12-01-2011, 07:17 PM
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Dossier #17 : Les faussaires
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12-01-2011, 07:17 PM
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13-01-2011, 05:42 PM
(This post was last modified: 13-01-2011, 08:07 PM by Darth Nico.)
DOSSIER #17<!--sizec--><!--/sizec-->
Les journaux du lendemain annonçaient l'arrivée de la tempête. Deux chalutiers en avaient été les premiers témoins, après avoir été submergés par une vague de plus de quinze mètres de haut. L'information était arrivée dans les zones portuaires, puis transmises vers VOIRIE, qui avait diffusé la nouvelle aux salles de rédaction. ADMINISTRATION recommandait ainsi la prudence aux citoyens et décrétait d'ores et déjà l'état d'urgence. Pour tout le monde, le vent qui soufflait dans les rues était l'annonciateur de cette colère de l'océan qui allait balayer très bientôt la Cité. - C'est pour après-demain. - Vous verrez que dès demain, il y aura des dégâts. C'était le sujet de conversation du matin. Maréchal arrivait au bureau, trempé de sa courte marche dans le quartier. Il laissait des tâches noires sur le plancher. Il mit son parapluie dans l'évier de la cuisine. Morand était devant son chromatographe. Il avait les traits tirés. - Alors, détective, on en est où de l'affaire Continus ? - Ah, justement... - Venez dans mon bureau... Maréchal s'assit, le pantalon collé aux jambes. Sa veste n'avait heureusement pas pris l'eau, mais son chapeau gouttait. - Hier, j'ai passé la journée sur le poste de Continus. Hier soir, j'ai raccompagné mon père et j'y suis retourné. - Quel dévouement. Il avait dû y passer la nuit. - En fin de compte, j'ai trouvé des choses troublantes... - Attendez un instant. Maréchal se leva et ouvrit sa porte : - Clarine, des nouvelles de Faivre ? - Aucune. Je viens encore d'appeler chez lui, ça ne répond pas. - Dans quel caniveau a-t-il passé la nuit ?... Il a une copine je crois. Je ne sais plus dans quel quartier. Turov arrivait. - Vous ne savez pas où est Faivre ? - Non, aucune idée. Maréchal referma sa porte. - Je vous écoute. Morand triait ses papiers. - Alors, voilà... Continus a, ces dernières semaines, demandé fréquemment des accès à l'état-civil. - Comment fréquemment ? - Au moins une fois par jour. - Pendant longtemps ? - Oui, au moins une heure de recherche à chaque fois. - Que cherchait-il ? - Il n'a pas fait que chercher. Il a consulté les fiches de gens très variés, sans lien apparent entre eux... Sauf une chose... Morand ménageait son effet : - Ces gens ont tous des noms qui ressemblent au sien : Alphonse-François Continus. Nous avons Alibert Contin, Fesjer Albinus, Alfran Contilia, quelques Continus sans lien familial avec lui. Maréchal fit signe qu'il avait compris. - Il ne cherchait pas à créer un groupe de gens aux noms homophones. Il a fait bien plus que cela. Cela m'a pris du temps, car j'ai dû moi aussi accéder à l'état-civil de ces gens, consulter d'anciennes versions de leurs dossiers. - Alors ? - J'ai découvert que Continus a changé le nom d'une dizaine de citoyens ! - Comment ça ? - Il les a tous renommés Alphonse-François Continus ! Maréchal cligna des yeux. Quelle lubie était-ce là ? - Il s'est écrit de parfaits homonymes, dit Morand. - Dans quel but ? L'imagination de Maréchal se mettait à gamberger : escroquerie à l'assurance ? Effacer un dossier criminel ?... - Je l'ignore, car Continus n'a pas d'antécédents judiciaires. Il a quand même une fiche aux services de la Brigade Urbaine. Il fréquentait les milieux anarchistes. - Comme Antiphon, donc. Ils ont dû se connaître comme cela. - J'ignore donc pourquoi Continus a fait cela. Le résultat est pourtant là : il y a maintenant une dizaine de personnes qui portent strictement le même nom dans la Cité. - Il n'a changé que le nom ? - Oui. Pas l'adresse, ni la date de naissance. Maréchal ne dit rien. Continus était-il une sorte de maniaque ? - Et qu'ont fait ces dix personnes ? - Je me suis renseigné. Morand était fier d'avoir réponse à tout. - Sur onze personnes exactement, huit ont protesté. Six ont même entrepris des