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22e Episode : Bunraku
#1
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 22ème Episode</span><!--/sizec-->
Tigre 402



BUNRAKU<!--/sizec-->


Samurai

Les moines de Shingon repoussaient les fêtards qui voulaient envahir le sanctuaire. Quelques-uns reçurent quelques saints coups de bâton et refluèrent en désordre. Mitsurugi s'était mis sous le dragon juste derrière le Bouffon.
- Il faudra que nous parlions tous les deux... Que tu me dises comment tu sais tout ça...
- Oh, pitié seigneur... Yoriku regrette déjà d'avoir parlé.
- Tu n'en as pas assez dit...
Geki tendait l'oreille. Les gens applaudissaient, jetaient des pétards, arrosaient le dragon de bière et de saké. Kokamoru suivait le cortège depuis les toits. Avec toute cette foule, il faisait presque chaud dans la ville ; les gens s'embrassaient, riaient et pleuraient ensemble. Les enfants entraînaient les grands-parents dans la ronde. Un petit vieux ravissait toute l'assistance avec ses marionnettes animées.
- Gare à toi, dit Mitsurugi, si tu m'as menti... Entre nous, je ne crois pas encore à ton histoire.
- Un acteur, seigneur ! Un acteur ! Aux cent masques et aux cent visages ! Qui en plus tient le premier rôle dans la pièce !
- Nous verrons bien.
- Pauvre Yoriku... Dire que tes amis les Togashi ont tellement pitié de toi...

Le dragon, bousculé par une troupe de Kaiu ivres, faillit se renverser et se déchirer. Le Bouffon et tous ceux qui portaient l'animal rejetèrent les lourdauds, qui ne comprirent pas pourquoi ils finirent les quatre fer en l'air, à l'hilarité générale.
- Nous avons vaincu ! cria Yoriku.
Un hourra général partit. La foule s'agglutinaient.
- Nous n'avançons plus, dit le Bouffon.
- Pressons, dit Mitsurugi, il faut arriver au théâtre !
L'ambassadeur savait que la conspiration, privée de ses moyens de tout voir et de communiquer, était affaiblie. Ce qui ne suffisait pas à le rassurer. A l'arrière de la bête de papier, Yojiro, Yatsume et Geki furent soudain renversés par de gros Matsu.
- Attention !
La queue du dragon se déchira. Yojiro roula par terre, bouscula Yatsume. Eux et quatre autres porteurs se relevèrent tant bien que mal, pendant que les Matsu continuaient leur marche hasardeuse. Depuis les toits, Kokamoru attendait que le cortège reparte. Alors que le dragon se renversait, provoquant une bousculade, le Scorpion vit un homme qui suivait, dissimulé parmi des danseurs à masques de toucans. Il sut que c'était la Grue Noire...

Le dragon se remettait debout et repartait, vaille que vaille, au travers de la foule compacte. Le théâtre enfin, en bas de la rue étroite et glissante ! Le dragon avait subi les derniers outrages : déchiré, mutilé, craquelé, l'animal avait perdu de sa superbe et allait finir en mue de serpent ! Mitsurugi en sortit, bouscula les gêneurs avec l'aide de Yojiro et Yatsume. Ils se frayèrent un chemin à coups d'épaules et entrèrent avec fracas dans le théâtre.
- Yatsume, garde l'entrée.
Togashi Ojoshi accourait :
- Que signifie ... ?
Mitsurugi époussetait ses vêtements.
- Je viens assister aux répétitions.
Il entra d'autorité dans la salle. Yojiro et Yatsume avaient leurs mains sur leurs sabres.
Noyuki arrêta les répétitions du chant :
- Voulez-vous me dire ce qui se passe ?
- Je venais voir où vous en étiez, dit Mitsurugi, sans se soucier de mentir de façon convaincante.
- Mais je ne comprends pas...
- Je ne vois pas votre acteur principal, Shosuro Jotaro...
- Bon, on fait une pause, les enfants, dit Noyuki, à bout de forces.
Les répétitions incessantes l'épuisaient.
- Il a disparu, murmura Noyuki.
- Depuis quand ?
- Il n'est pas venu de la journée aux répétitions. J'ai envoyé un message aux Scorpions, ils n'ont pas répondu... Oh misère, j'ai joué au plus fin avec lui, l'autre jour, et il me le fait payer !
- Je ne crois pas que ce soit ça, dit Mitsurugi.
- Mais de quoi alors ?
- Vous avez un remplaçant pour lui ?
- Oui, mais c'est le déshonneur pour moi, si on apprend que j'ai fâché le plus célèbre acteur de l'Empire !
- Courage, dit Mitsurugi en tapant sur l'épaule de son camarade. Vous permettez que je fasse le tour des lieux ?
- Faites donc, mais je vous en prie, pas un mot sur...
- Soyez rassuré, je ne dirai rien.
- Merci, dit Noyuki, contrit de honte. Vous savez, la prochaine fois, je travaillerai avec des mannequins, ils sont moins susceptibles !
- Excellente idée, dit Mitsurugi, moi aussi j'aimerais que mes ennemis soient des poupées articulées !

L'ambassadeur, suivi de Yojiro refit le tour des pièces, les loges, le couloir encombré de décors. Yatsume faisait le guet à la porte ; le Bouffon et ses admirateurs s'étaient éloignés. La foule, encore dense, passait avec des cerfs-volants. Kokamoru sortit de la foule :
- Bonsoir Yatsume.
Celle-ci eut un mouvement de recul. Elle ne l'avait pas vu arriver !
- Ecoute-moi, depuis le temple de Shingon, vous êtes suivis par la Grue Noire...
- Qu'est-ce que tu dis ?
Geki avait entendu. Il entra dans une ruelle et grimpa sur un toit. Il vit une silhouette s'introduire dans le théâtre par le grenier et courut derrière elle en silence. Mitsurugi et Yojiro entendirent des pas à l'étage.
- Qu'y a-t-il là-haut ?
- Le grenier, dit Ojoshi.
Mitsurugi contempla le plafond, inquiet.
- A propos, vous connaissez un peu le Bouffon impérial ? Il m'a dit être de vos amis ?
Embarrassé, l'Ize-Zumi acquiesça.
- Je viendrai vous voir demain matin.
- Nous serons honorés de vous accueillir.
Mitsurugi n'aurait jamais pensé un jour aller voir les Togashi ! Il monta avec Yojiro au grenier, une lanterne en main, le sabre dans l'autre.
- Personne...
- Pourtant il y avait quelqu'un ici, dit Yojiro.
- Redescendons. Nous retournons au temple. Je dois parler à Suzume.

