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25e Episode : Les huit samuraï - Darth Nico - 14-04-2007 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
<span style="color:blue">La 5e Réincarnation : 25e Episode</span><!--/sizec--> Lièvre 1128 Les huit samuraï<!--/sizec--> ![]() 1er chapitre<!--/sizec--> Ryoko Owari, ville ouverte<!--/sizec--> Le sabre de Hiruya ressortit du corps du troll, qui s’effondra, son corps crachant des geysers de sang verdâtre. Shosuro Jocho arrivait en renfort avec la Garde du Tonnerre, pendant que Bayushi Korechika manoeuvrait de son éventail un groupe d’archers qui prenaient position sur une hauteur. Des hommes de Toturi, menés par Sasuke vinrent prêter main fort et c’est à la tête d’une forte troupe que Jocho et Hiruya enfoncèrent les rangs ennemis pour aller frapper les archers. C’était la déroute pour l’ennemi. Parmi la confusion des armes, des armures, des corps, de la boue et du sang, notre magistrat aperçut Riobe, à la tête d’un groupe de rônins qui achevaient un monstrueux officier Crabe à la peau boursouflée, à la mâchoire démoniaque et aux pattes griffues. Les samuraï se replièrent vers le pied des murs de la Cité, où l’on avait installé un campement provisoire pour accueillir les blessés. On ne comptait plus les cadavres sur la plaine désolée, nombreux comme des blés fauchés. Des shugenja s’approchèrent des officiers pour leur procurer des soins magiques. Hiruya se laissa faire, sans perdre de vue le reste de la bataille. Il convenait, même en ce moment, de conserver sa dignité d’homme et de ne pas montrer sa souffrance. Pour aujourd’hui, c’en était sûrement fini. Seulement, des victoires de la Cité à un tel prix ne tarderaient pas à mener celle-ci à la ruine. Les ennemis sortis de l’Outremonde ne se désemplissaient pas. Il en arrivait, vagues après vagues qui venaient s’échouer sur les murs de Ryoko Owari et, comme pour les falaises du bord du grand océan, ces attaques incessantes finiraient par provoquer l’usure, puis la rupture. Le soir tombait, et avec le départ de dame Soleil, les guerriers sentaient une grande lassitude s’abattre sur eux. ![]() La lune apparut dans le ciel, projetant ses lumières blafardes sur la bataille. Un officier s’approcha respectueusement du Magistrat d’Emeraude pour lui annoncer qu’il était convoqué dans la tente du Gouverneur. Hiruya ne put cacher sa surprise mais il suivit. Il sentait, à la manière dont s’était présenté le porte-parole que ce n’était pas une invitation ordinaire. Ce n’était pas à lui de rendre compte de la bataille de la journée, mais à Korechika, en sa qualité de maître de la Garde du Tonnerre. De plus, il n’était pas état de se présenter décemment devant le Gouverneur. Il était sale, fatigué, il sentait mauvais… Notre samuraï n’en fit pas moins un effort pour paraître digne. Bayushi Goshiu était assis derrière une table où étaient étalées des cartes. Autour de lui, son état major et ses conseillers. - Konnichi-wa, Magistrat. Hiruya s’inclina. Il y avait quelque chose de vraiment étrange, à se présenter devant l’un des hommes les plus puissants de l’Empire, au milieu du chaos d’après le combat. Goshiu ne multiplia pas les formules de politesse, ce dont Hiruya lui sut gré. Il alla rapidement au but : - Magistrat, nous sommes attristés aujourd’hui par la perte de notre dévoué yojimbo. Celui-ci nous servait depuis maintenant cinq ans. Il avait été recruté parmi l’élite des samuraï de ma famille. A aucun moment, il n’a failli à son devoir. Hiruya déglutit. - Nous souhaitons que vous le remplaciez. Pour la forme, Hiruya allait refuser. - Nous sommes bien conscient des charges qui pèsent sur vous. Cependant, maintenant que Miya Katsu a souhaité ne plus profiter de notre hospitalité, la direction de la Magistrature d’Emeraude lui revient entièrement. - Le plus grand Gouverneur de l’Empire, dit Korechika, selon un texte préparé à l’avance, souhaite se lier le service d’un valeureux guerrier. Grande a été notre surprise qu’il choisisse un membre de votre clan, Hiruya-san, car, vous le savez, le clan du Scorpion est avare de générosité envers les autres clans. A un autre moment, Hiruya aurait pris le temps de savourer la douceur empoisonnée de ces propos. Mais là, il n’avait pas le courage de rendre hommage à la rhétorique Scorpion. Il s’inclina. - Excellent, approuva le Gouverneur. Sans tarder, Hiruya passa dans une autre tente revêtir un kimono de son clan avec un insigne spécial de la Cité. Quand il revint, il faisait (presque) partie de la famille. - Toturi s’apprête à nous quitter, rapportait Jocho. Il souhaite continuer son combat sur les bords de l’océan, dans le sud. Autrement dit : sur les terres de la Grue. - En fin de journée, continuait Jocho, mes éclaireurs ont repéré l’approche de lourdes armes de guerre ennemies. Des trébuchets, des catapultes, des engins capables d’abattre nos murs. - Nous avons besoin de volontaires pour une frappe ciblée, dit Korechika en fixant Hiruya. - La Magistrature d’Emeraude s’honorerait, récita Hiruya, d’aider à une mission si périlleuse. Mon adjoint, Hida Shigeru participera à cette opération. Les Scorpions approuvèrent du chef. ![]() Au palais de la Magistrature, Miya Katsu apprenait la nomination de Hiruya comme yojimbo du Gouverneur. Il la signala, sans montrer d’émotion, à ses assistants. Sur le coup, il ne savait qu’en penser. Tout allait si vite et se mélangeait. Du reste, la Magistrature accueillait une délégation de rônins, qui venait faire ses adieux. Les représentants de Toturi étaient venus à cinq, nombre important qui montrait l’estime du Lion Noir pour Miya Katsu. Le Gouverneur n’avait eu droit qu’à deux hommes, le minimum dans ce cas-là. Parmi les cinq hommes, Sasuke et Riobe, réconciliés autour du combat commun. Les rônins saluèrent la bravoure de la Magistrature, rappelèrent la vaillance de leur général (ce qui fit hausser les épaules à Bayushi Bokkai, qui pensait que la Cité aurait très bien pu se défendre sans l’arrivée de ces « mercenaires » ! ![]() Alors que les hommes de Toturi, après une brève collation allaient repartir, Ayame demanda à parler à Riobe, avec qui elle avait à peine échangé un regard devant Miya Katsu. D’un coup, elle reprenait contact avec ce Lion qui avait été son compagnon de voyage avant de redevenir un étranger, après la Bataille des Cloches de la Mort. C’était si étrange. Comme elle l’avait méprisé, ce rônin ! Sur ce point, elle était pire que Bokkai ! Cependant, à force de le mépriser, elle n’avait pas pris garde que naissait en elle une certaine estime pour ce rônin. Elle trouvait indigne de se l’avouer, bien sûr. Bien plus indigne, en somme, que ses petites curiosités secrètes ! Elle s’excusait de solliciter ce rônin, en se disant qu’elle le faisait pour une cause supérieure : - Riobe, je voudrais vous dire un mot. - Je vous en prie. - Le temps nous presse, mais enfin… Je m’excuse ne pas y mettre les formes comme il conviendrait… - En ce moment, je pourrais excuser une attitude légèrement cavalière sur l’étiquette de votre part… Rien que dans cette phrase, il y avait tant de choses ! Ayame à la