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21e Episode : Les mauvais rêves - Darth Nico - 19-03-2011 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 21ème Episode</span><!--/sizec--> Tigre 402 LES MAUVAIS RÊVES<!--/sizec--> ![]() Quelques petits feux d'artifices éclataient dans le quartier des marchands. Du haut de son toit, Geki voyait passer des enfants avec leurs joujoux en bois, leurs cerceaux, leurs poupées. Ils sentaient le carnaval approcher, ces gosses, et n'y tenaient plus. Il fallait que les parents leur courent après pour qu'ils rentrent avant le couvre-feu. Geki passa sur le toit suivant et avança pas à pas sur la corniche. Une patrouille arrivait. Le justicier nocturne ne remua plus un cil, caché derrière une cheminée. Les soldats entrèrent dans une auberge. Geki reprit sa course. C'est sur le toit du bâtiment d'après qu'il trouva l'entrée du grenier où il se glissa souplement. Il se plaqua au sol. Un escalier branlant descendait au deuxième étage, où dormait un gros marchand de bétail et sa famille. Geki, grâce à ses semelles feutrées, descendit sans faire craquer une marche. Il courut au bout du couloir, où se trouvait un grand placard. Il y entra, silencieux et se cacha entre deux gros coffres de linge. Les conspirateurs arrivaient dans la pièce en-dessous. Les informations des espions de l'Inquisiteur étaient une fois de plus exactes. - Nous ferons vite ce soir, mes amis, dit l'un d'eux. Nous devons écourter le plus possible nos réunions. - Parle, nous t'écoutons. - Ikue n'est pas partie. Elle est encore en ville. - Comment ? - Après son départ, elle a en fait été ramenée en grand secret au palais. Il n'était pas prudent de la faire partir, à cause de la neige. Il n'y a que quelques personnes au courant. - Quand partira-t-elle alors ? - Peu importe. Ce qui compte est qu'elle reste au secret. Aussi faites passer le message. - Bien. Quoi d'autre ? Geki devinait qu'ils étaient quatre. - Autre information plus importante : nous agirons au moment de la pièce de l'Ikoma. - Alors c'est décidé ? - Oui, à la fin du dernier acte, le sang des dieux coulera... Geki frissonna. - Le Grand Maître a le sens de la mise en scène. - Oui. Mais à présent, plus un mot à ce sujet. Préparez-vous et d'ici-là, soyez muets comme des tombeaux. - Bien. Les conspirateurs se séparèrent. Geki courut sur le toit. Les quatre hommes partaient chacun de leur côté ; il suivit celui qui allait vers le quartier des etas. Quand ils furent sortis des rues marchandes, Geki bondit du toit et atterrit à quelques pas derrière le conspirateur, qui avait tourné au coin de la rue. Il se jeta sur lui et le saisit à la gorge, puis l'entraîna dans une impasse. - Où la fille est-elle cachée ? - De quoi tu parles ?... Geki serra plus fort : - Je te brise la nuque d'un geste... - Arrête, arrête... - Où est la fille ? - Elle... est... dans l'aile... impériale... - Qui la garde ?... - Jukeï... shinsen-gumi... Geki lui brisa la nuque et l'abandonna entre deux tonneaux, puis il s'éclipsa par les toits, au moment où de gros nuages fantomatiques se déchiraient devant la grande lune d'hiver. ![]() Sa course nocturne ne s'arrêta pas là. Il entra dans le palais impérial et grimpa sur un des plus hauts donjons. Des bougies brûlaient encore dans l'aile impériale. Geki, défiant le vide, avança sur une corniche étroite de deux pieds, puis grimpa d'un étage à même le mur, grâce à ses griffes. Il arrivait à la hauteur de la fenêtre éclairée. Par un panneau de papier, il discerna la silhouette d'une femme entourée de trois soldats assis. Il eut l'audace extrême de monter juste au-dessus de la fenêtre, sur l'avancée du toit et de s'accroupir. Mais des quatre personnes à l'intérieur, personne ne disait rien. Geki remonta sur le toit et alla dans l'aile des Lions. Il se glissa par le soupirail à charbon, remonta à l'étage des Matsu. Un soldat baîllait tout fort. Geki bondit au plafond et s'y adossa, bras et jambes en extension. Le soldat passa en se grattant mollement sous les bras, puis alla s'asseoir un peu plus loin. Geki, qui s'engourdissait, relâcha la jambe et le bras droits et, partant comme un pendule qui se balance, se raccrocha à la poutre que tenait son bras gauche. Il s'y pendit par les jambes. Le soldat ouvrit un oeil, s'étira, et continua sa ronde distraitement. Quand il fut parti, Geki descendit. Le parquet était bien ciré ; notre justicier glissa dessus plutôt qu'il n'y marcha. Il approcha d'une chambre où retentissait un puissant ronflement. Il l'entrouvrit. Il reconnut le général Kokatsu. Il sourit et referma le panneau. Dans la seconde chambre, dormant d'un sommeil paisible, le poète Noyuki. Une autre encore : raté, c'était un autre homme. - Que se passe-t-il ? dit soudain ce personnage. - Rien, rien, seigneur, murmura Geki, j'ai cru entendre du bruit et à tout hasard... - Laissez-moi dormir... 'z'aurez de mes nouvelles... Il se rendormait déjà. Enfin, dans la quatrième, c'était Mitsurugi. Geki se glissa dans la chambre de l'ambassadeur et referma le panneau juste quand un soldat arrivait. Il s'assit devant le lit et murmura : - Ambassadeur... Mitsurugi remua sur son lit. - Ambassadeur. Cette fois, il ouvrit les yeux : - Je viens vous parler, ambassadeur. - Qui es-tu ? dit Mitsurugi, en cherchant instinctivement son sabre. - Je suis Geki... - Geki ?... J'ai entendu parler de toi, oui... Mitsurugi se frotta les yeux. - On dit que tu en as après les Yasuki corrompus. - Oui. Vous et moi sommes du même bord. - Je n'irais pas jusque là... - Je viens vous avertir qu'Ikue n'est pas partie. Elle est au palais impérial. - Quoi ? Mitsurugi avait crié en murmure, mais il avait failli hurler pour de bon. - Ils ne l'ont pas emmenée, mais ils l'ont mise au secret. - Tu es sûr ? - Je reviens de là-bas... - Bien, j'aviserai. - Autre chose : "ils" attaqueront le soir de la pièce de Noyuki... - Tu en es sûr ?... Geki avait déjà disparu. Mitsurugi se mit sur les coudes. Son sang bouillait. Le ciel bleuissait à peine à l'horizon. Il sut qu'il ne pourrait pas se rendormir. Il enfila un kimono et alla aux bains thermaux. Il se mit dans l'eau jusqu'au cou, et somnola, alors que les premiers oiseaux se mettaient à chanter pour accueillir l'aurore. ![]() Lui aussi très matinal, Ikoma Noyuki retrouva Mitsurugi aux bains. - Ma parole, vous avez eu une nuit agitée... - Un mauvais rêve, dit seulement notre héros. - Je comprends, dit Noyuki en descendant dans le bassin voisin. On sentait qu'il faisait allusion au départ d'Ikue. - Ce doit être la pleine lune, dit l'ambassadeur Akodo qui arrivait, de mauvaise humeur. Un soldat m'a dérangé cette nuit... Il va avoir de mes nouvelles celui-là ! - Nous sommes tous fatigués, dit Noyuki. Ce pays ne nous vaut rien ! L'hiver est interminable, et avec l'arrivée du carnaval... - Serez-vous prêts pour votre pièce ? demanda l'ambassadeur Akodo. - Bien sûr. Ce serait un déshonneur pour moi si je n'étais pas prêt à temps. Mitsurugi les écoutait d'une oreille distraite. Il bouillait de colère mais ne savait pas dans quel sens diriger cette colère. Entrer avec fracas dans le palais impérial ?... Défier en duel Otomo Jukeï ?... Demander à Sasuke de les brûler tous !... Notre héros, qui avait passé des heures dans l'eau, sortit prendre son déjeuner. - Nous nous voyons tout à l'heure, dit son collègue Akodo. - Bien sûr, bien sûr, dit Mitsurugi, qui avait oublié qu'il y avait une réunion avec les Hida, en vue de traités pour des routes commerciales qui... Mitsurugi retrouva Noyuki pour le repas du matin. Ils frappèrent leurs baguettes et commencèrent à manger. Mitsurugi n'était pas, pour le coup, à prendre avec des baguettes. Noyuki, qui avait passé une excellente nuit, ne fit pas de remarque. - ... sommeil un peu difficile... fit à un moment Mitsurugi. - Certainement la pleine lune. - ... en ai plein le dos de ce pays, surtout... Il se demandait quand Sasuke, parti dans les montagnes de l'ouest, serait de retour. Alors qu'on desservait le repas, pendant que les deux hommes soufflaient sur le thé brûlant, un soldat arriva et annonça que Doji Suzume s'était présenté au palais. - Il attend dans la première salle de réception. - Allons bon, que veut-il ?... Faites le attendre. Qu'on lui serve une collation s'il en a envie. Mitsurugi, bougon, alla prendre un bain froid et s'habiller. Il alla ensuite sans se presser dans la salle de réception où Suzume attendait, agité. - Bien le bonjour, mon cher Suzume, dit Mitsurugi, qui essayait de surmonter sa mauvaise humeur. Il avait dû le faire attendre une