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02-01-2009, 01:22 PM
(This post was last modified: 16-01-2009, 11:19 AM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 5ème Episode</span><!--/sizec-->
Rat et Boeuf 401
Le cinquième repaire<!--/sizec-->

Les premières neiges constellaient les rues de la Cité du Cri Perdu. C'était des perles blanches qui disparaissaient d'un coup de vent ou qui se changeaient en pluie en touchant le sol.
Les deux soldats qui gardaient la porte du palais du gouverneur Ikoma Mondô, décroisèrent leurs naginatas pour laisser ressortir deux rônins.
- Ma foi, dit Katon, on dirait que les dieux ont décidé de nous sourire !
- J'ai l'impression, dit Manji. Mais je ne sais pas s'ils sourient autant à nos amis...
Les deux amis retournèrent dans le quartier des marchands et s'installèrent à l'auberge. Ils étaient revenus la veille de leur périple à la Cité des Mensonges. Ils étaient venus le matin remettre au gouverneur le colis qu'ils rapportaient de chez les Scorpions. Leur aventure à travers les montagnes leur avait appris, lors d'une nuit dans un temple, que le chef du Lotus Noir, l'organisation criminelle occulte de la ville, n'était autre que Horiu, le rival de Rintaro, celui-là même pour qui Mamoru et Yojiro avaient travaillé !
Katon et Manji trinquèrent à la santé de leurs amis, dont ils n'avaient aucune nouvelle. Ils ne soupçonnaient pas à quel point ils étaient égarés dans les montagnes du toit du monde.
- Espérons qu'ils soient bientôt de retour.
- Oui, que les dieux les protègent...
Les deux rônins ressortirent de l'auberge et allèrent voir leur patron-san adoré !
- Ah vous revoilà, vous deux !...
- Nous sommes honorés d'être de retour pour vous servir !
- Alors, quelles nouvelles ?
- Hélas, dit Katon, pas forcément de bonnes nouvelles.
- Quoi donc ?
- Nous en avons appris davantage sur le Lotus Noir...
- Sur ces criminels, et alors ?
- Nous savons qui est leur chef... C'est Horiu !
- Quoi !
- Oui, Horiu...
- Ce misérable, ce traître, ce !...
Rintaro s'étouffait de rage.
- Nous allons de ce pas lui rendre visite, dit Manji. Nous avons tué deux de ses complices en route. Le traître ne doit pas s'attendre à nous voir arriver...
- Bonne idée !... D'autant que je l'ai encore croisé, tout à l'heure ; il sortait d'un de ses débiteurs avec ses hommes de mains...
Rintaro s'en frottait les mains : avec son principal concurrent sorti du jeu, il n'aurait plus de rival de sa taille dans son quartier.
Manji et Katon partirent à la maison de Horiu. Ils ne trouvèrent personne devant la porte. A l'intérieur, personne non plus. La maison avait été abandonnée, brusquement.
Les deux rônins firent le tour des pièces : même les serviteurs avaient disparu.
- C'est insensé ! Comment aurait-il pu savoir que nous venions !
- Personne n'était au courant, dit Manji. Personne n'a pu le prévenir. Nous venons juste d'en parler à Patron-san.
- Nous voyant revenir des montagnes, Horiu a pu prendre ses jambes à son cou avant que nous ne le dénoncions...
- Il serait parti hier, à notre retour, ou ce matin. Mais Rintaro l'a vu ce matin. Là, on voit qu'il a déménagé brusquement...
- Alors rentrons, dit Katon, frustré.
- Oui, le travail nous attend !
Manji ne se trompait pas : Rintaro n'allait pas laisser ses deux meilleurs hommes sans rien faire !
Il les assigna à la surveillance de sa maison de jeux flambant neuf, la Divine chance. Nos deux héros s'assirent donc à l'entrée de l'établissement. Le trou dans le toit était enfin réparé.
Les clients venaient nombreux ce jour-là. Ils regrettaient l'absence de Maya.
- Elle sera bientôt de retour, disait Patron-san, bientôt, bientôt...
Pour compenser, Rintaro avait fait les choses en grand : il avait redécoré les murs, engagé de nouvelles "hôtesses" et fait venir de nouveaux jeux de hasard. Lui-même s'habillait de couleurs pimpantes et surveillait son établissement comme une lionne surveille ses petits.
Le soir, les deux gardiens voyaient arriver le rônin borgne et manchot, Sazen, qu'ils avaient croisé lorsqu'ils recherchaient le "pot d'un million de kokus". Le vieillard avait fait des affaires grâce à nos héros, en se faisant racheter cette précieuse jarre et aujourd'hui, il venait jouer son argent.
Manifestement, malgré son âge et ses blessures, il prenait la vie du bon côté ; il alla à la table de jeu, paya une tournée générale et fit venir des filles autour de lui. Rintaro était évidemment content d'avoir un bon client ; il avait eu peur au début que ce vieux débris fasse fuir la clientèle, mais ce vieillard faisait hurler de rire l'assistance. Il pinçait les seins des filles et leur tapait sur les fesses, il resservait lui-même les gens, comme si c'était ses vieux amis. Il fut la vedette de la soirée et ne partit que très tard en laissant encore de généreux pourboires aux serveurs.
- Sacré polichinelle, bailla Rintaro, qui tombait de sommeil.
Le surlendemain, dans la journée, Sazen était de retour. Manji et Katon étaient toujours à leur poste.
Le vieil estropié venait de rentrer dans la maison de jeux, quand trois rônins s'approchèrent de l'entrée, la main sur le katana. Aussitôt, nos deux samuraï se levèrent :
- Oh là ! dit Manji. Que voulez-vous ?
- Nous voulons parler à ce vieillard qui vient de rentrer...
- J'ai bien peur, dit Katon, qu'il vous faudra attendre qu'il sorte.
- C'est une affaire d'honneur. Nous voulons juste qu'il sorte.
L'un des rônins cria :
- Sazen ! Sors de là !
Manji mit la main sur son sabre :
- Suffit maintenant ! Partez !... Vous n'avez pas à déranger nos clients !
Le rideau s'ouvrit alors et Sazen apparut sur le seuil.
- Que se passe-t-il ?
- Rentrez, je vous en prie, dit Manji. Nous allons faire partir ces gêneurs.
- Mon nom est Juro, dit le plus grand et le plus âgé des trois rônins. Nous avons été engagés pour te faire sortir de cette ville.
- Qui vous a engagé ? demanda Sazen.
- Tu le sais bien ! Allons, ne fais pas tant d'histoires.
- Je refuse de vous suivre.
- Tu nous ne laisses pas le choix ! Bats-toi !
Les rônins reculèrent d'un pas. Manji et Katon s'étaient interposés.
- C'est bon, je suis à votre disposition, soupira Sazen.
- Hors de question, fit Manji. Vous êtes chez Rintaro et nous ne laisserons pas ces soudards vous gêner. Je prendrai votre place !
- Cet homme, Juro, est un vétéran dans l'art du sabre, dit Sazen.
- Je sais aussi tenir une arme, vénérable vieillard.
- Vous êtes au service de Rintaro, pas du mien.
- Cela revient au même : je ne serai pas gardien de cette maison si je laissais ces mercenaires se battre contre vous.
- Vous êtes un homme de coeur, Manji-san. J'accepte.
- Bien !
Juro se mit au milieu de la rue et ses deux acolytes s'écartèrent.
Manji respira et se prépara mentalement au combat. Sazen se tenait prêt de lui. Manji se retourna pour faire un signe à Katon : il vit alors que ce dernier n'avait pas perdu de temps ! Il était en train de prendre des paris ! Il y avait du monde qui ressortait de l'établissement et des passants qui s'agglutinaient derrière le shugenja !
Manji fit de son mieux pour garder son calme !
- Nous y sommes ? lança Juro.
- Oui...
Les deux duellistes se mirent face à face. Sazen recula.
La tension montait lentement entre les deux opposants. Le vieux rônin regardait, inquiet, de même que Katon. Sazen savait que Juro n'en était pas à son premier affrontement d'homme à homme, et qu'il connaissait quelques bottes secrètes.
Manji approchait la main de son pommeau, sans quitter du regard Juro, qui le dépassait d'une demi-tête.
Les deux hommes dégainèrent, soudains et précis comme l'éclair. Mais Juro avait réagi un peu plus vite, et il devança Manji : il lui fit une nette entaille à l'épaule, qui arrêta le coup du champion de Sazen.
Manji recula, et se retint de gémir.
Sazen s'approcha, inquiet.
- Tout va bien, honorable vieillard...
Juro soupira et rangea son arme. Il regarda Sazen et Manji, indécis. Il les toisait de haut et pourtant, il ne les méprisait pas.
- Allons, dit le rônin, tout ceci est ridicule...
- Je suis à ta disposition pour me battre, lança Sazen.