Alors que Geki s'était approché de l'entrée, il avait entendu le visiteur nocturne revenir. Il était monté à toute vitesse sur le toit et s'était caché derrière la cheminée. Il prit en chasse l'assassin dès que ce dernier eut pris de l'avance. Il ne le perdit pas, le suivit jusqu'à une bicoque coincée entre deux maisons de plaisir. Geki sentait que les conspirateurs étaient pris de court : ils n'agissaient pas avec assurance... La Grue Noire arrivait au théâtre, repartait... Geki se mit sur le toit de la maison de geisha, accrocha une corde à la corniche et se la noua autour des chevilles : il atteignit la corniche d'en face et s'y assit. Il jeta un regard et vit la Grue Noire en grande discussion avec l'acteur Jotaro ! Il remonta sur le toit d'en face à la force des bras, attendit de voir ressortir les visiteurs. Il reprit sa filature de la Grue Noire, qui évoluait parfaitement à l'aise dans les ruelles du quartier interdit. Geki reconnut un des lieux de réunion qu'il avait déjà espionnés. Il s'assit sous la fenêtre. La Grue Noire entrait. Les conspirateurs -ils devaient être trois ou quatre- n'échangèrent que quelques mots. Geki comprit l'essentiel de ce qu'ils disaient... Des noms revenaient... Les conspirateurs étaient privés de leur magie habituelle.
- Chrysanthème va recevoir l'ordre de rejoindre Acier. Ensemble, ils vont aller à l'Oeil...
Geki ne savait pas s'il avait tout bien entendu. Il était sûr des noms.
- Cristal ordonne la mort de Mitsurugi, sur le champ. Il faut profiter du carnaval, de la confusion...
Geki frissonna. La Grue Noire ressortait et grimpait sur les toits. Geki vit que les autres conspirateurs sortaient. Ce devait être des membres du Saphir, la branche d'assassins ! Et Mitsurugi ne se doutait de rien !
Les tueurs ne tardèrent pas à retrouver l'ambassadeur, qui courait sans déguisement en direction du temple. Il remontait avec Yojiro et Yatsume la grande rue presque déserte. Geki suivait de près la Grue Noire, mais ignorait que Kokamoru avançait dans les ombres sur le toit d'en face.
La fête s'était déplacée sur les rives de la baie, tout était redevenu calme dans le quartier noble.
Deux moines gardaient le sanctuaire de Shingon, armés de bâtons. Mitsurugi se présenta devant eux :
- Je désire voir Suzume à présent.
- Vous n'avez pas la permission, seigneur, vous le savez. Le sanctuaire est sacré, même pour vous.
Ces bonzes têtus !
- Je ne resterai que peu de temps. Et vous devriez savoir la piété de mon clan, qui admire infiniment l'ordre de Shinseï et qui...
Les moines soupirèrent :
- Vous ne pourrez rester longtemps.
Mitsurugi entra avec Yojiro, dit à Yatsume de rester dehors.
- Pourquoi voulez-vous voir ce jeune coq ? demanda le rônin.
- Parce qu'il m'inquiète, et qu'il a le shinsen-gumi après lui. Je ne voudrais pas qu'il lui arrive malheur. Car dans les jours à venir, je n'aurai pas un instant à lui consacrer.
- Tout se précipite, oui...

A ce moment, la Grue Noire bondissait dans les jardins du temple. Mitsurugi et Yojiro virent la silhouette passer devant la grosse lune, se recevoir sur le sommet d'un arbre puis grimper sur un toit.
Geki bondit à son tour et se reçut sur l'arbre d'à côté. Une branche cassa, des moines sortirent.
- Restez à l'intérieur et barricadez-vous ! ordonna Mitsurugi.
On allumait des bougies dans le temple.
- Mais que se passe-t-il ? lança un moine depuis l'intérieur.
Kokamoru, assis sur un toit, vit les tueurs du Saphir entrer par la porte secondaire et se faufila comme une ombre dans les jardins. Mitsurugi courut au petit temple où s'était enfermé Suzume.
- Que se passe-t-il ?
C'était Doji Onegano.
- Mitsurugi ?
- Tout va bien, je venais voir Suzume.
- En voilà des manières ! Nous discutions et...
- Parfait, alors, je ne vous dérangerai pas.
- Je pensais que le carnaval n'entrait pas ici !
Il croyait Mitsurugi saoul !
- Je m'en vais, pardonnez-moi de vous avoir dérangé !
- Je me suis réconcilié avec mon fils. Nous étions en train de prier...
Mitsurugi n'écoutait que d'une oreille. Yojiro vit deux silhouettes courir sur le toit, et on en devinait d'autres qui se faufilaient au fond du parc.
- Trop peuplé ce temple...
- Allez-vous me dire...?
- Je vous invite demain pour le thé !
Mitsurugi et Yojiro coururent au pont devant le pavillon de thé. Yatsume avait quitté son poste :
- Trois hommes au moins !
- Ils osent profaner ce sanctuaire ! dit Mitsurugi, rageur.
- Là ! dit Yojiro, encore deux autres !