actions légales. Leurs affaires sont en cours. - Plainte contre X ? - Oui, sauf dans deux cas, où la plainte est contre le service d'état-civil. Maréchal pinça les lèvres : s'attaquer à ADMINISTRATION, une des actions judiciaires les plus graves qui soient. Seuls des vétérans du barreau osaient défendre ces causes. Maréchal resta songeur. Clarine appela par la porte : - Appel du commissariat de Kansker, inspecteur. Ils me disent que Faivre est chez eux. - Kansker ? C'est à côté de ROTOR 17 ça. Faivre interroge quelqu'un ? - Non, dit raidement la secrétaire, il est en cellule de dégrisement. Maréchal ne sut s'il fallait rire ou pleurer. Il remit son chapeau mouillé : - Je vais aller le chercher... Il va m'entendre celui-là ! Turov, vous venez... Un costaud comme l'ancien marin serait utile si Faivre avait le dégrisement mauvais. - Morand, vous continuez sur Continus. Vous avez trouvé le fil, dévidez-moi la pelote. Il y a quelque chose de grave qui se cache là-dessous, je le sens... - En psychologie, dit Clarine à Morand, on appelle cela "l'instinct de flic". - Un sujet qui mériterait étude, dit le Scientiste. ¤ Faivre buvait un café, prostré sur sa chaise. Maréchal s'était planté devant lui. - Je suis désolé, chef... - Je pensais bien à une cuite, mais à ce point-là... - Il faut que je vous explique... Il se passe des trucs pas clairs dans Rotor 17... - Vous y êtes allé avant ou après avoir bu ? - Avant... Je crois que ça m'a chamboulé la tête, patron. - La boisson ? - Non le quartier. - Ecoutez, je ne vous demande pas de littérature. Ce que je veux savoir, c'est ce qui s'est passé dans ce quartier... - C'est Rachel... Maréchal soupira. Qui était encore cette Rachel ? - Une fille dans une combinaison... - Bon, tout ça n'est pas clair. Sortons d'ici. Faivre sentait mauvais, le commissariat sentait mauvais, le quartier aussi. - Vous allez rentrer chez vous, prendre un bain, vous habillez correctement. Et vous nous retrouverez chez Gronski. J'ai des choses à dire à toute la brigade. Ils descendirent à Névise. Les policiers allèrent prendre l'apéro dans leur bistrot habituel. Ils commandèrent quand Faivre arriva. - Vous vous êtes refait une tête humaine ? - J'ai mal, patron. Ils cognent dur ces Pandores. - C'est leur métier, Faivre, d'arrêter les ivrognes. Gronski vint prendre les commandes. Maréchal finit son verre. - Bon, j'ai à vous parler, avant même d'écouter vos rapports d'enquêtes. "Sachez que Turov et moi avons rencontré un agent de l'inspection des services. - Oh merde, dit Faivre. - Là, c'est sérieux. Ils sont pressés de voir Antiphon au bout de la corde. Donc ils nous surveillent. De plus, ils n'aiment pas notre indépendance. Autant dire qu'ils nous ont passé la laisse au cou, et qu'ils ne vont pas la desserrer. "Mon avis, c'est qu'ils nous surveillent. Et de près. Vous savez qu'ils ont des microphones miniaturisés, qu'ils peuvent coller n'importe où. Vérifiez vos semelles de temps en temps, et vos poches intérieurs. - Vous plaisantez patron ? dit Faivre. - Hélas, non. L'oeil des hautes autorités est sur nous. Donc nous allons devoir surveiller nos conversations au bureau. C'est pourquoi je décrète qu'à partir de ce jour, ce bistrot sera notre QG officieux. Gronski arrivait à ce moment avec des plats brûlants. - Attention à vous... Les policiers ne répondaient rien, sonnés par cette nouvelle. - On va devenirs paranos, dit Faivre. - On va seulement se montrer prudents, répondit Maréchal. L'inspecteur enfila sa serviette et donna le premier coup de fourchette. - Maintenant, je vous écoute. Faivre dit en quelques mots ce qu'il avait trouvé dans Rotor 17. - Antiphon était là. C'est lui qui m'a cambriolé le cerveau. Il m'a fait halluciner, et ça m'a perturbé. - Heureusement, dit Maréchal, qu'aucune hallucination ne résiste aux coups de godillots des Pandores. - Vous pouvez le dire. - Et vous, Morand ? - Rien de nouveau sur Continus pour le moment, à part ce que je vous ai dit ce matin. - Il faut que je retrouve Rachel, dit Faivre. - Oh, du calme. Etes-vous sûr que ce n'était pas déjà une hallucination ? - Non, elle existe bel et bien. Il faut que je me