Juro haussa les épaules et fit signe à ses deux suiveurs qu'ils partaient.
- Il n'y a pas de honte à perdre contre lui, dit Sazen. Juro en a vu d'autres. A ton âge, il avait déjà mené plusieurs duels... C'est pour ça qu'il a été engagé contre moi...
- Pourquoi n'a-t-il pas voulu se battre directement contre vous ?
- Je ne sais pas...
Sazen avait un mauvais pressentiment.
Derrière, la foule se dispersait. Katon avait fini d'empocher les paris. Il ne perdait pas son entrain, lui !
- Tu as au moins réussi à faire de l'argent sur cette histoire... Je suppose que tu as l'argent des gens qui pariaient sur moi...
- Pas du tout ! J'ai parié que tu perdrais ! Ce n'est pas moi qui centralisait les paris ! J'ai juste joué avec plusieurs gens !
Manji soupira encore : trahi par son seul ami !...
A suivre...
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14-01-2009, 03:04 PM
(This post was last modified: 15-01-2009, 11:47 AM by Darth Nico.)
Lire la fin ci-dessus<!--sizec--><!--/sizec-->
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
On ne revit pas Juro dans les jours qui suivirent. Les informateurs de Rintaro firent remonter la nouvelle qu'il résidait dans une auberge, à l'autre bout du quartier des marchands.
C'est le surlendemain du duel que Maya, Mamoru et Yojiro, fatigués, amaigris, réapparurent en ville.
- A boire, s'exclamèrent les deux anciens Crabes en entrant chez Patron-san.
Ils se commandèrent un gros repas et ronflèrent aussitôt après.
- D'où ils reviennent dans cet état ? demanda Patron-san.
Maya avait mangé un peu plus de grains de riz qu'à l'habitude et expliqua posément que c'était la faute de Yojiro, de toute façon, et à ce pont...
Manji et Katon ne comprirent rien à ses explications. C'est seulement quand les deux membres de la B.E.C. (Brigade d'Enquête Crabe, rappelons-le) se réveillèrent que l'on put avoir des explications cohérentes.
- Nous desespérions de vous revoir, dit Manji.
- Vous n'êtes pas revenus pour rien, car nous en avons une bonne à vous apprendre, figurez-vous !
- C'est au sujet de votre patron, ce cher Horiu...
- Hé bien quoi ?
- C'est un traître ! Le chef du Lotus Noir en personne !
Yojiro et Mamoru, qui prenaient un thé pour se réveiller, s'étranglèrent.
- Quoi !
- C'est bien comme on vous dit...
Manji expliqua comment ils l'avaient appris : l'étape dans le temple des montagnes du toit du monde.
- Évidemment, il a disparu avant notre retour.
Même nos deux samuraï de la BEC, qui avaient généralement les épaules solides, étaient abasourdis par cette révélation.
- Si on n'avait pu se douter...
Un qui se réjouissait de cette traîtrise, c'était bien sûr Rintaro. Le discrédit complet de Horiu éliminait son principal rival. Patron-san alla donc négocier avec les subordonnés et associés de Horiu pour récupérer à son profit ses commerces. Il en racheta une partie, qui faisait de lui le plus gros marchand de la Cité du Cri Perdu.
Le soir, il priait et pleurait à chaudes larmes de reconnaissances devant son petit autel à Daikkoku, Fortune de la richesse.
- Merci, merci, puissante fortune, de m'avoir envoyé ces samuraï et d'avoir fait de cet ignoble Horiu un ignoble traître !
Rintaro engagea du personnel supplémentaire et c'est ainsi qu'il prit à son service une femme rônin, au charme discret et pénétrant, qui maniait en virtuose le yari. Elle se nommait Yatsume et devint vite l'amie de nos héros...
La BEC, qui se retrouvait sans employeur, avait généreusement recrutée par Rintaro. C'est pourquoi ce dernier demanda à Yojiro de tester la valeur de cette jeune rônin qui prétendait entrer à son service.
Yojiro accepta et se mit face à cette Yatsume. Celle-ci s'était mise en garde avec son yari, comme une tigresse prête à bondir.
Manji et les autres se demandaient si Rintaro n'y allaient pas un peu fort, et s'il était nécessaire d'en venir au sang dès le début... Yojiro voyait son adversaire résolue et savait qu'il ne pourrait faire semblant de frapper... Même Rintaro grimaça, regrettant par avance le sang qui allait couler. Katon n'avait pris de pari cette fois.
Yatsume eut un léger mouvement, Yojiro allait dégainer, quand il sentit ses jambes se dérober sous lui ! Il fut retourné comme une crêpe et se retrouva les quatre fers en l'air, fauché par le manche du yari !
Il s'étala de tout son long et tout le monde éclata de rire !
La terrible Yatsume regarda l'assistance, et Patron-san : elle était déjà adoptée !
Bonne gagnante, elle aida Yojiro à se relever. Les duels contre les femmes ne lui réussissaient vraiment pas.
en plus de leur emploi auprès de Rintaro, Manji et Katon avaient pris en main l'organisation des rônins dans la Cité du Cri Perdu.
C'est à dire qu'ils avaient repéré l'auberge où se retrouvaient nombre de rônins. Ils voulaient regrouper les meilleurs d'entre eux (les plus honorables) pour former un clan. Ils avaient entendu parler sur les routes du "clan du Loup". C'était le nom officieux que s'étaient données plusieurs bandes de rônins de par l'Empire.
Manji et Katon estimaient qu'ils n'avaient pas déchu de leur rang de samuraï par une faute d'honneur, mais qu'on les avait piégés. Ils voulaient réunir les hommes sans clan dans le même état qu'eux, et pouvoir les unir sous une bannière.
Grâce à leur charisme, Manji et Katon s'étaient vite attirés la sympathie des rônins. Ils leur redonnaient espoir. Ils leur donnaient une raison de vivre, de se battre.
Bientôt, un des établissements de la ville devint leur repaire attitré. Ils se firent coudre une bannière du Loup et on célébra cette union nouvelle toute la nuit durant.
Le clan du Loup était né.
Désormais, ses membres seraient fidèles à certains idéaux de justice, d'honneur, et des autres valeurs régissant la vie des samuraï de clan. Manji fut bien sûr nommé chef, et Katon devint son bras droit. En réalité, ce dernier avait une certaine passion pour les intrigues et la méfiance, et se considérait déjà comme le chef d'une police secrète au sein du clan du Loup !
Une sorte de shinsen-gumi occulte !
Le clan ne comptait pas encore une vingtaine de membres que deux d'entre eux étaient déjà au service de Katon pour glaner des renseignements sur les autres !
Manji laissait faire, sans bien comprendre les ambitions de son ami.
La BEC fut invitée à rejoindre le clan, de même que Yatsume. En revanche, Maya fut poliment mais fermement refusée.
- Je ne veux plus la voir, répétait Manji à qui voulait l'entendre.
Il fallut peu de temps avant que la réputation du "clan du Loup" ne remonte aux oreilles du gouverneur de la Cité, Ikoma Mondô. C'est pourquoi il fit amener devant lui Manji.
Notre héros redoutait le pire. On aurait pu le prendre pour un agitateur, un rebelle.
- J'apprends qu'il y aurait un nouveau clan en ville, fit le Gouverneur, très calme.
- Non, seigneur. Nous ne sommes pas un clan...
- Alors j'ai mal lu votre bannière...
Il en jeta un exemplaire aux pieds de Manji.
Front contre terre, le chef des Loups ne savait quoi dire.
- Relève la tête.
Le Gouverneur fixa Manji attentivement dans les yeux.
- Il me plaît autant que les rônins de ma Cité soient réunis sous une même bannière, fit doucement Mondô-sama. Ainsi, en cas de problème, je saurai où vous trouver. Et je n'aurai pas de mal à couper la tête de votre organisation.
Manji avait mal à la nuque...
- Et même mieux, à vrai dire... Je vais te charger d'une mission, Manji... Puisque vous êtes des hommes si honorables, si fiables, je vous charge de surveiller le quartier marchand.
Surpris, notre héros ne sut que répondre.
- Tu m'as bien entendu. C'est à moi que tu rendras compte. Vous serez responsable de l'ordre et de la sécurité dans le quartier. Je ne veux pas entendre parler de problèmes là-bas.
- Bien seigneur !
- Ton clan touchera une dîme de la part des marchands, pour votre subsistance.
- Bien seigneur !
- En échange, tu protégeras mes marchands. Et je ne veux aucun remous.
- Bien seigneur !
- Tu peux aller.
Manji se retira en vitesse. Quand il allait apprendre ça aux autres !...
... On l'applaudit en levant les chopes de bières !
On hissa bien haut la bannière du clan du Loup au-dessus de l'auberge, qui fut renommée "Auberge des chemins".