Nos héros, qui connaissaient mal les lieux, comprenaient qu'ils allaient être complètement cernés.
- Yatsume, dit Mitsurugi, retourne vers l'entrée ! Yojiro et moi, nous allons traverser et ressortir de l'autre côté !
- Ils vont tous vous tomber dessus.
- On les attend, dit Yojiro.
Yatsume obéit. Elle piqua une course mais vit trois silhouettes surgir face à elle. Elle s'arrêta dans le gravillon et prit son yari. Elle poussa un cri bref et se lança à l'assaut de ses ennemis. Kokamoru jaillit des ombres et en frappa deux dans le dos. Yatsume empala le dernier. Au pavillon de thé, Geki sauta sur deux tueurs : il en assomma un et brisa la nuque de l'autre, puis il courut vers Mitsurugi. Un sifflement : une flèche en acier vint se planter près de lui, puis toute une volée. Geki roula en avant, se redressa et courut derrière un mur.
Des pas pressés. Geki se plaqua au mur, entendit les tueurs approcher. Il bondit, en attrapa un et le jeta par terre. Le deuxième était aux prises avec un autre tueur, qui le trancha en deux.
- Kokamoru...
- Les nuits ne sont pas sures, dit le Scorpion.
Geki tua l'autre Saphir. Kokamoru en profita pour se fondre dans le noir. Geki courut vers la seconde sortie. Mitsurugi et Yojiro l'avait presque atteinte.
Un homme sortit d'un buisson et se mit en garde face à eux.
- C'est lui, dit Yojiro.
Mitsurugi tira son sabre :
- Il ne mérite pas un duel honorable, rugit-il.
La Grue Noire se mit en garde :
- L'honneur sera ta perte, Manji... Demain soir, le sang des dieux va couler.
Mitsurugi et Yojiro avancèrent résolument, leurs sabres pointés vers le sol.
- Tu vas expier ton hérésie, et ton maître sera le suivant.
La Grue Noire attaqua : sa lame fendit l'air et coupa une grosse mèche de cheveux du Lion. Yojiro se lança à l'attaque et trancha le tueur de part en part. Son sang gicla sur les murs du temple. Yojiro lui sauta dessus, son genou sur sa poitrine, son sabre pointé sur sa gorge :
- Misérable ! C'est la fin pour toi !... Vide tes sales secrets !
Le tueur se vidait de son sang à gros bouillons.
- ... il y en a un autre... et c'est tout le contraire de moi...
Yojiro ne le laissa pas succomber seul : il lui trancha la tête.
Mitsurugi rengaina son arme. Yojiro recula. Son coeur frappait de toutes ses forces. Les deux hommes, ivres de fatigue et d'écoeurement, regardèrent leur ennemi terrassé. Yojiro donna un coup de lame pour la nettoyer et rengaina.
Les deux hommes se tapèrent les poings :
- On l'a eu, dit Yojiro.
- Ouais : on l'a eu.

Geki était à quelques pas derrière eux. Mitsurugi se retourna, le reconnut, et ne dit rien, laissant le justicier contemplé le travail bien fait ! Geki fit un signe de salut et repartit.
Mitsurugi et Yojiro éclatèrent de rire et ressortirent du temple comme deux camarades permissionnaires, au grand scandale des moines, qui découvrirent juste après les six corps lacérés et tranchés, gisant sur leur beau gravier soigneusement peigné !


[Image: 13934490171624_fuck_yea.png]



A suivre...Samurai
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#2
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


Toutes les bougies s'éteignirent autour du temple des chemins : les esprits se concentrèrent autour de Sasuke. Des tourbillons se formaient autour de Nouyoshi. Akuma qui luisait d'une aura mauve remplie d'esprits torturés lança une déflagration de haine pure sur ses deux ennemis. Grâce à Nobuyoshi, les deux tensaï partirent dans les airs et atterrirent derrière Akuma. Sasuke invoqua son sabre de feu et le lança sur le démon. Il le reçut en plein coeur, recula, tituba, se l'arracha violemment et le relança sur Sasuke. Les deux tensaï reculèrent devant la levée de flammes. Sasuke apaisa les esprits. Nobuyoshi allait lancer un sort de paralysie sur le démon, quand la terre se mit à trembler : des dizaines, des centaines de cadavres putréfiés en jaillissaient, assoiffés de chair fraîche. Les deux tensaï étaient cernés : Akuma en profitait pour s'enfuir en plongeant sous terre.
Sasuke, énervé, invoqua toute la colère de ses esprits protecteurs : des dizaines de geysers brûlants surgirent du sol, s'élargirent et dévastèrent la cohorte de zombies. Nobuyoshi les dispersa d'une violente bourrasque : les morts-vivants, emportés dans les airs, se brisèrent en retombant.

Les deux shugenjas, rageurs d'avoir laissé échapper Akuma revinrent vers le temple. Il n'y avait plus de danger. Nobuyoshi se rafraîchit à une fontaine.
Sasuke revint en courant :
- Viens voir.

Ils sortirent et virent des flammes qui s'élevaient au nord de la Cité. L'eau de la fontaine se mit à bouillir et ils entendirent la voix de la tensaï de l'eau, Isawa Mizu qui les appelait à l'aide :
- Akuma... attaque... armée avec lui...
Nobuyoshi dit aussitôt :
- Viens, Sasuke et accroche-toi fermement !
Notre héros serra Nobuyoshi entre ses bras. Le tensaï fit appel aux esprits de l'Air et ils partirent comme des fusées d'artifice dans le ciel, emportées par un vent hurlant vers la Cité !


Samurai


Hida Goemon et ses Crabes arrivaient devant les bâtiments du Gozoku, prêts à enfoncer la porte pour délivrer leur maître. Retentit alors la cloche d'alarme de la porte nord de la Cité, à l'opposé de l'Outremonde. Les Crabes s'arrêtèrent. C'était l'alarme en cas d'urgence. A la façon dont la cloche était sonnée, c'était bien une attaque de démons. Ils savaient que leur devoir absolu était de courir défendre la Cité. D'autres cloches retentissaient pour répercuter l'appel à tous les quartiers de la Cité.
Goemon, rageur, dit qu'il fallait y aller. La sécurité de la Cité passait avant l'Inquisiteur Tadao. Ils coururent donc vers le mur nord. D'autres patrouilles accouraient en désordre. Ils montèrent aux créneaux et virent une armée de soldats barbares, équipés des pieds à la tête de solides armures, avec des casques aux cornes effrayantes, de lourds boucliers et des glaives luisant d'une aura verdâtre.
Mitsurugi, Yojiro, Yatsume, qui ressortaient du temple de Shingon entendirent l'alarme comme tout le monde. Ils virent un guntaï de Crabes, revenu précipitamment de la Muraille, qui montait à l'attaque. Ils les suivirent. Dans les rues, la liesse laissait place à la peur et à la panique. Les gens rentraient se terrer chez eux ; la fête virait d'un coup au cauchemar. La population, habituée aux attaques, savait comment procéder avec discipline pour se mettre à l'abri. Les Crabes devaient abandonner leurs beuveries pour se porter à la porte nord ; ils expliquaient en vitesse aux samuraï des autres clans qu'il fallait les suivre. Après quelques coups de cloches, les festivités avaient cessé et la Cité en délire devenait une place en état de siège.