bonne heure. - Ah, Mitsurugi... Le jeune homme le voyait arriver comme un sauveur. Il avait les yeux rougis. Il était mal coiffé, son kimono avait des plis. D'un regard, Mitsurugi lui fit comprendre qu'il était habillé comme un... comme un !... - Mitsurugi, pardonnez-moi... J'ai dû venir ici... L'ambassadeur s'assit. Il sentit que c'était sérieux. Il s'assit posément et servit du thé. - Racontez-moi vos malheurs. - Voilà, en un mot comme en cent : je me suis disputé avec mon père. - Allons donc... ts-ts. Pouvez-vous m'expliquer ce comportement ? Il fallait le gronder à présent ! - Ecoutez, depuis le départ d'Ikue... Nous ne vivons plus ! Mitsurugi le regarda d'un oeil sombre, menaçant, pour lui signifier que lui non plus -ne vivait plus ! - Je veux dire, dit Suzume, de plus en plus gêné, que j'ai appris que mon père savait, pour Ikue... Il savait qu'on allait nous la prendre... Et il n'a rien fait ! Mitsurugi regarda sévèrement le jeune homme : - Et vous vous êtes fâché ? - Oui... Oui, parce qu'à ce moment, dans la maison, il y avait ces... les... des soldats du shinsen-gumi ! Il avait retenu au moins trois ou quatre insultes entre ses mots ! - ... Ils ont entendu des éclats de voix ! - Pourquoi étaient-ils chez vous ? - Pour dire à mon père qu'Ikue était bien partie... Que tout allait bien... Il faut vous dire que ces gens-là se croient tout permis ! Ils arrivent chez vous, s'installent... Font comme chez eux. - Pas chez nous ! ricana Mitsurugi. Il ferait beau voir qu'ils mettent un orteil ici ! Il ne demandait qu'à voir ça ! - C'est pour ça que je suis venu chez vous... Mon père a voulu me calmer, je me suis encore plus énervé... - Votre colère est injustifiable, dit Mitsurugi. Soyons clairs : le shinsen-gumi n'est qu'une bande de rats, d'aventuriers, de mercenaires... Ce sont des usurpateurs en tous points, mais vous n'avez pas, pour autant, les moyens d'excuser votre faute contre votre père. Ce que vous avez fait est très grave. Aussi, vous allez retourner sur l'heure chez vous et vous jeter aux pieds de votre père, pour le supplier de vous pardonnez... Et s'il refuse -et il refusera- vous demanderez encore et... - Mitsurugi-sama, pardonnez-moi, mais ce n'est pas si simple. J'ai le shinsen-gumi après moi ! - Quoi ? Cette fois, Mitsurugi ne pourrait pas se contenter d'un sermon tout fait : - Qu'avez-vous fait, Suzume ? - Ils m'ont accusé de rébellion contre mon père ! Ils voulaient m'emmener ! - ... et vous vous êtes enfui, soupira Mitsurugi. Une servante débarrassait les plateaux. - Et donc, vous vous êtes dit que le shinsen-gumi ne viendrait pas vous chercher ici... - C'est vrai... Mais je voulais juste vous le dire... Je vais partir... - Où ça ? Avec ses grands airs, Suzume était capable de vouloir partir en exil, à l'autre bout du monde ! - Je vais me rendre au temple de Shingon. Rassuré, Mitsurugi dit : - Oui, c'est sage. Le temps de vous calmer et de réfléchir à votre retour chez votre père. Suzume éclata en sanglots. Mitsurugi avait droit à tout ! - Ma soeur... L'ambassadeur qui, lui, n'avait certainement pas le droit de pleurer, attrapa le bras de Suzume et, sans trop le vouloir, lui vrilla douloureusement : - Cessez de pleurnicher ! Je... C'est interdit chez nous, d'accord ! Il se rendit compte qu'il lui faisait mal. Il le lâcha. Il dit : - Si vous voulez des larmes et des grincements de dents et de la pleurnicherie, allez voir la famille Asahina... Suzume renifla et préféra en rire. - Je m'excuse, Mitsurugi... Il allait recommencer ! - Bon, allez voir les bons moines ! Dans votre situation, c'est encore le mieux ! Notre héros parvint à mettre son ex-futur-beau-frère dehors. Quand il eut refermé le panneau, il soupira, soulagé. Il avait cette réunion avec les Hida en début d'après-midi. Un rayon de soleil perçait les gros nuages neigeux. L'air était frais, vivifiant. Des "tambours" sortaient du palais Hida en grande pompe et allaient vers la grand'place à l'intersection des quartiers nobles et marchands. ![]() - Oyez ! Oyez ! Seigneurs, marchands, paysans, miséreux ! Quatre forts Hida étaient montée sur une estrade, pendant que trois autres battaient la mesure au tambour. L'Inquisiteur Tadao arrivait. La foule s'agglutinait déjà. On savait de quoi il s'agissait : une nouvelle expédition partait dans l'Outremonde. C'était Hida Goemon qui criait les annonces : - Occasion vous est donnée de donner votre vie pour la plus grande gloire de l'Empereur ! Quiconque combattra aujourd'hui verra les dieux lui sourire au paradis ! Quiconque meurt permettra à sa famille de toucher une prime d'un demi-koku ! De braves éclopés et paysans accouraient. - Signe-là. Mets une croix, cela suffira. Et attends derrière l'estrade. Tadao regardait d'un air satisfait les recrues affluer. Yatsume et Avishnar étaient dans la foule. - Je vais m'engager. - Tu es folle ! - Nous devons gagner de l'argent, dit Yatsume. L'Inquisiteur paye bien. - Mais non, voyons... - J'ai déjà survécu à pire. Il était inutile de la retenir. Yatsume avança vers l'estrade. Tadao la reconnut et lui fit signe d'avancer en coupant la file : - Signe ici, rônin. - Merci, Inquisiteur. - Ton bras sera un précieux ajout à mon expédition. Une fois encore, nous vaincrons. Yatsume reconnut Hida Yasashiro, qui alignait les volontaires engagés. - Départ demain matin ici-même, cria l'Inquisiteur. Yatsume revint à la cour des miracles avec Avishnar. Yoriku le Bouffon se réveillait seulement. - Grand Empereur, dit notre héroïne en s'agenouillant, je vais partir combattre les démons. - Tu plaisantes ! - Je le fais pour ma fille. Et ma fille, je te la confie, avec mon ami Avishnar. - Tu as une âme trempée de noblesse, dit sérieusement le Bouffon. Ta famille est la bienvenue ici tant qu'elle le voudra. Nous prierons pour toi. - Je serai revenue avant le carnaval. - Dans l'Outremonde, tu vas connaître un tout autre genre de carnaval, ma chère... - Il en faudra plus pour venir à bout de moi ! A suivre... ![]() 21e Episode : Les mauvais rêves - Darth Nico - 20-03-2011 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
La terre grasse et humide grouillait de vermines blanches. Il était impossible de la brûler à cause d'une bruine persistante qui trempait tout. Par certains endroits, le sol gonflait, semblait vivre d'une vie monstrueuse ; des cloques étaient prêtes à exploser. A tout moment, les samuraï pouvaient être engloutis dans un nid de ces vermines et mourir étouffés, dépecés par des myriades de créatures innommables. L'Inquisiteur Tadao passait le premier, devant les rônins volontaires, les paysans armés à la va-vite et un contingent de vétérans Crabes. Un hurlement retentit dans le dos du groupe : les Crabes se mirent en défense, face à une sortie de zombies. Ils surgirssaient de terres, aveugles et assoiffés de sang, guidés par leur odorat et sautèrent sur les humains, avides de leur ouvrir le crâne. L'Inquisiteur courut à l'arrière avec Goemon et Yasashiro. Yatsume fut chargée de prendre la tête des rônins. D'autres zombies sortaient devant eux. Notre héroïne montra l'exemple en tranchant dans les chairs putréfiées et son exemple galvanisa ses hommes. En hurlant le nom de l'Empereur, ils enfoncèrent la troupe de morts-vivants. L'Inquisiteur déchaînait le pouvoir du feu et du jade pour abattre ces hordes. A une centaine de pas, une dépression apparaissait : c'était le nid de monstres signalé par les pisteurs, qui avait convaincu Tadao de lancer cette nouvelle attaque. Yatsume cria à ses troupes de la suivre au pas de charge. Derrière, les Crabes tranchaient les zombies qui voulaient prendre les rônins par derrière. Plusieurs paysans armés de torches jetèrent celles-ci dans le nid : aussitôt, cette matière purulente et vomissante s'enflamma et un geyser d'insectes jaillit, affolé, dévoré en vol par les flammes. Un tourbillon de poussière s'agglutinait de l'autre côté du nid : un gigantesque guerrier, haut comme trois hommes, se formait, carcasse d'os, de bras et de jambes grotesque, équipé d'une armure d'os et de lames aiguisées. Yasashiro monta à l'attaque pour épauler Yatsume : nos deux héros s'attaquèrent au guerrier en os mais durent reculer devant l'avalanche de coups. Plusieurs paysans furent mutilés, certains tranchés en deux par les cotes, les lames et les griffes que ce monstre faisait pousser en tous sens. Alors que l'Inquisiteur ordonnait le retrait, un rônin fut attrapé par un bras démesuré du monstre et entraîné vers la gueule aux dizaines de dents de sabres. Yatsume se précipita pour le sauver, mais un autre bras