- Vive Manji ! Vive Manji !...
Katon se frottait les mains. Ils n'auraient pas le ventre creux pour passer l'hiver ! Rintaro aussi se frottait les mains : lui qui parrainait le chef et le bras droit de ce "clan", il n'aurait pas d'ennuis ! Il avait les "Loups" dans sa poche.
De fait, il devint le marchand attitré du clan et ses maisons de plaisirs ne désemplissaient pas.
Alors que tout le monde avait déjà bien bu, on vit entrer un vieillard estropié : Tange Sazen. L'assistance s'arrêta de boire et de rire et regarda le vieil homme, qui regardait de son oeil unique et noir chacun d'entre eux. Il s'avança vers le comptoir et commanda un sake. On se demandait s'il venait régler un compte. Il avait une attitude à vouloir tuer quelqu'un.
- J'ai entendu parler d'un nouveau clan...
Manji s'avança vers lui, résolu, au beau milieu des rônins silencieux :
- Honorable Sazen, voulez-vous en faire partie ?
Sazen finit tranquillement son verre. Puis il sourit :
- J'ai pensé que vous pourriez avoir besoin de l'aide d'un vieux débris comme moi !
Tout le monde rit et leva son verre. Et ce furent encore des agapes pendant une partie de la nuit.
Le lendemain matin, à l'aube, Manji retrouva Sazen près de la rivière du temple, où celui faisait ses exercices, ses ablutions et sa prière du matin. La brume ne s'était pas encore dispersée. Dame Soleil allait passer l'horizon. Les animaux de la nuit couraient encore dans les hautes herbes. Le monde était très froid et comme laiteux, suspendu entre l'obscurité et le jour.
- Senseï...
Manji s'inclina devant le vieillard.
Ces derniers jours, il avait entendu parler de Sazen, dans les auberges, dans les maisons de jeux de Patron-san. Plusieurs personnes lui avaient donné des versions similaires :
- Ce vieillard n'a pas perdu un oeil et un bras en se coupant par accident avec son arme. C'est un redoutable duelliste. On dit qu'il a derrière lui une traînée de sang... Il vient du sud, au-delà des montagnes du toit du monde. Pas mal, pour un vieillard comme lui, d'avoir fait pareil voyage. Il a commencé à se faire connaître l'hiver dernier. Il est arrivé sur les terres des Lions au début du printemps... Derrière ses airs de petits vieux sur la fin, c'est un maître du sabre, tu peux me croire. On dit qu'il a affronté une dizaine, je dis bien une dizaine d'ennemis, à la suite, en duel singulier ! C'est là qu'il aurait été estropié !... On dit que depuis, il cherche à retrouver ses ennemis, à se venger d'eux. Qu'il les retrouvera un par un, pour leur faire payer ce qu'ils lui ont fait ! Pour répondre à tous les défis qui lui ont été lancés.
- Ma foi, on dirait que c'est quelqu'un qui ne prend pas l'honneur à la légère, estima Manji. Il me plaît !
- Le fait est que... mais c'est peut-être une légende... Le fait est qu'on lui prête une technique secrète. Imparable. Imparable. Invincible. Quand il l'utilise, tu ne peux pas la voir venir : tu es déjà mort.
- Intéressant. Mais je crois qu'un samuraï n'a pas besoin de technique secrète. Il a besoin de son courage, de son honneur et de la force de ses Ancêtres.
Le fait est que Manji mourait d'envie d'apprendre cette technique !
Ce matin-là, donc, il venait faire sa demande. Sazen finissait juste de se rhabiller. Malgré son bras amputé, la vilaine balafre qui courait sur son visage, et quelques cicatrices à la poitrine, c'était encore un bel homme. A plus de quarante ans, il était musclé, vif, souple.
- Senseï, j'ai entendu parler de vous. Votre réputation. On dit que vous êtes un grand maître. Je n'ai pas su vous défendre. J'ai échoué face à ce Juro. Malgré cela, je vous conjure de m'apprendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu, de votre art du sabre.
Sazen finit de se rhabiller.
- Qu'est-ce qui te fait croire que je pourrais t'aider ?
- Parce que vous savez tout et je ne sais rien !
- Tu te sous-estimes. Tu as de l'honneur, du courage, de la fierté. Moi, je ne suis qu'un vieux débris.
- Je suis certain que vous êtes capable de vaincre sans peine n'importe quel samuraï de cette ville. Et je ne parle pas que des rônins.
Manji fixait le sol mais il était sûr que Sazen souriait.
- Allons, relève-toi. Si j'acceptais qu'on se mette à genoux devant moi, cela voudrait dire que je me prendrais pour un vrai senseï. Ce qui est ridicule.
Manji se releva lentement mais garda la tête baissée.
- Allons, dit Sazen en lui mettant la main sur l'épaule, c'est entendu, je te prends comme élève. Mais n'en attends quand même pas trop de moi !
- Merci, senseï !
- Et pour commencer, allons boire un bon thé chez cette crapule de patron-san ! Il a une spécialité de thé rouge aux épices qui vous donne un bon coup de sang pour démarrer la journée !
Les deux hommes partirent en riant. L'entraînement commença dans la journée.
Ils s'entraînaient au bokken. Manji prit conscience d'une partie du talent de Sazen : il s'apercevait que ce soi-disant vieillard à bout de souffle était capable de le vaincre d'une main. Du petit doigt même s'il voulait !
Il maniait son arme à la vitesse de l'éclair, avec une agilité démoniaque ; des mouvements surprenants, hardis, aptes à prendre au dépourvu n'importe quel adversaire !
Manji était en nage, tandis que Sazen était à peine essoufflé. Il savait obtenir un maximum d'effets avec un minimum de moyens, tandis que Manji, pourtant élevé dans le style sobre et digne des Shiba, peinait à porter le moindre coup sans se fatiguer.
- Tu as encore des progrès à faire, constata Sazen. Tes attaques sont prévisibles, ta garde est pleine de trous, tes enchaînements trop lents... Il va falloir faire mieux !
Manji n'osait pas demandé, mais la question lui brûlait les lèvres chaque jour : la technique secrète !
Mais quand il entendait les appréciations de Sazen, il se retenait : il était encore loin de pouvoir y prétendre !
A suivre...
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Les choses sont bien faites
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Elle s'est passée comment l'arrivée de Yatsume déjà ?:o
Y aurait pas eu une histoire d'un affrontement avec Yojiro, où elle l'aurait fait choir d'un coup de manche de yari dans les jambes ?
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15-01-2009, 12:03 PM
(This post was last modified: 15-01-2009, 02:15 PM by Darth Nico.)
Lire la fin ci-dessus<!--sizec--><!--/sizec-->
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Ce jour-là, tandis que Manji était à son entraînement, Katon était déjà à l'auberge des chemins, où il s'entretenait avec ses "informateurs". D'autres membres du clan du Loup étaient là.
- Nous savons, Katon, que d'autres groupes de rônins se sont constitués en "clan du Loup". Certains de ceux présents ici ont eu des contacts. Habituellement, ces groupes se nomment des "repaires". Il y en a déjà au moins trois, au nord des montagnes du toit du monde. Nous, nous serions donc le quatrième repaire.
- Très bien. Il faut entrer en contacts avec eux. Il faut pouvoir communiquer avec eux, s'échanger des informations.
- Comme tu t'en doutes, Katon, la localisation de ces repaires est assez secrète. Pas complètement, cependant...
- Et je suis sûr que vous me l'apportez ?
- Tout à fait, dit l'un des émissaires en souriant. Nous avons interrogé les personnes qu'il fallait, et nous avons pu tracer des cartes...
- Excellent, vous avez bien travaillé.
Katon leur donna une récompense en pièces sonnantes et trébuchantes.
Manji arrivait peu après et Katon le mit au courant.
- Nous devons trouver le moyen de nous unir, disait Katon, en tapant dans son poing. Former un véritable clan du Loup.
- Tu vas un peu vite, dit Manji. La force des Loups est de constituer des petits groupes mobiles. Si nous nous réunissons, nous serons trop visibles, trop menaçants et il y aura des représailles.
- A ce sujet, j'ai appris une mauvaise nouvellle, dit Katon à voix basse.
- Quoi donc ?
- Jukeï est de retour.
- Otomo Jukeï ?
- Oui, il pourrait prendre ses quartiers d'hiver chez le Gouverneur.
- Il n'en a donc pas fini avec ses collectes d'impôts ?
- Il se pourrait bien qu'il vienne à la chasse au rônin cette fois-ci...
- Raison de plus, dit Manji, pour respecter ce que je disais : garder les repaires secrets... Allons, viens, patron-san va nous attendre. Il a de gros joueurs à ses tables aujourd'hui.
La vie continua ainsi dans le quartier marchand, pendant tout le mois du Rat (début de l'hiver) et une partie du mois du mois du Boeuf.