Goemon et ses hommes revêtaient des armures lourdes, se faisaient passer de lourds tetsubos hérissés de pointes métalliques. Les officiers organisaient les archers derrière les créneaux : une pluie mortelle s'abattait sur les barbares. Derrière la porte, trois guntaï se mettaient en ordre de marche pour charger. Goemon se porta volontaire pour lui et ses hommes, pour renforcer cet assaut. Comme ils arrivaient en bas et s'alignaient, l'Inquisiteur Tadao apparut, chancelant. Goemon se précipita pour le soutenir, car il allait tomber en pleine rue. Il avait dû être torturé affreusement par le shisen-gumi :
- Seigneur...
Tadao tomba dans les bras de son garde du corps qui, humilié et furieux, jura de massacrer les hommes du capitaine Jukeï quand il en aurait fini avec les envahisseurs de dehors.
- Nos pires ennemis ne sont pas hors de nos murs, dit l'Inquisiteur.
- Attendez-nous ici, seigneur. Vous ne devez pas vous battre maintenant.
- J'ai été relâché car je dois me battre, dit Tadao. Et mourir maintenant serait une gloire... Alors que retomber entre leurs mains serait le déshonneur.
- Je vous soutiens, seigneur, et je fais le serment que vous reviendrez ici vivant et qu'ils ne vous approcheront plus à moins de dix pas sans que je leur fende le crâne !

Tadao s'équipa d'une armure. On ouvrait la porte nord, qui grinça comme une entrée des enfers. Derrière, la terre humide et grasse était devenu tiède. Elle fumait de vapeurs maléfiques. Les Lions arrivaient, avec Mitsurugi parmi eux.
- Nous sommes les premiers, dit l'ambassadeur, pour épauler nos amis Crabe. On ne peut pas en dire de tous les clans !
- Alors en avant, dit Tadao, à qui la présence de Mitsurugi faisait chaud au coeur.

Les quatre guntaï de Crabe et les renforts de Lions coururent sus à l'ennemi. Ils se lancèrent contre eux comme un bélier sur un portail. Avec Yatsume et Yojiro à ses côtés, Mitsurugi fit des ravages dans les rangs ennemis. Nos héros reconnurent les barbares de la plaine des Limbes qui avaient combattu le capitaine Masasue et son équipage. Akuma était en retrait sur une hauteur. Il invoquait des kansen du sang pour protéger ses hommes d'armures de chair et aiguiser leurs lames de fluides démoniaques. Les Lions venaient de réaliser une percée brutale dans les rangs adverses, quand un coup de vent violent passa au-dessus de la bataille. Un étroit tourbillon, tombé du ciel, se forma parmi les rangs des barbares : c'était les deux tensaï ! Nobuyoshi fit le vide autour de lui par des vents cinglants qui rejetèrent les zombies et les firent tomber comme des dominos. Sasuke invoqua les éléments du feu pour transformer les vapeurs qui se dégageaient du sol en colonnes de feu dansantes. Les barbares furent pris dans la fournaise, sous les pluies de jade lancés par les Inquisiteurs Kunis et sous les flèches des archers des remparts.
Les Phénix arrivaient à leur tour, avec des lanciers Shiba qui empalèrent plusieurs groupes de barbares. Alors qu'on les croyait terrés comme des lâches au fond de leurs appartements, des infiltrateurs Bayushi apparurent derrière l'armée Barbare !
- Par quelle vilénie ont-ils réussi à se glisser derrière eux ! hurla Goemon.
Les Scorpions frappèrent dans le dos les barbares. Depuis les remparts, les archers rechargeaient. Le tensaï du Vide, Isawa Masaakira passa la porte nord avec Ichibei et Mizu. Le tensaï de la Terre provoqua un énorme soulévement de terrain sous les troupes d'Akuma, et provoqua une vague de boue et de rochers qui les étouffa et les broya. Akuma s'enfuit avant de voir arriver sur lui ce phénomène terrifiant. Mizu invoqua une pluie d'eau purifiante, qui rafraîchit les samuraï mais qui était comme un poison corrosif pour les zombies des Limbes. Leurs armures transpercées, ils tombèrent en morceaux, transformés en ignobles pantins défigurés. Ceux qui tentaient de s'enfuir tombèrent drus sous les coups des solides Daidoji et des Kakita qui ne ratent jamais leur coup.
Les Crabes donnaient le coup de grâce. Les derniers échappés du monde inférieur périrent fracassés par les tetsubos. Parmi ces Crabes, Yasashiro, qui avait eu le temps de repasser dans les quartiers de son maître pour se changer.
Les vainqueurs se félicitèrent mutuellement. Même les Scorpions furent remerciés pour leur audacieuse attaque.
- La fête est gâchée, dit Goemon en crachant.
- Peut-être pas, dit Isawa Ichibei. Nous voilà tous d'accord pour une fois, capables de combattre côte à côte.
- Oui, comme du temps de l'ancien Empereur, dit Tadao. Tous ceux qui ont combattu ce soir se sont acquis la gratitude éternelle du clan du Crabe. Et je sais que l'Empereur nous a vu combattre pour lui !
Tout le monde applaudit au discours de l'Inquisiteur. Le shinsen-gumi ne s'était pas montré à la bataille. Goemon les mettait à présent au défi de s'approcher de son maître !
Le silence de mort qui s'était abattu sur la ville fut de courte durée : les samuraï revenus de la bataille ne pensaient qu'à reprendre la fête !
Mitsurugi retrouva Sasuke, qui lui aussitôt qu'il n'allait pas s'attarder en ville.
- Je retourne au temple, cela vaut mieux pour le moment.
- Ne tarde pas à revenir, dit Mitsurugi. Avant demain soir.
- D'accord.
Yatsume s'acharnait sur le corps d'un guerrier démesuré aux bras multiples, qu'elle avait abattu avec Yojiro.
- Du calme, du calme, lui dit ce dernier, il est bel et bien mort.
- Tiens, tiens et tiens ! Saleté !...
- Allez, rigola Yojiro, viens donc boire un verre !

Nobuyoshi repartit avec Sasuke :
- Je sais que je peux te libérer de ce sort.
- Je l'espère et pas que pour moi... mais pour cette ville aussi, dit Sasuke.

