussé à y aller. Il oubliait même Herbert. Il avait le sentiment de tourner la page, de prendre un nouveau départ.

Madame de Portzamparc cherchait déjà un nouvel appartement. Ils loueraient, voire ils achèteraient. Sans doute un trois pièces, pour prévoir une chambre d'enfant.

Après des semaines de temps maussade, le ciel se dégagea enfin et quand les deux policiers arrivèrent au quai des Oiseleurs y découvrir leurs affectations, il y eut même un timide rayon de ciel qui tomba du ciel pâlot.

A suivre...




Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 29-11-2008


DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->

Les brigades auxquelles les deux policiers pouvaient être affectés pour leur stage étaient nombreuses.
Maréchal avait un ami, Pierre-Marie Crimont, qui avait travaillé aux Moeurs et qui était passé à la brigade Financière. C'était bien là que ni lui ni Portzamparc ne souhaitaient être envoyés.
Dans la grande cour du Quai se réunissaient les nouveaux arrivants. Aux fenêtres on voyait fumer les inspecteurs des différents services, en bras de chemises, qui regardaient les "bleus", dans leurs beaux uniformes.
On passa dans le grand salon Sigisbert III, où le directeur fit un petit discours d'accueil, avant que le commissaire Ménard, toujours débonnaire et content de lui, ne se présente. Autant le directeur était respecté simplement pour sa fonction, autant Ménard jouissait d'un vrai charisme parmi les hommes. Qui ne connaissait pas ce bon vivant, souvent mal appris, qui avait pourtant un flair exceptionnel et un dévouement impeccable à son métier ?
C'est lui qui, traditionnellement, rappelait leurs devoirs aux nouveaux policiers puis présentait les différents services ; il termina, comme chaque fois, par "sa" Brigade criminelle, avec une partialité dans le propos tellement outrée qu'elle faisait rire. Il savait en jouer comme il faut. Le directeur, petit homme effacé, ne trouvait rien à redire et jouait son rôle de fonctionnaire gris pour laisser la vedette à Ménard. C'était un duo réglé comme celui d'un numéro de boulevard.
- Nous autres, à la Criminelle, profitons de tous les avantages offerts à SÛRETÉ sans les inconvénients : nous n'avons pas de dossiers ennuyeux comme la Financière, nous pouvons préparer nos enquêtes au chaud, pas comme à la brigade des rues ; nous ne contrôlons pas les billets de train comme à la ferroviaire...
Rires et sifflets.
Puis venait le moment crucial de distribution des enveloppes. Les policiers étaient appelés par ordre alphabétique. Les noms défilèrent :
- Maréchal... Brigade financière !... Portzamparc, Brigade des rues !
Nos deux héros se mordirent la langue !
Pas la Financière ! ni les rues !
L'appel continuait, monotone.

Puis ce fut le vin d'honneur. Tout le monde trinqua en même temps :
- Messieurs ! ordonna Ménard. Mains sur le verre, pour éviter la poussière. Prépareeezz... buvez !
Applaudissements, puis on se précipita au buffet.
Maréchal eut besoin d'un autre verre pour redescendre sur terre. La Financière !
Portzamparc s'approchait de lui. Les deux hommes étaient dans leurs petits souliers.
- Alors, pas brillant ?
- Je vais aller remplir des dossiers, soupira Maréchal. Pendant que tu arrêteras les voleurs de sac à main de vieilles dames !

*

Le soir, après avoir bien bu dans l'après-midi, les policiers se retrouvèrent dans un troquet isolé, réservé à SÛRETÉ où l'ambiance s'échauffa. Les stagiaires s'étaient spontanément regroupés par brigades et aussitôt, l'effet de clan s'était mis en place. On s'insultait copieusement d'un groupe à l'autre, on se défiait et on buvait par-dessus tout ça !
Quelques excités tirèrent avec leurs armes de service et décrochèrent comme ça un lustre ; on renversa des tables, on s'insulta de plus belle, que les flics des MÅ“urs n'étaient que des proxos ! que ceux de la rue faisaient le tapin !
Il y eut un début de bagarre, des concours de boisson et tout cela finit dans le plus grand chaos, tard dans la nuit.
Maréchal et Portzamparc en gardèrent de vagues images, d'eux-mêmes en train de vomir appuyés sur un réverbère et d'autres collègues qui urinaient et chantaient à tue-tête. L'aube pointait quand les deux collègues retrouvèrent le chemin des logements de fonction où ils allaient loger provisoirement. Maréchal s'effondra sur le sommier de sa chambre pleine de cartons, et Portzamparc se fit envoyer par sa femme sous la douche tout habillé.
Le lendemain, c'était jour de congé. Soi-disant que c'était une journée pour se préparer matériellement pour son nouveau travail. Mais dans les couloirs du quai, on nommait cette journée "la décuve". De fait, nos deux valeureux défenseurs de la loi et de l'ordre n'en eurent pas trop pour se remettre sur pied.
Le lendemain, à la première heure, ils traversaient le pont Karlov le Grand, et entraient au "36".

*

Maréchal monta au quatrième. Il maudit la cigarette à partir du deuxième étage. Il avait passé le premier, bruissant de l'agitation matinale de la Crim' et de la brigade des rues, puis le second où se trouvaient les services administratifs ; le troisième, réservé aux locaux de la police scientifique (on n'y entrait qu'avec des diplômes spéciaux). Enfin, dans les hauteurs crépusculaires, des couloirs étroits qui ressemblaient à un quelconque service comptable. C'était en fait "le nid de l'ange", le repaire d'une vingtaine de policiers qui, en quelques dizaines années, s'étaient fait une réputation des plus noires auprès des corpoles. Ils étaient connus pour convoquer de hauts responsables et des nobles comme de simples malfaiteurs, en les tutoyant à l'occasion.
- Ton bilan comptable là, il est pourri jusqu'à la moelle, tu entends !

Quand Maréchal entra, le calme régnait. Une odeur de tabac froid. Des secrétaires passaient dans les couloirs ou tapaient à la machine, consciencieusement. Des vitres opaques et des rayons de dossiers bien serrés.
Sifflotement au bout du couloir. C'était l'inspecteur Crimont, qui fumait la pipe du matin.
- Ah, Maréchal !
Il alla vers lui et lui serra la main. Il était en bras de chemise et se faisait apporter un café.
- Viens, entre. Bienvenue chez nous !
Il le reçut dans son bureau. Il dut faire de la place pour que Maréchal puisse s'asseoir. Le sol disparaissait sous les liasses de papiers.
- Alors, content d'être ici ?
Maréchal essaya d'avoir l'air enthousiaste. Crimont se mit à rire :
- Allez, ne fais pas cette tête d'enterrement. Tu vas voir, tu te sentiras bien ici. Quand j'ai appris qu'on nous envoyait un stagiaire et que j'ai vu ton nom, j'ai demandé à m'occuper de toi !
Crimont avait une quinzaine d'années de plus que son stagiaire. Indirectement, c'était un ami de la famille. Il avait connu le père Maréchal, et il connaissait un peu Myrtille.
- Écoute, pour le moment, je dois te dire c'est plutôt calme. On ira voir le commissaire tout à l'heure. Ce matin, je vais te confier quelques dossiers, que tu te familiarises avec le travail. Ils t'ont appris à lire, au moins à Mägott Platz ? Au fait, comment va l'inspecteur Novembre ?
- Très bien.
- Excellent. Tiens, tu vas prendre ce dossier, tu le consultes et tu m'en reparles à mon retour.
Où Crimont partait-il ? Mystère.
Maréchal marina une partie de la mâtinée, vite perdu dans les méandres d'une affaire d'escroquerie à l'assurance. Il comprit qu'il y avait beaucoup d'argent en jeu et faillit s'endormir plusieurs fois. Au fait, pendant qu'il était dans la tiédeur de ce bureau, dans quel coin de rue Portzamparc était-il en train de se geler ?

*

Le nouveau stagiaire de la brigade des rues avait déjà le nez rouge de froid et se frottait les bras en rentrant dans le bistro du coin du boulevard.
- Un café...
Tôt le matin, Portzamparc avait fait connaissance avec son supérieur, l'inspecteur Lanvin.
- Salut petit. Ça me fait plaisir de travailler avec toi. J'ai parcouru ton dossier, tu as de sacrées références !
- On fait de notre mieux, inspecteur.
- Écoute, on n'est pas à la brigade financière ici, alors je ne vais pas te faire de longs discours. Notre travail, c'est directement sur place. On part sans attendre. Je vais te faire découvrir notre terrain de jeu !