cour d’hiver, Riobe et sa lutte pour rester honorable même après avoir perdu son clan ! Plein de choses passées dont on ne pouvait pas, maintenant, se souvenir. - J’ai parlé à un moine… Au Moine que vous connaissez… Car je crois que vous l’avez rencontré… Riobe fit signe qu’il avait compris. D’une certaine façon, il se doutait bien que… Ce Moine, rencontré sur les terres du clan du Moineau, quatre ans plus tôt… - Ce Moine m’assure que les Fortunes… enfin que les Ancêtres, les vôtres, les nôtres, souhaitent que vous restiez avec nous. - Je sais qu’une shugenja telle que vous n’invoquerait pas les Ancêtres en vain. - Certes, non. - J’ai déjà rencontré ce Moine, Ayame-sama. Il ne m’a pas averti de cela… - Peut-être était-il trop tôt. - Ma fidélité va à mes Ancêtres, Ayame-sama, c'est-à-dire pour le moment à Toturi. - La nuit porte conseil. - Pas autant que les Ancêtres, Ayame-sama. Riobe s’inclina et partit. ![]() Même lorsqu’une des Cités les plus puissantes de l’Empire menaçait de tomber, dame Soleil continuait à luire, rendant les bâtiments éblouissants, dans un matin magnifique, annonciateur du printemps. La neige du printemps, c’est cela qu’Ayame vit en se réveillant. Comme souvent, Ikky était déjà debout. - Si nous allions rendre visite à Bayushi Tangen ? Ayame avait essayé de le dire comme si c’était une idée subite, enjouée. Ikky hésita entre pouffer de rire et l’indignation. Elle se contenta de hausser les épaules, comme Bokkai quand on lui parlait des exploits des rônins ! Ayame sa petite attitude réjouie qui exaspérait Ikky. Elle était gaie comme un pinson alors qu’elle allait encore se mêler de ce qui ne la regardait pas ! Aller rencontrer cet imbécile de Tangen ! - Konnichi-wa, Tangen-san. Nous sommes honorées d’être accueillies dans votre dojo. - C’est moi, au contraire, qui suis ravi de recevoir ici deux honorables… Ikky avait envie de bâiller. Il n’y avait rien de plus urgent, en ce moment, que de venir tailler une bavette avec ce samuraï ! - Gloire à la bataille, fit leur hôte en levant son verre. Pour le coup, Ayame, si réticente à boire de l’alcool, était bien obligée de tremper ses lèvres dans le saké. Pour Ikky, c’était une petite satisfaction… qui lui permettait de se consoler de sa promesse de ne plus boire une goutte. Tangen-san avait d’ailleurs eu la politesse de ne pas lui proposer de saké, mais un simple jus de fruits ! En ce moment, Ikky avait l’impression que la moitié de la population de la Cité, les plus crasseux marchands, les bonnes femmes stupides, les enfants mal torchés, tous étaient là pour ricaner et lui rappeler sa nuit sur l’Ile de la Larme ! Autour de la yojimbo, la conversation continuait. - Quel grand homme fut votre Ancêtre, Tangen-san ! Conseiller du divin Empereur ! Gouverneur de cette Cité !... Elle jouait sur du velours. C’en était indécent. Quand les deux femmes repartirent, Ayame avait obtenu de Tangen une entrée dans la bibliothèque du palais Shosuro ! Oui, la Bibliothèque Interdite ! Ikky, ronchonne, suggéra d’aller prendre un bain. Que le corps soit propre, à défaut de l’âme ! ![]() Kakita Hiruya passa sa première nuit comme yojimbo au palais des Scorpions. C’était venu si vite. Oui, il faisait un peu partie de la famille, maintenant. Il était venu une première fois dans ce palais aux mille pièges, pour y détruire une famille. Maintenant, il était un dignitaire des lieux. Il avait une chambre au cinquième étage, juste à côté de celle du Gouverneur. Il se demandait s’il était permis par les lois impériales qu’un Magistrat serve de yojimbo à un Gouverneur. Mais la situation était si exceptionnelle… Miya Katsu avait certes été relâché mais il ne serait jamais libre de l’emprise de Goshiu tant qu’il serait dans cette ville, s’il le redevenait jamais à l’avenir… Avant d’aller dormir, il lui faudrait aller saluer le Gouverneur, selon des formules très ritualisées. On frappa à la porte. - Votre ami est arrivé, Hiruya-sama. Le serviteur se retira, pour laisser entrer Kakita Kagetoki. Les deux hommes se rencontraient dans cette pièce, qui leur paraissait aussi étrange que le pays des Kenkus. - Qui aurait cru… murmura Kagetoki. Oui, parvenir au cœur d’un des palais les plus tortueux de l’Empire ! - Je souhaitais vous voir, senseï, pour la raison suivante… Hiruya sortit de la malle de ses affaires un paquet solidement noué. C’était l’épée de cristal. - J’ai pensé qu’elle devait vous revenir. - C’est grâce à vous qu’elle est de retour dans Rokugan, Hiruya-san. - Certes mais c’est vous qui étiez parti la chercher. - Sans vous, je n’aurais pu revenir et tenir ma promesse. - Si vous n’acceptez pas pour moi, acceptez pour notre famille. Le plus important est que cet objet lui revienne. Et c’est à vous de vous acquitter de cette tâche. - Je suis honoré que vous me permettiez d’accomplir mon devoir, Hiruya-san. Pour cela, j’accepte. Kagetoki-san se retira. Un serviteur attendait Hiruya, pour l’accompagner chez le Gouverneur. ![]() De retour de la maison de bains, Ayame et Ikky trouvèrent Riobe devant l’entrée du palais d’Emeraude. La shugenja sourit en coin : elle savait qu’elle avait gagné. Elle reçut le rônin dans les formes et lui permit d’exprimer ses remerciements d’être reçu, lui si misérable… Ayame se sentait bien. Elle avait tout son temps. Ikky sentait bien qu’Ayame n’était plus si « supérieure » maintenant. Elle ne parlait plus au rônin comme elle l’aurait fait, un an auparavant. La yojimbo croyait comprendre. Depuis qu’elle avait perdu son bras, la shugenja se sentait inférieure au reste de son clan. Du reste, même parmi les pacifiques Phénix, on n’avait pas manqué de lui faire sentir combien il était humiliant d’être estropié. Peut-être que, grâce à Riobe, elle avait compris que d’autres enduraient des épreuves bien pires, tout en souhaitant rester honorables. Il y avait un petit quelque chose qui avait craqué dans l’esprit de la shugenja. Quelque chose, venu avec les voyages, l’imprévu, les dangers, qui avait changé sa façon d’appréhender le monde, et qui ne ferait rien pour la ramener dans l’orthodoxie ! - J’ai parlé au Moine Tadakune, disait Riobe. Je pense que je vais rester ici quelques temps. - Tu m’en vois réjouie, Riobe. - Je dois vous remercier de m’avoir si bien conseillé, Ayame-sama. Qui suis-je pour recevoir l’aide d’une sage personne comme vous ? - Je ne fais que transmettre le message d’un Moine, à qui parlent les astres. Le rônin se retira. Pour un peu, Ikky aurait félicité Ayame, si elle avait été en position de le faire. La shugenja s’était bien comportée. Elle avait agi comme une personne pieuse, dévouée. Elle avait aidé un homme qui en avait besoin, pour le mettre sur la bonne voie. - J’ai reçu l’invitation de Bayushi Tangen, annonça alors la shugenja. Nous irons ce soir visiter la Bibliothèque… - Bon ! Elle n’avait pas non plus changé en une seule nuit ! - Si l’honneur le commande… - Je suis la voie des Ancêtres, voilà tout. Si ! Les choses occultes ne m’ont jamais intéressée en tant que telle ! Allons, dépêchons, nous allons être en retard ! Ikky fit signe qu’elle était prête, en s’inclinant bien respectueusement. - Comme