Mitsurugi retrouva l'Inquisiteur Tadao au petit matin, dans une auberge aussi bondée que si c'était le début de soirée. Les festivités ne connaîtraient plus d'arrêt jusqu'à la fin de la cour d'hiver. L'Inquisiteur fut peu disert sur ce que lui avait fait et demandé le shinsen-gumi. On le sentait mortifié, atteint dans son honneur.
- Un mot de vous, dit Goemon, et je vous ramène toutes leurs têtes ! Que nous trinquions avec leurs crânes !
- Cela ne ferait que mettre en danger notre famille, dit l'Inquisiteur, très fatigué.
- Si nous ne les arrêtons pas, dit Yasashiro, ils ne mettront aucune limite à leur arrogance.
- La situation est très difficile pour nous, c'est vrai, dit Tadao, à voix basse, parlant seulement pour les samuraï autour de lui, qu'il savait être des hommes de confiance. Toi, Yasashiro, il est dangereux que tu restes parmi nous. C'est pourquoi je vais te mettre au service de l'ambassadeur Mitsurugi. Ce sera une façon, bien insuffisante, de montrer notre gratitude à notre ami. Tu resteras à son service tant que le clan du Lion estimera que notre dette n'a pas été remboursée.
"De plus, Mitsurugi, j'ai ici un papier, où je certifie que vous avez aidé à la destruction du terrible Shuten-Doji du Regret. C'est un titre de gloire dont vous pourrez vous prévaloir le cas échéant, face à ceux qui ne manqueront pas de vouloir vous déshonorer.
- Je vous remercie de ces deux cadeaux, dit Mitsurugi. Je saurai en faire bon usage. Yasashiro est un guerrier qui n'a peur de rien. Et ce papier, je vais le garder précieusement. Je saurai le montrer au bon moment.
- Ce n'est pas tout le monde, dit Goemon, qui peut se vanter d'avoir détruit pareil monstre !

Tout le monde se quitta, fatigué mais de très bonne humeur. Du coup, Mitsurugi dit à Yatsume :
- Tu viendras habiter chez nous. Yojiro te trouvera une chambre près de la sienne. Et tu diras à ta famille de venir !
- Merci, seigneur !
Non, vraiment, Mitsurugi était trop bon ! Il se surprenait même à manifester tant de bonté ! Cela le perdrait forcément un jour !

Mitsurugi rentra au palais et s'effondra tout habillé sur son lit. A peine s'il avait fini d'enlever ses pièces d'armure. Il dut produire un effort redoutable pour s'éveiller car la pièce de théâtre était pour le soir-même. Le soleil d'hiver pâlissait dans le ciel, une neige timide virevoltait. La ville était toujours en liesse, même dans ce petit matin crispé. Un serviteur dit que le général Kokatsu l'attendait. Mitsurugi se força à prendre un bain glacé. Il se frictionna vigoureusement, se parfuma en vitesse et mit ses plus beaux habits pour retrouver son maître. Il ne pouvait pas cacher qu'il avait à peine dormi.
Le général ne parut pas s'en formaliser. Il ne s'attendait pas à trouver Mitsurugi en pleine forme après une nuit de fête et de combat.
- Entre, assieds-toi...
Kokatsu mangeait avec appétit. L'appétit venant en mangeant, Mitsurugi croqua dans de grosses brochettes de poissons.
- Tu t'es bien battu cette nuit. Cela a été noté, une fois de plus.
- Je vous remercie, général, dit notre héros, la bouche pleine.
Kokatsu sourit.
- Écoute, je vais te donner un conseil de tactique élémentaire : lorsque tu possèdes un avantage, il ne faut pas hésiter à le pousser, sinon tu le perdras.
- Je ne comprends pas, général.
- Des rumeurs de plus en plus fortes parlent d'une conspiration au sein du Gozoku. Une conspiration contre l'Empereur... Ces bruits remontent jusque dans les réunions les plus hautes. Comme de mauvais esprits qui hantent de plus en plus les salles de cette cour.
"Toi, Mitsurugi, cela se sait, tu connais des choses sur cette conspiration. Peut-être même en connais-tu certains membres...
- Je n'irais pas jusque là, dit Mitsurugi, très gêné.
- Écoute, ton prestige indéniable t'autorise à aller en parler. Et ton honneur t'y oblige. C'est le sujet le plus grave qui soit. Quiconque ose seulement penser s'en prendre au divin fils du Ciel doit subir les châtiments les plus impitoyables. Tu dois parler si tu sais des choses. Ce sont les autorités du Gozoku, les premières, qu'il faut prévenir.
- Est-ce bien prudent de ?...
- Il faut les prendre, tous autant qu'ils sont, quand ils baissent la garde. Aujourd'hui est le bon moment, Mitsurugi. Tu connais l'auberge où ces "nobles" dignitaires se régalent chaque jour. Va là-bas, et parle-leur.
Notre héros sourit :
- L'auberge dont vous parlez est comme l'annexe de la cour du puissant conseiller Bayushi Tangen. Voulez-vous que je m'adresse à lui ?
- A qui d'autre ? dit Kokatsu entre deux bouchées. Si ces Scorpions ne sont pas capables de repérer quelques conspirateurs, alors... Alors c'est à nous de leur rappeler leurs manques.
- Il va être furieux, dit Mitsurugi.
- Par Matsu, j'y compte bien !... J'y compte bien.

Mitsurugi se prépara pour sortir. Il ordonna aux domestiques d'aller lui chercher Yasashiro, Yatsume et Yojiro. Les trois Y ! Son équipe de choc !