Les deux policiers avaient le tramway depuis le quai en direction des hauteurs de la Cité. A sept heures, ils étaient sur les grands boulevards, déjà encombrés par les voitures à cheval et les chariots des livreurs, ainsi que par la foule matinale des employés qui battait le pavé.
De grands immeubles bourgeois, des hôtels avec les portiers qui prenaient leur place et des grands magasins au milieu des galeries sur plusieurs étages. D'importants corpolitains allumaient leurs cigares en passant les portes à tambour ; les serveurs accueillaient les premiers clients.
- On y est, petit. Le cœur de la Cité.
C'était un sentiment extraordinaire de vie que l'on ressentait face à ce quartier aux rues gigantesque, et compris néanmoins dans un périmètre restreint. La perspective fuyante des boulevards était étourdissante, et les grands monuments à la gloire du progrès et de l'avenir. Des théâtres, des musées, tout ça d'un coup, c'était enivrant !
- Je vais te laisser opérer dans cette rue une petite heure, qu'on voit comment tu te débrouilles, et ensuite, je te retrouve au bistrot là-bas.

C'était l'apprentissage sur le tas !
Portzamparc se sentit aussitôt étranger en ces lieux. Les quelques milliers de personnes qui habitaient ou travaillaient ici devaient plus ou moins se connaître et garder jalousement leur place dans ce paradis du commerce et de la finance. C'était un quartier qui ruisselait d'argent. Ces chasseurs d'hôtel ou ces garçons de recettes qui sortaient des banques devaient gagner bien plus que Portzamparc, et mépriser les policiers chargés de veiller à leur sécurité.
Le stagiaire commença à arpenter le trottoir, l'oeil aux aguets. De fait, c'est aussi lui qui devait être surveillé, repéré, par les gens du coin qui avaient repéré le petit nouveau.
C'était à croire que les gens avaient du liquide dans leurs poches, et ne se souciaient pas de perdre quelques billets, ou leurs bijoux. L'endroit était une tentation permanente pour les pick-pickpockets. Portzamparc prenait juste ses marques quand on cria "au voleur". Il attrapa un petit gaillard, souple comme un singe, après un début de bousculade dans la foule. Il le ceintura, le fit s'agenouiller et lui passa les menottes, car l'autre se débattait. Un mauvais joueur !
- Allez, c'est terminé !

Les gens ne faisaient pas tellement attention. Cette arrestation était une gêne, un incident, un désagrément ! Pourquoi ce policier n'était-il pas plus discret !
Portzamparc emmena son "client" au commissariat au coin.
- Nouveau ?
- Oui, voilà une première prise !
- Bon début, dit l'agent derrière son guichet, lui on le recherche depuis quelques temps.
- Il est à vous !
- Bonjour à Lanvin !

A peine le temps de profiter de la chaleur du commissariat ! Portzamparc repartait dans la rue. Il y avait encore plus de monde. Un flot continu, un bruissement, une foule empressée d'aller travailler et de voir la fin de la journée. Portzamparc remarqua quelques amateurs qui essayaient d'opérer. Combien y en avait-il ? A croire qu'il n'y avait qu'à se baisser pour en ramasser !
Il en arrêta encore deux, en laissa échapper un. Enervé de se débattre, il en attacha un à un réverbère pendant qu'il repartait en chercher un autre !
Résultat, une belle brochette de quatre d'un coup ! Retour au commissariat :
- Vous faites collection ?
- Je vous laisse le lot !
- Treize à la douzaine ?
- C'est négociable !
Petit café en vitesse et il repartait.
La foule se clarifiait maintenant. Le coup de feu du matin était passé. La grande horloge de la banque Pham'Velker affichait déjà huit heurs et demi. C'était une banque grande comme quatre fois celle de Mägott Platz ! A cette heure-ci, Novembre devait paresseusement prendre son service et relayer Sampieri qui avait fait la nuit.

Portzamparc avait repéré le bistrot dont parlait Lanvin et s'y attabla. Quel exercice matinal !
L'inspecteur le rejoignit une demi-heure.
- Salut, désolé du retard, j'ai été retenu pour une affaire urgente. Comment ça s'est passé ce matin ? Allez viens, il te reste à découvrir le meilleur dans ce quartier.

A suivre...




Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 02-12-2008


DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->

Maréchal s'ennuyait ferme, resté seul dans les bureaux de la Financière. L'endroit était étroit, ennuyeux. Il n'avait plus ses repaires, comme dans son bureau avant. Il redevenait un simple petit stagiaire à qui on confiait de la paperasse. Il reprit un café et se remit devant un dossier, qu'il ouvrit à une page au hasard. Il voyait des paquets des chiffres et des colonnes de statistiques, mêlées à des rapports de surveillances et à des documents bancaires. Il fallait donc un si volumineux dossier pour arrêter un administrateur en col blanc !

Par la vitre fumée du bureau, Maréchal vit alors une silhouette dans le couloir, qui s'asseyait sur un banc.
L'inspecteur alla ouvrir, trop heureux d'avoir de la compagnie. Peut-être un témoin, ou un suspect, qu'il allait pouvoir cuisiner ?

C'était un petit homme entre deux âges, l'air grave. Il était vêtu d'un costume gris, sans un seul pli, son chapeau bien à plat sur les genoux. Des chaussures cirées. Il avait l'allure d'un veuf qui ne s'est jamais résigné à cesser son deuil. Des cheveux presque blancs. Des yeux bleu clair.
- Bonjour, vous désirez ?
En apparence, il aurait ressemblé à un petit employé, le genre à se laisser tyranniser par son patron et à se contenter, pour toute vie amoureuse, de passades avec des prostituées. Mais son visage effaçait nettement cette impression. Il était dur, mais bien vivant, surtout la flamme glacée qui perçait de ses yeux.
Le petit homme se leva, sûr de lui :
- Bonjour, commissaire Weid. J'aurais souhaité parler à votre commissaire.
- Commissaire ?... Euh, pardonnez-moi, mais le commissaire n'est pas là.
- Très bien. Alors je repasserai.
Tout d'un coup, Maréchal se sentait mal et l'autre le savait : il avait regardé cet homme comme un suspect potentiel, et c'était un commissaire !
Il en avait tout sauf l'allure qu'on lui attribue dans l'imaginaire populaire : bien en chair, l'air d'un bon père de famille, sûr de lui. En l'occurrence, il ressemblait davantage à un employé de pompes funèbres. De quelle brigade pouvait-il être commissaire ?
Il serra rapidement la main de Maréchal et s'en alla. L'inspecteur se trouva mal à l'aise... Si l'autre allait dire qu'il avait été mal reçu par un petit stagiaire !...

Troublé, Maréchal se remit au travail.

En début d'après-midi, Portzamparc découvrait ce que Lanvin lui avait promis : le coeur de leur territoire, l'endroit où ils allaient opérer, le plus grand magasin de la Cité, le Bazar Moderne !
Les deux policiers rentrèrent par la grande porte et arrivèrent dans ce temple de la marchandise, une véritable caverne aux trésors !
Sous une grande coupole qui ressemblait à une lampe en verre multicolore, s'étalaient les rayonnages d'objets fabuleux, sur six étages qui semblaient s'élever vers un indéfinissable paradis, depuis les rayons de parfumerie au rez-de-chaussée jusqu'aux jouets en haut et aux cafés qu'on y avait aménagé, avant la terrasse où l'on trouvait le matériel de jardinage.
- Bienvenue dans le plus grand repaire de voleurs de la Cité !

Surveiller tout ça ! Des milliers de clients, des dizaines de pickpockets professionnels et des larrons occasionnels.
Portzamparc rencontra le directeur et les hommes de la sécurité du magasin.
- Je tiens à vous rappeler, messieurs, leur dit le directeur, que très prochainement, nous aurons le lancement de notre grande collection de bijouteries. Il y aura une réception à laquelle assisteront des personnalités du Tout-Exil, ainsi que la plupart des meilleurs pickpockets de la Cité !

