29-10-2009, 12:06 PM
(This post was last modified: 30-10-2009, 03:47 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Nos héros arrivèrent à la Vallée aux Esprits en fin de journée.
Les insectes de nuit y crissaient. Les étoiles ressemblaient à des pépites de glace, très brillantes. La lune d'automne, flou dans les nuages, avait des teintes d'émeraude.
On voyait des dizaines de feux dans la forêt. C'était les campements des pèlerins, près des innombrables temples dispersés dans la région. Des moines guidaient les voyageurs vers leurs Ancêtres. Doji Onegano conduisit son groupe à un petit temple consacré au souvenir de dame Doji, la première impératrice. Il y avait des bassins d'eau thermale, où nos héros purent se laver et se détendre après ces longues journées à marcher. L'air était froid, cassant et vivifiant à la fois. Les vapeurs de l'eau étaient fantomatiques dans la lumière des torches.
Les Lions et Goemon se promenaient durant la journée et faisaient les repas du soir, pendant que les Grues allaient d'un temple à un autre pour prier et rencontrer les moines. Chaque matin, Mitsurugi s'entraînait avec Goemon, pendant que Sasuke rencontrait des shugenjas de la famille Kitsu pour parler des Ancêtres.
Mitsurugi n'avait jamais vu son ami aussi pieux !
Le troisième jour, alors que la forêt rouge d'automne était baignée par le crépuscule, Sasuke finissait de réécrire des parchemins magiques. Goemon et Mitsurugi étaient à la pêche, les Grues n'étaient pas encore rentrés d'une rencontre avec des cousins.
Le shugenja vit alors le chat qui lui tournait autour.
- Tiens, tu n'es pas avec ta maîtresse, toi ?...
Le chat tournait, nerveux. Il voulait que Sasuke le suive.
- Tu as quelque chose à me montrer ?...
Le shugenja sourit et rangea ses parchemins dans son sac.
- Allez, je te suis mais je te préviens, je suis plus rusé que toi... Et si la ruse ne suffit pas...
Il claqua des doigts et fit apparaître une flamme.
Le chat était pressé. Sasuke prit son sac en bandoulière et le suivit. Le chat l'emmena sur un sentier sinueux qui allait vers le fond de la vallée, où il n'y avait plus de temple. Après une marche à plat, il lui fit gravir la pente qui menait au col de l'Ouest, à la frontière de l'Empire.
- Tu m'emmène où comme ça, dis-moi ?...
Un épais brouillard couvrait ce pan de montagne. La nuit était bientôt là. Le shugenja n'était pas rassuré. Ce n'était pas que du brouillard. Des esprits vivaient à l'intérieur. Ils habitaient dans cette nappe brumeuse. Des gémissements en sortaient. Sasuke leva sa lampe devant lui. Il discernait des formes torturées qui évoluaient dans l'air et qui poussaient des plaintes douloureuses. D'autres, plus loin dans la forêt, criaient et certains reproduisaient des cris d'agonie.
Le chat frissonnait.
- Des esprits ancestraux en colère, murmura Sasuke.
Le chat aurait voulu avancer plus mais le shugenja ne savait pas ce qu'il pouvait faire.
- Tu sais au moins ce qui les a mis en colère ?
Sasuke commençait à avoir peur. Le brouillard descendait sur eux, et il savait que la magie du feu ne pourrait rien contre eux.
- Redescendons... Je ne peux rien y faire...
Le chat se résigna. Sasuke tremblait. Non, il n'était pas de taille contre eux. Les autres étaient rentrés quand ils arrivèrent.
- Alors, tu promènes le chat maintenant ? demanda Mitsurugi.
- On avait besoin de se dégourdir les jambes, fit Sasuke en souriant, gêné.
Le lendemain soir, le chat revenait le chercher. Mitsurugi était parti comme la veille avec Goemon, tandis que les Grues ne rentreraient que le lendemain matin.