Samurai

Le conseiller Tangen était comme chaque jour à la table de son alcôve, avec, autour de lui, les plus fanatiques partisans du Gozoku et ses amis les plus proches. Bayushi Renshun, qui avait permis la destruction du dojo d'Obsidienne de Bayushi Natsu. Le juge Otomo Kempô, le maître de cérémonie Seppun Tokugawa et le capitaine Otomo Jukeï.
- Nous avons fait comprendre à Tadao, disait ce dernier, qu'il devait se mêler uniquement de l'Outremonde et ne pas se tromper d'ennemi.
- Ces Crabes sont d'une insolence, ragea Renshun. Ils se croient autorisés à enquêter sur ce qui leur plaît !
- Et quelle lâcheté, dit le juge Kempô, fébriles, de s'en prendre à d'honorables samuraï !
- Vous avez courageusement agi, dit Seppun Tokugawa, car il en fallait du courage, pour s'attaquer à un Inquisiteur impérial !
- Cela n'a pas été sans mal, dit Jukeï, en homme qui a fait un travail long et difficile, mais croyez-moi qu'à compter d'aujourd'hui, il ne traquera plus que des démons.
- Si cela n'avait tenu qu'à moi, dit le juge Kempô, je l'aurais traduit en justice !
- Ah oui, nous reconnaissons bien là votre inflexibilité, dit Tokugawa. Moi-même, si j'étais juge, j'aurais fait comparaître cet arrogant inquisiteur devant moi ! Sans quoi la justice n'est plus qu'une marionnette entre les mains des puissants !
Le conseiller Tangen buvait calmement son thé. Les portes de l'auberge s'ouvrirent.
- Voilà quelqu'un, dit-il, qui requiert aussi toute notre attention, dit-il à mi-voix.
Le juge Kempô devint blanc comme des cheveux de Kakita, le maître de cérémonie Tokugawa faillit lâcher sa tasse. Otomo Jukeï et Bayushi Renshun durent faire un effort pour ne pas saisir leurs sabres. Seul le conseiller Tangen restait parfaitement maître de lui-même. Il était d'une froideur, d'une distance, inhumaines, par rapport à toutes les passions humaines. Il ne connaissait qu'une personne capable d'un tel retrait par rapport à ce qu'il voyait, c'était Isawa Masaakira, le tensaï du Vide.

Mitsurugi s'était installé à une table, démonstratif et arrogant comme sait l'être un Lion après la bataille. Il avait ce Crabe, Hida Yasashiro et deux rônins. Il n'avait pas peur de se montrer avec ces samuraï de rang inférieur dans la maison de thé la plus luxueuse de la ville. Il devait fanfaronner, au vu et au su de tous. Il parlait à voix haute de la bataille de la nuit, avec forces détails épiques ; il lançait ses rodomontades à la cantonade. Il était le centre de l'attention et, avec colère ou résignation, il fallait l'accepter.
- Laissez-moi aller châtier ce bavard, dit Bayushi Renshun à voix basse.
Le conseiller Tangen lui fit signe que ce n'était pas le moment.
- Il fait le fier-à-bras aujourd'hui, gronda Otomo Jukeï, mais demain, je le tiendrai à nouveau sous mon talon...
Et Jukeï revoyait ce jour à la Cité du Cri Perdu, quand il avait raflé tous les rônins, et qu'il tenait littéralement Manji sous son talon. Pourquoi ne l'avait-il pas fait exécuter ce jour-là !
- Il faut le faire sortir d'ici, dit le juge, blême. Il n'a pas le droit d'être là...
- Pourquoi non ? dit Bayushi Tangen, qui ne pouvait résister au plaisir de jouer avec ce juge trouillard comme le chat avec la souris.
D'ailleurs, Mitsurugi, qui avait copieusement mangé et raconté à qui voulait l'entendre ses exploits, se levait. Deux gardes du corps s'interposèrent quand Mitsurugi, désarmé, approcha de l'alcôve. Les gardes du corps, eux, avaient eu droit de garder leurs armes.
Le juge et le maître de cérémonie étaient impatients de voir les yojimbos mettre ce Lion enragé à la porte !
Bayushi Tangen finit son verre de thé et dit posément :
- Laissez-le passer. Je pense qu'il désire nous parler.
Frais comme un gardon, fier comme un jeune homme qui vient de faire sa première conquête amoureuse, Mitsurugi monta sur l'estrade, en s'excusant, bravache, auprès des gardes du corps. Le juge et le maître de cérémonie étaient blancs. Otomo Jukeï et Bayushi Renshun étaient rouges.
- Que nous vaut le plaisir, dit Tangen, et l'honneur, de recevoir le héros plusieurs fois vainqueur de l'Outremonde ?
- Ma foi, je me suis dit que je ne voulais pas partir de cette Cité sans me régaler dans sa meilleure auberge ! Et on y est en si bonne compagnie.
- Je crois que j'ai pas besoin de vous présenter mes compagnons de table. Vous les connaissez déjà bien.
Mitsurugi fit son plus beau sourire à ces sales traîtres. Ils lui rendirent avec toute la politesse qu'il devait afficher en permanence comme courtisans.
- Vos troupes, dit Mitsurugi, ont magnifiquement pris à revers ces démons, pendant que nous les affrontions face à face !
- Je ne vous le fais pas dire, dit Tangen en servant du thé à notre héros.
- A vrai dire, dit Mitsurugi, qui ne voulait pas non plus s'attarder à cette table, je suis venu vous voir non pour vanter mes exploits, ce qui serait bien malpoli, mais pour vous faire part d'une inquiétude...
- Une inquiétude ? dit Tangen. J'ignorais que les Lions fussent enclins à s'inquiéter.
- Ce n'est il est vrai pas dans notre tempérament, mais l'affaire est assez grave pour que nous-mêmes soyons troublés.
- Allons donc ! Racontez-nous cela.
- Voilà, je pense pouvoir dire que certains personnages haut placés ont des ambitions... démesurées.
- Allons, cela se saurait, dit Tangen. Ou plutôt : vous vous exprimez confusément. Vous en avez trop dit et pas assez.
- J'ai acquis la conviction d'un groupe de personnages de toutes origines veulent s'en prendre au Fils du Ciel.
Tangen prit le temps de boire son thé. Il n'était plus certain de retenir longtemps ses compagnons de table.
- Au Fils du Ciel ?...
- Je m'adresse à vous, car vous ne pouvez rien ignorer de ce qui se trame en secret... Rien ignorer de ce qui pourrait menacer notre Empereur.
- Une conspiration ? railla Bayushi Renshun. Une conspiration, c'est bien cela ?...
- Appelons les choses par leur nom, dit Mitsurugi.
- Allons donc, moi je vois comme danger des démons, des hordes de zombies ! Et vous êtes bien placé pour le savoir !...
- Ce sont ces vieilles histoires de complot de ninjas, dit le juge, d'un ton qui se voulait ironique, mais en faisant froid dans le dos à tout le monde.
Bayushi Tangen répondit, sur le ton de la plaisanterie :
- Des ninjas ? Allons, nous avons passé l'âge, honorable juge.
"Les ninjas ne sont que des légendes de paysans et des excuses pour les yojimbos incompétents. Je ne veux plus entendre parler de cela.
- Je plaisantais ! Naturellement, dit le juge.
- Je suis sûr que Matsu Mitsurugi ne faisait pas un instant allusion à ce genre d'idioties, dit Tangen.
L'ambiance était lourde, électrique.
Seule, dans une auberge qui attendait de voir éclater l'orage, une personne restait sereine : l'artiste Doji Shuzuko, la grande artiste peintre, qui était devant sa toile dans une autre alcôve, et peignait l'assistance. Mitsurugi ne put s'empêcher de lui jeter un regard envieux : car c'était elle qui devait devenir le nouveau senseï d'Ikue ! Elle qui avait dû la voir en dernier avant son... soi-disant ! départ. Et si Ikue était bien retenue au palais comme l'avait dit Geki, elle la voyait peut-être encore !