Le directeur était du genre collet-monté, très propre sur lui.
Il essuya ses lunettes et dit, avec un air de reproche à peine dissimulé à ses hommes et à la police :
- Et nous n'avons toujours pas réglé le problème le Penthésilée.
Lanvin écrasa sa cigarette dans le cendrier.
- Si elle se pointe, et elle se pointera, on ne la loupera pas.
Le directeur remit ses lunettes :
- J'ignore si monsieur de Portzamparc sait de qui nous parlons.
Lanvin alluma une autre cigarette.
La brigade des rues n'était pas très fière de cette histoire.
- En deux mots, Penthésilée est le nom de guerre d'une voleuse qui sévit dans la Cité depuis plusieurs mois. Elle s'est attaquée à la plupart des grands magasins, à des galeries d'art. Elle vise à chaque fois de plus en plus gros. Elle laisse des cartes de visite à son nom.
- Et maintenant, ajouta le chef de la sécurité, elle vient chez nous.
- Comment le savez-vous ? demanda Portzamparc.
- Elle nous a envoyé un message, soupira le directeur.
- L'examen de ce message n'a rien donné, dit Lanvin. Tapé à la machine, envoyé depuis un grand bureau de poste. Et cætera et cætera...
- Seulement, ajouta le directeur, cette demoiselle ne vient pas seulement pour notre bijouterie, qui comptera tout de même des pièces d'une valeur inestimable, des créations uniques !... Non, nous aurons d'autres bijoux bien plus précieux : une grande collection d'androïdes domestiques.
- Vous ne vous attendez quand même pas, dit Lanvin, à ce qu'elle parte avec un androïde sous le bras ?
Il commençait à s'agacer du ton de douce ironie du directeur, qui le faisait gentiment passer pour incompétent.
- Sans aller jusque là (encore que, avec elle, on ne sait jamais...), elle pourrait vouloir dérober nos parures de diamant pendant que tout le monde assistera au défilé de mode des androïdes. Personne ne voudra rater cela, car nous présenterons des modèles Confection "64-300" dernier cri.
Portzamparc soupira. Il n'allait pas chômer pour son stage.

*

Le lendemain midi, les deux stagiaires venus de Mägott-Platz trouvaient le temps de se retrouver au restaurant habituel des fonctionnaires du Quai. Ils se racontèrent leurs premières journées respectives, et purent constater à quel point elles avaient été différentes. Maréchal s'était ennuyé encore l'après-midi sur des dossiers, et le matin même, il s'y était recollé. Crimont était très bien avec lui, mais le fait est qu'il commençait par lui refiler le sale boulot !
La veille au soir, quand Crimont était revenu de ses "visites" chez les corpoles, Maréchal lui avait rapporté le passage du commissaire Weid.
Crimont fronça les sourcils :
- Commissaire Weid ?...
Il se gratta ses joues, mal rasées après deux jours de travail intensif.
- Ce nom me dit quelque chose... Mais... il a dit de quelle brigade il était ?
- Non, justement.
Crimont maugréa quelques mots et partit.

- Drôle d'histoire, dit Portzamparc.
Les deux collègues se saluèrent et retournèrent travailler. Maréchal se sentait bien lourd après ce repas à la bière et se sentait bien faire un petit somme dans son recoin du quatrième étage.
Portzamparc repartit dans le froid. Il fila au Baz'Mo et y prit un café dans le bureau de la sécurité.
- Fait pas chaud, hein...
- Il fait un temps à pas mettre un Kargarlien dehors !
Le nouveau stagiaire arrêta ses premières voleuses dans l'après-midi. Elles "opéraient" au rayon lingerie. La plupart avait des allures d'honnêtes bourgeoises ou d'étudiantes modèles.
- Veuillez me suivre mademoiselle. Sans faire d'histoire.
Face à un grand costaud comme Portzamparc, elles ne faisaient pas d'histoire. L'une d'elle essaya d'user de ses charmes :
- Allez, monsieur le détective, je suis sûre qu'il y a moyen de s'arranger, tous les deux, dans une pièce discrète...
- Désolé, mademoiselle, je suis un homme marié.
Il s'attira un regard haineux et l'emmena au poste.

- Je ne comprends pas pourquoi elles volent, dit le policier aux vigiles. Elles n'ont pas l'air dans la misère.
- Mais non, dit l'un d'eux, qui se posait la même question. Elles ne volent pas par besoin, elles volent par plaisir ! Pour le frisson !
- Hé bien...
Portzamparc fixa sa tasse de café.
- A propos, vous n'avez pas vu l'inspecteur Lanvin ?
Par la fenêtre du bureau des vigiles, au cinquième étage, on le voyait justement arriver à grandes enjambées, entre les rayons de parfumerie, bousculer deux personnes et rentrer dans l'ascenseur. Portzamparc sortit l'accueillir.
- Que se passe-t-il ?
- Viens vite, prends ton manteau, on a besoin de nous dehors ! Je t'expliquerai !
Les deux policiers partirent en courant. Une voiture à cheval les attendait dehors.
- Rue des Ouvreurs ! cria Lanvin. En vitesse !
Le cochet fouetta et l'attelage partit sur le beau pavé, sous les réverbères qui brûlaient légèrement pendant la journée. Malgré les cahots, l'inspecteur put s'expliquer :
- Attaque d'une bijouterie. Au moins cinq hommes. Une prise d'otages est en cours. Les Pandores sont sur place. Mais on est les seuls de SÛRETÉ disponibles aujourd'hui.
Portzamparc prit soin de remplir le barillet de son révolver.
La voiture stoppa à l'entrée de la rue, qui était fermée par deux policiers. Les deux fonctionnaires de SÛRETÉ traversèrent la foule qui se pressait pour voir la scène.
Des coups de feu partaient de la bijouterie. Plusieurs vitres étaient cassés. Les commerçants aux alentours avaient quitté leurs boutiques. Les hommes de PANDORE avaient monté un barrage devant la boutique avec des poubelles, des planches. Leur officier essayait de parler avec les preneurs d'otage, mais il n'obtenait pour le moment que des tirs en échange. Lanvin et Portzamparc coururent se mettre à couvert derrière la barricade.
- A croire qu'ils ont de munitions illimitées, grogna le Pandore.
Lui et ses hommes étaient en tenue de combat, de la tête aux pieds.
- Tout à l'heure, ils ont demandé à ce qu'on les laisse partir, mais c'est tout.
- Les otages ?
- Il y a eu un mort au moins, quand ils sont entrés. Depuis, ils n'ont exécuté personne. Seulement, ils sont du genre de ceux qui n'hésiteront pas.
- Combien d'otages ?
- Six. Deux employés, quatre clients.
- Il faut négocier... au moins gagner du temps.
- Négocier ?
Le Pandore voyait rouge.
- Ce sont des tueurs, inspecteur. Il n'y a rien à négocier avec eux. Ils ne céderont sur rien. Mais peut-être qu'à l'école de la PJ, ils vous apprennent comment faire...
- Ils nous apprennent autre chose que la négociation à coups de triques.

On sentait les vieilles tensions entre PANDORES et SÛRETÉ refaire surface. Portzamparc s'interposa :
- Bon, écoutez, si je peux me permettre...
Les deux hommes firent une fleur au débutant : ils l'écoutèrent au lieu de se sauter à la gorge.
- Je propose de les prendre à revers...
Les réflexes de Pandores revenaient. De fait, Portzamparc était encore chez eux l'année d'avant.
Les trois hommes s'approchèrent d'une petite table où ils avaient un plan du quartier. Des tirs volaient depuis la bijouterie. Des Pandores empêchaient les passants d'approcher.
- Une équipe passe par devant, une équipe par derrière.
A l'intérieur de la boutique, on voyait des silhouettes menaçantes s'agiter, certaines armées. On distinguait les otages, assis la tête entre les genoux.
- C'est risqué, mon garçon, dit le Pandore. Si on se rate, c'est le massacre à l'intérieur, pour ces mecs, pour les otages, pour nous...
- Je suis prêt à conduire l'équipe de derrière.
Nouveaux coups de feu, qui manquèrent d'atteindre l'officier Pandore.
Le sang lui monta à la tête. Il serait bien aller lui faire la peau directement, d'homme à homme ! Il prit sur lui de se calmer.
- Bon, d'accord, j'accepte... Lanvin ?
- Portzamparc, tu es jeune...
Les Pandores s'impatientaient. On regardait Lanvin. Il allait passer pour timoré s'il ne prenait pas une décision vite. Et Lanvin ne voulait pas passer pour une lopette !
- D'accord, file t'équiper !

Portzamparc courut au café en face, réquisiitonné par la police, pour enfiler une armure de prétorien, un casque et prendre un fusil. Il prit la tête de quatre hommes.
- Le gamin était chez nous avant, expliqua l'un d'eux.
- On se les paye avant le déjeuner !
Les cinq policiers ressortirent par la porte de derrière du café et firent le tour du quartier au pas de course, pour se retrouver à l'arrière de la bijouterie.
- Allons-y, messieurs, dit Portzamparc, ne faisons plus attendre les otages.




Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 06-12-2008


DOSSIER #8<!--sizec--><!--/sizec-->

Le groupe de Portzamparc s'approchait par une étroite arrière-cour, à laquelle on accédait par un étroit passage entre deux petits restaurants. Après avoir couru, les policiers suaient dans leur lourd équipement d'assaut. Et surtout, la vie des otages allait dépendre de leur capacité d'intervention. Portzamparc avait déjà participé à de tels groupes, non seulement chez les Pandores mais déjà sur Forge, pendant la guerre contre les Kargarliens.
C'était la première que lui menait groupe.
Il faisait déjà presque nuit. Les becs de gaz donnaient une lumière plus forte. Des chats miaulaient près des poubelles. Portzamparc s'était approché et risqua un coup d'oeil en se découvrant : il aperçut une silhouette armée, qui gardait la porte arrière.
Il fit quelques signes convenus à ses hommes puis il arma son révolver. A la guerre comme à la guerre...
Il visa la tête de l'homme dans la bijouterie. La détonation partit, au même moment les Pandores couraient et enfonçaient la porte. Portzamparc courut derrière eux. De l'autre côté, par le devant, les Pandores entraient avec Lanvin. Portzamparc enjamba le corps du braqueur, qui avait reçu la balle dans la joue. Il y eut un moment de confusion. Les Pandores se battaient, tapaient à coups de bâtons, des tirs partaient. Des otages hurlaient, étaient happés dans la rue, couraient se protéger. Des cris, des jets de sang. Portzamparc se faisait prendre à la gorge mais un Pandore venait à son secours, l'étreinte se relâchait. Encore des coups de feu.
De l'air frais entrait.
Gémissements des braqueurs qu'on ligotait. Un autre agonisait, secoué de soubresauts nerveux, crachant du sang, à chaque hoquet.

Portzamparc ressortait dans le faux jour de la rue, sous la bruine, et retirait son casque, les cheveux trempés. Il respirait enfin.
- Bien joué, petit.
Lanvin lui proposait une cigarette ; Portzamparc refusa, il ne fumait pas.
Les Pandores ressortaient les survivants.

Portzamparc acceptait un petit remontant au café. C'est le patron qui offrait la tournée, pendant qu'on faisait monter les braqueurs dans une charrette.
- Tu les a bien accrochées, toi !
Et ça, c'était une qualité primordiale pour Lanvin !
Il lui resservait un verre. Il lui mit une claque dans le dos :
- Tu es fait pour la rue, toi !
Tout le monde leva son verre pour le stagiaire. Et on reprit une petite tournée car il faisait vraiment froid !

*

Depuis son arrivée à la Brigade Financière, Maréchal avait connu le calme plat. Des couloirs vides, des inspecteurs partis sur le terrain. Il ignorait que c'était le calme avant la tempête.
Déjà, dans la matinée, quelques corpolitains étaient arrivés avec leurs avocats.
Pour arriver à la Financière, il fallait déjà grimper quatre copieux étages. Si bien que les convoqués arrivaient déjà moins frais en haut, et surtout les vieux avocats, les habitués, qui leur servaient d'escorte. Ils perdaient de leur superbe, alors qu'ils essayaient de redonner confiance aux jeunes loups des affaires, qui essuyaient leur baptême du feu : leur première convocation à la Financière !

- Asseyez-vous, Maître. Remettez-vous. Mais si, à votre âge...
C'était un petit jeu entre les inspecteurs.
De sorte que le Barreau prévoyait de mettre une épreuve d'endurance pour les diplômes de droit des affaires.
D'abord deux, trois, clients, et puis tout un groupe. Dehors il pleuvait, et le grand escalier gris et vertigineux était maintenant maculé de flaques. On se serrait, comme à l'heure de pointe, dans le petit couloir de la Financière. On aurait cru la salle d'attente du médecin. Les inspecteurs passaient avec leurs cafés ; on se bousculait, on se pressait sur le mauvais banc, en attendant d'être convoqué dans un des bureaux enfumés, où la pluie tapait à la vitre opaque.
Crimont était en manche de chemises. A la machine à écrire, Maréchal avait longtemps écrit sans rien comprendre.
- Vous comptez vous réfugiez derrière le 486-7, c'est ça ?
- Oui, d'autant que mon client a des droits qui, ex nobilis...
- Ben, voyons !
Maréchal écrivait scrupuleusement, mais c'était du charabia. Crimont se tournait vers lui, d'un air entendu et le stagiaire faisait semblant de trouver aussi ça scandaleux ! Le "486-7" !
On n'allait pas courir après les criminels. Pas de poursuites sur les passerelles de la Cité. Pas de descente dans une salle clandestine. Pas d'interrogatoire "à la papa" !

Les interrogatoires se poursuivaient, des confrontations, des recoupements.... Il arrivait maintenant des avocats, mouillés dans les affaires des corpoles, mouillés par la pluie d'Exil, accompagnés de leurs propres avocats...

Et Maréchal commençait à décrypter le jargon financier. Le 486-7 s'éclairait... Les mots prenaient du sens... Toutes ces réglementations, ces dispositions fiscales compliquées, ces failles juridiques... Ces gens étaient des escrocs !
C'était ça la vérité !

Du coup, Maréchal se remit à la machine avec gourmandise. Cette fois naissait une vraie complicité avec Crimont, qui, assis d'une jambe sur le bureau, sembla lui dire : "tu vois, tu as compris. Ce n'était pas bien compliqué."
Et on s'y mettait avec entrain !
Maréchal déclarait qu'il n'avait rien compris aux propos du prévenu, Crimont faisait en sorte d'embrouiller les choses, de ne rien comprendre... Et on reprenait du début ! Maréchal faisait craquer ses doigts, jeter sa feuille, en roulait une autre dans la machine et on recommençait, frais comme des gardons !
- Au bout du compte, vous avez détourné combien ? A dix velles près ?
- C'est scandaleux !
- D'accord avec vous, Maître !
- J'ai un ami qui connaît bien le directeur de la Police Judiciaire !
- D'où venaient ces sommes ? Où allaient-elles ?

Après des accueils cordiaux, Crimont avait l'art d'emballer ses prévenus, et peu à peu, il les traitait comme des voyous ; et là, Maréchal retrouvait ses repères. Malgré leurs costumes, leurs cols blancs, leurs grands airs et leur éducation, c'était quand même vrai qu'ils se comportaient comme des truands de bas étage ; mais des truands avec plus de moyens financiers à leur disposition.
- Je prenais 3000 velles dans la caisse chaque semaine, c'était plus simple, pour ma famille et moi !
- Mais oui, criait Crimont, pourquoi s'emmerder hein ! Mais mon petit ami, tu vas finir ta vie à casser des cailloux ! Tant pis pour ta manucure !
- Et encore, on n'a pas grand'chose sur lui, nuançait Maréchal. Par contre, ses supérieurs, qu'est-ce qu'ils ont dû taper dans la caisse ! A la limite, c'est eux qui nous intéressent...
- Tu entends ! Même un petit débutant comme mon stagiaire a vu clair dans ton jeu ! Tu espérais tromper qui, avec tes manœuvres ? Même mon fils qui joue dans le bac à sable ne s'y tromperait pas ! Allez, on recommence !

Pendant l'après-midi, cela prit une cadence industrielle. On faisait de l'abattage ! Crimont faisait défiler les prévenus dans son bureau, à la file... Il mettait le doigt sur le point le plus noir de leur dossier, les renvoyait, et passait au suivant... Il était, mine de rien, en train de mettre le feu dans plusieurs corpoles, depuis son petit bureau dans un recoin de la brigade financière. C'était un sentiment de toute-puissance, en somme.
En milieu d'après-midi, il y eut une accalmie. Crimont se fit monter un bon café crémeux, avec une goutte d'alcool dedans.
- J'adore ça. A cette heure-ci, j'en ai besoin pour bien repartir... Bon boulot, ce matin, Maréchal... Tiens, à ce propos, j'ai peut-être quelque chose qui peut t'intéresser...
Clin d'œil complice. Crimont lui lança un gros dossier. En apparence, pas différent des dizaines d'autres qu'il lui avait fait examiner.
Crimont le laissa pour aller parler au commissaire.