fasse encore un test sanguin. Et aussi sur le type qui a déménagé les frigos à Rotor 32. - Et sur son nohodahak aussi ? dit Maréchal. - Pourquoi pas ? dit sérieusement Faivre. Les animaux aussi peuvent être contaminés, il n'y a pas de raison. - Si vous voulez jouer au véto maintenant... Bon, alors voilà ce que nous allons faire. "Turov, vous allez fouiller au domicile de Continus. Morand, vous vous renseignez sur les homonymes. Et moi, je vais me renseigner sur les mouvements de fonds des Phonos. Les policiers ne prirent pas le pousse-café offert par la maison. - Non, on a du travail, merci. Les quatre policiers se dispersèrent dans la Cité. ¤ Ils se retrouvèrent le soir au même endroit. Les dîneurs partaient et Gronski allait pouvoir souffler un peu. - Ça souffle de plus en plus fort, disait les gens en sortant. - Nous, on le voit même pas, dit la patronne. Toute la journée aux fourneaux ! C'était vrai que les bourrasques devenaient de plus en plus violente à mesure que les heures passaient. Les journaux du soir rapportaient les premiers accidents : chutes de tuiles, poubelles emportées, même un fiacre renversé. VOIRIE venait de remonter son niveau d'alerte d'un cran. Les policiers entrèrent, la main sur le chapeau. - Vous ne vous êtes pas envolés ? demanda Gronski. - Les ballons-taxis vont être interdits de vol, à ce qu'il paraît, dit un client. - Et DOUANES ferme les frontières. - Les pêcheurs sont cloués à terre. Gronski servit les apéritifs. Les policiers furent vite seuls dans la salle. - C'est vraiment notre QG, dit Turov. - Plus que jamais, dit Maréchal. Faivre arrivait le dernier, pressé. - Saleté de vent ! Le patron aligna les verre et les remplit largement. - Pas bon pour le commerce, tout ça... Tout le monde va se barricader chez soi. Les policiers passèrent leur commande. Maréchal dit alors : - Bien, je vous écoute. Faivre ? - Rien, patron. J'ai cherché Rachel, mais pas de trace d'une fille en combinaison de caoutchouc. - Vous êtes toujours sûr que ce n'était pas une hallucination ? - Non, non... Ah, vous me faites douter à force. - Malgré notre nom, nous ne pouvons pas courir après des fantômes. - Je vous assure que je peux la retrouver. Elle nous dira où trouver Antiphon ! - Comment en êtes-vous si sûr ? - Elle doit savoir des choses... - Bon, nous verrons cela en temps voulu. Turov, à vous. - Je suis allé chez Continus. J'ai fouillé, et j'ai trouvé ce carnet. Le détective le passa à Maréchal. L'écriture était illisible. - Il faudrait demander à des experts calligraphes, murmura l'inspecteur. - Il y a un mot lisible à la dernière page. Maréchal le lut, sans cacher sa surprise : - Recouvrance, chambre 912... Tiens donc... Il referma le carnet, un petit sourire aux lèvres. - Rien d'autre ? - Non. - Morand ? - Je me suis renseigné sur les victimes de Continus. Comme je vous disais, il y en a onze. Trois n'ont rien fait. Huit ont engagé des actions en justice. - Comment ça, rien fait ? demanda Faivre. Ils ne se sont aperçus de rien ? - Je crains de le dire, murmura Maréchal, mais je pense que ces gens ont accepté de porter un nouveau nom. - Attendez, c'est de la folie ! Si quelqu'un me change mon nom demain, je dois juste fermer ma g... - Je suis sûr qu'ADMINISTRATION va reconnaître qu'il y a eu un changement et ils rétabliront les choses. Surtout que les huit autres ont porté plainte, Morand ? - Oui. En fait, ils sont six. Un a retiré sa plainte, finalement. Il en reste cinq. - Vous les avez trouvés ? - Oui, ce n'est pas dur de les rencontrer ces temps-ci, pour la bonne raison qu'ils sont en séjour à la Recouvrance. Maréchal ne dit rien, soudain très inquiet. - C'est quoi cette Recouvrance ? demanda Turov. - Le plus grand asile d'aliénés de la Cité, dit Morand. - Vous voulez dire, dit Faivre, que ces gens ont été internés parce qu'ils protestaient contre un viol de leur identité ? Personne ne répondit rien. Gronski arrivait avec une grosse casserole de soupe. Il remplit les assiettes. - Bon appétit. Les policiers n'avaient pas faim, malgré leur journée au grand air. Ils soufflèrent sur la soupe brûlante. - A mon tour, dit Maréchal. "Je suis allé