du monstre abattit sur elle une énorme lame. Notre héroïne dut plonger sur le côté. Elle s'enfonça dans le sol meuble, assailli par quatre zombies. Yasashiro accourut avec son tetsubo et leur fracassa le crâne. Yatsume se releva ; le rônin pris par le monstre se faisait démembrer. Nos deux héros aidèrent à la retraite. Tout le monde fit cercle autour de l'Inquisiteur. Celui-ci prépara un rituel de purification, pendant que les combattants repoussaient d'autres squelettes et des zombies rapides comme des fauves. L'Inquisiteur lança alors une vague enflammée qui emporta les monstres et les carbonisa. Tadao invoqua ensuite un tetsubo de jade pur et fit face au monstre en os. Avec l'aide des meilleurs, Yatsume, Yasashiro et les vétérans, ils brisèrent ses membres et l'achevèrent en le martelant impitoyablement. Les guerriers étaient à bout de souffle et transpiraient abondamment. Ils avaient fait éclater le monstre en mille morceaux ! - Il a son compte, souffla Tadao. Rentrons. Un disciple de l'Inquisiteur mit le feu au nid et amplifia encore les flammes, qui passèrent sous terre et ravagèrent plusieurs taupinières. Les humains reculèrent pour ne pas être pris par un retour de flammes. Plusieurs geysers jaillirent, expulsant des monstres noircis et bientôt, le lieu de la bataille se transforma en marmite infernale. Les guerriers revinrent à la Muraille à marche forcée. Une fois à l'abri derrière le rempart invincible, ils retirèrent leurs casques. Les femmes arrivaient avec de l'eau et des onguents. L'Inquisiteur se fit enlever son armure et but à un cruchon de vin. - Ceux-là n'y reviendront pas de sitôt... On emmenait les blessés sur des civières. L'incendie s'éteignait doucement dans l'Outremonde, étouffé par l'effondrement du terrain. Tadao se renversa un plein baquet d'eau tiède pour se nettoyer et se rafraichir. Il était couvert de secrétions démoniaques et la chaleur était devenue intenable près du nid. La neige avait fondu de l'autre côté de la Muraille, mais dès qu'on s'en éloignait, on revenait dans l'air froid d'hiver. Les hommes se rhabillaient. Tadao veillait à ce que tout le monde puisse avoir une fourrure sur le dos. - Nous avons bien mérité une bière, dit Goemon. - Comme tu dis, soupira Tadao. Par la porte sud de la ville, ils virent arriver une troupe du shinsen-gumi. L'Inquisiteur était décidé à les ignorer. - Sales fouinards... Il était évident qu'ils ne venaient pas pour se battre sur la Muraille ! Seulement, c'était bel et bien pour lui qu'ils venaient : - Inquisiteur, vous êtes demandé immédiatement. Nous sommes chargés de vous escorter. - M'escorter dans ma propre ville ! - Ce sont les ordres. - Et où ça je vous prie ? - Devant notre commandant. Humilié, rouge de colère, Tadao serra les poings. Il dit à Goemon : - Tu t'occuperas de faire payer les hommes. - Seigneur, dit le garde du corps, faut-il vous accompagner ? - Non, ce ne sera pas utile, grogna l'Inquisiteur. Fais comme je t'ai dit. - D'accord, dit Goemon, qui était prêt à étrangler les soldats du shinsen-gumi. Ceux-ci, mal à l'aise devant ce féroce et marmoréen garde du corps, demandèrent à Tadao de se dépêcher. Yatsume arriva et demanda à Goemon ce qui se passait : - Rien de bon je le crains, dit le Crabe en crachant par terre. Si mon maître n'est pas ressorti ce soir, j'irai le chercher moi-même. Et je crois que je ne serai pas le seul à vouloir le délivrer. - Tu pourras compter sur moi, dit Yasashiro. D'autres Hida approchaient, pour marquer leur solidarité. Ils n'attendaient qu'une petite erreur du shinsen-gumi pour investir leurs quartiers et leur tomber dessus comme la misère sur le monde. ![]() La neige tombait, molle, monotone, en rideaux épais de mouches blanches. Chaque pas s'enfonçait profondément dans l'épaisseur qui était tombée depuis la veille. Quelques rares oiseaux passaient dans le ciel entièrement gris. Yojiro et Sasuke; avec l'éclaireur Hiruma et les deux soldats Matsu, entraient dans le plus haut village de ces montagnes, à peine quelques maisons et un gros cabanon pour les chèvres. C'était une grande famille qui vivait ici, entre cinq maisons collées les unes aux autres, comme si les bâtiments eux-mêmes se blottissaient pour se protéger du grand air. Nos deux héros entrèrent se réchauffer. La famille les accueillit humblement. Sasuke fit quelques gestes et le feu timide prit de la vigueur. Le mauvais air humide fut chassé et une bonne chaleur sèche emplit la maison. Les paysans se mirent à genoux, ne sachant comment remercier. Sasuke récita une petite prière pour le village. Ils burent de la grosse soupe et se renseignèrent sur les sentiers vers les sommets. - Bien peu sont praticables en cette saison, seigneur. Nous n'irons pas avant la grande fonte... La montagne est habitée par les esprits en cette saison. Nous ne pouvons pas les déranger. - Je vois, dit Sasuke en soufflant sur sa cuillère. Comme le soir tombait, les deux samuraï s'installèrent dans la plus petite maison du village, dont la famille déménagea et se répartit entre les autres. L'éclaireur et les Matsu se répartirent entre les familles. Sasuke refit du feu, traça une rune de protection puis s'endormit d'un coup. Yojiro ne tarda pas à l'imiter. Au réveil, il faisait un ciel bleu magnifique qui faisait briller la neige parfaitement plane. Sasuke demanda à Yojiro de sortir pendant qu'il préparait un rituel pour les esprits de l'Air. Le rônin alla faire des exercices dehors avec les soldats. Un vent violent s'engouffra dans la bicoque où ils avaient dormi, fit claquer le volet et grincer le toit et les murs. Soudain, un mur gonfla, se tordit et toutes les planches éclatèrent vers l'extérieur. Sasuke sortit, les cheveux en bataille. Il tapait sur ses manches : - Bon, ce n'est pas tout à fait ce que j'attendais... Yojiro ne fit pas de commentaire. On sentait que le shugenja n'avait pas tout à fait réussi son rituel ! Il ne parlait pas souvent aux esprits de l'Air... - Je leur ai demandé où pouvait se trouver une grotte dans les sommets... J'ai eu quelques visions floues. Je vais demander aux gens s'ils savent, dit Sasuke. Il décrit aux paysans ses visions. Ceux-ci hochèrent la tête et dirent qu'ils connaissaient la grotte en question. - Mais en cette saison, il n'y a personne là-haut. Que des esprits et des animaux féroces. Et les animaux féroces ne sont pas les plus dangereux ! Sasuke récita une autre bénédiction pour le village puis on se mit en route. La pente était raide, l'ascension était encore plus difficile à cause de l'épaisse nuage. Une brume persistante nimbait ces hauteurs. Des plaques verglacées brillaient sous le soleil pâle, de lourds craquements résonnaient dans ces solitudes figées. De gros paquets de neige se détachaient de temps en temps. Un sifflement strident partit d'un rocher : un des Matsu reçut une flèche en pleine gorge et s'effondra. Nos héros tirèrent leurs sabres et coururent vers un rocher. Un rônin jaillit de la neige et frappa dans le dos l'éclaireur Hiruma. Sasuke, Yojiro et le dernier Matsu se retournèrent et le Matsu abattit le meurtrier de son camarade. Les trois samuraï s'adossèrent au rocher et regardèrent les corps de leurs deux compagnons. Ils haletaient, frémissants de rage. Il y avait un archer embusqué quelque part, et ils pouvaient faire, en ce moment même, de parfaites cibles. Yojiro entendit des pas derrière un rocher plus haut. Il fit signe qu'il allait courir débusquer le tireur. Le Matsu encocha son arme, et Sasuke enflamma son poing. Yojiro jaillit à découvert et monta la pente comme un loup féroce ; l'archer surgit, voulut tirer, mais vit qu'il n'aurait pas le temps. Il lâcha son arc et tenta de détaler. Yojiro était presque sur lui. Sasuke projeta une boule de feu qui frappa le rônin au coeur. Yojiro s'arrêta au rocher. Deux rônins sortirent de la neige : le rônin en attaqua un ; l'autre allait le frapper. Yojiro se jeta dans la neige, roula, dégringola une partie de la pente. Quand il se releva, dix mètres plus bas, étourdi, il vit que son second ennemi avait été abattu d'une flèche du Matsu. Les trois samuraï se rejoignirent, à l'abri d'un rocher. Ils continuèrent à monter, de couvert en couvert. Plus rien ne remuait. - Là-haut, dit Yojiro, essoufflé, la grotte... L'entrée était en partie bouchée par la neige. Sasuke dit que lui et Yojiro entreraient, tandis que le Matsu attendrait à l'extérieur. Il restait quarante pas à monter. Ils coururent et arrivèrent devant l'entrée. - On dirait bien que nous sommes venus à bout de tous les tueurs de Nuage, dit