Maréchal regarda l'épaisse liasse de papier. Il feuilleta. Des noms apparaissaient... La corpole Donasserne. Gaëlien de Saint-Preux... Cela devenait intéressant, Maréchal feuilletait plus vite, plus fébrile. Et le nom qu'il attendait : Jaransand !

Crimont revenait à ce moment :
- Tu trouves ton bonheur ?
Maréchal le regarda, surpris, agréablement surpris.
- Je savais que tu aimerais... Oui, figure-toi qu'on en a pas fini avec Jaransand. A l'heure qu'il est, il est au château, à perpétuité. Il a échappé à la potence parce qu'on ne veut pas enterrer le dossier avec lui... Il y a encore trop de parties civiles qui attendent. Il ne va pas tarder à repasser en procès, et d'ici là, on est chargés d'en apprendre le plus sur lui. Comme tu es au premier chef sur cette affaire... Tu vas pouvoir faire connaissance avec quelques-uns de ses complices. Ils seront heureux de te rencontrer !
Le tombeur de Jaransand et de Gueule-de-Rat !
Et Crimont sut soigner la mise en scène !
- Messieurs, bonjour, asseyez-vous, je vous en prie... Maître... Je vous présente mon assistant, l'inspecteur Maréchal, l'homme qui a fait arrêter Albin Jaransand !
Tout de suite, cela vous posait un homme, et une atmosphère en plomb !

*

En fin de journée, les témoins et suspects furent autorisés à repartir. C'était comme l'heure de la fermeture du bistrot. Il fallait mettre les derniers clients dehors, qui vitupéraient contre ces méthodes et suaient déjà de devoir redescendre le grand escalier.
Ce fut à ce moment-là que la brigade des rues revint en fanfare au Quai, avec des Pandores en tenue anti-émeute. Ce fut un beau raffût ; tous les fonctionnaires du bâtiment étaient à la fenêtre pour les regarder. C'était la distraction de fin de journée ; la nouvelle avait déjà couru qu'un braquage avait viré à la prise d'otage, et s'était terminé par une intervention conjointe des forces de l'ordre. Les policiers arrivaient en courant, avec les survivants des braqueurs cachés sous des couvertures, qu'ils poussaient, pendant que des journalistes s'agglutinaient à la barrière, retenus par deux Pandores. Entre cette entrée en force, et la sortie indignée des corpolitains, les journalistes eurent à s'en mettre sous la dent.

Portzamparc aida ses collègues à boucler les truands dans une cellule. La brigade était en ébullition. On félicita le stagiaire pour sa bravoure. Le commissaire en personne vint lui serrer la main.
- Bien joué, petit.
Lanvin allumait une cigarette :
- Sûr qu'il les a bien accrochées !
Les interrogatoires commencèrent. Les braqueurs, à bout de force, et pas bien robustes mentalement, ne tardèrent pas à parler.
- Vous avez réussi à percer le coffre, dit Lanvin. Or, c'est un modèle récent, nous avons vérifié. Normalement à l'épreuve des mèches. Comment vous avez fait ?... Réponds.
Ils finirent par donner un nom : le Perce-Pierre. Une sorte de génie des mèches, qui avait réussi de nouveaux alliages capable de percer n'importe quelle serrure.
- Ça me dit quelque chose, ce nom, dit Portzamparc.
Il sortit de la salle d'interrogatoire, énervé. Où avait-il entendu ce nom ? Perce-Pierre ?... Il l'avait sur le bout de la langue. C'était rageant.
- Allez, va te reposer, lui dit Lanvin. Tu as bien travaillé. Sois là demain matin tôt, et on finira avec eux.
- D'accord. Je vais repenser à Perce-Pierre.
- Ne te tracasse pas. On aura leurs complices, tôt ou tard.
Portzamparc rentra chez lui, avec ce nom qui lui trottait dans la tête. Il croisa Maréchal, fatigué de ses dossiers et des interrogatoires à la chaîne auxquels il avait assisté. Les deux hommes se dirent bonsoir, rentrèrent chez eux. Maréchal s'endormit presque aussitôt. Portzamparc eut droit à un repas au lit et s'endormit avec le mot de "Perce-Pierre" qu'il continuait à remuer sans résultat.
C'est à son réveil le lendemain, que le souvenir lui revint d'un coup. L'association d'idées !
Perce-Pierre, le Notaire, Gibal !
C'était ça !
Il s'habilla en vitesse et courut au Quai. Il entra dans le bureau de Lanvin :
- Je sais ! Le Perce-Pierre ! Le génie des coffre-forts... On avait coincé un de ses complices à Mägott-Platz, pendant la vague de braquages contre la Pham'Velker.
- Explique-toi. Assieds-toi, va. Prends un café.
Lanvin était débordé par ce petit jeune qui arrivait et à qui tout réussissait. De quoi il aurait l'air s'il n'avait rien à apprendre à son stagiaire ?



Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 09-12-2008


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- Ce Notaire, disait Portzamparc, avait vendu des mèches à cette bande de braqueurs. Et c'était des mèches qui venaient de chez le Perce-Pierre. Depuis que le Notaire a été arrêté, j'imagine que le Perce-Pierre n'a pas retrouvé d'intermédiaire, ou alors un maladroit, parce qu'il a vendu ses mèches aux braqueurs d'hier... Donc maintenant, on n'a plus qu'à remonter jusqu'à lui.
Lanvin avait demandé à CONTRÔLE le dossier du Notaire. Il avait été établi que celui-ci avait des liens avec la Donasserne.
- Il y a toutes les chances pour que ce soit la Donasserne qui ait payé les braqueurs qui s'en prenaient à la Pham'Velker, dit Lanvin.
- C'était le système mis en place par Jaransand.
- M'est avis que c'en est pas fini à la Donasserne. Les salopards mis en place par ce Jaransand doivent encore y couler des jours heureux.
Un autre inspecteur arriva :
- Lanvin, c'est toi qui es sur la Donasserne en ce moment, non ? J'ai vu ta demande à CONTRÔLE.
- Et alors ?
- La Financière a prévu une descente là-bas pour aujourd'hui.
Lanvin tapa sur l'épaule de son stagiaire :
- Tu sais quoi ? Toi et moi, on va les accompagner. On va se payer des cols blancs.

Lanvin n'y alla pas par quatre chemins (ce n'était pas l'usage à la Brigade des Rues). Il monta les trois étages qui le séparaient de la Financière et demanda à parler au commissaire.
Les inspecteurs l'accueillirent mi-polis mi-goguenards. Pour les "financiers", il était évident que "les ceusses de la rue" étaient des crotteux, des rustres. Tandis que les gens de la rue prenaient les "financiers" pour des planqués.
- Que nous vaut le plaisir, inspecteur Lanvin ?
- Écoutez, j'ai besoin de venir avec vous à la Donasserne.
- Les corpoles ?... C'est pas vraiment votre terrain, vous savez... Et puis, qui vous dit qu'on va là-bas ?
- Ça va, les gars. Vous pourriez oublier deux minutes la guerre des services ? J'ai une piste autour de Jaransand...
- Oh oh ! Tout de suite les grands mots !

Bref, après quelques moqueries d'usage, Lanvin fut accepté. Il l'avait mauvaise de devoir mendier sa place ; seulement, il ne pouvait pas se laisser doubler sur ce coup-là, et laisser le bénéfice entier à la Financière.

Crimont ne voulut pas se montrer chien envers Lanvin. Les deux hommes déjeunèrent ensemble le midi :
- Si j'ai bien compris, on a chacun un des stagiaires qui a arrêté Jaransand.
- Oui, je ne sais pas ce qu'ils mangent là-bas, à Mägott-Platz, mais ils du nerf, crois-moi !
- J'ai lu dans leurs dossiers qu'ils sont "grillés" à la Rue Verte, dit Crimont en commençant son entrecôte. Ils sont vraiment persona non grata !
- On vieillit, Pierre-Marie, que veux-tu... On obéit aux procédures, eux, ils foncent, et ils obtiennent des résultats...
- Allez, c'est pas à des vieux grigous qu'on apprend à faire la grimace.
Les deux hommes, qui se connaissaient depuis longtemps, et s'appréciaient (malgré l'obligation de jouer le jeu de la rivalité des brigades) finirent leurs repas en se racontant les dernières histoires salaces qui couraient sur la petite secrétaire qui... Ils riaient comme des bossus au moment de prendre le pousse-café et ils ressortirent bien contents du restaurant.
- Allez, dit Lanvin, on va se payer du corpolitain pour le dessert !