Les informations reçues par Katon étaient vraies : alors que la moitié du mois du Boeuf était écoulé, on annonça l'arrivée du contrôleur général Otomo Jukeï, capitaine du shinsen-gumi, au palais du gouverneur.
- Maya va dormir dans un bon lit ce soir, dit Yojiro.
- Qui est-ce, cet Otomo Jukeï ? demanda Yatsume.
Celle-ci dînait avec la BEC dans une petite auberge près du fleuve.
- Otomo Jukeï, la peste l'emporte, expliqua Yojiro. C'est un homme du Gozoku, et féroce avec ça. Il traque les rônins. Et le fait est qu'il est arrivé ici presque en même temps que nous. Sur sa route, il a croisé Maya, et en a fait sa favorite, pendant un temps. Ensuite, il l'a délaissée. Quant aux autres rônins, il n'attend qu'une occasion pour les embrocher !... Autant dire qu'on ferait mieux de se tenir à carreaux !
- Quelle histoire, soupira Yatsume. Il va falloir être très vigilants !
- Ne t'inquiète pas pour le moment. Continuons notre travail chez Patron-san. Il paye bien. On a de quoi passer l'hiver au chaud et le ventre plein et c'est l'essentiel !
A l'auberge des chemins, Katon avait sa table réservée, dans un coin de la salle. Par mesure de précaution, on avait abaissé de quelques crans le fier étendard du clan du Loup, de peur de voir débarquer, la bave aux lèvres, Jukeï et ses hommes.
- Les Loups vont hiverner, dit Katon.
Le soir de l'arrivée de Jukeï, trois nouveaux rônins entrèrent dans l'auberge : on ne les avait pas vus depuis des semaines. Juro et ses deux hommes ! Comme par hasard...
Katon se leva et alla au-devant de lui :
- Que viens-tu faire ici ?
- Ma foi, dit Juro en retirant ses mitaines pleines de neige, je viens boire un verre.
Katon l'invita à sa table, toujours méfiant.
- Écoute, dit Juro en se versant du thé, je ne viens pas ici en ennemi. La dernière fois, si j'avais voulu, j'aurais été en droit d'emmener Sazen. J'avais vaincu son champion, après tout, non ?
- Pourquoi ne l'as-tu pas fait ?
- Je ne sais pas... Sans doute parce que je ne voulais pas me mettre à dos tous les rônins de la région... Et que j'ai senti que Manji était quelqu'un d'honorable. C'est à ce sujet que je viens.
- Que veux-tu dire ?
- Si honorable que soit ce Manji, il s'illusionne sur le cas de Sazen. Il se fit aux belles légendes qu'on entend dans les tavernes de cette ville sur le rônin borgne et manchot. La vérité, je vais te la dire, et elle est moins belle à entendre. Tange Sazen était, comme on peut s'en douter, un senseï dans son clan. Seulement, il s'était attiré les foudres de nombreux personnages. C'était un coureur de jupons, vois-tu... Et un jour, les maris trompés se sont réunis. Et les cocus ont généralement de la ténacité dans la vengeance. Ils sont arrivés au dojo de Sazen, l'ont défié en duel. Un par un.
- Combien étaient-ils ?
- Dix, douze ?... Seul Sazen le sait exactement. Et combien en a-t-il vaincu ? Peut-être quatre, peut-être six. On ne sait pas. Mais il a fini par être vaincu. Il y a laissé un bras et un œil, et son statut de samuraï.
- Et depuis, il veut se venger des autres ?
- Il veut les provoquer en duel, à leur tour. Seulement, ce que tu ne sais pas, c'est le nom de la personne qui était à la tête des conjurés...
- Qui est-ce ?
- Otomo Jukeï.
Katon ne dit rien pendant quelques secondes. Il avait du mal à avaler.
- Tu voudrais dire que Jukeï est revenu...
- ... pour attraper Sazen, oui. Et que si le clan du Loup le protège, il encourra la colère du shinsen-gumi. A ta place, je chercherais à éviter ça.
Ni Katon ni Juro ne se doutaient qu'au même moment, Maya sortait des draps du capitaine Jukeï. Celui-ci, très satisfait, se faisait apporter un verre de saké par une servante.
- Tu as dû en apprendre des choses, depuis le temps que tu es là...
- Je ne sais pas trop, dit Maya.
- Non, tu ne sais pas ?... J'ai appris ton langage : tu veux me dire que tu as plein de choses à m'apprendre...
Pourquoi Maya faisait-elle cela ? Même pas par vénalité, car elle ne se faisait pas payer. Elle cédait, c'était tout, devant plus fort qu'elle. Jukeï avait été le premier. Depuis, elle n'osait pas refusait. Il était tout-puissant pour elle.
- Écoute moi. Il y a en ville quelqu'un que tu as dû remarquer, Maya. Un vieillard éclopé. Un vieux débris...
- Je me renseignerai...
Jukeï l'attrapa par le bras :
- Oui, tu vas te renseigner, et vite encore. Je veux que cet homme me soit livré, c'est compris ? C'est pour lui que je suis venu. Et gare à d'éventuels complices. A d'autres rônins susceptibles de l'aider, compris ?
- Oui, j'ai compris...
Maya prit ses affaires et s'en alla.
Juro terminait son thé.
- C'était évidemment Otomo Jukeï qui m'avait engagé. Mais il ne comptait guère sur moi. Il a engagé pas mal de monde. Seulement, ceux qui se sont frottés à Sazen s'y sont piqués...
- Il est si fort que ça ?
- Tu as bien dû entendre parler de sa technique secrète...
- J'en ai entendu parler, oui, dit Katon, mais c'est tout.
- C'est une technique qu'il aurait développée dans son dojo, avec ses élèves.
Juro reprit du thé :
- Il n'est pas impossible, d'ailleurs, qu'Otomo Jukeï ait voulu découvrir cette technique (lui ou le Gozoku), que Sazen ait refusé de la donner. Et qu'on ait éliminer Sazen ensuite.
- Ce sont des suppositions, dit Katon. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la sécurité du clan du Loup.
- Si Jukeï découvre que Sazen entraîne le chef de ton clan, cela fera mauvais genre, tu ne crois pas ?
- Je pense oui. Mais toi, que viens-tu faire dans cette histoire, Juro ?
- Je ne veux plus de cette vie errante. J'ai besoin d'un toit, de chaleur, de compagnie. Je viens te demander de faire partie de ton clan.
- Tiens donc...
- Je ne suis plus tout jeune, Katon. Je ne me vois pas passer le reste de l'hiver dehors. Tu n'as aucune raison de me refuser. Je n'ai offensé personne d'entre vous.
Il n'ajouta pas : "et j'ai vaincu ton chef en duel", mais c'était sous-entendu.
- Je demanderai son avis à Manji.
- Je peux t'aider à joindre les autres clans du Loup, Katon. J'ai visité plusieurs repaires.
- Combien en connais-tu ?
- Quatre.
- Avec celui-ci ?
- Non, dit Juro. Quatre sans celui-ci. Celui-ci est le cinquième.
- Tiens donc. On m'avait parlé de trois.
- Il y en a un quatrième, non loin de cette Cité. Il se pourrait d'ailleurs qu'il ait besoin de votre aide.
- Pourquoi pas...
- Si les Loups ne s'entraident pas...
- Tu me dis que nous serions donc ici, le cinquième repaire ?
- Oui.
- Bien. Je dirai à Manji que tu souhaites rejoindre notre clan.
- Je te remercie. En attendant, mes hommes et moi prendrons une chambre dans cette auberge. Et ne t'inquiète pas : je ne suis pas un mouchard de Jukeï. Crois-tu que je serai allé me représenter devant lui, sans ramener Sazen ?
Katon ne dit rien et salua Juro avec son verre.
Avec un groupe de rônins solides et bien organisés, et le soutien financier de Patron-san, le clan du Loup profita du milieu de l'hiver pour s'organiser. Ce qu'on craignait par dessus tout, c'était une action prématurée d'Otomo Jukeï, avant le printemps.
- L'hiver est généralement une période d'accalmie, entendait-on dans l'auberge des chemins. Jukeï ne va pas nous tomber dessus dès maintenant.
- D'accord, mais pourquoi viendrait-il passer l'hiver dans notre Cité, alors qu'il pourrait profiter des fastueux palais impériaux ? Il faut qu'il soit drôlement acharné à retrouver Sazen.
- Il n'a peut-être pas le choix, qui sait ?
L'entraînement de Manji continuait. De plus en plus intense, de plus en plus ardu. Sazen ne le ménageait pas, et Manji apprit énormément en l'espace de quelques semaines.
- Allons, j'arriverai à faire de toi un duelliste convenable, souriait le vieux rônin.