Yojiro. - Méfiance, dit Sasuke, cette grotte ne doit pas être inhabitée... J'en mettrais ma main... à l'eau ! Le Matsu se posta devant l'entrée, son arc à la main. Sasuke passa le premier dans la grotte, une flamme dans la main. Yojiro marchait à reculons, en garde. Ils parcoururent un boyau étroit, tortueux. Une lueur bleutée nimbait ces murs humides et tout lisses. Des gouttes d'eau tombaient de centaines de stalactites qui hérissaient le plafond. Le boyau s'élargissait peu à peu, et la lueur bleue devenait une lumière aussi brillante que la lune. Ils entrèrent dans une large caverne, où se tenait la chose la plus surprenante que nos héros aient vu. Un énorme diamant, gros comme une table, aux milliers de facettes, qui luisait -nul besoin d'être shugenja pour le deviner - d'une puissante magie. Fasciné, Sasuke s'approcha. Yojiro, qui n'avait nulle confiance dans un artefact d'une taille démesurée se trouvant dans des montagnes perdues, à un jet de pierre de l'Outremonde, lui tourna le dos et surveilla l'entrée. Le shugenja, lui, ne pouvait résister à la magie toute puissante qui se dégageait de cette pierre. Il sentait que c'était les esprits de la Terre qui animait ce diamant. Frémissant, il mit les mains au-dessus de la pierre. Des reflets changèrent de couleur, passèrent au blanc ou au mauve. Notre héros se concentra pour parler aux esprits qui grondaient. Il était pris d'un vertige irrépressible. Il regarda dans la pierre et discerna un paysage, recomposé en une vision kaléidoscopique par les innombrables facettes. Bientôt, en se concentrant, en regardant dans le vague, la vision fragmentée lui apparut parfaitement nette. Il voyait un paysage de neige, vu à vol d'oiseau, si réel que notre héros crut qu'il allait tomber. Il vit le sol se rapprocher, et vit le Matsu en garde devant la grotte ! Etourdi, Sasuke recula, sortit de cette vision. Il voyait flou, brillant. Il se frotta les yeux. Il devait continuer ! C'était ça, il comprenait !... Les pendentifs en cristal qu'utilisent les conspirateurs, ils viennent de là ! Ils voient et communiquent grâce à ces pierres magiques ! Et elles viennent de cet énorme diamant, qui par conséquent permet de tout, tout voir ! Sasuke se replongea dans la vision : le Matsu veillait devant la porte. Sasuke se concentra pour penser au village : la vision se modifia, et le village apparut, avec les paysans qui reconstruisaient la bicoque à moitié soufflée par sa faute ! Il continua son voyage, regarda le village précédent. Il se promenait dans les montagnes, pris d'une ivresse des sommets. Ce n'était pas assez : Sasuke se concentra encore, et vit sa chambre au palais Hida. La servante faisait le ménage. Et lui voyait cela comme s'il était un insecte au plafond ! Mitsurugi était dans le jardin, en train de faire des exercices au bokken ! Sasuke ne pouvait pas lui parler mais il pouvait le voir ! Noyuki en train d'écrire dans sa chambre, Kokatsu dans son bain !... Sasuke recula, terrifié et ravi. - Tout va bien ? demanda Yojiro. - Oui, tout va très bien... Sasuke respira profondément. Il fallait emmener ce diamant, il fallait faire monter des mules, un attelage, des... Il se rapprocha et regarda encore : le palais Hida, bruissant de vie. Des courtisans qui discutaient... Maintenant il comprenait un peu comment manipuler la vision, avec des gestes, comme on déplacerait des panneaux laqués en tous sens. Il voyait la Muraille, les soldats qui faisaient leur ronde. Il essaya de regarder l'Outremonde mais la vision se brouilla complètement. Il crut alors avoir "abîmé" le précieux diamant. Affolé, il le "manipula" maladroitement et, d'un coup, fut de retour "sur" une rue de la capitale Crabe. Rassuré, il revint sur la cour principale du palais. Son coeur tapait fort, il avait des suées. Il déglutit et tenta la plus audacieuse recherche, comme un gamin qui va tenter la plus grosse bêtise imaginable : la Cité des Mensonges ! La bibliothèque du palais Bayushi ! Sasuke prit une profonde inspiration, se concentra. Il repensa à la Cité, où il était passé brièvement avec Mitsurugi du temps de l'affaire du pot aux mille kokus. Cela suffisait, c'était simple, trop simple ! La ville des Scorpions apparaissait, ses rues grouillantes, les ponts, la baie... Le palais Bayushi et bientôt, une bibliothèque, dans laquelle lisaient plusieurs vieillards. Il y était, l'endroit le plus sacré, le sanctuaire, le rêve de tout shugenja ! La citadelle de tous les savoirs ! La grande bibliothèque Bayushi ! A ce moment, il dut reculer, pris de nausée. Il crut qu'il n'allait pouvoir se retenir. Il s'assit. Yojiro courut : - Qu'avez-vous ! Il grelottait et suait. Yojiro écouta ses palpitations, toucha son front. - La fièvre... Mauvais ça... C'était à prévoir ! Il va falloir rentrer, Sasuke-sama, vous soigner ! Sasuke se releva : - Non, non, ça va passer... Moi la fièvre, je la brûle, sourit-il... - Il faut aller voir un guérisseur. Il y en a dans tous les villages par ici. - Ça ira je te dis !... Ecoute, tu vas aller chercher de quoi emmener ce... ce diamant ! Moi je vais rester, le protéger ! - Vous voulez l'emmener ! - Un attelage, des mules... Tu vas tout trouver !... Hâte-toi ! Yojiro s'inclina et partit en courant. Sasuke voulut retourner voir le diamant. Ses jambes ne le portaient plus. La paralysie remontait. Il ne sentait plus ses membres, la tête lui tournait. Il avait la gorge serrée, il sentait la mort monter en lui, fulgurante. Un cri -c'était Yojiro ! Sasuke fit un suprême effort pour se relever. Un vieillard entrait, un vilain vieillard aux petits yeux presque blancs. Le shugenja tremblait, tendait la main vers lui. - Dans quel état te voilà, ricana le petit vieux au regard dénué d'humanité. Le malaise de Sasuke se dissipait mais il ne tenait pas sur ses jambes. - Tu n'as pas l'entraînement requis pour jouer avec cela, dit le vieillard en tendant sa canne en grosse racine vers le diamant. Il faut des années avant de pouvoir utiliser l'Oeil de l'Oni, jeune homme... - Qui es-tu ? qui... es-tu ?... Les lèvres de Sasuke tremblaient, ses yeux roulaient dans ses orbites. Il tremblait de plus en plus fort. Il tomba, pris de convulsions irrépressibles. Le vieillard s'approcha tout près de lui et murmura : - Je m'appelle Rêve. Et toi, Sasuke, tu es ma créature... ![]() Horrifié, Sasuke essaya de se relever. Le petit vieux alluma une pipe, moqueur face aux efforts désespérés du shugenja. - Toute ta magie ne peut rien contre ce que je t'ai fait, mon petit... Il alluma sa longue pipe et s'assit sur une grosse pierre. - Allons cela, suffit. Il prononça un mot dans une langue inconnue, claqua des doigts. D'un coup, les tremblements de Sasuke s'arrêtèrent. La fièvre retomba, le vertige disparaissait, mais il ne pouvait plus se relever. Il restait adossé à la paroi, entièrement sous le contrôle de ce vieillard. Celui-ci considéra le shugenja : - Tu ne te souviens pas de moi, car j'ai tout fait pour. Ta mémoire n'est que celle que je veux bien que tu aies... Sache que je possède un langage secret, qui me permet de manipuler comme je veux ton esprit, comme je le ferais d'une partie de go ou d'une pièce de théâtre. Tu ne comprends pas ces signes, mais ton esprit profond, lui, y obéit, malgré toute ta volonté. Aucun sort ne peut rien contre cela. "C'est la raison pour laquelle tu ne peux invoquer aucun pouvoir contre moi, Sasuke... - Qui êtes-vous ? - Ton éducateur. Ton professeur. Ta conscience. Ton père adoptif. Ton maître. Choisis le mot qui te convient le mieux. "Je t'ai "adopté" alors que tu n'avais pas trois ans... Sasuke voulut protester, n'y parvint pas. - Ton destin était écrit dans les étoiles. C'était le maître Nuage de l'époque qui l'avait lu. Il est mort en voyant l'espoir que tu représentais pour "nous". - Votre conspiration... jamais je ne... - Tais-toi. C'est trop tard pour toi. Je parlais du vieux Nuage. Il m'a transmis le secret -ton secret. Un enfant béni entre tous, appelé à devenir le plus puissant des shugenjas de son temps. Le maître du feu, capable de renverser une armée à lui seul... Et pourquoi pas l'Empereur... - Non, non... - Je t'ai donc fait prendre à ton dojo, où tes dons comme tensaï ne seraient pas découverts avant au moins trois ans. Et tu as séjourné chez moi. Je devrais dire chez nous. ![]() Le petit vieux rebourra sa pipe, tira dessus patiemment et continua : - Mon ami Nuage ne s'était pas trompé. Quand tu es arrivé dans notre temple secret, tes dons prodigieux nous sont apparus immédiatement. C'est alors que j'ai modelé ton esprit pour que tu deviennes, le