Une dizaine de policiers et de pandores se présenta à la Donasserne une heure après, avec un mandat en bonne et due forme. Il y eut des fouilles approfondis, comme un tourbillon de papiers qui traversa les bureaux de la corpole. On cria au scandale, on allait saisir les plus hautes autorités etc. etc. Pendant ce temps, les policiers retournaient les dossiers, vidaient les tiroirs et menottaient un comptable qui avait tenté de jeter le contenu entier d'une armoire par la fenêtre.
En fin d'après-midi, les hommes de SÛRETÉ revenaient les bras chargés de gros sacs remplis à craquer de papiers, et du petit comptable.
- Je ne suis qu'un expert comptable !
- Tais-toi, tu parleras quand on te le diras !
Maréchal et Portzamparc avaient été assignés au tri des papiers. Il y en aurait pour des jours à traiter toute cette information. Pendant ce temps, Crimont et Lanvin commençaient à cuisinier l'employé. Il fut vite établi qu'il avait appartenu au "système" Jaransand.

En fin de journée, Crimont vint voir les deux stagiaires et leur dit d'arrêter là pour aujourd'hui :
- On va le garder ce soir. Maintenant, il faut que nous, on finisse de purger la Donasserne. Vous, à la brigade des rues, vous allez vous charger de retrouver le Perce-Pierre, d'accord.
- Entendu.
Les deux stagiaires ressortirent.
- J'ai l'impression que c'est reparti comme au bon vieux temps.
Par la fenêtre, on voyait arriver des corpolitains et leurs avocats. Ils n'étaient pas convoqués mais venaient déposer une plainte auprès du directeur du Quai.
Ménard, de son bureau, regardait tout cela d'un air amusé et disait à la cantonade :
- Ils ont l'air de bien s'amuser nos collègues. Si on m'avait dit qu'un jour ceux de la rue et la Financière travailleraient ensemble !
Ménard consulta un dossier :
- Je m'en serais douté ! Crimont et Lanvin ont hérité des deux diables de Mägott-Platz !
- Ils ont demandé une place chez nous, commissaire.
Ménard se contenta de sourire, satisfait, en tirant sur sa pipe.
Les corpolitains se voyaient refuser l'accès au Quai.
- Je croyais, clamait un avocat, que ce qui était difficile, ce n'était pas d'entrer mais de sortir d'ici !
Applaudissement de ses collègues. Les journalistes arrivaient s'agglutinaient à nouveau. Deux Pandores pour les retenir.
A ce moment, les gens de la Financière, comme par hasard, choisissaient de sortir pour aller au restaurant. Ils ignoraient superbement les plaignants et passaient à côté des journalistes, en daignant nourrir les journalistes de quelques phrases.
- L'enquête suit son cours, messieurs ; nous travaillons avec la Donasserne à éclaircir cette affaire.
Un journaliste avait repéré une tête connue :
- Inspecteur Maréchal, inspecteur Maréchal !
Notre héros s'arrêta et fit mine d'être surpris.
- On dit que c'est à cause de vous, qui aviez arrêté Jaransand, que la PJ relance l'enquête sur la Donasserne !
Bonne question ! Des confrères flairèrent l'information sensationnelle et s'approchèrent du policier, qui répondit sans hésiter :
- Écoutez, je crois que la police fait son travail et qu'elle n'a nul besoin de moi pour savoir ce qu'elle a à faire. Maintenant, si vous voulez m'excuser...
- Inspecteur !...
Le troupeau des journalistes se déportait pour suivre Maréchal, d'autres se précipitaient vers un vieil avocat qui arrivait à son tour. Avec lui, ça allait barder : un des plus éminents représentants du barreau, qui avait fait trembler ADMINISTRATION plusieurs fois et qui...

Nos deux héros s'éloignèrent de ce brouhaha.
- On va manger un morceau ?
- Bonne idée, dit Maréchal. Cette descente m'a mis en appétit.

Ils n'avaient pas vu qu'un petit homme gris en retrait les observait, entouré d'un courant d'air qui mugissait.



Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 10-12-2008


DOSSIER #8<!--/sizec-->

Ce fut une rencontre étrange.
Nos héros se sentirent observés par le regard gris de cet homme et en ressentirent un sentiment difficile à définir, qui n'était pas un malaise mais était comme hypnotique. Il s'approcha d'eux et leur montra sa plaque :
- Messieurs, je me présente. Commissaire Léopold Weid. Brigade Spéciale. Que diriez-vous d'aller prendre un verre ?
Surpris, les deux hommes acceptèrent.
Dans le restaurant, ils furent installés à une table à l'écart. Des fonctionnaires du Quai étaient accoudés au comptoir et plaisantaient après leur journée. C'est comme s'ils étaient très loin.
Le serveur apporta les consommations et Weid paya.
- Je m'excuse de vous déranger.
- Nous avions terminé notre journée.
- Je ne serai pas long. J'ai déjà eu l'occasion de croiser l'inspecteur Maréchal.
- J'ai dit à l'inspecteur Crimont que vous le cherchiez.
Weid remercia d'un geste évasif.
- Voilà, il se trouve que je dirige une brigade, dont le nom officielle est Brigade des Affaires non-classées. Plus communément, on dit Brigade Spéciale ; d'autres, par plaisanterie, disent Brigade Fantôme...
Weid toussota.
- De mauvais plaisantins. Car ils sont peu renseignés sur le service que je dirige. Il est vrai que nous essayons de garder une certaine discrétion. Je recrute moi-même les hommes qui travaillent avec moi.
Voilà qui vous posait un homme ! Commissaire d'une brigade inconnue, qu'il n'était pas possible de choisir dans son stage, ni après !
- Nos bureaux ne se trouvent pas ici, raison pour laquelle on m'y voit rarement. Nous sommes dans le quartier voisin, en-dessous, à Névise. Bref...
Weid toussota à nouveau.
- J'ai consulté vos dossiers et je vois que vous avez déjà travaillé sur des affaires "difficiles". Horo, en particulier...
- Oui, dit Portzamparc, c'était quelqu'un d'un peu... "spécial".
- Je sais, dit Weid. Or, j'ai besoin d'hommes qui soient prêts à se confronter à ce genre de, comment dirais-je, de "phénomènes"...
Un frisson d'excitation parcourut nos héros. Cette brigade était faite pour eux ! A côté, la Crim' devenait banale, ennuyeuse !
- J'enquête à l'heure actuelle sur le développement de nouvelles formes de criminalité dans notre Cité. Pour le moment, il s'agit de cas isolés et peu remarqués mais si nous n'y prenons garde, cette plaie va gangréner notre Cité, et nous ne saurons y faire face, avec les moyens dont nous disposons. Le but de ma brigade est de se renseigner sur ces ennemis de la Cité qui se cachent dans ses profondeurs...

Il en avait déjà trop dit : sans se consulte, nos héros étaient prêts à foncer tête baissée ! S'il y avait un test de recrutement leur demandant de sauter sans harnais d'une passerelle, ils y seraient allés sans l'ombre d'un doute !
- Ma foi, commissaire, affirma Maréchal, je crois que-
- Attendez, je ne vous demande pas une réponse immédiate. Je vais vous laisser mon adresse. Si vous êtes toujours intéressés demain soir, vous viendrez me rejoindre dans nos locaux.
- Nous y serons !
- Réfléchissez bien avant. Ce n'est pas un travail pour tout le monde. J'exige une grande disponibilité de la part de mes hommes, et qu'ils soient prêts à faire face à des situations inédites.
Weid se leva, leur serra la main, mit son chapeau et partit.
Les policiers comptaient à rire au bar.
Nos deux héros avaient la tête qui tournait.
- Hé bien, dit Portzamparc, le sourire jusqu'aux lèvres, si je m'attendais à ça...

*

La journée du lendemain fut longue. Nos deux policiers ne vivaient plus !
Maréchal tapait frénétiquement à la machine pour s'abstraire dans le travail. Il expédia les dossiers à la vitesse grand V ! De retour sur le terrain au Baz'Mo, Portzamparc courait en tous sens, arrêtait les voleurs par groupes de trois, allait et venait sans arrêt. On lui avait demandé de revenir ici, pendant qu'à la brigade, on se chargeait de l'interrogatoire des braqueurs et du comptable de la Donasserne, ainsi que de la piste du Perce-Pierres. Tout cela se faisait dans son dos !

Portzamparc, surchauffé par son coup de maître lors de la prise d'otage et par la visite de Weid, alla voir le directeur et lui proposa de tout changer au dispositif de sécurité du magasin.