on le dit dans ma province natale, mieux vaut entendre cela que d’avoir de la graisse de buffle dans les oreilles ! Ayame haussa les épaules : - Moi je ne lis que le Tao et cette sentence ne s’y trouve pas ! ![]() - Elle vient ici, ce soir ? Hiruya venait d’apprendre pour Ayame. Après des mois passés dans la Cité, elle trouvait enfin le moyen d’accéder au cœur du mystère des Scorpions ! Celui qui venait de lui apprendre cette visite n’était autre que… Bayushi Tangen, trop fier d’avoir pour invitée un Magistrat d’Emeraude. Hiruya espérait aller dormir, maintenant qu’il avait vu le Gouverneur. Mais il ne pouvait pas laisser passer Ayame ainsi. Il ne savait plus bien si, maintenant, elle était encore sa subordonnée. Hiruya, profitant de son nouveau statut, insista auprès de Tangen pour recevoir Ayame avant lui. Le jeune duelliste Scorpion ne fit pas tellement de difficulté, face à un membre respecté de l’école Kakita, yojimbo de son seigneur, auréolé de gloire à la guerre ! - C’est une heure bien tardive pour se rendre dans une bibliothèque, Ayame-san. Mais ce soir, Hiruya savait qu’il ne serait pas le plus fort. Il pouvait toujours parler… - Le seigneur Bayushi Tangen, IIIe du nom, a tenu à me recevoir ici même, car il connaît l’intérêt que je porte à son Ancêtre. - Oui, vous avez lu presque tous ses livres… - Oui, presque… - Vous intéresse moins en revanche le dojo de la Sombre Epée des Mensonges Amers… - Je respecte l’art du sabre comme il se doit. Ikky et Hiruya échangèrent un regard entendu. - Bien, j’espère que l’inspiration vous viendra mieux cette nuit. Et si, d’aventure, vous trouviez des informations intéressantes, il sera bon que la Magistrature d’Emeraude les apprenne rapidement. - Bien sûr, Hiruya-sama. Ayame partit, en saluant bien bas. Pourquoi Hiruya voulait-il encore s’occuper d’elle ? Il avait reçu des félicitations de la part du Gouverneur. « Vous êtes un des meilleurs samuraï de l’Empire… l’incarnation de l’idéal du bushido… Je parlerai de vous à l’Impératrice… » Ce soir, le nouveau yojimbo n’avait pas envie de se gonfler de vanité. Il était juste fatigué. Peut-être que lui aussi sentait que quelque chose avait craqué en lui. Il avait reçu Ayame et avait senti qu’elle était presque une étrangère pour lui. Certaines phrases de la conversation avaient attesté de ce qu’ils avaient vécu, de leur opposition constante sur l’honneur. A d’autres moments, ils avaient parlé comme de parfaits étrangers. Ce soir, le clan du Scorpion accueillait entre ses murs les plus gardés une shugenja des plus retorses, bien plus que la plupart des membres de ce clan. Car on ne se méfie généralement pas d’un shugenja Phénix ! Le dernier qui sentit un changement profond, mais discret, en lui, ce soir là, fut Riobe. Il avait parlé au Moine. Il avait entendu ce qu’il aurait pu savoir depuis longtemps. Il ne l’apprenait que maintenant alors que cette vérité était claire comme le jour : le destin des samuraï était lié. N’était-ce pas étrange de n’apprendre qu’aujourd’hui cette évidence ? Mais qu’aurait-il fait de cette vérité, avant ? - Quelque part dans l’Empire se tapit une menace millénaire, et seuls l’alliance de sept samuraï pourra mettre fin à ce cauchemar. Je suis certain que tu es l’un des sept, Riobe. Sur son parchemin, le moine avait tracé une figure circulaire compliquée d’autres cercles, triangles et carrés. Sur ce cercle, étaient répartis sept petits disques, dans lesquelles Tadakune avait inscrit les noms des samuraï. Shigeru – Hiruya – Ayame – Kohei – Ryu – Bokkai – Riobe. Le rônin ne savait qu’en penser. Il aurait aimé penser que, de près ou de loin, cette destinée pouvait être liée au Lion Noir. Mais il ne voyait pas le rapport. Il écouta ce que le Moine avait à lui dire, mais il savait presque tout. Ces sept samuraï étaient la cinquième réincarnation d’esprits ayant existé à des époques passées. Ces samuraï, chaque fois, s’étaient alliés pour combattre la grande menace cachée. S’ils se réincarnaient encore, c’est que leur combat n’était pas terminé. - Il faut que la sixième fois soit la bonne, Riobe ! - J’y contribuerai, fit le rônin, qui s’efforçait d’être résolu. Il salua le Moine. Il se sentait un rien triste d’avoir appris cela. Il n’aurait su dire pourquoi. C’est avec cette tristesse qu’il songea qu’Ikky n’avait pas été désignée par les Fortunes. A suivre... ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - sdm - 16-04-2007 Aaaaah le retour des résumés, c'est trop bon ! ![]() ![]() ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - Gaeriel - 16-04-2007 +4, et quand on dit qu'on ne se méfie pas trop des shug Phénix, on devrait quand même, ils ont pas souvent été corrompus (et surtout pas trop nombreux) mais quand y en avait un, il l'était pas à moitié ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - sdm - 16-04-2007 On se donne à fond chez les phénix8) 25e Episode : Les huit samuraï - Gaeriel - 16-04-2007 comme les dragons ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - sdm - 16-04-2007 Faudrait que je lise le livre du clan mais j'ai l'impression qu'il n'y a jamais eu de traitre ou de méchant chez le Dragon ![]() Ils sont vraiment trop bêtes ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - Gaeriel - 16-04-2007 Mais non ne lis surtout pas le livre du clan Dragon, tu vas tomber sur le spoil d'L5R sinon!!! ... .. . ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - Darth Nico - 17-04-2007 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
[rgrrggnnrrrnggrr :philou_style: morceau de texte tapé chez Clémence... le retrouve plus ![]() ![]() ![]() Ayame prit la blatte sur un morceau de parchemin, avec précaution. Maintenant, il fallait chercher le nid. Si une de ces bestioles pouvait provoquer la mort… En cherchant dans les pièces adjacentes, entre les étagères et dans les coins, les deux Phénix trouvèrent bientôt des pans de murs où grouillaient ces insectes. Ils passaient à travers les épaisseurs de pierres. A certains endroits, le mur rendait un son creux. Elles devaient avoir si bien creusé qu’elles s’étaient forgé un nid, des galeries !… Entre deux rayons, Ayame découvrit un étroit passage, où l’on pouvait à peine se glisser. C’est de là que venait la colonie, ainsi qu’une infecte odeur. Le nid devait se trouver là-dedans. Ikky approcha la torche pour examiner : le passage menait à une autre pièce, dissimulée par l’arrangement des étagères. Dedans, un cadavre, mangé par la vermine. Ayame reculée, écoeurée. Et avec cet écoeurement s’insinuait de la peur. Assez pour que sa curiosité soit vaincue : non, elle ne voulait pas aller y voir ! - Venez, ressortons ! La shugenja ne se fit pas prier. Guidées par l’assistant, en pleurs, les deux femmes repartirent vers l’entrée. Les panneaux succédèrent aux panneaux, les escaliers aux escaliers, sans qu’elles aient l’impression de progresser. Au début, elles se souvinrent que le chemin était long et détourné mais bientôt, elles furent persuadées d’être passées déjà trois ou quatre fois au même endroit. Elles tournaient en rond, et l’assistant ne s’y reconnaissait pas plus. On le sentait céder progressivement à la panique des profondeurs. - Ce n’est pas possible… cette porte n’était pas là !