moment venu, un agent parfaitement obéissant, plus obéissant que le plus dévoué des Scorpions. C'est ainsi que j'ai planté en toi certains mots d'ordre, destinés à te "réveiller" au moment venu... Au moment de frapper l'Empereur. Qu'en dis-tu ?... Rêve tira sur sa pipe, un éclair de cruauté dans l'oeil. Sasuke ne pouvait rien dire. Les mots restaient coincés dans sa gorge. - Ce que tu as devant toi est, tu l'as compris, l'Oeil de l'Oni. L'artefact antique qui nous permet d'espionner à notre guise n'importe quel endroit au monde. Nous voyons, nous entendons, tout ce qui nous plait. Rien n'échappe à notre vigilance, rien ne passe inaperçu. Mais il faut de l'entraînement pour regarder dedans sans dommage. L'actuel maître Nuage est celui qui maîtrise le mieux l'Oeil, mais moi-même, je ne m'en sors pas mal -car il n'y a même pas besoin d'être éveillé à la magie pour l'utiliser, tant son pouvoir est puissant ! C'est un Oeil véritablement divin. Les superstitions anciennes l'ont nommé "oeil de l'oni" mais son pouvoir n'est en rien lié à l'Outremonde. Par contre, il était impensable qu'un trésor unique comme celui-là tombe entre les mains grossières des Crabes. Quand "nous" avons appris que Hida Osano-Wo avait trouvé cet objet, "nous" avons" décidé de le soustraire. Et pour cela, nous l'avons fait assassiner. "Les Crabes y ont gagné une fortune, les bushis une divinité protectrice, et nous, l'arme la plus puissante qui soit. Tu écoutes encore ?... Je crois que oui. Je vais parler de ce qui t'est arrivé à présent, depuis ce jour où toi et tes amis avez fort imprudemment mis le pied sur l'île de mon bon ami Cristal... "Ce jour a scellé votre destin. Cristal a organisé dans l'urgence votre déchéance. Sur le moment, j'ai trouvé sa décision précipitée mais, ma foi, avec le recul, je pense qu'il a eu raison... Vous êtes très bien, Mitsurugi et toi, chez les Lions -ainsi l'a voulu le hasard, ou le destin, comme on veut -car l'Empereur n'a confiance en aucun clan plus que dans celui-là. Dès lors, tu seras le mieux placé pour approcher ce cher Hanteï. Un Lion pour frapper ! Comme tout se résout bien finalement, c'est admirable ! - Quand j'étais petit, articula Sasuke, tu n'a pas pu me faire enlever... - Cela n'a duré que quelques jours. On a juste cru que tu avais une mauvaise fièvre. Qu'un bon grand-oncle guérisseur t'avait remis sur pied. Ce n'était pas faux en un sens. - Tous les senseï du clan Phénix sont complices ?... - Non, ce serait trop visible. Trop grossier. Nous sommes plus subtils tout de même. Par contre, nous avons eu besoin, par le passé, d'en éliminer certains. En fait, nous avons, comme tu t'en doutes, l'oreille de nombreux membres du Gozoku, qui nous croient juste un peu plus zélés qu'eux pour diminuer les prérogatives de l'Empereur. Tout cela pour te dire qu'à une occasion, nous n'avons pas eu de mal à t'utiliser pour détruire certains senseï Phénix récalcitrants face au Gozoku. - Ils étaient... contaminés par l'Outremonde... Rêve ricana doucement, vida sa pipe par terre. - A présent, tu vas retourner en ville, et jouer gentiment au courtisan, boire et t'amuser tant que tu veux, et oublier tout ce qui s'est passé. Tes camarades sont morts dans une avalanche, tu en as réchappé de peu. Et dans quelques jours, le dernier soir du carnaval, dernier soir de la cour d'hiver, tu accompliras enfin ce pour quoi je t'ai formé : tu assassineras enfin ce petit Hanteï qui se croit divin, et qui rôtira comme un poulet quand tu le frapperas ! - Non, non... - C'est écrit, Sasuke. Et pas écrit dans les étoiles, non... Ecrit dans ta tête ! Rêve ricana. La terre se mit à trembler. Le vieillard se leva, inquiet. Sasuke retrouvait peu à peu l'usage de ses membres. Le grondement s'amplifia. La caverne trembla. On entendit des stalactites se décrocher, tomber en tintinnabulant. - Cette région n'a jamais été sujette aux tremblements de terre. Sasuke pouvait tenir debout. Il était encore engourdi mais il sentait les esprits du Feu revenir à lui. Il allait se concentrer et frapper mortellement, au bon moment. Il fit semblait d'être pris de mollesse, se rassit. Un tremblement plus puissant secoua la montagne. Un fracas énorme, une avalanche au-dehors. Rêve regarda vers l'entrée. Une traînée de feu partit du boyau et le frappa au ventre. Le petit vieux fut jeté par terre. Akuma entrait, ses cheveux en flammes, ses yeux palpitant de grosses gouttes de sang qui ne coulaient pas, sa peau cuivrée comme chauffée de l'intérieur. - Sasuke, gronda l'ancien maître Lotus. - Que fais-tu là ?... - Les démons sont faits pour revenir, mon ami. A terre, Rêve se tordait de douleur. Akuma regarda Sasuke qui souffrait et regarda Rêve avec mépris : - C'est ce sac d'os qui te met dans cet état ? Il prit le vieillard par les cheveux : - Ce cher vieux Rêve, hein... Sasuke se sentait parfaitement bien. Il invoqua posément son katana de feu. Akuma recula de quelques pas. Il était méfiant, mais comprit : - Je te le laisse... J'ai l'impression que vous avez une querelle à vider. Moi j'ai mieux à faire... M'occuper de ce bijou que ces salauds n'ont jamais voulu me laisser approcher... Akuma se frotta les mains et approcha de l'Oeil. Sasuke, tout de haine et de mépris, avança vers Rêve : - C'est trop tard, gémit le vieux, je t'ai conditionné, tu es mon chef d'oeuvre, Sasuke !... Le tueur le plus dangereux que j'ai jamais formé... Quand un mot d'ordre te "réveillera", tu seras en notre pouvoir. Les autres connaissent le mot... Et tu abattras la famille impériale ! - Je surmonterai le conditionnement, dit Sasuke, dur comme la pierre. - Tu ne pourras pas... - Je peux déjà faire ça ! Et il lui trancha la tête. Akuma regardait dans l'Oeil. Sasuke se mit face à lui. Il allait en finir avec ce deuxième ennemi aujourd'hui même ! - Akuma, cet Oeil est à moi. Le démon n'écoutait pas, déjà perdu dans sa contemplation. Sasuke répugnait à attaquer si l'autre ne pouvait se défendre. Mais ce n'était pas un humain, c'était purement et simplement un démon. Les règles du combat honorable ne pouvaient s'appliquer. - Akuma, défends-toi. Le démon n'écoutait pas. Il cherchait à se plonger dans l'Oeil. D'un coup, ses yeux prirent feu et il se rejeta en arrière en hurlant. Il se tordit de douleur, la tête dans les mains. - Ah, ce ne doit pas être fait pour les démons, dit Sasuke. Akuma poussa un hurlement qui fit trembler la terre. Sasuke fut jeté à terre. Yojiro arrivait en titubant. Il eut à peine le temps de voir Akuma se précipiter vers lui, comme un buffle lancé à plein galop. Le rônin se plaqua sur le mur. Akuma sortit en hurlant de la grotte et roula dans la pente enneigée. La caverne tremblait de plus en plus fort. C'était comme si elle allait se fendre à la façon d'une noix. Yojiro releva Sasuke et le chargea sur son épaule. Le shugenja jeta un regard à l'Oeil. - On va venir le chercher, dit Yojiro. Le rônin courut dans le boyau et sortit à l'air libre. Le soldat Matsu avait été tué d'un coup à la gorge par Rêve, dont il ne s'était pas méfié. - Moi il m'a juste assommé, dit Yojiro. Je me méfierai désormais de tous les petits vieux ! Il vous fiche un coup à la gorge et c'est parti pour le pays des songes ! Saleté de petit vieux ! La terre tremblait de plus en plus fort. C'était Akuma, qui venait de plonger sous terre, qui provoquait ces secousses. - Il va tout casser, dit Yojiro. Sasuke dit qu'il pouvait marcher. Nos héros se jetèrent dans la pente, et descendirent sur le dos, alors que la grotte s'effondrait, victime de la colère irrépressible d'Akuma. Alors qu'ils arrivaient en bas, Sasuke vit le démon, en haut qui hurlait : - Si je ne peux pas l'avoir, personne ne l'aura, Sasuke ! Personne ! Et il tombait par terre, vaincu par la douleur. Nos héros finirent la pente et arrivèrent au village, où les paysans, terrifiés, se terraient chez eux. - Nous n'allons pas traîner ici, dit Sasuke, qui essayait de ne pas penser à la perte de l'Oeil -il se jura de revenir et de remuer la montagne pierre par pierre pour le retrouver ! Le jour tombait déjà. Ils partirent à marche forcée au village suivant, où ils arrivèrent en pleine nuit. Ils s'accordèrent quelques heures de repos et repartirent au petit jour. Encore une journée de marche et ils arrivaient, à bout de force, dans les faubourgs de Kyuden Hida. Un petit temple de la Fortune des chemins sembla une excellente halte pour Sasuke. - Ecoute, Yojiro, tu vas retourner au palais rapidement. Akuma va certainement venir ici. Tu vas prévenir d'abord Mitsurugi de ce qui s'est passé. Tu lui diras que je