A la Financière, Crimont se demandait ce que Maréchal avait bu :
- Dis donc, tu deviens un vrai accroc aux dossiers comptables, toi ! Ralentis ou je t'envoie les stups, hein !
Crimont continuait ses interrogatoires tranquillement, tout seul, car il trouvait Maréchal bien trop excité pour l'assister.

Inutile de préciser que le soir, nos deux héros ne s'attardèrent pas. Comme des fonctionnaires bien rodés, ils passèrent la dernière heure avec un œil sur la pendule et dès que l'aiguille marqua quinze heures, ils attrapèrent leurs manteaux et partirent.
- A demain, leur dirent leurs chefs de stage, et attention au surmenage.
Portzamparc traversa les rues de son quartier bourgeois dans un état second, fébrile. Il retrouva Maréchal de l'autre côté du pont du quai des Oiseleurs et les deux hommes allèrent au funiculaire n°5, qui les descendit par la longue pente qui menait au quartier de Névise.

C'était un autre monde.

Un quartier inondé.
De grands canaux d'eau envahie d'algues phosphorescentes. Des palais somptueux mais anciens, aux architectures baroques, à moitié sous les eaux ; ces palais, en ruine pour la plupart, avec des façades envahies par la végétation. Plusieurs ponts, dont beaucoup écroulés. Les gens qui se déplacent sur les quais tortueux ou en barque.
- Voilà un quartier qui cultive sa différence, murmura Maréchal.
Nos héros en étaient soufflés.

Sous l'eau, on pouvait voir les restes du quartier quand il n'était pas sous l'eau : de grandes avenues, des réverbères et de vastes fresques murales maintenant presque effacées.
L'endroit était peu habité. Les palais avaient été envahi par de petites habitations. Les gens habitaient avec un morceau de colonne dans leur salon, une arche gothique ou un bout de fresque dans leur cuisine, certains dans une ancienne demeure princière ou dans la chambre d'une marquise. Dans un antique et délicat jardin avait été aménagée la place du marché. On voyait encore les restes des quartiers des femmes, des thermes, en pierre, et on pouvait s'imaginer vivre en ces temps reculés, avant la disparition des Anciens.
Des statues grotesques rappelaient cette époque barbare, où ces créatures dominaient la Cité.

Le quartier général de la Brigade Spéciale était dans l'aile d'un de ces palais. On entrait par une porte cochère, puis en traversant un passage couvert, et au fond d'une cour étroite, on y était. Weid accueillit ses deux invités. Il était seul dans les petits bureaux. Ce n'était pas plus grand que les pièces allouées à la brigade des rues ou à la financière, mais cela avait incontestablement plus de cachet ! C'était un endroit de rêve, empreint de mélancolie et de visions pas oubliées.

- Bonsoir, messieurs. Je vous remercie d'être venus.
Par la petite fenêtre, on apercevait l'impressionnant décor de l'intérieur d'un palais, entièrement déserté. C'est comme si le temps était suspendu, dans cette cour avec ses colonnes solennelles entre lesquelles on voyait un crépuscule timide.

Weid servit du thé à ses invités et s'assit sur sa chaise.
- Vous êtes donc prêts à entrer dans ma brigade ?
- Oui.
- Bien. Je ne veux pas refroidir votre enthousiasme. Le mieux serait maintenant que je vous mette au courant des gens à qui nous nous affrontons. Je vous avais dit que nous combattions ici, à la brigade spéciale, de nouvelles formes de criminalités. Vous avez sans doute entendu parler des bandits d'honneur, ces associations traditionnelles de malfrats, avec ses codes, ses règles, sa hiérarchie et son folklore. Paraît-il que ces gens ont un certain honneur, du moins c'est eux qui le disent ; honneur qui leur permet de mettre des filles sur le trottoir, de vendre de la drogue, de mutiler, de piller et de tuer.
"La seule chose qu'on peut leur reconnaître, c'est un certain code de conduite, qui fait qu'ils ont plutôt tendance à régler leurs affaires entre eux ; ça veut dire à s'entretuer sans trop s'en prendre aux gens qui les laissent en paix. La légende qu'on aime raconter à leur sujet, et que certains entretiennent, est l'existence d'une organisation secrète au sein de ces syndicats du crime, organisation qui se nommerait la Chimère. Quand je vous parlais de folklore... Arrêter le chef de la Chimère fait rêver certains jeunes policiers magistrats romantiques."

Weid sourit et souffla sur son thé.
- Seulement, ce n'est pas de ce genre de légendes dont nous avons à nous occuper. Non, je parle de criminalité "sauvage". Je veux dire par là que les bandits d'honneur ont lié, au cours des décennies, des liens parfois très étroits avec des corpoles, qui assurent leurs subsistances en échange de quoi, lesdits bandits font le sale boulot des corpoles. Au fond, ce sont des employés officieux dédiés aux basses tâches. Voilà bien souvent la réalité, derrière le terme élégant de "bandits d'honneur". Les différentes ont à l'oeil ces gens-là depuis longtemps, et s'assurent en gros qu'elles ne causent pas trop de tort à l'Exiléen de base. Un coup de filet de temps en temps, pour remettre les pendules à l'heure. De leurs côtés, les bandits envoient au Quai leurs meilleurs vœux pour les fêtes et la nouvelle année. C'est ce que j'aimerais appeler des relations cordiales...

Le commissaire alluma une cigarette et en offrit à ses deux collègues. Portzamparc refusa poliment.
- Les gens à qui nous avons affaire ne sont pas des bandits d'honneur. Ce sont des gens qui agissent en dehors de ce système traditionnel. En quelque sorte, ce sont des hors-la-loi parmi les hors-la-loi. Beaucoup viennent de Forges. Ce sont des barbares, qui ne respectent rien. Ils ont des méthodes brutales. Non que les bandits d'honneur aient à cœur de ménager leurs prochains, mais eux s'adonnent à une violence primitive, sans raison, pour le plaisir en quelque sorte. C'est pour eux comme une nécessité vitale. C'est un rite, si vous voulez. Comme parmi les peuples forgiens les plus arriérés. Pour vous donner une idée... Ces gens sont des animaux enragés.
"La bande que je surveille depuis quelques temps est celle d'un dangereux personnage appelé le Somnambule.

Weid écrasa sa cigarette et en alluma une autre. Nos deux héros étaient tout ouïe.
- Le Somnambule tire son surnom du fait qu'il ne dort presque pas. Je l'ai appris par un complice indirect que nous avons réussi à avoir. Mais lui-même n'a pas vu le Somnambule à visage découvert. J'ai bien l'intention moi-même de ne pas fermer l'oeil tant que cet individu et ses complices ne seront pas pendus.
"Le Somnambule s'est spécialisé dans le braquage de banque. Il agit vite et bien. Il ne provoque pas de tuerie sur son passage. Mais j'ai visité certains quartiers où lui et ses complices étaient allés faire la fête. Ces fêtes ne sont pas simplement des beuveries ou des orgies au bordel du coin ; elles se terminent par des enlèvements, d'enfants généralement, qui sont torturés et mis à mort ; parfois des familles entières. Je suis déjà allé sur place, quand on a retrouvé les corps, alors que le Somnambule et sa bande étaient déjà loin. Je vous l'ai dit, ce sont des fauves enragés. C'est bien la chose la plus écœurante que j'ai vu. Un spectacle indescriptible. Des bandits d'honneur ne se livreraient pas à de telles atrocités. Pour le moment, TRIBUNAL, désemparé, a fait le silence sur cette affaire et a demandé à la presse de ne pas en parler. Seulement, les nouvelles vont vite, car les gens savent tout, même quand on ne leur dit pas.
"Le Somnambule sait que des policiers sont après lui. Mais jusqu'ici, il a réussi à m'échapper. J'envisage donc de prendre une mesure radicale, tout à fait dangereuse...

Weid alluma une troisième cigarette et fit signe à Maréchal qu'il pouvait se resservir. Il souffla sa fumée et dit :
- Je compte infiltrer un homme dans la bande du Somnambule.
Il toussota.
Il alla refaire chauffer de l'eau sur la petite plaque et préparer un autre thé.
Maréchal et Portzamparc soupirèrent, en repensant à ce qu'ils venaient d'apprendre. Ils se concertèrent, l'air de dire "qui y va ?".
Weid se rassit :
- J'ai parlé franchement, messieurs. Je ne vous force pas du tout à accepter. Si vous voulez repartir chez vous, je ne vous en voudrai pas et je ne viendrai plus vous déranger.
- Écoutez, commissaire...
- Ne précipitez pas votre décision. Réfléchissez à ce qui pourrait arriver si un policier infiltré était découvert...