voir un collègue et ami de la Financière, l'inspecteur Crimont. Je lui ai demandé quels étaient les mouvements de fonds de la famille Phonos ces derniers mois. Crimont était très occupé à souffler dans les bronches à un honorable financier responsable d'une escroquerie de plusieurs millions... Bref, j'ai pu utiliser leurs chromatographes et obtenir, à titre tout à fait officieux cela va de soi, des informations sur les comptes des Phonos. "Il ressort de mes petites recherches que depuis plus de douze mois, cette charmante famille fait des versements réguliers vers une institution dépendant de SANITATION, je vous laisse deviner laquelle... - La Recouvrance, dit Morand. - Gagné. Les policiers se regardèrent. Tout mener à cet asile. - Je ne comprends pas, dit Faivre. Il se passe quoi là-bas ? Les Phonos payent une chambre à un de leur parent ? - Je ne sais pas. Nous irons le demander au directeur. Personne n'était rassuré à cette idée. - On y va quand ? - Demain par exemple, dit Maréchal sur le ton de l'évidence. - Ça va souffler demain, dit Turov. Déjà cette nuit... - Je suis sûr que les murs de la Recouvrance sont épais. Nous y serons aussi bien qu'ailleurs. - D'accord patron, dit Faivre. Les murs épais de la Recouvrance... Les policiers eurent du mal à trouver le sommeil. A la première heure, ils étaient au bureau. Maréchal était arrivé en avance. Il annonça que le directeur ne pourrait pas les recevoir avant la fin de journée. - C'est rageant, mais c'est comme ça. Il est à l'université jusqu'à ce soir. Personne n'était pressé d'y aller, l'inspecteur-chef le sentait bien. - Bon, on partira en fin de journée. On fera un tour avant d'aller le voir, ce fichu dirlo. La journée passa, morne et agitée à la fois. Les policiers tapaient leurs rapports, remplissaient des papiers. Faivre essayait d'avoir le service du personnel. Morand relisait un volume de psychologie. Vers quinze heures, alors que le vent devenait encore plus fort, que de nouveaux bulletins conseillaient aux gens de rester chez eux, Maréchal dit à la secrétaire d'appeler un ballon. - Allons-y avant la tempête, sinon on va être bloqué pendant trois jours. - Le ballon arrive, dit Clarine. Une chance, ils ont encore le droit de voler. Mais l'interdiction va bientôt tomber. - On rentrera en tram, dit Maréchal. - Dites plutôt que vous battrez des bras... - Si je m'envole, douce Clarine, dit Faivre, je dirai bonjour aux étoiles pour vous. - Alors dites-leur qu'elles écartent de mon chemin les ivrognes et les gens irresponsables. - Je vous défendrai contre ces gens ! - Filez, dit la secrétaire. Les gens marchaient le long des murs, harcelés par les rafales de vent. Il y avait même des vagues dans le canal. Plusieurs vitres étaient brisées, la végétation grimpante était arrachée par paquets. - Mon petit Morand, cria Faivre contre le vent, dès notre retour, je vous prescris une cure de vitamines ! Vous n'avez que la peau sur les os ! D'ici là, je vais vous lester ! Les policiers montèrent dans le ballon. - Corben passe partout, dit le pilote, qui était le troisième fils du fondateur de la compagnie. Ce n'est pas un petit coup de tabac qui va nous clouer à terre ! Le vol fut chaotique. Il fallait s'accrocher aux sièges. La nacelle vacillait dangereusement. Le pilote le prenait à la rigolade, mais les policiers se crurent plusieurs fois partis pour le grand plongeon vers la cité-machine. Le bâtiment glauque de la Recouvrance apparut, au milieu d'un grand jardin cerné de lourdes grilles ouvragées. - Ce n'est pas grand, dit Turov. - C'est parce qu'il n'y a qu'un étage au niveau du sol, dit Morand. Les autres sont en-dessous. - Vous connaissez les lieux ? lança Maréchal. Il s'imaginait inévitablement des équipes de sadiques en train de faire des expériences innommables sur des cobayes. - J'y suis venu pour mes études. - Ils vous ont laissé sortir ? dit Faivre. Les policiers sautèrent de l'engin. C'était bon de retrouver le sol d'acier. Seul Turov, habitué, ne semblait pas souffrir de ce trajet éprouvant. Ils traversèrent le parc. La secrétaire du directeur leur dit que le directeur était occupé, qu'il pourrait