me suis arrêté ici pour éviter d'attirer Akuma jusqu'en ville. Ensuite, tu iras voir les Phénix. Tu demanderas à parler à Isawa Masaakira, le tensaï du Vide. Qu'il vienne ici pour moi. Tu lui diras que c'est urgent. Isawa Nobuyoshi te connaît de vue, il pourra certifier que tu viens bien de ma part. - J'ai compris. Je pars. - Fais vite. Que seul Masaakira vienne, compris ? Dis à Mitsurugi que j'ai besoin de repos. Qu'il mette la Cité en alerte contre Akuma. - D'accord. Yojiro termina les dernières lis qui le séparaient de la capitale et courut au palais. Resté seul avec lui-même, Sasuke tremblait devant son reflet, il croyait y voir le tueur qui pourrait, implacablement, assassiner le fils du Ciel. A suivre... ![]() 21e Episode : Les mauvais rêves - sdm - 20-03-2011 Toujours grandiose ![]() Et à chaque Edit le texte grossi, c'est magique ![]() 21e Episode : Les mauvais rêves - vengeur77 - 21-03-2011 tres bon. Comme je kiffe 21e Episode : Les mauvais rêves - Darth Nico - 21-03-2011 CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Yatsume, inquiète pour l'Inquisiteur, alla au palais avec les Crabes. Elle y prit sa paye. Goemon lui donna sans faire de commentaire. Il ne pensait qu'à son maître, que les chiens du Gozoku s'étaient permis de convoquer -lui, un des Inquisiteurs les plus braves du clan ! - Merci à toi, dit Goemon, tu t'es bien battue, une fois de plus. Notre héroïne retourna dans la cour des miracles, où sa fille lui sauta au cou. - Tu vois, je t'avais promis que je serais bientôt de retour. Elle avait acheté, avec ses belles pièces Hida, des joujoux pour sa fille, des déguisements, à boire, à manger... C'était bombance ! Elle passa la nuit à rire et à boire avec Avishnar et les éclopés de la Cité. Son Altesse Grotesque passa tard dans la nuit, après une représentation devant les Phénix, épuisé, mais heureux de retrouver ses amis les plus crasseux. Tout cela se termina au petit jour. Yatsume dormit jusque tard, puis alla voir Mitsurugi. L'ambassadeur la fit attendre comme c'était la coutume. La nuit tombait déjà quand il la fit entrer. Il lui fit servir le thé rituel de l'hospitalité. C'était la première fois qu'il la revoyait en face à face depuis son exil dans le désert. Il attendait de voir si elle avait changé, si cette odyssée au bout du monde lui avait mis du plomb dans la cervelle -et surtout, si elle reprenait la voie de l'honneur ! - Tu as vu Sasuke récemment, dit Mitsurugi. Il t'a donné comme mission de retrouver Kokamoru. Es-tu prête à le faire ? Yatsume n'eut pas une réponse tranchée, et cela se sentit. Elle voulait se convaincre qu'elle pourrait le tuer ! Mais elle n'était pas sure d'elle, elle devait se forcer à le croire ! Elle ne mentait pas, cependant... Mitsurugi sentit ce changement chez elle, pas encore assez net à son goût. - Nous ne pouvons pas te faire confiance si tu as un attachement quelconque à ce Kokamoru. C'est un de nos ennemis jurés, Yatsume. Sasuke et moi avons un peu appris à connaître de quel genre de "magie" il use... - Moi aussi, Mitsurugi-sama. - Raison de plus pour vouloir le combattre sans hésitation. Le retour de Yatsume dans le clan des Lions n'était pas pour aujourd'hui ! Yatsume désespérait d'y parvenir. Elle se demandait même si elle le voulait... Elle s'était faite à son destin de rônin. Peut-être que c'était ça qui était le mieux pour elle ? Peut-être qu'elle était "sans-clan" dans l'âme ?... On sentait Mitsurugi tellement à l'aise dans son costume de Matsu que c'était évident qu'il était né dans le mauvais clan et que les dieux avaient corrigé cette petite erreur de départ. Mais Yatsume ?... Se résigner à sa condition de rônin ? Ne plus chercher à se contrarier, à vouloir adhérer à un modèle d'honneur et de vertu dont elle était incapable ? ![]() Mitsurugi, soucieux pour Yatsume, soucieux pour Sasuke, pour Suzume, alla se changer les idées dans une maison de plaisir, en compagnie de Noyuki. Même là, Mitsurugi ne réussit pas à s'alléger les épaules de ses soucis. Plus la cour d'hiver avançait, et moins il était à la fête. Non, vraiment, vivement que le printemps arrive ! Qu'on retourne à la Cité des Apparences -enfin ! Après deux saisons d'exil à proximité de l'enfer froid et boueux de l'Outremonde ! Retour à la lumière, à la civilisation, à la saine vie militaire ! Mitsurugi savait en effet qu'il devrait quitter son poste d'ambassadeur, ce qui était tout à fait pour le réjouir -à ceci près qu'il ignorait où il serait envoyé ensuite. Quand Mitsurugi rentra, l'aube lui était déplaisante, les restes d'ivresses n'étaient pas bien joyeux, le sommeil qui arrivait ne serait pas réparateur. De fait, il se réveilla avec l'impression d'avoir à peine fermé l'oeil. On lui dit que Yojiro était rentré, qu'il demandait à le voir. L'ambassadeur se fit préparer un thé noir bien amer, très fort, et reçut le rônin, qui était dans tous ses états et avait des cernes jusqu'au menton. - Je reviens de chez les Phénix... Comme vous étiez occupé, j'ai préféré aller chez eux d'abord ! - Attends, je ne comprends rien à ton histoire, dit Mitsurugi, agacé. Où est Sasuke ? - Il est près d'ici, au temple de la Fortune des chemins. Et il va bien. - Bon, tu me rassures... Pourquoi n'est-il pas rentré ? - Il était très fatigué par le voyage... Il faut vous dire que nous avons vu Akuma ! Ce démon est de retour ! Sasuke m'a dit de vous prévenir. - Je vais en parler à l'Inquisiteur Tadao. Ce démon serait capable de nous attaquer en plein carnaval. Bien, et ensuite, qu'es-tu allé faire chez les Phénix ? - C'est Sasuke, qui m'a demandé d'aller trouver Isawa Masaakira, le maître du Vide, car Sasuke veut le voir... - Affaires de shugenja. Je vois... Bien, seulement, quelque chose ne va pas, sinon Sasuke serait rentré avec toi. Soit tu ne me dis pas tout, soit Sasuke ne t'a pas tout dit... - Il n'est pas blessé. Nous avons échappé par contre à Akuma, à l'effondrement d'une grotte, et marché pendant deux jours sans arrêt ! - Non, il y a autre chose, dit l'ambassadeur, qui connaissait son conseiller. Il se leva. - Ce n'est pas l'épuisement qui l'a retenu aux portes de la ville... Allons-y. - Isawa Masaakira est déjà en route. - Oh mais je ne crains pas de les déranger ! Ils prirent deux montures ; Mitsurugi utilisa ses autorisations exceptionnelles pour sortir de nuit. Ils galopèrent moins d'une heure. Yojiro reconnut le village où se trouvait le temple des chemins. Un palanquin Phénix était posé dans la rue, éclairé par trois lanternes ; deux soldats Shiba attendaient dans une auberge, à l'abri du vent mordant. Dans le petit temple éclairé seulement par quelques bougies, Masaakira s'était assis à côté de son ancien élève. Ils avaient prié ensemble pendant un moment, sans se laisser distraire par le mugissement du vent. Quelques bougies avaient été soufflées. Puis Sasuke avait raconté ce qu'il avait découvert. A son maître, il s'était confié sans détour. - Il faut que ces conspirateurs disposent d'une magie bien puissante, dit le maître du Vide. - Je crains que ce ne soit pas de la magie mais de la torture, belle et bien physique, directement... - Rien dont notre art ne puisse venir à bout, Sasuke... Aucun éta au monde, si habile tortionnaire soit-il, ne peut rien contre nos pouvoirs... - Pourtant, j'étais à la merci de ce "Rêve". - Je vais me renseigner, en compulsant les traités relatifs à la manipulation des esprits. Il est déjà évident que ce sont les esprits de l'Air... Aussi je vais t'envoyer Nobuyoshi. Lui saura trouver rapidement un moyen de combattre ces influences nocives. - Je l'espère... - Il est improbable qu'il échoue. Mitsurugi entra, sans faire de politesses, encore moins d'excuses pour le dérangement. Masaakira se leva, salua l'ambassadeur et retourna à son palanquin. - Hé bien, Sasuke ? dit sévèrement Mitsurugi. - Tu ne pourras compter sur moi dans les prochains jours, Mitsurugi. - Puis-je savoir pourquoi ?... Sasuke avait un air mortifié que l'ambassadeur ne lui connaissait pas. - Il vaut mieux pour cette Cité que je n'y rentre pas... - Tu crains d'attirer Akuma ? - Non, Akuma n'est rien... Ce que je crains, c'est moi... Mitsurugi crut comprendre que Sasuke ne parvenait plus à maîtriser ses pouvoirs. - Il vaut mieux que je reste à méditer ici. Mon ami Nobuyoshi va venir m'assister. - J'espère qu'il saura soigner tes troubles. - Je le souhaite aussi, oui, dit Sasuke avec un sourire amer. Mitsurugi ne pouvait pas comprendre ! Et il ne fallait pas qu'il sache ! L'ambassadeur ressortit, mécontent. Il alla boire un verre à l'auberge avec Yojiro. Les Phénix étaient déjà repartis. Ils repartirent en pleine nuit, affronter ce mauvais froid, pénible, usant, et cette neige qui épaississait tout. Quand ils passèrent la porte ouest de la Cité, ils croisèrent Isawa Nobuyoshi, le tensaï de l'Air. Mitsurugi le salua à peine. ![]() Les répétitions de la pièce n'arrêtaient pas. Le grand acteur Shosuro Jotaro, qui tenait le rôle principal du général de l'armée combattant les démons, avait pour le moins un caractère difficile. Il faisait souvent des caprices, refusait de sortir de sa loge, de refaire une scène... Ikoma Noyuki devait user de tout son talent de diplomate pour convaincre le sublime artiste de bien vouloir condescendre à jouer sur la même scène que de très mauvais acteurs. Jotaro exigeait qu'on réécrive le texte, que ses danses soient plus éclatantes, qu'il n'y ait, en somme, que pour lui... Ce jour-là, il était encore parti à bouder. - Rien ne tourne dans cette pièce. Nous allons à la catastrophe ! Ah, si seulement on m'écoutait !... - Mais vous êtes déjà le héros de la pièce, Maître ! - Tous ces figurants me font de l'ombre ! - On ne voit que vous, ô maître danseur ! Vous resplendissez à chaque pas ! Chaque réplique vous magnifie ! Chaque chant vous porte au pinacle ! - Savez-vous que l'Empereur en personne se déplacera ! Voulez-vous qu'on me confonde avec le Bouffon ? C'est bien pourtant ce qui risque d'arriver si tout mon rôle n'est pas réécrit ! - Nous n'avons plus le temps, divin maître ! - Alors je ne jouerai pas ! Vous engagerez un unijambiste si vous le voulez ! Puisque mon rôle ne vaut pas mieux ! Il fallait le flatter, se montrer doucereux, y aller par des détours... Il adorait cela, et savait que Noyuki -en tant que poète- s'y entendait pour tourner un petit compliment touchant sa vanité profonde. Pendant ce temps, l'Ize-Zumi Togashi Ojoshi devait avancer les répétitions, coûte que coûte, placer les figurants, diriger les seconds rôles, en espérant que Shosuro Jotaro ne claque pas la porte dans l'heure à venir. - Il ne le fera jamais, dit Noyuki pendant une pause. Où ailleurs trouverait-il un aussi bon flatteur que moi ?... Il se plait trop ici. Il aime les compliments comme les courtisanes les parfums. Mais que voulez-vous, cet affreux paon sans vergogne est le plus grand acteur de kabuki du monde ! - Je ne demande si nous ne devrions pas lui trouver une doublure, pour le cas où... - Vous plaisantez ? Jamais il ne laissera quelqu'un d'autre jouer à sa place ! Quel camouflet ce serait pour lui ! - Remarquez, dit Ojoshi, vous devriez essayer cela : lui dire que, voilà, somme toute, ce rôle n'est pas digne de lui. Que c'est lui faire un affront, vous voyez... S'excuser de l'avoir dérangé... - Hé, ce n'est pas bête, dit Noyuki en regardant vers la loge de son Altesse des Vanités. Je vais aller le voir. Noyuki finit sa tasse de thé et alla frapper à la porte de l'acteur. - Voilà, divin danseur et incomparable récitant, j'ai réfléchi, et je me suis dit... Noyuki referma la porte. Ojoshi continua les répétitions. Matsu Mitsurugi entrait, comme un chien dans un jeu de quille. - Seigneur, quel honneur de vous avoir, commença Ojoshi. Mitsurugi fit un petit signe poli : - Ne vous en faites pas, ne faites même pas attention à moi. - Ah, bien... Ce n'était pas l'art lyrique qui attirait l'ambassadeur ici, alors quoi ? Noyuki ressortait de la loge de Jotaro : - Il est vexé comme un pou, murmura-t-il à l'oreille d'Ojoshi. Je ne l'ai jamais vu dans un état pareil. Les deux dramaturges pouffèrent de rire. Les acteurs avaient compris qu'une bonne blague se préparait. Shosuro Jotaro arrivait, maquillé à outrance, dans un énorme kimono deux fois plus large que lui : - Pardon, pardon, monseigneur ! dit-il en s'écartant avec prestance de Mitsurugi qui passait près de lui. Or ça, mes seigneurs ! Y sommes-nous ! J'ai eu quelques idées dont je voudrais vous faire part, qui, j'en suis sûr, vont dans le sens de votre prosodie ! Ojoshi et Noyuki échangèrent un clin d'oeil : Sa Majesté allait se mettre sérieusement au travail. ![]() Mitsurugi parcourait les couloirs du théâtre. Il devait enjamber les morceaux de décors, les coffres de costumes, éviter de faire tomber les panneaux en trompe-l'oeil. Il cherchait les sorties, les recoins, tout pour connaître parfaitement le lieu, en vue de cette attaque des conspirateurs annoncée par Geki. Il reconnaissait les loges, les placards, n'importe quel endroit où un tueur pourrait se cacher ; il prévoyait où poster des gardes, quelle issue laisser libre pour mieux piéger dehors un assassin qui s'enfuirait. Il sentit quelqu'un dans son dos, se retourna, la main sur son sabre. C'était un Scorpion, un Bayushi, qui ne pouvait être là l'instant d'avant. Mitsurugi frissonna : - Kokamoru... Mitsurugi prit en main le pendentif donné par Cristal : - Il fallait que je vous rencontre. - Que veux-tu ? - Nous avons un ennemi commun, seigneur. Cristal. Je viens vous proposer une alliance. Du tac au tac, Mitsurugi répliqua : - Tu te trompes. Si mon ennemi a le même ennemi que moi, cela ne fait pas de lui mon allié. - Cristal a juré votre mort, et la mienne. Unissons-nous le temps de l'éliminer. - Cristal n'est pas le conspirateur que je veux en premier. Pour tout te dire, je ne lui en veux même pas de ce qu'il m'a fait. Il y a plus important que moi. Et c'est l'Empereur. C'est pourquoi j'en ai d'abord après Nuage et Lotus. Cristal viendra après. - Il vous a corrompu. - Non. Je ne ferai rien pour l'aider à te trouver, mais je ne le gênerai pas non plus. Tu te trompes lourdement si tu crois que je vais m'allier avec toi et ta magie diabolique pour abattre ces conspirateurs. - Il n'y a que ce moyen-là. - Non, je leur passerai mon sabre en travers de la poitrine. Je n'ai pas besoin de toi. Et je jure ici de tout faire pour te tuer... - J'aimerais encore mieux que ce vous qui me tuiez, oui, murmura le Scorpion. - Cela peut se faire sur le champ... - Nous ne sommes pas encore au dernier acte, ambassadeur. Espérons que le dénouement ne soit pas votre assassinat par ces conspirateurs. - Je sais garder mes arrières. Kokamoru ne dit rien. Il entra dans une loge inoccupée et referma le panneau. Mitsurugi alla le rouvrir, mais il n'y avait plus personne. L'ambassadeur rentra au palais. Il tira de sa poche un pendentif en diamant donné par Sasuke. Ce dernier avait eu le temps de décrocher deux fragments de roche qui perlaient de l'Oeil de l'Oni. A présent, nos héros pouvaient eux aussi utiliser ce moyen de communication, comme les conspirateurs ! - Sasuke... Depuis le temple des chemins, le shugenja put lui parler : - Ecoute, dit l'ambassadeur, j'étais au théâtre. J'ai croisé Kokamoru... - S'il vient ici, je lui ferai un sort à ma façon. - Méfie-toi. Il est plus discret qu'Akuma. Sasuke revint dans le temple où Nobuyoshi finissait de mettre au point le rituel de délivrance pour son ami. - Le carnaval commence ce soir, avait ajouté Mitsurugi. La liesse va s'emparer de la ville. Et cela va être un joyeux carnaval, entre Akuma, les conspirateurs et Kokamoru, et tout le monde déguisé. - C'est aussi le moment où les masques vont tomber, dit Sasuke. - Reviens dès que tu peux. Je vais avoir bien besoin de toi. La pièce de théâtre est après-demain. - Je serai là avant, sois sans crainte. ![]() Mitsurugi rentra se préparer pour les festivités. Il y passa le reste de l'après-midi. Des pétards explosaient de plus en plus fréquemment. Les gens arrêtaient le travail, des Hida revenaient de la Muraille, déjà ivres, avant même la tombée de la nuit. Les gueux remontaient vers les beaux quartiers, toute une populace hétéroclite habituellement confinée dans les rues les plus insalubres. L'Inquisiteur Tadao, qui attendait depuis des heures dans une salle de réception du Gozoku, était prisonnier dans le palais de son propre clan ! A la tour des Inquisiteurs, Goemon avait réuni plusieurs hommes très sûrs, pour préparer un assaut contre le shinsen-gumi. - La farce a assez duré, disait le garde du corps. Nous ne laisserons pas ces mercenaires faire la loi chez nous. Nous leur montrerons qu'on ne s'en prend pas à un Inquisiteur ! - Bien dit, Goemon-san. Les hommes s'armaient, enfilaient leurs armures. Dans les souterrains de la tour, Hida Yasashiro, isolé, commençait le rituel à la Fortune du Secret. Il revêtait le costume et le masque de Geki, le frappeur nocturne. A la tombée de la nuit, Mitsurugi reçut un message : - C'était un quelconque gueux à la peau très sombre, dit le soldat. Il devait être noir de crasse... L'ambassadeur reconnut