Il venait aussitôt des images associées généralement à une nuit dans une salle d'expérimentation Scientiste.
Weid resservit du thé.
- Avant de reparler de cette infiltration, je vais vous proposer un travail plus facile. Nous verrons bien si vous voulez continuer après. C'est quelque chose en rapport avec l'affaire qui vous occupe en ce moment.
- Nous vous écoutons.
- Voilà de quoi il s'agit. Je sais que la brigade des rues est en ce moment à la recherche du Perce-Pierres. Vous devez savoir que c'est un petit génie des mèches de coffres. Je sais que cet homme est en contact avec la bande du Somnambule.
Weid toussota à nouveau.
- Il faudrait me l'amener. C'est à dire avant que nos collègues ne le trouvent.
C'est comme si nos deux héros étaient déjà partis !
Ils se levaient déjà.
- Il va falloir faire vite, dit Weid.
- Nous ferons vite, commissaire ! dit Maréchal. Merci de votre confiance.

Weid les raccompagna à la porte.
- Attendez, dit Portzamparc, puis-je passer un appel ?
- Faites donc.

*

Le parlophone sonna dans l'immeuble des logements de fonction du Quai. Madame de Portzamparc, qui faisait sa cuisine en écoutant la radio, descendit dans la loge de la concierge :
- Allô ? comment ?... Tu ne rentres pas ? Du travail de nuit ? Bon, je comprends... D'accord. Couvre-toi bien, tu vas m'attraper une bronchite sinon.

Portzamparc ressortit :
- On peut y aller !
Ils allaient en mettre un coup pour être à la hauteur des attentes de Weid ! Dans le funiculaire qui les remontait au Quai, ils réfléchirent à une piste ; ils étaient partis pour ne pas fermer l'oeil de la nuit. Ils entrèrent dans les locaux, où les équipes de nuit prenaient leur tour et allèrent dans le bureau de Portzamparc. Ils s'installèrent au chromatographe. Maréchal fit des recherches dans le dossier du Perce-Pierres. Ils firent défiler à la molette les informations affichées par les aiguilles de l'écran.
- Là, ce type-là... Un forgeron, dit Portzamparc.
- Oui, un fournisseur sans doute.
Ils notèrent son adresse.
- Ce n'est pas la porte à côté, dit Maréchal.
- On en aurait pour la nuit par le tramway. Non, j'ai mieux...
Il composa le numéro de son chauffeur préféré, Théodule Corben !
- Monsieur Corben, c'est la chance de votre vie...
A l'autre bout du parlophone, on entendait un grognement et une voix de femme inquiète. Portzamparc promit un pourboire substantiel.
- J'arrive, bailla Corben.

On pouvait compter sur lui.
Moins d'une demi-heure après, il survolait le Quai. Les deux policiers le retrouvèrent sur la place, se hissèrent à l'échelle de corde et prirent place à bord.
- Voilà pour vous, dit Portzamparc en lui glissant une belle liasse de velles.
Le ballon-taxi partit dans les airs puis déposa ses deux clients dans un quartier en retrait de la Vague Noire.
La boutique du forgeron était déjà fermée. Un cheval dormait debout dans la cour, au milieu des pièces de fer. Les deux policiers tapèrent à la porte. Un homme d'une quarantaine d'années, solidement bâti vint leur ouvrir, en pyjama :
- Que me voulez-vous ?
- SÛRETÉ, dit Maréchal en montrant brièvement sa plaque. Nous avons quelques questions.

Ce fut bref. Le forgeron reconnaissait avoir été en contact avec le Perce-Pierres mais il jura n'en savoir pas plus.
Les deux policiers, agacés, ressortirent, et se mirent en planque à promixité de la maison. La nuit promettait d'être glaciale. Il y avait pourtant un bistrot à côté, mais d'où ils n'auraient rien vu. Maréchal était tenté d'user de son grade pour repartir les rôles à son avantage. Dans sa nacelle, Corben avait une paire de jumelles. Il les prêta aux policiers avant d'aller se réchauffer au zinc. Il était payé pour ça après tout !
Les deux policiers observèrent pendant de longues minutes.
- Il utilise son parlophone, dit Portzamparc. Un peu tard pour appeler quelqu'un.
- Il faut qu'on sache quel numéro il a appelé.
Comment faire ?... Il ne pouvait pas, comme ça, appeler CONTRÔLE et demander un numéro, même en donnant son numéro de badge.
- Si, je sais.
Il alla au bistrot, commanda un verre. Portzamparc alla s'asseoir à table avec Corben et lui offrit un verre.
Maréchal alla dans la cabine parlophonique, à côté des cabinets :
- Allô, mademoiselle... Je voudrais le commissariat de Mägott-Platz. Merci, j'attends.

Il alla boire un verre. L'appel revint :
- Allô, oui ?
- Vous allez être mis en communication avec le numéro demandé.

*

C'est Rampoix qui décrocha.
- Oui ?...
- Rampoix ? Maréchal à l'appareil !... Alors, pas trop dur le service de nuit ?
- Ça alors, comment vas-tu ? Tu t'ennuies déjà à la PJ ?
- Écoute, je suis un peu pressé. Je suis sur une affaire...
- Ah, alors ! Si monsieur est sur une affaire !...
- Je te propose de collaborer officieusement à une enquête de la PJ, Rampoix !
- Alors je ne peux pas refuser. Mais c'est qu'on est débordés ici, tu sais !
- Au moins trois ivrognes je parie, et une bagarre chez Gino ?
Rampoix baîlla :
- Allez, dis-moi ce que tu veux...
- J'ai besoin que tu appelles CONTRÔLE.
Maréchal lui donna l'adresse du forgeron et demanda à connaître le dernier numéro que ce dernier avait appelé.
- Entendu, j'appelle.
Maréchal alla à table et commanda au patron un sandwich.
- Ça alors, dit le patron, pour une fois que c'est la police qui me fait fermer plus tard !
Une demi-heure après, Rampoix rappelait :
- A cette heure-ci, c'est allé vite. Voilà ton numéro et l'adresse.
- Tu es un ange.
- Je sais, je sais... Maintenant, je me rendors ! Bonne nuit.

Maréchal revint dans la salle :
- Ce n'est pas loin d'ici, à la Vague Noire, dit-il à voix basse.
- On y va, dit Portzamparc.
Corben bailla et alla remettre son ballon-taxi en route.
Un court trajet et nos héros arrivèrent au bord de la plage. L'adresse était un petit hôtel au bord de la falaise. Ce n'était pas un palace balnéaire !
Plutôt un repaire miteux. Le gros gérant ronflait derrière son comptoir poussiéreux, dans le réduit qui servait d'entrée.
- Hé debout !
Maréchal mit sa plaque sous le nez de l'homme, toujours rapidement.
- Vous avez un client du nom de Victor Laslov ?
C'était l'état-civil du Perce-Pierres.
De sa grosse lèvre baveuse, l'homme articula. Portzamparc l'attrapa au col :
- On a mal compris.
- Oui, oui !...

De mauvais gré, il donna le nom de la chambre. Les deux policiers montèrent les marches sans bruit. Ils frappèrent à la porte, l'enfoncèrent : le Perce-Pierres s'apprêtait à partir par la fenêtre. Portzamparc le ceintura et le descendit manu militari.
Maréchal siffla Corben, qui redémarra sa machine. Nos visiteurs nocturnes grimpèrent et le ballon-taxi décolla dans la nuit encrassée de nuages. Sur la plage, on voyait des policiers accourir vers l'hôtel de la falaise. Il s'en était fallu de quelques minutes !






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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 10-12-2008



Adieu gueule d'amour
Viens pas boire dans mon verre
Tu peux pleurer des rivières
Pleurer des rivieres
J'en ai pleuré pour toi naguère

Tu te rappelles je me rappelle quand tu disais
L'amour cet imbécile l'amour c'était pas pour toi et
Adieu gueule d'amour
J'ai besoin de changer d'air
Alors va pleurer des rivières
Pleurer des rivières

J'ai besoin de changer d'air
Alors va pleurer des rivières
Pleurer des rivières
J'en ai pleuré à quoi ça sert

Pleurer des rivières à quoi ça sert
...

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Dossier #8 : L'Inspecteur Fantôme - Darth Nico - 13-12-2008

Bah alors ?... Plus personne ne lit les raysumay ?ChouineTotoz