Les gardes se succédaient pour les rônins. Les établissements de jeux de Rintaro divertissaient tout le quartier marchand.
Katon continuait d'organiser ses informateurs :
- Le Lotus Noir n'a pas pu plier bagage comme ça, du jour au lendemain. J'ai besoin de traces, j'ai besoin d'une piste. Il faut retrouver ce fumier de Horiu ! Apportez-moi quelque chose !
- Bien, Katon !
Il demanda à parler à Juro :
- Tu m'as parlé de ce quatrième repaire ?
- A cette saison, il doit être sous la neige...
- Écoute, je veux envoyer une expédition là-bas, pour le retrouver.
- En plein hiver ?
- Oui. Jukeï peut nous tomber dessus à tout moment. Il nous faut un plan de repli en cas d'urgence.
- Si tu parviens là-bas, tu seras à l'abri, car l'endroit est difficile à localiser.
- C'est ce qu'il me faut...
Katon fit signe à l'aubergiste de servir du saké. Il en versa une bonne rasade à Juro.
Celui-ci sortit des plis de ses vêtements un gros parchemin en peau de bête. Il l'étala sur la table :
- Bon, regarde bien...
L'auberge était encore bondée ce jour-là. Personne ne mettait le nez dehors à cause du verglas et de la neige. Et les Loups étaient les rois du monde dans cette auberge : c'était chez eux et personne d'autre. Depuis qu'ils avaient reçu du gouverneur le pouvoir de maintenir l'ordre dans le quartier, ils avaient éliminé plusieurs bandes de yakuzas qui refusaient de se plier à leur loi. Les gros bras du clan avaient jeté le nez dans la boue glacée plusieurs récalcitrants.
- Très intéressant, dit Katon. Il faut que j'en parle à Manji.
Juro repliait sa carte
La BEC et Yatsume furent convoqués le soir par Manji et Katon.
- Nous avons une mission pour vous, déclara solennellement Manji.
En fait, il n'était pas vraiment capable de se prendre au sérieux quand il disait ça devant la BEC. Il en rajoutait exprès.
- Nous allons vous envoyer prendre l'air à la campagne !
Yojiro et Mamoru grimacèrent d'incompréhension.
Katon expliqua la teneur de la mission.
- Intéressant, dit Yojiro.
Il avait été élevé dans une famille d'explorateurs. Il devinait déjà les dangers potentiels.
- Nous trouverons ce repaire, affirma-t-il.
- Bien, dit Manji, et prenez Maya avec vous ! Elle a besoin de prendre l'air, elle aussi !
Ce fut l'arête qui resta en travers de la gorge de nos héros !
Et dès que les courageux désignés volontaires eurent le dos tourné, Manji et Katon se tapèrent dans le dos et s'offrir à boire, bien contents d'avoir écarté cette traîtresse d'espionne d'Ize-Zumi !
A suivre...
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ah ui trinquer au chaud pendant que vous sortez l'ize zumi, c'est trop bon
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15-01-2009, 03:27 PM
(This post was last modified: 15-01-2009, 04:04 PM by Darth Nico.)
Lire la fin ci-dessus<!--sizec--><!--/sizec-->
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Maya, Mamoru, Yatsume et Yojiro partirent par la route du sud-ouest, à travers la campagne que recouvrait une neige impénétrable. En cette saison, rares étaient ceux qui s'aventuraient sur ces routes. Même les bandits de grands chemins sortaient peu.
On arrivait dans l'ouest des terres du clan du Lion, non loin des anciens territoires du clan de la Licorne, avant que ce clan ne partent, voici quatre cent ans, en direction des Sables Brûlants.
C'était une région sauvage, peu contrôlée par les Lions. On pouvait déjà sentir les vents du grand ouest souffler. Plus au nord, c'était la Cité de la Grenouille Riche, et bientôt à l'ouest, le grand fleuve qui faisait la frontière avec les anciennes terres des Iuchi. Au sud, la forêt du clan du Renard.
Yojiro se demandait si c'était une bonne idée d'avoir emmené Maya. Car quoi ! si elle était bien une espionne, elle était capable d'aller donner à Otomo Jukeï, dès son retour, la localisation du quatrième repaire.
En avançant sur cette grande route solitaire, nos héros croisèrent plusieurs villages qui avaient été attaqués.
- Il y a des pillards dans la région ? demanda un soir Yojiro.
- Hélas, c'est bien pire que cela...
Les paysans étaient réticents à parler. D'une manière générale, ils ne parlaient pas trop aux étrangers, encore moins aux rônins.
Toutefois, quand ceux-ci offrirent une éventuelle protection si on leur en disait plus, les langues se délièrent. Après tout, les Matsu étaient loin. Ils ne sortiraient pas de leurs palais fortifiés pour venir en aide à leurs paysans. Pas en cette saison.
- Des bandits, non, hélas. En un sens, c'est bien pire. Nous sommes la proie d'une bande de moines...
- Des moines ?
- Oui, une secte.
- Que vous veulent-ils ?
- Ils nous rançonnent.
- Voyez-vous cela ! lança Yatsume. Drôle d'attitude pour des moines.
- Ce ne sont pas des saints, hélas non... Ce sont des guerriers. Ils s'entraînent comme des soldats, avec une dévotion fanatique. On dit qu'ils tuent ceux d'entre eux qui ne sont pas assez forts pour suivre leur entraînement. Ils sont très dangereux.
- On dirait bien. Ils ont un nom ?
- Ils se font appeler la secte du Lotus Blanc.
- Comment as-tu dit ? Le Lotus Blanc ?...
- Oui.
Nos héros se regardèrent.
- Il faut les trouver, dit Mamoru. Ils nous méneront forcément au Lotus Noir.
- Oui, ça ne peut pas être un hasard, dit Yatsume.
Maya opina du chef.
Au village suivant, qui venait lui aussi d'être la victime des moines, nos héros apprirent qu'ils étaient recherchés.
- Vous correspondez exactement à la définition qu'ils nous ont donnés, dit une vieille femme. C'est vous qu'ils veulent, en plus de nos provisions.
- Tant mieux s'ils sont après nous, dit Yojiro. Nous ne perdrons pas de temps à les chercher !
- Il y avait des samuraï avec eux, étrangers...
- Des samuraï ? Des samuraï comment ?
Il fallut insister pour que les gens parlent. Nos héros demandèrent quel mon portaient ces hommes. A la description qu'on leur en fit, ils comprirent qu'ils étaient de la famille Otomo !
Les regards se tournèrent vers Maya :
- On dirait que ton capitaine n'a pas perdu de temps !
Maya dit qu'elle n'y était pour rien. Elle était sincère mais elle voyait bien qu'on ne la croirait pas.
- Tant pis pour eux, dit Yojiro. Si les hommes de Jukeï nous cherchent, ils nous trouveront. Et en pleine campagne, il n'y aura pas de témoins !
- Il ne faut pas qu'ils trouvent le quatrième repaire, dit Yatsume.
- Ils ont été renseignés par le Lotus Blanc, dit Mamoru. Puisqu'ils étaient avec eux.
- C'est juste. Il faudra aller faire un sort à ces moines bien peu illuminés !
Nos héros continuèrent leur chemin, par la route principale. Si le plan fourni par Juro était juste, ils n'étaient plus loin du repaire du Loup.
- Soit nous nous hâtons de l'atteindre, dit Yojiro, mais dans ce cas, nous mettons en danger les rônins qui seront là-bas...
- Sans compter qu'ils nous prendront pour des traîtres au service du shinsen-gumi...
- Soit nous ne comptons pas sur leur aide et nous nous débrouillons pour rencontrer ces samuraï avant.
- Nous ne savons pas combien ils sont, dit Mamoru.
- Il y a une forêt bientôt. Le repaire est juste après. Il faudra profiter de ce terrain pour les surprendre. En pleine campagne, à découvert, ils peuvent nous tailler en pièce sans difficulté.
A la Cité du Cri Perdu, Katon recevait de nouvelles informations : le Lotus Noir était de retour en ville. Bien décidé à récupérer ses commerces et son influence dans le quartier marchand.
- Si c'est la guerre qu'ils veulent, assura Manji, ils l'auront.
- Des serviteurs du palais nous ont dit que le capitaine Jukeï aurait été contacté par le Lotus Noir. Ils lui ont vendu des informations sur nous, en échange de son soutien pour leur "reconquête" de la ville.
- Les fumiers, cracha Katon.
- Nous avons un accord avec le Gouverneur, dit Manji. Le capitaine ne peut pas s'asseoir dessus !
- Tu sais bien, dit Katon, que Jukeï est prêt à passer outre. S'il veut retrouver Sazen, il fera ce qui est en son pouvoir. Y compris s'associer au Lotus Noir. Y compris demander au Gouverneur d'oublier son accord avec nous.
- L'hiver va être agité pour notre Cité, conclut Manji.