là Avishnar, cet étranger des Royaumes d'Ivoire... Mitsurugi déplia le billet et faillit en faire une syncope. C'était de la main de Yatsume : elle disait que le Bouffon voulait le voir et qu'il avait des informations capitales à lui fournir sur un certain Cristal ! Au milieu de la cour des miracles, le Bouffon finissait de se préparer pour devenir l'Empereur d'un soir, le maître de la fête, le grand intendant des pitreries et des fêtes les plus exubérantes. Yatsume et Avishnar se grimaient en même temps que lui, pour faire partie de la grande parade grotesque qui célébrerait la mise sens-dessus-dessous de l'ordre social. Suzume, seul dans une cellule du temple de Shingon, méditait sur sa colère, sa vanité, ses regrets. Son père, seul dans sa chambre, méditait aussi, sur sa famille déchirée, sur ses échecs. Sur un chemin de ronde du palais, Cristal et Nuage contemplaient la cité qui s'animait, les feux d'artifice. - Demain, nous aurons enfin notre revanche, disait Cristal. Enfin nous détruirons les Hanteï. Alors que les douze coups annonciateurs du début officiel des festivités retentissaient, Geki sortait par les toits. La ville toute entière entrait en ébullition. Les lanternes multicolores dansaient dans la nuit, les feux d'artifices redoublaient, partaient vers les étoiles, les tambours battaient, assez fort pour remuer les cieux, pour que même les dieux dansent. La troupe enivrée du Bouffon atteignait les murs du palais, sous la surveillance de Geki. Mitsurugi sortait avec Noyuki et le général Kokatsu. Bientôt les trois Lions masqués se séparèrent, emportés chacun par un groupe de danseurs. Un rythme endiablé agitait la Cité. Quelque part dans la foule, le divin Fils du Ciel devait lui aussi danser, méconnaissable avec ou sans son masque. Yojiro partait avec un groupe de marchands hilares vers une maison de jeux. - Il faut que tu saches une chose, avait dit Sasuke à Mitsurugi, c'est que les conspirateurs ne peuvent plus utiliser l'Oeil de l'Oni ! Ils ont encore leurs amulettes, mais ils ne peuvent plus tout voir et tout entendre n'importe où... - Tu crois qu'ils vont encore tenter leur attaque ? - Je les en crois capable. Mais leur principale arme est détruite... Les revoilà redevenus de banals conspirateurs. - Alors, crois-moi, ils ne passeront pas le carnaval ! Le Bouffon menait sa troupe tambours battants, sous un grand dragon de papier, avec des naseaux fumants. - Il faut trouver Mitsurugi ! hurla Yoriku à Yatsume pour couvrir le bruit des pétards et des flûtes. - Oui, dit Avishnar, il viendra avec nous ! Ils avançaient, applaudis partout où ils passaient. Le cortège ne cessait de grossir, la foule reconnaissait le Bouffon et partait à sa suite. - Hélas, pauvre Yoriku, se dit le Bouffon à voix basse, en parlant à ce Mitsurugi, tu vas peut-être faire la bouffonnerie de trop... Ils passèrent avec le dragon dans les grandes rues. Yatsume sortait de temps en temps demander si quelqu'un avait vu Mitsurugi. Elle aperçut Yojiro au milieu d'une salle de jeux : - Tu sais où est Mitsurugi ? - Mitsurugi ? - Oui, Mitsurugi ! - Mitsurugi ? Il est parti vers le temple de Shingon ! - Ah d'accord merci ! Il fallait hurler toujours plus fort ! Le dragon continuait son chemin. Un autre dragon de papier, animé par de jeunes Grues, arrivait et faisait mine de le combattre. - Sus à l'ennemi ! cria Yoriku. La foule aida son Empereur bien aimé à repousser les arrogants nobles, qui furent culbutés, et finirent le derrière dans la boue, à l'hilarité générale. Les soldats en faction devant le palais étaient entraînés à leur tour. Le juge Kempô était jeté dans un tonneau de bière, le maître de cérémonie Tokugawa recouvert d'oeufs et de peinture. Seul le shinsen-gumi se gardait de se joindre à la fête. Les soldats Crabes réunis autour de Goemon marchaient vers l'aile qui leur était réservé. - Il faudra agir vite, dit Goemon. - Nous te suivons. Geki descendit de son toit, emprunta un autre masque et se mit sous le dragon de Yoriku, sans se faire remarquer de Yatsume ni d'Avishnar. Mitsurugi se trouvait devant le temple de Shingon. Il voulait voir Suzume mais les moines lui opposèrent un refus ferme mais poli. - Qu'il vienne faire la fête ! dit Mitsurugi, la pénitence a assez duré ! - Je regrette, il a insisté pour rester seul. Il ne veut pas du tout être dérangé ! Des paysans, qui avaient entendu le nom, se mirent à crier le nom de Suzume. Les moines poussèrent gentiment les festifs rustres loin de l'entrée du temple. Le dragon du bouffon approchait, précédé de gamins peinturlurés : - C'est le bouffon ! s'écrièrent plusieurs buveurs, notre Empereur bien aimé ! - A propos où est-il, le vrai Empereur ? dit un autre. - Bah, sûrement déguisé en tanneur de peau ! Ou bien derrière toi ! - Ce ne serait pas toi, par hasard ? - Si c'était moi l'Empereur, alors je peux te dire que c'est l'Impératrice qui dirigerait le monde ! - Elle est où ta femme justement ?... Yatsume sortit pour faire de grands gestes à l'ambassadeur. - Venez que je vous présente le roi de la fête ! - C'est trop d'honneur, dit Mitsurugi, de m'introduire dans le grand monde ! Mitsurugi passa sous le dragon de papier. Au temple des chemins, Nobuyoshi répétait en silence le rituel de purification spirituelle. - Ceci devrait chasser tous les esprits manipulateurs. Ils virent de grandes flammes jaillirent dehors et sortirent en vitesse. Les habitants refluaient vers le temple en hurlant. Sasuke et Nobuyoshi leur demandèrent ce qui se passait. - Le démon ! le démon ! Les shugenjas n'eurent pas tort de craindre le pire : Akuma arrivait à la tête d'une troupe de ses guerriers des Limbes. - Sasuke ! Ivre de rage, le démon brûlait de flammes violacées. - Sasuke, je viens t'offrir une dernière chance ! - Tiens donc ! - Associons-nous et retrouvons l'Oeil de l'Oni ensemble ! A nous deux, nous pouvons diriger cet empire décadent et le redresser ! - Je ne m'associerai jamais avec toi ! - Alors tu finiras parmi les poussières de toutes les poussières que je laisserai derrière moi ! Et tu n'auras jamais l'Oeil ! - Je préfère le retrouver sans toi ! - Pitoyable vanité ! Tu n'es déjà plus rien ! Sinon tu t'agenouillerais devant moi ! Ce soir, je serai l'Empereur et toi, tu agoniseras parmi ceux que je sacrifierai à mes dieux ! - C'est ce qu'on va voir ! Sasuke invoqua autour de lui les plus déchaînés des esprits du Feu et Nobuyoshi s'entoura d'un tourbillon d'air strident. La colère d'Akuma décupla : - Pauvres, pauvres petits humains... Mitsurugi se joignit au cortège de Yoriku. - Il fallait que je vous parle, seigneur... Quel honneur de vous accueillir chez moi ! - Tout l'honneur est pour moi, cria Mitsurugi. - Nous avons à parler, mon cher... - Cela ira vite... Geki s'approcha prudemment, méconnaissable. Il comprenait que c'était sérieux. - Je prends beaucoup de risques... - J'espère que ce n'est pas une de vos farces ! - Que mes Ancêtres me fassent perdre toute ma graisse si je mens ! - Dites-moi, dépêchez-vous... Mitsurugi craignait que la Grue Noire ne rôde. Le dragon repartit vers les palais. - Et vous me direz aussi comment vous avez appris cela... - Ah, pauvre Yoriku, hélas, dit le Bouffon, tu n'as pas toujours été l'amuseur des grands et des humbles... Au milieu de la cohue, Mitsurugi, qui n'y tenait plus, plaqua sa Grosseur contre un mur : - Cela suffit ! Plus de simagrées ! Qui est Cristal ?... Yojiro approchait du dragon de papier ; il avait reconnu, parmi des échassiers, Kokamoru ! Il devait prévenir Mitsurugi au plus vite. Sur les toits, embusqué au coin d'une cheminée, la Grue Noire avait vu aussi le Scorpion déchu. - Hélas, pauvre Yoriku... - Parle où tu vas maigrir avant d'avoir menti ! - Cristal, Cristal, c'est... l'homme aux cent masques -Shosuro Jotaro ! Une troupe d'enfants passait en hurlant. L'homme aux cent masques... Un acteur... Mitsurugi fut pris de vertige. - Il faut le trouver, et toi, tu viens avec moi ! - Mais je ne peux pas ! dit Yoriku, ce n'est pas prévu ! - C'est fête ce soir ! Rien n'est prévu ! Je te guide et toi, tu fais semblant d'y aller pour le plaisir. Surtout que personne ne se doute de rien ! Le cortège, fantastique et improbable, s'engagea dans la grande rue en pente courbe qui descendait vers le théâtre, alors que seules quelques-uns des participants voyaient venir la tragédie qui couvait depuis si longtemps, souci de tous leurs jours et toutes leurs nuits. OMBRE ET POUSSIÈRE, SAMURAI... <!--sizec--><!--/sizec-->
21e Episode : Les mauvais rêves - sdm - 23-03-2011 Tous ces beaux acteurs rassemblés ![]() |