- Voyons, dit Tangen, avez-vous les noms de ces conspirateurs ?
Mitsurugi regarda fixement le conseiller, d'un air terrible. Là, tout le monde crut vraiment que la foudre allait tomber sur le bâtiment.
- Non, laissa-t-il tomber, mais je veux qu'ils sachent que je suis après eux, en chasse.
- Prêt à lâcher vos meutes sur eux ? ricana Bayushi Renshun.
- Non, je viendrai moi-même.
- Le Gozoku, osa le juge Kempô, sera le meilleur rempart de l'Empereur contre ces conspirateurs !
- Qui peut en douter ? dit Mitsurugi en saluant.
Il se retira, plus éprouvé par cette épreuve qu'il n'aurait voulu.
Yatsume, Yasashiro et Yojiro se levaient de table.
Et avec tout cela, c'était vrai, il ne savait pas qui étaient ces conspirateurs ! Et ils allaient s'attaquer le soir-même à l'Empereur !


Samurai


[spoiler]Le soleil descendait pour laisser place à la nuit la plus longue de l'année. Cristal retrouva Nuage sur les remparts :
- La Grue Noire est morte. Et il est trop dangereux pour moi d'envoyer l'autre.
- Quelle impatience, mon ami, quelle impatience...
- Oui, je l'admets. Mais nous tenions Kokamoru... Et du même coup, Mitsurugi lui-même, et ses amis...
- Oui, dit Nuage, l'occasion était trop belle. Mais le rideau se lève ce soir.
- Nous ne sommes pas prêts.
- Les comédiens ont déjà mis leurs masques.
- Les comédiens, dit Cristal en tapant sur la rambarde, sont des marionnettes, comme les autres... Tous les hommes sont des acteurs... Et nous allons changer la pièce !
- Je veux bien vous laisser faire, d'autant que nous n'avons pas encore l'Oeil de l'Oni...
- Que Chrysanthème fasse vite, dit Cristal.
- Comment comptez-vous retarder la pièce ?
- Je vais inviter Saphir et ses hommes à la fête...[/spoiler]


Samurai


Sasuke souffrait d'affreux maux de têtes. Il voyait double, ou triple, ne savait plus à quoi se raccrocher. Nobuyoshi le veillait avec deux moines.
- Il a attrapé une mauvaise fièvre...
- Ce n'est pas un coup de chaud qui viendra à bout de lui, dit Nobuyoshi.

Mitsurugi sortit du palais à la tombée de la nuit. Il vit passer en courants les yakuzas qui servaient de pompiers, une dizaine qui couraient en transportant un lourd chariot chargé de tonneaux d'eaux. Les gens étaient sortis dans la rue et commentaient ce qui se passait. Une grosse fumée se dégageait du théâtre. Mitsurugi s'empressa d'y aller. Les gens faisaient la chaîne, affrontant les flammes qui ravageaient le bâtiment.
Ikoma Noyuki, effondré, approcha de son ami :
- Déshonoré, Mitsurugi... Je suis déshonoré !... Tout... tout est en train de brûler ! Nous avons à peine sauvé quelques costumes...
Mitsurugi regarda le théâtre :
- Un incendie en cette saison ?
- Ce sont les dieux qui me punissent de mon arrogance.
- Ne médisez pas des dieux, dit Mitsurugi.
"Pensez plutôt aux hommes", songea-t-il.
Togashi Ojoshi aidait avec les seaux. Des shugenja Kunis étaient venus prier les fortunes : leurs voeux furent exaucés car une mauvaise pluie glacée se mit à tomber, qui éteignit les flammes.
Noyuki était à genoux et prenait de pleines poignées de boue :
- Pourquoi ? Pourquoi ?...
- Allons, debout, ordonna Mitsurugi.
Notre héros se dit que l'Empereur avait gagné un sursis. Il appela Ojoshi :
- A propos... Puisque nous voilà libres pour ce soir, où puis-je rencontrer ceux de votre famille ?
- Ma famille ? Ce serait un honneur, dit l'Ize-Zumi, qui savait quelle idée Mitsurugi avait derrière la tête. Venez, je vais vous accompagner.
Mitsurugi souhaita bon courage à Noyuki et suivit le Dragon.
- Sait-on comment l'incendie s'est déclenché ?
- Une maison du voisinage, qui loge une famille qui faisait la fête à l'autre bout de la ville, avait sa cheminée mal éteinte. Le feu est parti de là.
- Entendu.