L'émissaire se renseigna. L'auberge était presque vide.
- Nous devons en parler au clan, dit Manji. Il ne faut donner aucune chance au Lotus Noir. Cela veut dire qu'il faut frapper les premiers.
- Bien parlé, dit Katon. Je vais convoquer une réunion !
- Attention cependant. Nous sommes garants de l'ordre dans le quartier...
- Pour le moment.
- Nous ne pouvons pas rompre notre engagement auprès du Gouverneur ! Ce serait une trop belle occasion pour Jukeï de déclarer la loi martiale, et de nous chasser !... Ce qui signifie qu'il va falloir non seulement frapper les premiers, mais frapper vite et sans faire d'éclats !
- Je suis d'accord.
Le soir, Manji mit ses hommes au courant de la menace représentée par le retour du Lotus Noir, et son alliance avec Otomo Jukeï.
- Nous sommes en guerre, dit Manji. Souvenons-nous que nous avons juré de suivre le code du bushido. J'attends de chacun d'entre vous que vous soyez exemplaires ! Ne donnons aucune excuse au shinsen-gumi pour nous chasser de cette ville. Soyons fidèles au serment fait au Gouverneur !
- Bravo, bien dit ! Vive Manji, vive le clan du Loup !
Alors que l'aubergiste lançait une tournée de bières, qu'on buvait pour se donner du courage, Sazen dit à Manji :
- C'est moi que Jukeï est venu chercher. Je ne le laisserai pas mettre cette ville à feu et à sang à cause de moi. S'il le faut, je me rendrai.
- Je ne le permettrai pas, senseï. Nous ne céderons pas ! Je serai humilié que vous le fassiez. Ce serait un désaveu de la valeur de mes hommes.
- Nous ne sommes pas de taille face au shinsen-gumi. Jukeï n'a qu'à claquer des doigts pour obtenir le commandement des Lions. Donc, s'il le faut, je quitterai la ville... Il me semble que chaque membre du Loup est libre de suivre sa piste.
- C'est vrai. Je ne peux retenir personne contre son gré. Mais d'ici là, nous allons montrer au Lotus Noir ce qu'il en coûte de nous défier !... Dès demain, nous lancerons des recherches. Nous allons dénicher Horiu avant qu'il n'ait eu le temps de cligner des yeux.
- Et lorsqu'il clignera des yeux, ajouta Katon, les lames d'acier le rendront aveugle à jamais !
La forêt n'était plus très loin. Le matin, en sortant d'un village, nos héros avaient repéré un groupe de samuraï qui arrivait par la route.
En montant sur un promontoire rocheux, Yojiro avait reconnu les couleurs de la famille Otomo. Des samuraï à cheval étaient escortés par des moines en habits blancs, qui brandissaient une bannière et entonnaient des chants guerriers.
- Ce sont bien les hommes de Jukeï et ces dingues du Lotus Blanc !
- Pressons alors, dit Yatsume.
Nos héros coururent vers la forêt. On avait aménagé un étroit sentier au milieu des arbres figés dans la neige. On entendait les cavaliers approcher.
- Pressons, pressons, dit Yatsume.
Arrivés au milieu des bois, nos héros prirent des branches et de la corde qu'ils avaient emmenée avec eux. Ils se hâtèrent de se mettre à la sortie des bois, là où la route redevenait praticable pour les chevaux.
Mamoru collait son oreille au sol :
- Ils seront bientôt là...
- Le temps qu'ils traversent les bois, nous aurons le temps...
Les cavaliers de la famille Otomo passèrent au trot au milieu du bois mort.
- Voilà leurs traces ! Nous allons pouvoir les ramener à Jukeï-sama !
- Il n'a pas dit de tous les ramener !
- Il suffit qu'il y en ait un ou deux qui puisse encore parler !
- Méfiance, ils peuvent très bien nous surprendre dans ce bois !
- Je dirais plutôt qu'ils détalent comme des lapins.
Les Otomo descendirent de monture et avancèrent prudemment, en observant les sous-bois. Rien ne remuait, sinon une poule d'eau ou quelques maigres oiseaux.
Quand ils eurent passé les taillis les plus épais, les Otomo remontèrent en selle et battirent les flancs de leurs poneys.
- Allons ! Nous les aurons bientôt !
Les Otomo ne croyaient pas si bien dire !
Alors qu'ils repartaient au galop, confiants, ils virent soudain une corde se tendre devant eux, des rondins de bois rouler sur la route, devant et derrière eux !
Et les rônins surgir des taillis, lames au clair, en poussant des cris de guerre !
Yatsume était spécialiste du combat contre les cavaliers : dans son clan, elle avait appris des techniques pour désarçonner les cavaliers.
- Épargnez les montures, cria Yojiro.
Nos héros savaient que les Otomo pouvaient les battre au combat d'homme à homme. Il fallait donc les surprendre et attaquer de façon fulgurante !
Yatsume fit chuter les deux cavaliers qui étaient restés en selle, tandis que la BEC tranchait la gorge des deux autres. Le cinquième et dernier voulut s'enfuir mais Maya surgit des buissons et d'un coup de pied aérien, l'envoya rouler dans la neige. L'instant d'après, les sabres de la BEC mettaient fin à sa vie.
Essoufflé, Yojiro dit :
- Et maintenant, il faut cacher les corps... Maquiller toute trace de ça...
Ils venaient de s'attaquer à des membres d'une famille impériale. Ils méritaient l'exécution immédiate. Mais puisque Jukeï voulait la guerre contre les rônins, il allait l'avoir !
Dans la Cité, la résistance s'organisait. Manji et Katon étaient allés trouver Rintaro, pour le mettre au courant de la menace du Lotus Noir.
- Mais c'est catastrophique pour les affaires ça ! Une guerre commerciale en plein hiver !
- On ne te le fait pas dire, confirma Katon. C'est pourquoi nous devons agir vite. Et nous allons avoir besoin de toi.
- Comment ça ?
- Nous voudrions convoquer une assemblée des chefs marchands de la ville.
- Quoi ?
- Les réunir tous.
- Mais ça ne s'est jamais fait !
- Vous avez déjà eu une guerre contre le Lotus Noir qui vous menace ?
- Non, jamais...
Rintaro réfléchit un instant et dit qu'il contacterait ses concurrents.
- Nous faisons ça pour vous protéger, dit Manji. Nous devons mettre au point une stratégie commune de défense face au Lotus Noir.
- Et je dirais même : une stratégie d'attaque, ajouta Katon.
C'est ainsi qu'une réunion fut prévue pour le surlendemain, avec les dirigeants des principaux commerces de la ville.
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15-01-2009, 04:37 PM
(This post was last modified: 16-01-2009, 09:53 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Les rônins jetèrent les corps des Otomo dans un étang. La glace ne tarderait pas à se reformer à la surface.
- D'ici qu'on les trouve ici...
Il se remettait à neiger : les traces de passage dans la forêt et de l'affrontement auraient bientôt disparu.
Nos héros découvrirent peu après le quatrième repaire. C'était un camp de fortune, occupé par une dizaine d'hommes, qui vivaient dans des huttes misérables, construites à la hâte, et reconstruites à cause des intempéries. Yojiro leur transmit une missive signée de Manji.
- Juro nous avait parlé de vous, dit le chef du camp. Ainsi, il a bien réussi à vous trouver.
- Nous sommes honorés de cette invitation de votre chef mais malheureusement, dit un autre, nous avions l'intention de partir. Nous sommes traqués par des fanatiques qui rôdent dans la région.
- Le Lotus Blanc ?
- Vous avez eu affaire à eux ?
- Oui, dit Yatsume, mais nous les avons semés.
- Pas pour longtemps... Nous ne pouvons pas rester ici.
- Alors venez à la Cité, dit Yojiro.
- Cela ne résoudra pas le problème. Et on nous a dit que là-bas, il y avait un envoyé du Gozoku qui n'aimait pas beaucoup les gens comme nous.
- Le problème, c'est le Lotus Blanc, dit Mamoru.
- Ces chiens sans foi traquent les rônins et terrorisent la population !
- Alors il faut les attaquer sans tarder, dit Yojiro. Nous n'allons pas nous laisser abattre comme des lapins !
- Nous ne sommes pas beaucoup. Avec vous, nous sommes à peine une quinzaine.
- Combien sont-ils ?
- Au moins une trentaine.
- Où sont-ils ?
- Nous savons qu'ils logent dans un temple.
- Les paysans doivent savoir où est ce temple, dit Yatsume. Trouvons ce temple et abattons-le ! Nous sommes des guerriers, oui ou non ?
- Elle a raison, dit un autre rônin. Combien de temps allons-nous supporter de vivre pourchassés ? Attaquons ! Si nous devons mourir, mourrons en combattant, pas abattus dans le dos ! Après tout, ce ne sont que des moines ! Ce ne sont pas leurs prises acrobatiques qui feront le poids face à nos sabres !