bientôt les recevoir. - On va faire un tour en attendant. Le bâtiment de la direction était un pavillon à l'écart. Ils retraversèrent le parc vers les étages de traitements. Ils demandèrent à l'entrée où on pourrait trouver Alphonse-François Continus. - Ah, les Continus, dit la dame de l'accueil, ils sont au deuxième sous-sol. - Ce sont des soins particuliers ? - Séjours de courte durée. Maréchal eut un soupir de soulagement pour eux. Les policiers prirent l'ascenseur. Il était très silencieux, ils eurent à peine l'impression d'avoir descendu. Le couloir du deuxième les accueillit avec sa lumière agressive. Faivre était de mauvaise humeur. Ils parcoururent les couloirs, trouvèrent les cellules des Continus : cinq portes avec le même nom. - Vous trouvez ça normal ? dit Faivre. - Du calme, fit Maréchal. Un infirmier arrivait avec un seau d'eau. - Vous ne trouvez rien de spécial sur ces portes ? lui lança Faivre. Maréchal montra sa plaque. - Les Continus, vous voulez dire ? - Ça ne vous a pas frappé leurs noms ? - Si, bien sûr, mais j'y peux quoi, moi ? - Moi, je vous dis que ce sont des enfermements abusifs. - Arrêtez, inspecteur, dit Maréchal, cet homme n'y peut rien. - Je fais mon boulot, moi... - C'est ça... L'homme alla nettoyer une des cellules. - On leur dit quoi ? dit Turov à propos des Continus. - Que voulez-vous leur dire ? dit Morand. Ils vont être soignés. - "Soignés" ? fit Faivre, agressif. Il préféra repartir vers l'ascenseur, bouillant. Maréchal dit juste : - Allons voir cette cellule 912. Où on peut trouver la 912, lança-t-il à l'infirmier ? - Au neuvième étage. - C'est logique. Ils reprirent l'ascenseur. Ils descendaient au dernier étage. Encore une fois, la descente fut silencieuse, presque insensible. - Ce que c'est moderne, ces endroits, dit Turov. Le neuvième était moins bien éclairé. Il faisait plus frais. C'était un unique couloir, très long. Ils montrèrent leurs plaques à l'accueil. - Ce sont quels traitements à cet étage ? - Oh, il n'y a pas de spécialité particulière, dit le gardien. Vous savez, on est en train de restructurer cette institution. On va changer de bâtiments bientôt. Tout ça va être désaffecté. - Où sera le nouveau bâtiment ? - Je ne sais pas bien. Je ne sais même pas si j'y serai affecté. Ce que je peux vous dire, c'est que dans la Nouvelle Recouvrance, chaque étage aura sa spécialité. Ce sera bien plus moderne. - Plus moderne, hein, grogna Faivre. - Bon, allons-y, messieurs. Ils parcoururent le couloir. Ils arrivèrent devant la porte 912. Pas de pancarte accrochée. - Elle est inoccupée. Ils revinrent à l'accueil. - Dites-moi, il est où le 912 ? demanda Morand. - Le 912 ? Le gardien consulta son registre. - On n'a personne dedans pour le moment. - Depuis combien de temps ? - Voyons... Le dernier occupant de la cellule remonte à trois semaines. C'était juste avant l'armistice. Étrangement, Maréchal eut une boule dans la gorge quand il demanda : - Et qui était l'occupant ? Le vigile feuilleta encore son gros registre en vieux papier qui s'émiettait. - Alors, le 912... Voilà : il se nommait Andréï Turov. Les policiers écarquillèrent les yeux. Maréchal regarda le nom sur le registre. "Andréï Turov". L'ex-marin ne savait quoi dire. Il balbutia. Ses collègues le regardèrent, partagés entre l'incompréhension et la crainte. FIN DU DOSSIER
13-01-2011, 08:09 PM
Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé Porte le soleil noir de la Mélancolie. Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie, La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé, Et la treille où le pampre à la rose s'allie. Suis-je Amour ou Phébus ? ... Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la reine ; J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène... Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ; Modulant tout à tour sur la lyre d'Orphée Les soupirs de la sainte et les cris de la fée. (Gérard de Nerval, El Desdichado, Les chimères)
16-01-2011, 01:58 AM
Je dois dire que j'ai toujours su que Turov était louche, un type qui aime autant l'eau, c'est pas sain
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