Sasuke ne pouvait plus reculer. Ce satané chat avait découvert une menace incontestable ; moins les esprits des Ancêtres que ce qui avait pu les mettre en colère. Le shugenja devait s'armer de courage. Il refit le chemin et monta la pente, pénétrant dans les épais rideaux brumeux d'esprits torturés. C'était un vacarme bientôt à peine soutenable. Sasuke ne comprenait pas si ces cris hostiles étaient contre lui, si on voulait le chasser ou bien au contraire l'attirer. Notre héros était désorienté, comme s'il pénétrait dans une foule houleuse, prête à se jeter sur lui. Il ignorait si des shugenjas Kitsu auraient été capables de calmer ces Ancêtres. Il n'avait plus le choix, il devait avancer. Le chat frissonnait, ses poils se dressaient, il devait se défendre contre des mâchoires d'ectoplasmes qui voulaient le mordre. Assourdi, Sasuke avançait, incertain.
Il faisait froid mais soudain, le froid devint encore plus mordant, véritablement intenable. Sasuke se jeta à terre et une lame glacée de plusieurs mètres le frôla. Il en eut une mèche de cheveux glacée sur le coup. Notre héros invoqua son katana de feu et donna un coup dans l'air autour de lui. Les esprits des Ancêtres reculèrent en hurlant.
Seulement, ce n'était pas les Ancêtres qui avaient invoqué un sort de glace. Les esprits reculaient car Sasuke s'attaquait enfin à ce qui les mettait en colère ! Le calme revenait dans la forêt. Un calme inquiétant, mais que Sasuke connaissait. Le calme avant le combat. Il promenait sa lame flamboyante devant lui, guettait les moindres recoins du bois. Le chat ne bougeait plus : il s'était perché sur une branche. Sasuke se retourna mais trop tard, une boule de feu le frappa à l'épaule. Le shugenja tomba, lâcha son sabre qui s'évapora ; son épaule brûlait ! Il se roula sur la terre froide et éteignit les flammes. Sa peau tuméfiée se brûla encore sur une plaque de neige. Sasuke vit une silhouette se déplacer de branches en branches. Il invoqua les kamis et lança un météore enflammé, qui frappa de plein fouet la créature. Il se releva et marcha, un bras pendant, l'autre entouré de flamme, prêt à frapper de nouveau.
Il découvrit un hybride de femme et de monstre aquatique, brûlée vive. Elle avait été arrêtée nette dans sa course. Sa peau fumait encore. Elle avait des nageoires aux bras, de la peau entre les doigts. Sa peau était caoutchouteuse.
La douleur de Sasuke lui remontait dans tout le corps. Il s'assit contre un arbre. Il avait quelques herbes médicinales dans son sac.
- Oh le chat !
Le félin descendit de sa branche. Il ne faisait pas le fier, lui non plus !
- Rends-toi utile... Va chercher Mitsurugi... File !
L'attente allait être longue. Les esprits des Ancêtres revenaient, plus calmes. Ils gémissaient encore ; plusieurs tourbillonnaient au-dessus du cadavre de la créature. Ce n'était pas fini, il devait encore rester un monstre dans les environs, dont la présence mettait hors d'eux les esprits.
- Sasuke ! Sasuke !
Le shugenja se reposait contre l'arbre. Il avait transpiré abondamment à cause de sa blessure. Il avait réussi à étaler de l'herbe médicinale pour nettoyer sa plaie. Mitsurugi arrivait, précédé par le chat. Sasuke se releva et invoqua sur lui la peau de pierre, sort typiquement Crabe. A part sur sa tête, sa peau se couvrit d'une épaisseur de roche vert-de-gris.
- Que se passe-t-il ici ?
Sasuke désigna la créature qu'il avait abattue.
- Il y a encore autre chose... Montre-nous le chat...
Le bakeneko savait où aller. Nos héros montèrent jusqu'au col de l'ouest, dépassant la forêt. Ils arrivaient dans des montagnes désertes, sous l'immense nuit sauvage.
- Tu étais seul là-bas ?
- Oui, dit Mitsurugi. Goemon était déjà au lit. Je ne l'ai pas réveillé.
Passé le col, nos héros ignoraient s'ils étaient encore dans Rokugan ou dans les montagnes barbares de l'ouest. Le chat redescendit une pente d'herbes hautes et humides, en direction d'un bois qui brillait de milliers de lucioles. Cette féérie nocturne était loin d'enchanter nos héros. Ils avancèrent à travers la végétation illuminée. Ils virent un sentier qui descendait raide dans un vallon étroit, et menait à une grotte.