- Bien parlé !
Le chef du repaire se sentait débordé.
- Ces hommes ont traversé la campagne depuis la Cité du Cri Perdu, pour nous trouver !... Allons-nous maintenant les prier de repartir d'où ils viennent, en leur expliquant que nous crevons de faim et que nous hésitons à aller nous battre !... Joignons nos forces avec celles du cinquième repaire ! Hissons la bannière du clan du Loup !... Montrons-leur qui nous sommes, à ces faux moines !
- Bien dit, mon ami ! Nous ne sommes pas le clan du Mouton !
Tout le monde éclata de rire.
- Alors en avant, dit Yojiro ! Il faut frapper vite... Les prendre par surprise !
Le soir, on plia le camp. Le superflu fut abandonné et le lendemain matin, les Loups reprirent la route, la rage au cœur.
Dans la Cité, plusieurs marchands qui avaient pactisé avec le Lotus Noir reçurent la visite des hommes de Manji. Ils furent emmenés, leurs boutiques vidées et les biens transférés à Rintaro. Il y eut plusieurs exécutions dans la rue :
- Voyez ce qui arrivera à ceux qui s'allient au Lotus Noir !
Les informateurs de Katon avaient bien travaillé : depuis plusieurs semaines déjà, des hommes de Horiu avaient tenté de soudoyer des marchands qui étaient auparavant à leur botte.
Le jour d'après, la réunion de tous les marchands se tint dans un des grands entrepôts de Rintaro. Le clan du Loup avait cerné le quartier, pendant que la réunion se déroulait à huis-clos.
- Maintenant, dit Katon, soit ils s'étripent joyeusement, soit ils parviennent à un accord.
On entendait des discussions houleuses, des disputes. C'était la première fois que les marchands devaient laisser de côté leurs différends, et s'organiser.
Manji faisait le tour des gardes.
On entendit soudain un observateur arriver en courant et crier :
- Le shinsen-gumi !... Ils descendent en ville !
Il n'avait pas plus tôt dit ça qu'on entendait le galop des poneys, des cris, et on voyait les samuraï de la famille Otomo, accompagnés des Lions, envahir le quartier !
Ce fut la débandade !
Manji et Katon firent sortir Rintaro et l'exfiltrèrent en vitesse. Les autres patrons furent également saisis par leurs gardes du corps et dispersés dans la ville. Un vent de panique soufflait. Katon emmena Rintaro avec lui, pendant que Manji partait dans la direction opposée. C'est alors que le chef des Loups fut aperçu par des Ikoma, qui lui crièrent de s'arrêter. Manji allait faire demi-tour : trop tard, des Otomo arrivaient sur lui !
Le chef des Loups n'eut d'autre choix que de s'agenouiller. On l'attrapa et on le ligota. En un tournemain, il se retrouva emmené dans le palais du Gouverneur, dans l'aile réservé au shinsen-gumi !
Katon courut avec Rintaro, et lui dit de se barricader chez lui. Ensuite, il partit chercher Sazen. Bien sûr, l'auberge des chemins fut la première fouillée de fond en comble. Heureusement, Sazen attendait ailleurs.
Le vieux senseï était dans la rue du Rêve, dans une petite auberge près des marchands de poterie.
- Nous devons vous faire sortir d'ici, dit le shugenja.
- Je comprends... Où est Manji ?
- Chez Jukeï !
- Nous ne pouvons pas le laisser là-bas !
- Senseï, si nous tentons quoi que ce soit, ils mettent la ville à feu et à sang ! Pour le moment, ils n'ont rien à nous reprocher ! Ils n'attendent qu'une erreur de notre part.
- D'accord... J'ai trouvé un moyen de sortir de la ville. Par le quartier des etas... Ne vous occupez pas de moi.
- Où vous retrouver ?
- Près du temple où nous nous sommes rencontrés...
- D'accord. Que les Fortunes vous protègent !
- Vous aussi, shugenja !
Sazen enfila des habits d'eta et partit dans les rues de la ville. Les patrouilles continuaient. Toute la journée, la ville fut fouillée. Enfin le soir, lassés, les samuraï du palais repartirent, après avoir arrêté quelques rônins au hasard. Il fallait un minimum de coupables à présenter à Jukeï.
Katon, qui connaissait les recoins discrets de la ville, avait échappé à la rafle.
Le clan du Loup, amputé de son chef et de plusieurs membres, se retrouva dans son auberge, tard le soir :
- Ils ont voulu nous faire peur, dit Katon. Mais ils n'ont rien à nous reprocher.
- Prenons d'assaut le palais et délivrons Manji !
- Jamais de la vie, cria Katon. Nous devons attendre ! Ne leur donnons pas l'occasion de nous faire tous pendre !
C'était rageant mais le shugenja avait raison : il n'y avait qu'à prier pour le sort de Manji !
Manji fut amené sans ménagement dans les appartements du capitaine Jukeï. Attaché solidement, on lui mit le front à terre. On le fit attendre longtemps. Puis un panneau s'ouvrit et l'émissaire du Gozoku entra.
- Voici donc le terrible chef du "clan du Loup"...
Manji ne dit rien. Il savait qu'il ne gagnerait rien à parler à ce Jukeï.
- Vous ne manquez pas d'audace, dis-moi, toi et tes hommes...
- Nous ne faisons que protéger le quartier marchand.
Un des Otomo frappa Manji dans le dos :
- Silence ! Qui t'a dit de parler ?
- Tu sais pourquoi je suis là, murmura Jukeï. Parce que je veux ce criminel de grand chemin. Tange Sazen.
- Je ne le connais pas !
- Allons donc ! Tu le protèges ! Je le sais pertinemment !
- Il est venu en ville, c'est vrai ! Mais il n'est plus là !
- Tu l'as aidé !
- Nous savions que c'était un criminel ! Mes hommes sont honorables !... Nous ne l'avons pas approché !
- Tu mens !...
Un samuraï Ikoma vint murmurer quelques mots à l'oreille de Jukeï. Agacé, le capitaine sortit, échangea quelques mots avec quelqu'un dehors et revint, encore plus agacé.
- Allons, relâchez-le !... Nous allons continuer à chercher... La ville est ceinturée. Sazen n'a pas pu s'échapper. Mais gare à toi et tes hommes si vous m'avez menti !... Si je découvre que ce rônin a eu des contacts avec vous, vous mourrez dans des souffrances si atroces que vous serez réincarnés en fossoyeurs !
Manji fut jeté dehors comme un malpropre.
Bon, il ne s'en sortait pas si mal !
Il revint à l'auberge. La nuit était noire.
Il comprenait ce qui se passait : le Gouverneur avait dû accepter la descente des Otomo dans le quartier marchand. Mais puisque cela n'avait rien donné, il avait dû exiger que ça cesse !
Jukeï était bredouille, c'était évident !
Manji fut accueilli chaleureusement par ses hommes. On but en son honneur. Il avait quelques bleus mais il était entier.
On poursuivit le conseil de guerre :
- Nous ne pourrons pas rester longtemps dans cette Cité. Il va falloir songer à déménager. Jukeï va nous rendre la vie impossible. Son échec est un affront pour lui. Il va se venger par tous les moyens.
- C'est juste, dit Katon. Nous devons prendre contact avec un autre repaire. Trouver un endroit où finir l'hiver !... Misère, j'aurais préféré que nous évitions ça, mais Jukeï n'a pas attendu le printemps !
- Si je puis suggérer quelque chose, dit Juro.
- Nous t'écoutons.
- Je sais où se trouve le troisième repaire. C'est au sud-est d'ici, près des terres de la Grue, dans un vallon isolé.
- Tu connaîtras le chemin ?
- Oui, bien sûr.
- C'est une solution, dit Manji. D'autres nouvelles, Katon ?
- Oui. Nous savons que le Lotus Noir a quitté la ville, juste avant la descente de Jukeï.
- Il les avait prévenus, évidemment.
- Des marchands ont parlé. Les gens du Lotus Noir vont retrouver des alliés à eux, quelque part vers l'ouest de la ville.
- Qui sont ces alliés ?
- Des moines qui sont à la solde de Horiu. Ils se font appeler la secte du Lotus Blanc. Toujours selon ces marchands, ces moines traquent les rônins dans la campagne, pour le compte de Jukeï.
- Nos amis sont partis par là-bas, dit Manji. Il est probable qu'ils ont rencontré ce Lotus Blanc.
- Nous avons débarrassé cette ville du Lotus Noir, dit Juro. Ne partons pas sans faire de même avec le Lotus Blanc.
- Un instant, dit un rônin. Pourquoi aller s'attaquer à ces moines, qui sont à l'ouest, alors que nous partirions vers le sud-est ?