… il y en avait une ici… Ce couloir ne mène nulle part… Cet escalier n’était pas si grand… Il allait de découvertes en découvertes… A quelques escaliers de là, ou peut-être très loin, quelque part entre deux étages, Hiruya s’engageait dans les tortueux chemins de la Bibliothèque et ne tarda pas à s’y égarer, prisonnier lui aussi des galeries qui changeaient, des murs mobiles et des escaliers à longueurs variables. C’était un édifice vivant qui se construisait, se défaisait, un palais des illusions et des métamorphoses ! Il se mit à crier le nom des deux femmes et l’écho lui renvoya des voix qui semblaient sorties de nulle part et n’avoir aucun destinataire. Comment identifier le cri d’origine parmi ses répétitions innombrables, qui ricochaient sur les murs et s’amplifiaient dans ces cavernes couvertes de livres ?… Il finit par se rapprocher de plusieurs voix proches, des échos plus compacts, la voix d’Ikky. Il entendit Ayame crier au piège mais il ne fit pas demi-tour. Comme si le piège ne s’était pas déjà refermé sur lui. Il arriva dans la pièce où l’Archiviste était mort. A terre, des parchemins à moitié effacés, et les grouillements de blattes. L’écho l’avait encore égaré davantage. Les voix étaient maintenant bien plus lointaines. Ayame et Ikky continuèrent leur chemin avec l’assistant, et tournèrent en rond dans ce dédale qui se refermait sur elle, s’ouvrait, se transformait et les égarait encore un peu plus. Les choses allèrent vite. Ayame passa la première un énième panneau de bois, qui se referma brusquement. Elle entendit un coup sourd derrière. Une faible lanterne qui éclairait la pièce fut soufflée et ce fut le silence. La shugenja n’entendait plus que sa respiration, dans le noir complet. Plus de bruit, plus d’échos de la voix de Hiruya. La peur ignoble lui tordait le ventre, semblait liquéfier ses os, glacer et brûler ses intérieurs, dilater son crâne et l’étrangler de l’intérieur ! Elle eut l’idée de prendre un fil de son kimono et de l’attacher à un clou au mur et de se faire ainsi un guide pour explorer les lieux. C’est dans la panique qu’elle conçut cette invention, mais elle était bien seule. Elle repassa le panneau, Ikky n’était plus là, pas plus que l’assistant. Elle courut, son kimono s’effila et la ligne rouge laissée derrière elle attestait seulement de sa fuite. Il pouvait se rompre à tout moment, et pour le moment, zigzaguait de pièce en pièce, tournait, montait, descendait, seule trace d’Ayame dans ces obscurités profondes. A bout de souffle, la shugenja s’arrêta, la main posée sur la cuisse, haletante. Il faisait tellement sombre ici. Elle avait besoin de voir si le fil s’était rompue. Elle invoqua de petits esprits du feux, qui naquirent dans sa main. Avec cette faible lumière, elle eut juste le temps de voir le panneau s’ouvrir devant elle d’un coup, Matsu Bashô entrer, le visage figé par la haine et l’étranger puis recouvrir tout son visage de ses grandes mains, à en faire rentrer ses doigts dans les yeux, le nez et la bouche de la shugenja. Hiruya, après avoir dévalé un escalier, trouva Ikky évanouie, l’assistant à ses côtés. Non loin de là, un fil rouge, qui passait le long de rayons vides, et qui serpentait dans ce labyrinthe, se terminait devant un panneau de bois, pendant dans le vide. Ikky se réveilla, vit le fil. On entendit alors des bruits de pas. Arrivaient des samuraï, avec Bayushi Tangen à leur tête. - Isawa Ayame a disparu, dit Hiruya, en remontant vers la sortie, qui se trouvait juste là, derrière le groupe de bushis. Sans tarder, on envoya plusieurs groupes fouiller la Bibliothèque de fond en comble. On trouva l’Archiviste, seulement évanoui et nullement ligoté. Hiruya ne fit aucun commentaire. Il ne comprenait que trop ce qui s’était produit et ne voulut pas ajouter à la confusion. Ikky, tacitement, comprenait. La bibliothèque avait repris un aspect normal. Elle en devenait même banale et on aurait eu peine à croire qu’elle fût la Bibliothèque Interdite. Pour un samuraï peu habitué à ce genre d’endroit, il n’y avait rien d’extraordinaire dans ce lieu. Beaucoup de parchemins et de poussière. Ryu s’était lancée dans les recherches. Hiruya laissa faire, mais n’en attendait rien. Il savait que ce qui était responsable de l’enlèvement d’Ayame ne se laisserait pas ainsi retrouver par des moyens ordinaires. Même l’intelligence et la ruse des Scorpions n’y pouvait rien changer. On passa le restant de la nuit à fouiller. Ikky raconta en détails ce qui s’était passé, à Hiruya seulement. Aux Scorpions, elle dit qu’elles s’étaient perdues au retour, faute d’avoir suivi le conseil de l’assistant. La yojimbo ne voulut même pas accabler le malheureux petit bibliothécaire ! A l’aube, Ryu alla se coucher. Même le flair de la célèbre enquêtrice n’avait rien trouvé, sans parler des recherches de l’Archiviste lui-même. - Hé bien, grommela la bushi Dragon, on se passera d’Ayame. ![]() Shigeru se jeta à temps derrière un talus pour éviter le rocher qui tombait du ciel. L’énorme pierre tomba dans un marécage, soulevant une gerbe boueuse puante, qui éclaboussa à des mètres aux alentours. Le Crabe osa passer la tête : personne n’avait été écrasé cette fois. Mais au loin, il apercevait les machines de guerre ennemies qui se rechargeaient. - Zakennayo ! Nous seront bientôt hors de portée mais il va falloir encore courir ! Les têtes de ses compagnons apparurent derrière les arbres et talus où ils s’étaient réfugiés. Ils étaient encore une dizaine, de volontaires Scorpions et Dragons, emmenés par le Crabe de la Magistrature. La moitié d’entre eux avait été tuéselors de cette expédition. L’approche des catapultes ennemies était vitale pour estimer les forces de l’armée d’invasion. Shigeru avait accepté de participer pour lever les derniers doutes sur sa fidélité : il allait de son propre chef espionner les hommes du Grand Ours. Pendant une journée et demi, le groupe avait avancé dans la campagne, par des chemins détournés connus des seuls Scorpion. Enfin, parvenus à distance raisonnable de l’armée de l’Outremonde, ils avaient estimé la puissance et le nombre des engins de guerre. C’est alors qu’ils avaient été repérés par un sorcier auquel parlaient les esprits de la Terre. Aussitôt, d’énormes golems de terre avaient jailli autour de la troupe d’éclaireurs et il s’en était suivi un âpre combat, pendant que les Crabes envoyaient des renforts. Shigeru avait abattu de son tetsubo deux des géants mais trois membres du groupe avaient succombé, le crâne fracassé sous les poings ennemis, durs comme la pierre. Dès lors, c’est Shigeru qui avait pris la tête du groupe. Ils avaient été rattrapés par des cavaliers de la famille Hiruma. La mort dans l’âme, Shigeru s’était en tête du groupe face à eux et leur avait laissés une chance de s’enfuir. Il avait parlé au nom de la Magistrature d’Émeraude mais il avait senti dans le regard des cavaliers masqués qu’il était un traître. Furieux, Shigeru avait tiré son sabre. Suivi par ses hommes, il avait tué les bushi Hiruma. C’est