Des esprits flottaient dans l'air sec. Ils virent que c'était des lanternes fantômes, en suspension dans l'air. Chacune renfermait un esprit emprisonné. Il y avait une centaine de ces lampes sinistres. Mitsurugi avait la main sur le katana. La pente était glissante. Bientôt, nos héros aperçurent nettement l'entrée du souterrain, d'où émanait une lueur verte intense. Les lanternes restaient à se balancer lentement dans le vide.
La pierre verte au-dessus de l'entrée avait été gravé d'un symbole effrayant : une Grue recourbée sur elle-même, au cou tranché, avec une fleur perdant ses pétales à côté. C'était une déformation du mon de la famille Yasuki quand elle était encore chez les Grues.
![[Image: Old_Yasuki.png]](http://images3.wikia.nocookie.net/l5r/images/d/dd/Old_Yasuki.png)
Nos héros passèrent l'entrée : ils arrivèrent en haut d'un escalier très étroit, qui descendait le long de la paroi rocheuse dans une immense caverne. L'escalier tournait en un grand demi-cercle pour arriver dans une sorte de palais souterrain, avec deux grandes tentures, hautes comme cinq hommes, clouées au mur. Des signes manifestement démoniaques étaient tissés sur ces deux tentures, qui se trouvaient de part et d'autre d'une entrée qui menait encore plus loin sous terre, et d'où sortait un rougeoiement qui vibrait. Une palpitation cardiaque résonnait dedans, et, amplifiée par l'écho, grondait dans la caverne. Nos héros descendirent l'escalier. Les murs étaient tâchés de moisissure phosphorescente. Plusieurs runes étaient gravées au sol. Sasuke fit signe qu'il valait mieux ne pas marcher dessus.
- Le chat, dit Sasuke, va chercher Goemon, et tous les renforts que tu peux trouver. Dépêche-toi !
L'animal remonta en courant les marches ! Courageux mais pas téméraire !
Nos deux Lions approchèrent de l'entrée rougeoyante. Sasuke lut ce qui était inscrit sur les tentures mais ne dit rien à Mitsurugi. Il fit comme s'il n'avait pas compris...
- Il y a un monstre là-dedans, dit-il seulement.
Mitsurugi prit son sabre en main et Sasuke passa sa main sur la lame pour la rendre encore plus acérée. L'acier se mit à briller avec plus d'éclat.
La grotte rouge était plus étroite. Un abominable cri retentit, qui cloua de terreur nos héros. Le souffle même leur parvint, qui fit trembler la salle et apporta avec lui une odeur méphitique. Sasuke invoqua son katana de feu et ils approchèrent de l'entrée d'un recoin plus étroit, dans lequel on entendait une bête rugir, se débattre et cracher du feu. Les flammes venaient lécher la paroi près de nos héros, et le souffle du feu ressemblait à un vomissement interminable. Les deux Lions s'étaient mis près de l'entrée, l'arme à la main. Mitsurugi fit signe d'y aller : il passa devant, sachant qu'il allait découvrir au dernier moment son adversaire !
Même lui qui avait le cœur bien accroché, il s'arrêta dans sa course face à la bête : un dragon de petite taille, avec une peau vert foncé, comme un crocodile, une gueule hérissée de plusieurs rangées de dents, une bave épaisse, des petits yeux noirs cruels et deux paires d'ailes aux bords tranchants. Seulement, la créature était emprisonnée par des chaînes et en devenait folle. Plusieurs runes, autour d'elle, brillaient d'une flamme bleutée.
Mitsurugi ne prêta pas trop attention à ces détails et frappa le monstre avant d'éviter un coup de griffe. Même affaibli, le monstre restait un adversaire formidable. Le coup de Mitsurugi avait porté, arrachant une patte. Sasuke arrivait, éborgnant la créature. Celle-ci, surexcitée par la douleur, arracha presque ses chaînes, et lança un coup de griffe furieux, qui lacéra la poitrine de Mitsurugi ! Avant de défaillir de douleur, notre héros frappa encore, en même temps que Sasuke et réussit à trancher la tête du monstre. Sasuke finit de la couper de lame brûlante, puis il mit le feu au corps du monstre. Il amplifia encore le feu, quand Mitsurugi eut reculé, à moitié assommé. Sasuke appuya son ami sur son épaule et boita pour retourner dans la grande caverne verte.