- Parce que plusieurs de nos frères d'armes sont là-bas, dit Manji, à la recherche du quatrième repaire. Et que ces Lotus Blancs s'en prennent à d'autres Loups, donc à nous !
- Oui, dit Katon. Nous avons montré que nous ne nous laisserons plus faire ! Qui attaque un Loup attaque tous les Loups ! Allons dire à ces Lotus Blancs ce qu'il en coûte de s'en prendre à nous !
- Bravo, bien dit !
- Unissons-nous, dit Juro et commençons à venir en aide aux autres avant de réclamer leur aide.
- Oui, c'est vrai !
- Ainsi, nous arriverons plus nombreux au troisième repaire.
Cette décision fut scellée par une nouvelle tournée générale.
- La dernière tournée...
- Oui, Katon, dit Manji, car nous partons demain à la première heure.
Tandis que les rônins venus du quatrième repaire, dans la forêt, revenaient vers l'est, les hommes du cinquième repaire, menés par Manji, quittaient la Cité à l'aube.
Le soir, il avait fallu faire les adieux à Rintaro. C'était brusque et inattendu.
- Si nous restions, Patron-san, nous te causerons plus d'ennuis qu'autre chose. Nous savons que tu peux te débrouiller sans nous maintenant.
C'est vrai qu'il était devenu le commerçant le plus opulent de la ville en un temps très court ! Grâce à nos héros !
Il eut même la larme à l'oeil, cette fois-ci, de voir partir ses bienfaiteurs.
- Bon courage, les enfants... Vous m'avez coûté très cher, vous savez... Je ne vous présente pas la note...
Il renifla, et rit pour ne pas pleurer.
- Ah oui, vous m'avez coûté cher, bande de gredins, mais ce n'était pas de l'argent jeté par la fenêtre ! Regardez les habits que je porte ! Je suis devenu un notable ! Grâce à vous, je vais me faire appeler Patron-sama !
- C'était un honneur de te servir, Patron-san, affirma Manji. Nous aimerions n'avoir que des employeurs comme toi !
- Que les Fortunes vous protègent !... Tenez, en attendant...
Il sortit de sa poche une bourse bien grassouillette.
- Prenez, allez... Et ne me remerciez pas... Chut ! Interdit, pas un mot où je vous dénonce au Gozoku !... Partez ! Dépêchez-vous... oui, sinon je fais appeler Jukeï ! qu'il vous botte les fesses comme vous le méritez !...
Il se moucha bruyamment et dit qu'il avait plein de choses à faire.
Manji et Katon le regardèrent disparaître dans sa boutique :
- Alors, on pourrait être commerçant et avoir aussi du cœur ?
- Pour une fripouille, dit Manji, Rintaro est quelqu'un de bien.
Les Loups passèrent la porte ouest de la ville avant le lever du soleil.
La neige était rouge dans la plaine brumeuse et elle frissonnait sous la bise matinale.
L'après-midi était bien avancée. Les ombres étaient déjà longues sur la neige d'or. Le soleil orangé brûlait les nuages à l'horizon et un vent glacial soufflait sur la campagne.
Le groupe de Manji s'était arrêté en voyant arriver vers lui un groupe d'une quinzaine de rônins. A leur tête, on reconnaissait la silhouette massive de Mamoru et celle de Yatsume avec son yari.
Les deux groupes firent leur jonction, sans effusion de joie. L'instant était solennel.
- Konnichi-wa, samuraï, dit Manji. Nous étions justement à votre recherche.
- Ça tombe bien, dit Mamoru, nous aussi. 
- Nous recherchons en ce moment des moines bien peu honorables qui persécutent les rônins.
- Ouais, confirma Yojiro. On a dégotté la cachette de ces connards.
- Je suggère d'aller les trouver et de leur expliquer pourquoi ils ont eu tort.
- Nous, on venait plutôt pour abattre leur temple, dit Mamoru.
- Je crois que les deux se recoupent, dit Katon.
- Bon, alors on y va, dit Maya.
Et si Maya disait que c'était l'heure d'y aller !...
La journée mourait à petit feu quand les trente rônins aperçurent le temple du Lotus blanc. C'était un grand bâtiment aux fondations en pierre, avec trois étages en bois.
Les rônins firent craquer leurs articulations et se mirent en formation de combat devant la grande entrée.
- Au nom du clan du Loup ! cria Manji. Sortez de là ! Nous cherchons Horiu !... Livrez-le nous, et nous repartirons aussitôt !
- Cet endroit est sacré, cria une voix depuis une fenêtre. Partez ou bien vous encourrez notre colère !
- Horiu est un criminel ! Il ne peut pas trouver refuge dans un lieu sacré comme chez vous ! Livrez-le nous !
- Pour la dernière fois, partez !
Des moines sortaient devant le temple, armés de bâtons enflammés.
- Je les reconnais, cria un des samuraï, c'est eux qui ont capturé et torturé nos frères !
- Oui, cria un autre, ils les torturent en les forçant à avouer des crimes imaginaires !
- Ce sont les complices du Gozoku !
La colère grondait dans les rangs.
- Je ne peux plus retenir mes hommes, cria Manji.
- Vous êtes des chiens enragés, cria un moine.
Ce fut le mot de trop : l'assaut fut lancé !
Trente rônins furieux coururent sur la neige, en groupe, hurlant en cœur, prêts à perdre la vie pour sauvegarder leur honneur !
Le choc fut violent !
Les moines à l'entrée furent taillés en pièces, piétinés sans ménagement et les Loups défoncèrent la porte et se ruèrent à l'intérieur !
Là, ils découvrirent, pendus, les cadavres de plusieurs de leurs camarades, mutilés !
- Voilà la voie vers la purification, hurla un moine qui surgissait du haut de l'escalier.
Il y en avait une dizaine, qui tombait de partout. Les moines prenaient des drogues avant le combat, qui déchaînaient les passions les plus bestiales. Ils étaient eux comme des fauves, et des fauves rusés. Ils prirent par surprise les rônins. Cinq d'entre eux trouvèrent la mort, et ne purent atteindre l'escalier. Manji, Katon et les autres montèrent les marches et tranchèrent à vif dans ceux qui les empêchaient de monter. Il en venait d'autres du bas, qui empalèrent d'autres Loups.
Arrivés au premier étage, les rônins avaient perdu huit hommes. A l'étage, d'autres moines les attendaient, avec leurs bâtons enflammés. Le temple commençait à prendre feu. Dans les couloirs, les combats furent violents et brefs. Les rônins tombaient mais il y avait deux fois plus de moines en face qui rejoignaient leurs Ancêtres. C'était l'hallali. On cassait les cloisons, les portes, tout !
On dut se battre couloir par couloir, porte par porte, pour les déloger !
Maya se battit comme les autres, et fit une démonstration de ses talents aux moines !
Le sabre en feu de Katon faisait des ravages, de même que le yari de Yatsume.
Dans une pièce au fond de l'étage, Manji fut surpris par Horiu, qui le poignarda à l'épaule, avant de voir trois rônins s'abattre sur lui et le couper en trois morceaux ! Le chef du Lotus Noir était exterminé !
La tuerie continua, jusqu'à la nuit tombée. Il fallait maintenant ressortir. Manji était soutenu par un de ses hommes, et la BEC lui ouvrait le passage.
- Pas un d'entre vous n'en réchappera ! hurlait un des Loups.
Les moines tentaient maintenant de fuir, mais c'était les rônins qui les rattrapaient et les abattaient sur place.
De la trentaine qui était entrée, seule une quinzaine ressortit du temple, et il y en eut encore trois qui moururent, le nez dans la neige, vaincus par leurs blessures.
Le temple du Lotus Blanc partait en flammes !
Les rônins, ivres morts de fatigue et de sang, partirent, éclopés, sur l'épaisse neige, et rejoignirent la route, où ils s'arrêtèrent, épuisés. Le temple finissait de s'effondrer dans un fracas terrifiant. On entendait des moines, prisonniers à l'intérieur, hurler à la mort.
Les cadavres des Loups jonchaient la neige.
- Le clan du Loup a défendu son honneur, hoqueta un rônin, avant de s'effondrer et de cracher du sang.
Manji se relevait et regardait ses hommes, à bout de forces.
- Allons, il faut partir ! La route est longue ! Allons !...
Les hommes se relevaient peu à peu ; certains trébuchaient, retombaient. Les vivants ressemblaient plus que jamais à des morts.
- Allons ! en avant !...
Manji cria plusieurs fois, et son cri résonna dans la grande plaine enneigée qui sombrait dans la nuit.
<span style="color:green">FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !<!--sizec--></span><!--/sizec-->
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tain même pas le temps de picoller tranquillou...
En plus pour cracher des flammes, avec un peu de saké dans la gorge, c'est encore plus efficace
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