Samurai

Mitsurugi trouva les Dragons assis autour d'un thé rituel. Ils n'étaient que cinq en tout et pour tout. Il remarqua que Maya n'était pas là. Elle avait dû être définitivement chassée de son clan, vouée à un destin des moins glorieux.
L'aîné de la délégation venu des lointaines montagnes éternelles était le vieux Togashi Ozu, un maître-tatoueur. Il avait un âge plus que respectable. Sa frêle barbiche avait l'air d'être pendue à son menton depuis plusieurs réincarnations. Ses yeux n'y voyaient plus bien mais, en le voyant servir le thé, Mitsurugi vit qu'il avait gardé toute son habileté manuelle.
Togashi Ojoshi s'approcha de lui, s'agenouilla et lui dit quelques mots à l'oreille.
- Ah, le malheureux, soupira le vieillard. Le malheureux personnage...
Il regarda dans la direction de Mitsurugi. Il devait à peine le distinguer.
- Vous connaissez donc le pauvre Yoriku ?
- Tout le monde le connaît à la cour, senseï. Moi, je sais qu'il n'est pas seulement un amuseur grotesque.
- Il n'a pas toujours eu cette apparence effrayante et comique, non... Je vais vous raconter, si vous avez le temps de rester pour le thé.
- Très volontiers.
Ojoshi servit Mitsurugi.
- Yoriku a toujours été notre ami, même quand il appartenait encore à la famille Asako...
- La famille Asako ?
La famille était la plus secrète du clan du Phénix, enfermée pour une partie dans un palais - bibliothèque. Les membres les plus visibles de cette famille étaient par ailleurs de redoutables Inquisiteurs.
- Asako Yoriku avait réussi à maîtriser presque toutes les énigmes essentielles léguées par ses ancêtres. Il correspondait souvent avec nous. Nous le rencontrions volontiers, soit dans notre village de Heibetsu, soit chez lui. Il se croyait capable d'atteindre l'illumination... Oh, il n'en tirait aucune gloire, il disait que c'était au contraire quelque chose de très humble, de très discret... Il savait qu'il pourrait accéder à un niveau de conscience supérieur. Il en était bouleversé car il serait le premier de sa famille à accomplir cette quête spirituelle.
"Seulement, alors qu'il était sur le point de réussir, il fut attaqué par un personnage infâme, qui voulait s'emparer de son pouvoir. L'insensé ! Le criminel ! Il croyait que Yoriku n'aurait qu'à lui transmettre quelques formules à apprendre par coeur, et ce personnage aurait trouvé l'illumination ! Comme on applique une recette de cuisine !
"Mais la méchanceté et la bêtise de certains hommes ne connaît aucune limite, et ce personnage oublié de ses Ancêtres et des dieux, incapable à jamais d'atteindre à la moindre transcendance, ce personnage s'est attaqué à Yoriku et l'a empêché de réussir... Car il a attiré sur lui la colère des dieux, par des prières impies, par des mensonges...
- Nuage...
- C'est comme cela qu'il se nomme, oui... Nuage qui a fait déchoir Yoriku au moment où il touchait au but. Puni par les dieux, défiguré, précipité plus bas que terre, le pauvre Yoriku est devenu à moitié fou, tandis que ce Nuage restait impuni... Mais il n'en sera pas toujours ainsi. Un jour, l'ordre sera rétabli, les plateaux de la balance pencheront dans l'autre sens. Yoriku sera sauvé, et Nuage sera anéanti.
- Savez-vous qui se cache derrière le masque de ce Nuage ?
- Non, car comme tous les démons, il avance masqué. Mais ses déguisements ne pourront plus tromper les dieux longtemps. Et les dieux guideront le bras d'hommes justes comme vous.
Mitsurugi, indigné, faillit briser sa tasse entre ses mains. Le vieillard s'était pris lui aussi d'une sourde colère et cela l'avait épuisé.
- Je ne vais pas m'imposer à vous plus longtemps, senseï. Je vous remercie.
- Le pauvre Yoriku aura besoin d'une main secourable... Il ne peut finir d'une façon si pitoyable, ce qu'il a découvert ne peut être perdu pour les hommes... Lui se croit maintenant le pitre de l'éternité... La marionnette des dieux...
- Mitsurugi fera tout ce qu'il peut pour lui, dit Togashi Ojoshi d'une voix apaisante.
L'Ize-Zumi raccompagna l'ambassadeur :
- Vous connaissez la vérité sur ce malheureux...
- Vous remercierez encore votre senseï... A propos, j'ai besoin de savoir une chose...
- Je vous écoute.
- Je ne sais pas si cela pourra m'aider mais je dois savoir qui est cette novice dont parle votre pièce. Et surtout pourquoi les hommes du Saphir avaient essayé de vous enlever.
- La novice était une figure légendaire, jadis. On ne sait pas si elle a existé, ou si elle viendra un jour. Elle sera comme une seconde Shinseï. Elle sera capable de renouveler le sens du Tao. Dans notre pièce, elle intervient à la fin, quand l'armée des démons est vaincue et que l'Empire doit se refonder sur de nouvelles bases, en réaffirmant l'amitié entre les clans.
- En quoi cela peut-il intéresser Nuage et sa conspiration ?
- Si cette novice existait, je pense qu'ils voudraient l'influencer, la convertir à leurs pensées impies...
- Bien sûr... Et vous ne savez pas qui elle est ?
- Je ne sais même pas si elle existe, Mitsurugi. Ce n'est qu'une légende après tout. Nuage et ses sbires ont tort de prendre cela trop au pied de la lettre.
- Bien sûr, bien sûr...

Mitsurugi remercia encore l'Ize-Zumi et rentra se coucher, troublé. Il prit un dernier verre avec l'ambassadeur Akodo :
- Les choses s'arrangent pour Noyuki. Les Crabes vont lui prêter une autre salle, plus grande, dans leur palais. L'Impératrice elle-même est intervenue, car elle souhaite vraiment voir cette pièce.
- Le spectacle aura donc lieu avant la fin de la cour ?
- Oui, dans trois nuits. Noyuki revient de loin. Il se voyait déjà déshonoré.
- Si l'Impératrice le soutient, rien ne pourra empêcher cette pièce d'avoir lieu. Dans le palais cette fois, m'avez-vous dit ?
- Oui, l'endroit est mieux protégé des incendies.
- Bien sûr...

Mitsurugi se dit que c'est la conspiration qui s'offrait un répit et qui cette fois allait pouvoir attaquer directement dans le palais. Shosuro Jotaro serait là. Mitsurugi gardait ce pion dans sa manche : pouvoir dénoncer l'acteur comme étant le conspirateur Cristal quand il le voudrait. Seulement, ce n'était pas à lui qu'il en avait d'abord ! Celui qu'il fallait mettre hors d'état de nuire, c'était le chef de la conspiration, Nuage ! Lui dont on apprenait presque un nouveau crime chaque semaine !
La mort du soldat Lion, la destruction du clan du Serpent, la déchéance d'Asako Yoriku... Ah, pourvu que Sasuke revienne vite !









Samurai<span style="color:green">FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !Samurai
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#3
Dans ta face la Grue Noire !!§§Boxe
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#4
Suite ci-dessus : Akuma repoussé et le Gozoku ne perd rien pour attendreSamurai
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#5
Le Mitsu crew s'impose chez les lascars du GozokuNegueu
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#6
Fin de l'épisode : Mitsu chez les Dragons : quelques infos sur le Bouffon et sur la novice.Samurai
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