alors que les machines de guerre s’étaient mises en route. Deux Scorpions et un Dragon avaient péri écrasés sur le moment, alors que s’abattaient trois gros rochers. Les survivants avaient couru se mettre à l’abri et depuis, une dizaine de projectiles gros comme la tête d’un akuma s’étaient abattus et deux autres samuraï étaient morts. Shigeru fit signe aux autres de ressortir. Ils coururent au village le plus proche. Des rochers s’écrasaient derrière eux. Ils étaient enfin saufs ! Amers, fatigués, le Crabe regarda la morne plaine derrière lui, occupée par l’armée de son clan. Il avait accompli sa mission : un ingénieur de la famille Kitsuki avait pu estimer la distance de tir des engins. Mais qu’il en aurait coûté cher de ramener cette information ! Les samuraï ne firent pas de halte au village. Hida Shigeru ordonna une marche forcée et ce n’est qu’à la nuit tombée, alors que le groupe était épuisé, que le Crabe ordonna qu’on sorte les bivouacs. La nuit fut courte. Les hommes furent réveillés, au milieu d’un épais brouillard, humide, aigre, par le bruit d’une forte troupe de cavaliers qui venaient du nord-ouest. Shigeru ordonna à ses samuraï de se mettre sur leurs gardes. - Face à une troupe si nombreuse, dit l’un des Bayushi qui avait collé son oreille au sol, nous n’avons aucune chance. Pensons à nous cacher. - Se cacher, toujours se cacher, Scorpion-san ! - Entends-moi bien, Crabe-sama. Ma vie n’a pas d’importance mais que je meure pour ma Cité, pas au milieu d’un bois perdu dans le brouillard ! Les samuraï approchèrent de l’orée des bois, juste avant la plaine noyée dans une blancheur fantomatique. Les cavaliers apparurent, en une longue silhouette aux contours indéfinis, ombre d’un immense chevauchée confuse. Parmi la grisaille, apparurent les couleurs, rendues blafardes, d’un étendard. - La troupe du Lion Noir, murmura Shigeru. Vous autres Dragons, avancez et signalez-vous ! Les bushis désignés obéirent. Des cavaliers se détachèrent de la troupe pendant que celle-ci continuait sa fantastique avancée. - Oh là, nous sommes au service de la Magistrature d’Émeraude ! Un des assistants de l’honorable Miya Katsu souhaite vous parler. - Mon nom est Sasuke, porte-parole du Lion Noir. Hida Shigeru, qui connaissait ce samuraï comme étant l’ami de Riobe, s’avança. - Samuraï, nous revenons d’une mission de reconnaissance des rangs ennemis. Où allez-vous ? - Nous partons vers l’océan, Hida-sama. - Comment ça, vers l’océan ? Vous allez combattre l’armée de l’Outremonde, non ! - Oui, mais plus ici. Nous allons la combattre sur les terres de l’océan ! - Mais il y a une gigantesque armée qui approche de la Cité ! - Justement, mon maître, le général Toturi, estime avoir fait suffisamment couler le sang de ses hommes. Il a décrété que plus un seul doshi [camarade] ne tombera sur les terres Scorpion ! - Comment ? Mais le gouverneur Goshiu, et Miya Katsu, comptent sur vous pour les aider à défendre la Cité ! - Comprends-moi bien, honorable Magistrat, Toturi pense que le plus urgent n’est pas de défendre Ryoko Owari. - Mais par Osano-Wo, vous n’avez pas le droit ! Dans ce brouillard épais, face à ces cavaliers résolus, Shigeru s’époumonait de rage et d’impuissance. - Sans vous, avoua-t-il, la Cité ne pourra pas résister aux assauts de l’Outremonde. - Je le regrette pour vous, samuraï, fit froidement Sasuke, mais davantage que mon Maître. - Si Toturi est un homme d’honneur, il ne peut éviter le combat ! - Ce n’est pas ce combat que le Lion Noir doit mener. Désormais, nul n’est en position de lui indiquer la voie à suivre. - C’est de la folie ! - Entre nous, honorable Magistrat, je vais te répéter ce que le seigneur Toturi a soufflé à ses plus proches fidèles, dont je suis : « Plus un seul de nos sabres ne sortira pour défendre le plus grand bordel de l’Empire ! » Shigeru en eut le souffle coupé. - Périsse Ryoko Owari, Magistrat, peu importe car aujourd’hui, c’est Otosan Uchi la capitale qui a besoin d’être sauvée ! Shigeru et ses hommes ne purent rien répondre. Les cavaliers de Sasuke firent demi-tour et repartirent se fondre dans la masse mouvante de l’armée du Lion Noir, qui disparut bientôt, comme happée par l’épais brouillard. - En avant, cria Shigeru lorsque le silence fut revenu. Nous crevons de faim, de soif et de désespoir mais nous rentrerons à la Cité lui confirmer que l’un de ses alliés s’en est allé vers d’autre batailles ! Quelques heures plus tard, les murs de Ryoko Owari apparurent, comme rendus liquides par la brume, et si fragiles, si flous… - Ouvrez les portes, au nom de la Magistrature d’Emeraude ! Le cri que poussa Shigeru avait dû être vraiment effrayant, comme celui d’un démon, car les Gardes en surveillance dans la tour des murs encochèrent leurs flèches. Shigeru y prêta à peine attention : - Dites au Gouverneur Goshiu que l’expédition est de retour ! Enfin, on accepta la troupe à l’intérieur de la Cité. Au palais Shosuro, le Gouverneur reçut la nouvelle et convoqua sur l’heure la troupe de Shigeru. On avait abandonné depuis le matin la recherche d’Ayame, belle et bien engloutie dans les profondeur de la Bibliothèque. - Les catapultes, tortues de fers, trébuchets et balistes ennemies sont nombreuses, Gouverneur. Au moins une vingtaine de ces engins, protégés par des runes et glyphes maudites, sans compter la surveillance de puissants Shugenja de la terre. Shigeru, fatigué, débitait son rapport face aux dignitaires de chaque clan et à la Magistrature d‘Émeraude. Il ne cherchait pas tellement à respecter les convenances. A quoi bon maintenant ? Il voyait l’ensemble de cette assemblée condamnée à retourner bientôt auprès des Ancêtres. Goshiu remercia le Magistrat d’avoir mené à bien cette courageuse mission. On en concluait que l’armée de l’Outremonde serait aux portes de la ville avant deux jours et qu’il serait impossible d’y faire face. ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - Darth Nico - 17-04-2007 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Le bombardement de la Cité commença le lendemain du retour de Shigeru. Des blocs assez gros pour détruire chacun un bâtiment s'écrasaient en différents endroits. Sur le quartier des pêcheurs, des marchands, sur l'île de la Larme... Certains rochers fracassaient un toit puis se mettaient à rouler en ville sur des pentes ou des sols meubles et ravageaient les autres habitations sur leur passage. C'était une panique indescriptible là où passaient ces démons de pierre. Vinrent ensuite des projectiles enduits de matière combustilble, semblables à des météores qui s'abattirent à leur tour sur la Cité. Ils ressemblaient aux plus grands ryu de feu des légendes ou au tonnerre d'Osano-Wo. L'effroi enflammant l'imagination, les habitants de Ryoko Owari voyaient venir la fin de ce monde, le moment où le ciel s'écroule, où les étoiles s'abîment dans l'océan et où déferlent les monstres. Il en tombait une dizaine par heure, de ces projectiles, pendant qu'une marée verte avançait sur la Cité. Toute la journée d'avant, Bayushi Jocho avait fait renforcer les défenses de la ville, mais si hauts fussent les murs, les rochers passaient au-dessus. Rapidement, les pompiers furent débordés et, malgré l'aide des habitants, organisés pour les incendies, les flammes jaillirent un peu partout en ville. Et on n'avait pas encore vu l'ombre d'un bushi du Grand Ours en ville. Les shugenja de l'Air repoussaient l'attaque de certains blocs de pierre, mais la plupart étaient seulement déviés. Cela permit d'épargner le quartier de la noblesse. Des navires dans le lac de l'Honneur Noyé furent coulés par les bombardements. Plusieurs temples furent brisés et des moines ensevelis dans les décombres. Et il n'y avait rien à faire contre cet ennemi ! C'était comme si tombaient du ciel plusieurs des mille démons du Jigoku ! Maintenant, la plaine devant la ville était recouverte par la masse immense de l'armée de l'Outremonde, semblable aux plus immenses vagues de l'Océan. Et avec eux venaient des démons aux corps multiples, des malédictions sans nombre. Les armées du Scorpion, du Dragon, de la Licorne se rangèrent en ordre de bataille pour faire face et défense l'Empire face à cette déferlante destructrice. C'était la fin de la Cité des Mensonges. A son tour, elle craquait, elle s'effondrait, inéluctablement. Pendant mille ans, elle avait dressé ses tours inquiétantes, étendue ses quartiers du vice et servi d'abris à des crimes inavouables, elle avait été le repaire des crapuleries, la gloire des terres du Scorpion ! Maintenant, elle flambait et en quelques heures, l'incendie aurait ravagé un millénaire de résistance au temps. La bataille s'engagea, sous une pluie de printemps qui avait, de mémoire d'ancien, était annonciatrice du renouveau de la nature, du début des semailles. Mais c'était les démons du royaume de Fu-Leng qui venaient maintenant moissonner les âmes du Ningen-Do. Les pires prédictions des astrologues du malheur se réalisaient, et encore au-delà de ce qui était imaginable. Une demi-journée après le début des bombardements, qui continuèrent pendant ce temps, la bataille était engagée. Au Pont du Dragon, une troupe d'ashigarus, menée par Shosuro Jocho, repoussait des troupes de paysans transformés en démons mineurs. Le mot d'ordre de Jocho était de tenir. Ryu suggéra de faire s'écrouler le pont. Jocho trouva l'idée bonne et ordonna aux destructeurs de la famille Bayushi de faire sauter l'antique ouvrage. Ce n'était pas ajouter beaucoup de destruction à cette journée ! Ailleurs, les Licornes, menés par le général Otaku Tetsuko passaient à l'attaque. Bayushi Korechika était au premier rang de la bataille, à la tête de la Garde du Tonnerre. Le pont du Dragon explosa, envoyant en l'air les corps calcinés des paysans possédés. Mais il en vint bientôt d'autres. Ryu dirigeait les lanciers mais serviteurs du Démon n'hésitaient pas à venir s'empaler pour laisser la place aux suivants. En peu de temps, les deux rangs de lanciers furent débordés et piétinés par la horde saignante et bavante. Ryu s'attaqua à l'officier Crabe qui dirigeait ce groupe. Le samuraï avait muté, comme tant d'autres, sous l'effet de la Souillure : il avait des visages qui apparaissaient partout sur sa peau et son armure, une gueule déformée, une force surhumaine et des moignons d'ailes et un sabre suintant d'un pouvoir maudit. Ryu devait commander le retrait de ses troupes en tenant en respect son adversaire. Elle parvint à le blesser griévement et à l'envoyer rejoindre le fleuve. Mais la position du pont était perdu. Les ashigarus de Jocho et ceux de Ryu durent se replier vers l'entrée du quartier des nobles... ![]() Devant le palais du Gouverneur, les principaux dirigeants de la ville s'étaient réunis ou avaient envoyés leurs porte-paroles, pendant que les combats continuaient à l'extérieur. Rapidement, Bayushi Korechika exposa un plan d'attaque coordonné. Il chargea son fils de préparer une retraite par le nord de la ville... Avec l'incendie qui se répandait dans la Cité, qu'aucune intervention de pompiers ne pourrait circonscrire, il n'y avait plus qu'à se battre au-dehors. - Une dernière sortie, dit Jocho, pour détruire l'Etat-Major ennemi. Si nous ne défendons plus la Cité, défendons l'Empire lui-même. Il y avait là la crême des guerriers de la ville. Shosuro Jocho, bien sûr, qui s'était assuré que sa mère partirait en sécurité de Ryoko Owari ; le général Bayushi Tomaru, revenu entièrement de sa disgrâce par sa bravoure ; le général Mirumoto Daini, allié aux Nagas et nombre d'autres guerriers qui entraient aujourd'hui dans la légende de Rokugan. A l'extérieur, les ravages provoqués par les troupes de l'Outremonde avaient détruit les champs et les villages autour de la Cité. C'est sans espoir, mais avec un courage en acier trempé que les nobles samuraï effectuèrent une sortie à cheval. Menés par les Vierges de Bataille Otaku, ils enfoncèrent les rangs ennemis. Tandis que les Licornes continuaient à cheval, les autres mettaient pied à terre. En quelques minutes, on vit tomber sur ce champ de bataille plusieurs guerriers que tous avaient fini par croire invincibles. Le senseï Kitsuki Jotomon se lança contre une troupe de quatre (!! ![]() Le quatrième Garde, intact, leva son sabre. Le senseï, un genou à terre, para le coup et le retourna contre son adversaire, qui s'entailla la cuisse. Il recula sous le coup de la douleur. Jotomon-senseï se releva, respira une dernière fois l'air de son Empire, fixa le ciel et sans trembler, reçut le sabre de son ennemi qui lui trancha la tête. Au milieu de la mêlée, Kakita Hiruya vit mourir le senseï. Face à lui, d'autres serviteurs de Moto Tsume approchaient. Fermement, Hiruya marcha sur eux, dégaina son sabre et entailla le premier et l'acheva d'un second coup, avec la souplesse et la rapidité d'une plume dans le vent. Le second adversaire était un dueliste accompli : les deux samuraï échangèrent plusieurs coups, rapides comme l'éclair, et Hiruya, empli de l'esprit ancestral des Kenkus, trancha le corps de son ennemi. Shosuro Jocho, entouré de deux de ses meilleurs hommes, monta à l'attaque d'un énorme guerrier Crabe à quatre bras, maniant autant de sabres. Une longue tête allongé, un corps presque squelettique, un souffle rauque, des membres grêles comme ceux d'une mante religieuse et la vélocité d'un démon. Le camarade de Jocho fut tué mais Jocho lui-même fit face au général dont les sabres tourbillonnaient si vite qu'on aurait dit des disques de lames. Jocho trancha un bras, puis un autre et un troisième. Le monstre recula, horrifié. A ce moment, il déploya une paire d'ailes et bondit dans les airs et lança le sort des kami du Feu appelé Coeur de l'Enfer : une énorme boule enflammée jaillit de sa gueule et frappa Jocho, qui mourut sur le coup, consumé par ce brasier. Kakita Hiruya continuait son avancée. Il courut sur le général, lui trancha son dernier bras puis le décapita promptement. Il en terminait avec l'un des plus formidables généraux de l'Outremonde. Il jaugea d'un coup d'oeil la bataille. Ryu arrivait à sa hauteur. Ils ne virent pas que le général n'était pas mort. Il se redressa à moitié, pathétique comme un pantin brisé et cracha son souffle de feu. Ryu se jeta sur le côté, mais Hiruya fut frappé grièvement ! Notre enquêtrice Dragon acheva pour de bon le général et protégea Hiruya, encore vivant mais brûlé au second degré aux jambes et à la poitrine. Iuchi Shizuka accourut et appela les esprits de l'Eau sur les plaies du Magistrat, qui sentit la brûlure s'apaiser. Un peu plus loin, Hida Shigeru et Bayushi Bokkai, côte à côte, combattaient, l'un avec la force éternelle de la montagne, l'autre avec la ruse insatiable de la vipère ! Riobe dirigeait les derniers rônins de la ville. Pendant que ces guerriers devenaient à jamais des héros de l'Empire, la Cité s'effondrait, dérisoire, plus rien ne s'opposant à l'affreux chaos propagé par l'Outremonde. On dit que même le lac de l'Honneur Noyé devint bouillant, du sang des corps et des rochers bouillants qui avaient chu dedans. Les troupes Crabes coururent sus à cette ville, pillant, massacrant, brisant tout sur leur passage, comme un tsunami de Souillure ! Les derniers samuraï debout sur le champ de bataille se réunirent en un petit groupe, cerné par des dizaines et des dizaines de gobelins et de samuraï déchus. Ils étaient peut-être une trentaine, guère plus, en un petit cercle, face à des adversaires cent fois plus nombreux. Et face à eux, approchait un monstrueux Oni qui menait cette armée. Il sortait juste par une porte Magique du Puits de l'Enfer, dont il exsudait l'odeur à des lis à la ronde. Il ressemblait à un Ryu des légendes, mais corrompu par Fu-Leng. Il avait bien la tête d'un dragon élémentaire, mais son corps était celui d'une fourmi géante et ses pattes celles d'un bouc et ses membres antérieurs des pattes de tigre terminés par des griffes longues comme des lames. Ses deux paires d'ailes rougeoyantes, propageaient un bruit grondant comme le tonnerre. Les samuraï firent une prière à leurs Ancêtres, car même à eux tous, ils ne pourraient venir à bout de cette créature d'une perfection démoniaque. Shiba Ikky faisait partie de ce groupe. Elle repensa à la shugenja, qu'elle ne reverrait jamais. A côté d'elle se trouvait un samuraï de sa famille, au visage casqué et masqué. Elle croisa son regard : effrayée, elle vit que le masque représentait le visage de Nakiro. - N'ayez crainte, ricana le samuraï, en montrant ses deux paumes de mains sur lesquelles étaient tatouées des yeux pleurant du sang, je viens tirer ma révérence. Saluez Ayame ! Alors le samuraï bondit dans les airs, très haut et atterrit juste devant le démon. Il explosa d'un rire tonitruant devant la formidable chimère et les samuraï qui s'étaient trouvés au village thermal reconnurent le sinistre Inquisiteur Nakiro. Le monstre voulut le faucher de sa queue de crocodile, mais Nakiro bondit en l'air, rebondit sur sa tête, sauta en l'air et grandit d'un coup démesurément, se transformant en une gigantesque vouivre dont la gueule rappelait le sourire douloureux de Nakiro ! La vouivre ensserra la chimère de sa queue et entreprit de l'étrangler, pendant que ses pattes griffues s'enfonçaient dans l'abdomen craquelant et qu'elle lui déchirait le coup de sa mâchoire. C'était une formidable lutte, entre deux puissances monstrueuses, qui fauchaient, pendant leurs combat, tous les serviteurs subalternes de l'Outremonde, qui se dispersèrent dans un affreux grouillement. Ebahis, les samuraï assistèrent à ce combat. Alors, Nakiro, hurlant, ordonna aux shugenja de lancer leurs sorts les plus destructeurs. Outre Iuchi Shizuka, il y avait quatre membres de la famille Yogo : tous invoquèrent en même temps les élèments du feu et cinq formidables météores jaillirent en même temps, convergeant sur les deux créatures, qui furent changées en une immense torche ! Les shugenja invoquèrent encore la puissance du Jade pour abattre ces êtres souillés. Les deux carcasses, calcinés, morcelées, s'abattirent en une pluie de feu sur les créatures de l'Outremonde, qui furent rôties et purgées par ce déluge de flammes et de jade ! ![]() C'en était terminé de cette armée d'invasion, qui, ses généraux morts, se dispersa comme une colonie de fourmis affolées. De même, la Cité des Mensonges s'effondrait. Les plus beaux bâtiments n'étaient plus que d'hideuses carcasses noires et la ville l'ombre de ce qu'elle fut. Des centaines de samuraï et des milliers d'hommes du peuple étaient morts en quelques heures. Le groupe des quarante put respirer. Certains tombèrent, blessés qu'ils étaient, et moururent peu après. D'autres restèrent mutilés à vie. Ils étaient les derniers à avoir tenu face à l'Outremonde. Le Gouverneur Goshiu avait assisté à cette destruction, avec Miya Katsu à ses côtés et les femmes de la noblesse et plusieurs vieillards. Ils virent revenir vers eux Kakita Hiruya, en sa qualité de yojimbo et Bayushi Korechika. Il restait quelques jeunes samuraï Scorpion, plusieurs Vierges et bushi Licornes. Les autres survivants étaient ailleurs autour de la ville, aux portes qu'ils n'avaient pu défendre, ou bien aidaient d'autres dignitaires à partir vers le nord, les montagnes. Korechika et Hiruya s'inclinèrent devant le Gouverneur, qui n'avait rien perdu de leurs exploits. Hiruya s'apprêtait à... Ou plutôt, il ne s'apprêtait à rien. Miya Katsu le regardait, lui faisant signe d'un battement de cil qu'il comprenait sa fatigue, son découragement. Ils n'avaient rien pu faire pour empêcher la ruine de la Cité. On vit alors s'avancer, au milieu de ce champ de desespoir, un rônin au pas lent, fatigué lui aussi, mais aux veines emplies d'un sang encore bouillant. Il sembla que son pas, trébuchant, imposa un silence supplémentaire au silence déjà surnaturel qui suivait la bataille. C'était Tsuyoshi. Emprisonné sur ordre de Goshiu, il avait été accusé d'être le Ninja, avant que celui-ci ne soit capturé. Devant tous les dignitaires du palais Shosuro, il avait lancé à la face du Gouverneur qu'il était venu à Ryoko Owari pour le tuer en duel singulier, sur ordre de son maître Akodo Kage. Il avait passé les jours précédant la bataille dans une geôle, avant d'être libéré pour aller se battre. Il avait été intégré au groupe de doshi dirigés par Riobe et ensemble, ils avaient accompli plusieurs exploits dont nul ne se souviendrait, car ils n'étaient que des rônins. Mais ils savaient que la force des Ancêtres coulait dans leurs veines, quand ils avaient détruit les machines de guerre ennemies ou abattu les archers Crabe. Maintenant, Tsuyoshi, délivré de ses devoirs envers la Cité, avançait, pour accomplir la dernière volonté de son maître. Il ne tenait pas plus facilement debout que Hiruya, mais il était déterminé à aller au bout. Notre Magistrat Grue, en sa qualité de yojimbo du Gouverneur n'avait pas le choix. Goshiu-sama avait refusé le duel mais le rônin avait refusé ce refus ! Hiruya devait donc faire son devoir. A la cour d'hiver, Tsuyoshi avait dégainé une fraction de seconde avant lui et lui avait laissé une légère entaille sur la joue. Mais aujourd'hui, il s'agissait d'un combat à mort. Kakita Hiruya fit un pas en avant. Maintenant que l'Outremonde s'enfuyait, comme reflue un cauchemar au réveil, l'assistance, dispersée aux portes de la Cité en ruine, n'avait plus d'yeux que pour ce fantastique duel. ![]() Tsuyoshi regarda son adversaire sans inimitié. Il ne pouvait être question de haine entre eux, ce n'était que l'honneur. Les deux samuraï mirent la main sur la garde du sabre. Sans doute dans leur regard passa alors quelque chose par quoi ils se sentaient, au milieu de ces horreurs et de la proximité de la mort, amis. Ils dégainèrent en même temps mais se ratèrent. Ils reculèrent d'un pas et se remirent en garde, comme deux fauves, la lame pointé devant eux vers le bas. Qui pourrait gagner ? A ce moment, c'était strictement indécidable. Les deux samuraï attaquèrent ensemble. Tsuyoshi entailla Hiruya aux côtes et reçut un coup dans le bras. Le yojimbo du Gouverneur recula, chancelant, de même que son adversaire qui, pourtant, se remit en marche. Il n'était plus qu'à quelques pas de Goshiu-sama. Bayushi Korechika fit alors un geste de la main. Une flèche vint se planter dans le dos de Tsuyoshi, qui mit un genou à terre. Il faillit s'étendre pour de bon. Le regard exorbité, comme déjà possédé par la mort qui grandissait en lui, il regarda la Cité en ruines, le ciel immense et la plaine dévasté et tous les hommes autour de lui, qui ressemblaient déjà à des fantômes. Il commença à se relever, en brandissant son sabre de plus belle. Une volée de flèches s'abatitt sur lui, en tous sens. Cette fois, il s'écroula pour de bon. Tsuyoshi repensa à une petite vieille, diseuse de bonne aventure, croisée dans les ruelles sales de la Cité. Elle lui avait prédit qu'avant peu, il serait changé en hérisson. Pour un peu, le samuraï aurait souri, transpercé d'une dizaine de flèches. Son dernier regard fut pour Hiruya. Ce dernier le vit clairement et en resta pénétré, intensément. Jamais il ne pourrait oublier ce regard. Puis il fixa avec une haine brûlante Korechika, l'ignoble lâche ! Miya Katsu fixa alors le Gouverneur et dit simplement : - Dans ses conditions, Goshiu-sama, j'estime que mon assistant est délivré de ses devoirs envers vous. La Magistrature d'Emeraude peut venir en aide à des samuraï défaits mais pas à des hommes deshonorables. Le Gouverneur ne put rien répondre. Nul n'avait perdu une miette de toute cette scène. Il y avait littéralement des dizaines de témoins de la perfidie des Scorpions. Miya Katsu soutint Hiruya, pendant que des shugenja accouraient pour guérir notre héros. En passant près du corps de Tsuyoshi, il se pencha et ramassa son daisho. Puis il rejoignit les autres samuraï d'Emeraude, sans plus un regard pour les Scorpions. ![]() Le soir, dans la ville à l'état zéro, les samuraï retrouvèrent l'endroit où avait logé Tsuyoshi, à peu près épargné. Il n'y avait que quelques effets personnels, ainsi que, dans un petit coffret, un papier sur lequel le rônin, comme les guerriers qui s'apprêtent à mourir, avait rédigé un poème : "Plutôt que de vivre sans honneur / Mieux vaut pour l'homme / Combattre sans répit / Et mourir comme un chien." Hiruya était accompagné de Riobe et les deux hommes se recueillirent devant ce papier, en méditant ces paroles impitoyables. - Tsuyoshi était l'incarnation de l'excellence du samuraï, dit Riobe. Il était un vrai doshi. Son destin était de mourir pour le Lion Noir. S'il avait combattu en duel le Gouverneur, il aurait vaincu. - Il ne le pouvait pas, il n'était plus qu'un rônin. - Oui, fit Riobe. Déchu de son rang de samuraï par le caprice d'un ignoble Lion. - Que veux-tu dire ? - Tsuyoshi s'est confié à moi avant la bataille. En quelques mots, Riobe rapporta ce que le rônin lui avait dit. Comment le cruel Matsu Matasaka avait jeté Tsuyoshi dans la boue avant de le dégrader et lui retirer son nom de famille. - Donc, dit Hiruya, c'est par la faute de ce Matasaka si Tsuyoshi n'a pu combattre le Gouverneur... - ... et s'il est mort ainsi, tué comme un voleur de poules ! - J'ai compris dans le dernier regard de Tsuyoshi qu'il comptait sur moi pour ramener son daisho à sa famille. - Confiez-moi ce daisho, dit Riobe. C'est celui d'un doshi qui a combattu sous mes ordres. - Que veux-tu faire ? - Passer le katana au travers de la poitrine de celui qui a deshonoré Tsuyoshi. Hiruya ne répondit rien. - Je ne suis qu'un rônin. Mon maître est Toturi, mais entre camarades, l'honneur est sacré. - Où habite Matsu Matasaka ? - Souvenez-vous, Hiruya-sama. C'est le cruel seigneur qui a son domaine de l'autre côté de la frontière, dans la vallée d'Inchu. Je n'en aurai pas pour longtemps. - N'oublie pas que le moine Tadakune t'a demandé de le suivre. - Oui mais où veut-il nous emmener ? - Je l'ignore. Les deux hommes ressortirent du quartier des pêcheurs. Dans une section à peu près épargnée du palais d'Emeraude, Miya Katsu faisait préparer les bagages pour la Magistrature. Le Moine Tadakune et Rukya venaient de s'entretenir longuement avec Shiba Ikky. - Je sais où est Ayame, dit cette dernière, une lueur surnaturelle dans le regard. Je ne sais comment le dire, dit la yojimbo, mais je me sens liée à elle. On le dit, dans les légendes, qu'entre le yojimbo et celui qu'il protège se crée parfois un lien si fort qu'ils peuvent toujours se retrouver, si loin soient-ils l'un de l'autre. - Où est Ayame, alors ? - Dans cette direction, fit Ikky en pointant le nord-est. - Aller dans cette direction porte malheur, remarqua Hiruya. En effet à Rokugan, voyager vers le nord-est est toujours de mauvais augure. - Cette direction, dit le Moine, est pourtant la bonne. - C'est là-bas que se trouve Ayame, affirma encore Ikky. Du reste, personne dans le groupe n'était surpris. Iuchi Shizuka trouvait parfaitement plausible un tel lien mystique, forgé dans les épreuves et un secours mutuel. Même Bayushi Bokkai n'avait pas envie d'ironiser à ce sujet. - Si je puis suggérer ceci, fit Riobe. - Nous t'écoutons. - Si nous remontons vers le nord, nous traverserons la Chaine du Toit du Monde dans une région où elle n'est pas trop haute. Ainsi nous gagnerons du temps. En continuant vers le nord, nous arriverons à la Cité de la Grenouille Riche. Nous pourrons alors bifurquer vers l'est... - Et ainsi ne pas voyager direction nord-est, sourit Hiruya. - Et arriver ainsi dans la vallée d'Inchu, conclut Riobe. Du regard, Miya Katsu interrogea ses assistants. - Accompagnez-moi au château de ma famille, dit le vieux Magistrat. Ce n'est qu'à une journée et demi d'ici. Ce n'est pas un grand détour pour vous. Je dois écrire là-bas impérativement au Champion d'Emeraude, pour rendre compte de ce qui s'est passé à la Cité. Vous repartirez, sous les ordres de Kakita Hiruya et irez accomplir ce que le Moine Tadakune exige de vous. Tous hochèrent la tête d'approbation. - En route, samuraï, nous n'avons plus rien à faire dans cette ville ! Et c'est ainsi que nos héros quittèrent Ryoko Owari, qui n'était plus qu'un champ de bâtisses calcinées, de maisons éventrées, de ruelles de mort, de fragiles constructions défiant encore le ciel mais menaçant de croûler, une ville habitée par des gens terrés dans les ruines, effrayés, et dirigée par des samuraï moins honorables que des chiens. A suivre... ![]() 25e Episode : Les huit samuraï - sdm - 17-04-2007 Bouhouhou tant de beaux parchemins perdus ![]() |