Ils s'arrêtèrent au pied de l'escalier. Mitsurugi s'assit en poussant un soupir douloureux. Sasuke visa les deux tentures et y mit le feu. Celles-ci se tordirent sous les flammes, se décrochèrent et tombèrent lentement. Toute la grotte rouge était la proie des flammes.
- C'était quoi ça ? dit Mitsurugi, le souffle court.
- Je peux te le dire maintenant... C'était le Shuten-Doji !
- Quoi ?...
- Le Shuten-Doji du Regret... Quelqu'un l'a emprisonné ici et l'a affaibli grâce à ces runes...
Le monstre qui avait corrompu le clan du Serpent ! Mitsurugi devint tout pâle et perdit connaissance. Sasuke l'aida à s'allonger et sourit. Qu'aurait-il gagné à lui dire la vérité avant le combat ?...
La blessure du shugenja redevenait douloureuse. Il sortit de son sac une petite fiole d'alcool pour les cas urgents, ainsi que des sels. Il les mit sous le nez de son ami, qui se réveilla.
- Salaud... le Shuten-Doji, tu ne pouvais pas me dire...
- Bois un coup, ça ira mieux...
Mitsurugi attrapa la fiole et la vida.
- Ah, ça y est, je peux mourir..
Sasuke regarda la grotte écarlate qui flambait. Au moins, ils ne mourraient pas de froid. Le chat revint un peu plus tard, accompagné de Hida Goemon. Le Crabe ne chercha pas à comprendre. Il aida d'abord Sasuke à remonter Mitsurugi. Une fois sorti de la grotte, ils lui firent un brancard avec des branches et de la corde amenée par Goemon et le ramenèrent dans le bois. Les lanternes s'envolaient peu à peu. De même, les esprits des Ancêtres disparaissaient. Des moines arrivaient en courant. Ils prirent en charge Mitsurugi.
- Même ici il faut qu'ils jouent les héros, dit Goemon.
Morte d'inquiétude, Ikue se précipita sur Mitsurugi. Ce dernier prit la main de sa fiancée :
- Ça va aller, ne t'inquiète pas.
Deux jours plus tard, l'Inquisiteur Kuni Tadao arrivait. Les esprits de la Terre lui avaient signalé cette présence démoniaque dans la Vallée aux Esprits. Mais le bakeneko avait eu plus de flair que les esprits...
Et qui arrivait avec Tadao-sama ? La BEC !
Fraîchement débarqués du port Yasuki le plus proche de l'archipel des Mantes, Mamoru et Yojiro avaient aussitôt repris la route pour venir à la Vallée aux Esprits !
- J'espère que vous vous l'êtes coulés douce aux Royaumes d'Ivoire, dit Mitsurugi, encore alité, parce que ne comptez pas qu'on vous paye pour voyager chez ces barbares !
- Je vois que Mitsurugi-sama retrouve déjà la forme, nota Yojiro.
Mamoru s'étira, encore courbaturé après ces jours passés à frotter le pont du navire. Il avait du mal à se réadapter à la terre ferme. Il trouvait que le sol tanguait encore !
A des semaines de là, dans l'ouest le plus lointain, bien près du bout du monde, un petit navire de la Mante terminait sa traversée le long des côtes des Royaumes d'Ivoire. Il remontait l'embouchure du fleuve où se dressait un petit port. La côte était fertile, recouverte d'herbes, mais rapidement derrière, on ne voyait plus qu'une immense étendue de sable, qui semblait douce comme la caresse d'une femme mais où régnait un soleil dévastateur.
Yatsume et Avishnar montèrent sur le pont et se rendirent dans une petite caserne où manœuvrait une troupe de samuraï de la Ki-Rin.
Des femmes presque nues, avec des poitrines énormes, portant des jarres sur la tête, regardaient les étrangers à la peau jaune. L'air était étouffant. Des hommes à la peau noire démontait leur village de tente. Des guerriers montés sur des chevaux bossus et difformes prenaient la route. Des enfants à la peau couleur de terre cuite, sautaient dans l'eau en riant.
L'horizon du désert tremblait ; le vent soufflait depuis la côte et partait vers des espaces inconnus où il n'aurait plus aucun témoin.
FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !
