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24ème Episode : La Cité hors du temps
#11
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


- Le patron est de sortie ce soir...
Yojiro finissait les restes dans les cuisines. Autour de lui,se pressaient marmitons et servantes, à la lumière des restes de bougie de la réception des Kitsu. Entre deux bouchées, le rônin contait quelques-uns de ses nombreuse aventures.
- C'est vrai que sans moi, quelqu'un comme l'ambassadeur Mitsurugi n'en serait pas là où il est, vous voyez... Resservez-moi donc du vin, j'ai soif à force de parler.
On lui amenait un cruchon et un coupe.
- Oui, moi je les connais un peu ces grands seigneurs... De loin, ils sont impressionnants. Mais de près, hé bien à la fois ils sont comme nous, mais aussi, ils sont incroyablement supérieurs. Moi j'ai la chance de les fréquenter, je sais de quoi je parle...
On l'admirait, on le sentait nimbé de l'aura du beau monde qu'il côtoyait.
- Yojiro-san, dites-nous quel est le pire monstre que vous avez combattu ?
- Le pire, ah non, je ne peux pas en parler... Vous n'en dormiriez plus de la nuit mes pauvres amis.
- Allez, dites-nous !
- Ah non, non ! C'est trop infâme !
- A ce point ?
- Vous n'avez pas idée... A en perdre aussi l'appétit !

Un soldat entra brusquement :
- Attention, un incendie en ville ! Il a l'air de se propager rapidement...
Les serviteurs coururent au puits organiser la chaîne d'eau en prévention de l'arrivée des flammes.
- Un incendie par un temps si humide ? dit Yojiro.
Il monta sur les remparts avec le soldat Matsu :
- Regarde, il se répand tellement vite, mais a l'air de s'éteindre... On dirait comme une traînée de feu d'artifices...
- Qu'est-ce donc ? demandait un officier, qu'on venait de tirer de son sommeil. De la lave ?
- Ou bien une sorte de comètes ?
- Un esprit du feu ?
- Non, dit Yojiro, je sais ce que c'est...
Il soupira et descendit chercher ses armes. Il avait deviné que la traînée incandescente qui se rapprochait du palais n'était autre que Sasuke, arrivant à grand pas pour une mission nocturne.
- Je le connais, le conseiller, quand il est comme ça, c'est qu'on ne dormira pas avant l'aube.
Les espions de Tangen postés sur les toits n'avaient pas de mal à surveiller Sasuke !
- Yojiro !
Comme l'impétueux shugenja franchissait les portes du palais des Lions, Yojiro se tenait déjà prêt.
- Dire qu'il va falloir courir et que je viens de manger..
- Yojiro ! Nous partons !... Tu es déjà prêt ?
- Oui. Une prémonition... Je vais avancer votre palanquin ?
- Inutile car nous partons incognitos...
Et, toujours enrobé d'une aura de flammes, il repassa à grandes enjambées la porte, avec Yojiro qui lui emboîtait le pas, sous les regards compatissants des serviteurs et soldats.


Samurai


Kokamoru avait fait le bravache une fois de trop ! On ne provoquait pas Sasuke inutilement, surtout quand il était venu chercher le premier la provocation ! Il allait enflammer les ténèbres jusqu'au fin fond de la nuit s'il le fallait pour détruire la menace représentée par ces ombres, ravager l'obscurité, brûler les serviteurs ignobles de cette chose maudite...
- Conduis-nous au pont du Dragon, Yojiro...
- Celui au sud de la baie ?
- il y a plusieurs ponts du Dragon ? Non, alors au pont du Dragon...
Ils traversèrent le quartier noble d'un bon pas, Sasuke profitant de son laissez-passer diplomatique pour ouvrir les portes à grande volée. A peine s'il saluait les soldats... Il n'était pas temps de retarder la flamme de la justice en marche !
- Mon seigneur est pressé, insistait Yojiro, qui s'occupait des formalités.
Les soldats, réveillés au creux de la nuit, bâillaient, inspectaient les papiers et partaient se recoucher.
- Rien ne nous arrête, tu vois... Pas même les formalités Scorpions !
- Nous avons survécu à pire...
- Là où nous allons ce soir, Yojiro, j'aime autant te prévenir que nous y risquons notre peau, mais aussi notre honneur...
- Quel serait l'intérêt de sortir à une heure pareille ? Où allons-nous ? Sur l'île de la larme ?
- Mais non, tu n'y es pas... Nous avons mieux à faire que ces bagatelles !
- Hmm, dommage, cela m'aurait bien convenu, songea Yojiro.
Ils arrivaient sur le pont. Une chaloupe de soldats passait en-dessous lentement, en silence. Sasuke dit à Yojiro de ne plus bouger. Il ne fallait pas faire grincer une latte du pont. Quand les soldats se furent éloignés, Sasuke jeta une pierre dans l'eau. Rien ne remuait, pas un poisson.
- Ce n'est pas la baie du poisson mort pour rien, dit Yojiro.
- Les poissons ne sont pas tous crevés là-dedans tout de même, non ?
- Ils doivent dormir...
Contrarié, Sasuke s'appuya à la rambarde. Il inspectait l'eau, inquiet.
- Que cherchons-nous exactement ? murmura Yojiro.
- L'entrée d'une cité cachée...
- Cachée où ?
Sasuke regarda Yojiro comme si la réponse allait de soi :
- Sous l'eau voyons...
Une autre barque arrivait, trois lanternes à l'avant, qui éclairaient si peu qu'on aurait cru qu'elles dérivaient sur l'eau. Sasuke s'assit contre la rambarde, Yojiro fit de même... Ils restèrent immobiles tant que les lumières ne se furent pas éloignées sur la baie.
Quand Sasuke se releva, il devina un homme sur le pont. Un souffle glacial provenait de lui :
- Qu'est-ce que c'est que ça ? dit Yojiro, la main au sabre.
- Kokamoru...
Le Scorpion émit un bref ricanement et sauta dans l'eau. Il s'y s'enfonça sans un bruit.
- Le misérable nous montre le chemin...
L'eau s'était mise à remuer ; des lueurs remontaient à la surface, comme des bulles d'air. Bleuâtres, elles n'éclataient pas, formant une mousse compacte, comme des milliers d'yeux morts...
. Qu'est-ce que c'est encore que ce maléfice ?
- Ferme les yeux et la bouche, Yojiro... Nous y allons.
- Comment ?
Sasuke se hissa sur la rambarde. Il serra les poings, regarda ces eaux gluantes, prit une inspiration et sauta.
Yojiro s'était précipité trop tard pour le retenir. Il contempla cette sorte de marécage en formation, fit une moue de dégoût. Il soupira sur son sort puis partit rejoindre Sasuke, au fond des choses...

La mousse disparut quand le rônin eut plongé. Les espions arrivaient en courant.
- Ils ont plongé là ! Avertis le maître...
- Inutile, le voilà déjà.
Tangen arriva à grands pas.
- Maudit shugenja... Il poursuivait Kokamoru, évidemment. Où a t-il pu t'emmener ?
Le conseiller se drapa dans son lourd manteau et repartit prestement, serrant dans sa main son pendentif en cristal.


Samurai


Un vent glacial soufflait sur le sol de marbre tout lisse. A perte de vues, ce grand dallage sans défaut. Le ciel était liquide : on y devinait des reflets, ceux de la lointaine Cité des Mensonges, très haut, comme dans un autre monde. Sasuke venait d'arriver dans ce monde sans vie. Il lui semblait qu'il courait depuis des heures après Kokamoru : celui-ci le narguait ; il s'éloignait dès que le shugenja approchait. On aurait cru qu'ils étaient condamnés à cette course absurde jusqu'à la fin des temps. Des colonnes se dressaient, solitaires, des têtes sculptées dans la roche, des tumulus, des rivières gelées. Sasuke s'acharnait à travers le brouillard frais ; le dallage disparaissait dans un désert bleu. De grandes mains agrippant un objet imaginaire sortaient des dunes. Des méduses dansaient dans les airs. Il faisait de plus en plus clair : le ciel était luisant, comme l'eau d'un lac l'hiver. Le sable virait au blanc ; les visions difformes se succédaient. Le crépuscule arrivait : il tombait en quelques minutes et c'était à nouveau la nuit après ce jour étrange.
Sasuke arrivait dans un village empli de vieillards claquant des dents : des rokuro-kubi ! Des vieillards du remords, morts tourmentés, revenus chez les vivants pour les persécuter ! Ces déchets d'hommes aux mâchoires décharnées aboyaient en un choeur effrayant. Yojiro sortait d'une maison, rejetant à coups de manches de sabres les spectres aux gueules féroces.

Des Scorpions sortaient d'un palais, pressés, farouches, s'éparpillaient dans les rues. En tournant au coin d'une ruelle, Sasuke et Yojiro découvraient un énorme quartier d'eta, à moitié englouti dans un marais aux odeurs infects. Les rues étaient inondées, des maisons coulaient dans la vase. Les plus gros bâtiments étaient envahis par les algues, rongés par la moisissures, lentement digérés par les sables mouvants. Des rokuro-kubi y agonisaient en silence : leurs pathétiques mâchoires semblaient vivre une vie propre, appeler en vain à l'aide. Kokamoru apparaissait à un coin de rue ou un autre, brièvement. Yojiro repoussait des mégères qui hurlaient à la mort, des enfants aux cris d'orfraie.
Ils traversèrent les eaux épaisses, en marchant sur des crânes qui montaient et descendaient. Derrière eux, la cité finissait de s'enfoncer dans la boue.

Ils suivent la trace de Kokamoru sur un chemin de campagne désert. Le vent qui souffle contre eux apporte des morceaux de parchemins ; bientôt, la campagne a disparu à son tour et les voici prisonniers d'un bâtiment énormes, une réplique de la bibliothèque des Bayushi, qui semble taillée dans des morceaux du ciel nocturne, édifice de voie lactée... Il y a des escaliers dans tous les sens, qui montent, descendent ; certains penchés ; d'autres ne mènent à rien, sont juste suspendus dans le vide. Des rayonnages de bois blancs sont à moitié calcinés : il ne reste rien des rouleaux qui ont dû sommeiller avant pendant des siècles, avant de finir en poussière. Des livres fantômes, des souvenirs de savoirs perdus. Les esprits des lecteurs traversent encore ces rayons, déambulant au hasard.

- Regarde par ici, murmure Kokamoru... Regarde le vieillard sénile reclus dans cette pièce, au fond, comme un prisonnier sans gardien, qui rédige l'ouvrage qui sera bientôt enfermé au fond de l'"enfer"... Le nom de ce lucide explorateur des ombres est Goju... Toi, d'avoir entendu ce nom, tu es lié à présent à sa malédiction. Jette un oeil sur son ouvrage : les Agonies Célestes ! Il raconte la mort du monde. Le moment de la chute des dernières étoiles, de la mort du dernier esprit. Cette pièce est hors du temps.
Sasuke marche dans l'allée et voit deux samuraï se battre en duel, acharnés.
- L'un a pour nom Shosuro Emmon. Caché derrière le masque du Cristal, il sera le fléau des Ombres, beau jeune homme voué à combattre des ennemis sans visage. L'autre a pour nom Riobe. Guerrier déchu, il a voué une haine féroce à Emmon... Ceci n'aura lieu que dans bien des siècles mais, dans la pièce de Goju, le temps est annulé ! Regarde, voilà que la tête d'Emmon roule à terre puis, Riobe, à son tour, est capturé, exécuté devant le nouvel Empereur Toturi... Cela a déjà eu lieu dans un avenir lointain, que tu ne peux rien faire pour empêcher... Tu t'agites en vain, Sasuke, comme si tes flammes n'allaient pas s'éteindre un jour, comme si le Phénix pouvait sans cesse renaître.
"Regarde ce planisphère. Tu y vois l'astre qui gravite autour de notre planète, la Lune, qui se fendille et révèle, tapi dans le vide, l'Ombre d'où a surgi le monde, le soleil, les étoiles et la poussière dont tu es fait.
"Dans ces abysses, rien ne compte plus... Vois, elle... ta descendante lointaine. Le germe de corruption qui est en toi germera pendant plusieurs réincarnations et finira par éclore avec elle. Elle se nomme Isawa Ayame : victime de sa curiosité folle, elle plongera son regard dans les Agonies Célestes. Elle en perdra toute raison d'espérer.

Sasuke ne peut pas parler à Ayame. Il l'aperçoit, occupée à sa lecture, tandis que l'eau monte. Les rayonnages moisis craquent, croulent, s'effondrent. Yojiro dit qu'il faut partir. Sasuke appelle encore : Ayame ne l'entend pas. La bibliothèque va être engloutie.
Les deux samuraï font demi-tour. Une vague déferle, fracasse les étagères et balaye sur son passage nos deux héros. Ils se sentent couler. et d'un coup, se réveillent sur la rive de la baie.
Les oiseaux chantent dans les arbres. Des pêcheurs sortent de chez eux. Le ciel bleuit. Les fêtards rentrent de l'île de la Larme. La Cité s'éveille...
- Rentrons, murmure Sasuke.
Sur le pont, Kokamoru agonise devant le soleil qui se lève.

Le lendemain matin, Sasuke est sur le départ. Il n'a plus rien à faire dans cette capitale. Il part à cheval. Le palanquin le ralentirait trop.
- Nous allons partir au galop, Yojiro. Sois prêt à pousser ta monture à bout. Nous devons rejoindre Mitsurugi...
- Il est parti il y a de cela quatre jours !
- Je veux le tenir au courant de la suite de notre trajet.
- Parce que nous n'allons pas à la Cité des Apparences ?
- Non, bien plus au nord... Chez les Dragons...
Yojiro sait qu'il ne faut pas en demander plus.
- Voyageons léger... Nous trouverons de la nourriture en chemin. Espérons que les cols soient praticables en cette saison.
- Nous verrons bien si l'armée du général est passée. S'ils sont passés, nous passerons...
- Nous pourrions tenter notre chance par le col de Beiden.
- Non, les éclaireurs sont formels, Sasuke-san. Personne ne passe.
- Alors nous passeront par les terres Soshi.
- Ces terres de malheurs... Que de souvenirs là-bas.
- Nous y passerons trop vite pour avoir le temps d'y dormir !
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#12
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Sasuke et Yojiro rejoignirent la troupe de Kokatsu dans les montagnes et les quittèrent à la sortie de la Cité du Cri Perdu. Il prenaient plein nord, vers les montagnes des Dragons.
- J'espère que vous savez ce que vous faites, leur dit Mitsurugi.
- J'espère aussi, dit Sasuke. Non, en fait, j'en suis sûr...
- Tu ne m'as même pas dit où en est le conflit de succession.
- Toujours pareil.
- Je ne comprends pas comment la famille Kitsu a pu se laisser entraîner chez Tangen.
- La réponse est dans ta question : parce que c'est Tangen.
- Cela nous dépasse... Pour le moment, je me garderai bien de transmettre l'information à Kokatsu.

Ils traversèrent le grand fleuve qui venait de l'est et entrèrent dans une région sauvage, au nord des terres du Lion. Des vallées très vertes, d'immenses tapis de fleurs. Quelques villages qui vivaient à l'écart de tout clan. Ils entamèrent l'ascension des montagnes éternelles du Dragon. Ils changèrent de monture, prirent un guide pour les amener rapidement vers les sommets.
- Nous ferons étape à Heibetsu, seigneurs, c'est une ville où il est indispensable de s'arrêter.
Ils découvraient un pays isolé, des hauts plateaux, avec dss temples perchés en haut de pentes rocailleuses. Ils assistèrent un soir à une démonstration de l'art du combat à deux sabres, avec deux samuraï au crâne rasé, tatoués de partout. les sabres virevoltaient en tous sens.
- Qu'as-tu pensé de cet art du sabre ? dit Sasuke.
- Virtuose à l'évidence, dit Yojiro, en connaisseur, mais ce sont plutôt des danseurs que des guerriers, ceux qui se battent comme ça.
Ils continuèrent leur ascension pendant trois jours. Le soleil était éblouissant à cette altitude, l'air très pur. Ils arrivaient en vue d'Heibetsu, planté comme un nid d'aigle au pied des neiges éternelles. Un glacier bleu s'arrêtait presque à l'entrée de la ville. Il y avait au pied de ce monstre de glace un autel sur lequel brûlait de l'encens et des chiffons. Ils entrèrent par une porte où il fallait tourner un moulin à prières. Un gros marchand passait sur le dos de son yack presque aveugle à cause de ses poils. L'énorme animal portait une selle magnifiquement décorée.
- Même dans ces hauteurs, il y a des nouveaux riches, dit Yojiro.
- Quant à nous, nous ne devons pas nous faire remarquer.
Notre shugenja voyageait habillé comme un humble samuraï. Il avait troqué le beau kimono des Matsu pour de solides vêtements de montagnes. Il demanda à rencontrer le gouverneur de la ville. C'était le père supérieur de la communauté qui régissait la région. C'était un religieux dans la force de l'âge. Devant les honnêtes villageois, il jouait le rôle de bon père de la communauté, avec son grand bonnet orange. Quand il fut seul avec lui, Sasuke comprit qu'il avait les pieds sur terre et savait jauger les hommes.
Il s'entretint d'abord longuement avec lui, pour lui expliquer qui il était.
- Ta venue ici, noble Lion, pourrait être une bénédiction pour le village.
- Je ne peux m'acquitter de mes devoirs pour le moment. Cela pourrait alerter mes ennemis, mettre en péril ma mission.
- Alors il vaut mieux que tu ne restes pas trop longtemps par ici.
- Je comprends.
- Que cherches-tu dans une région qui t'est inconnue ?
- Je cherche quelque chose dont j'ai eu la vision. Je cherche une pièce dont les murs sont sertis de morceaux de cristal...
- Puis-je te demander la raison pour laquelle tu cherches cette pièce ?
Sasuke baissa les yeux et avoua poliment qu'il ne pouvait en dire plus.
Il sortit le soir du temple. Yojiro l'attendait à l'auberge, où il jouait aux osselets avec des paysans.
- Ces moines ont un certain culte du secret et des énigmes, dit Sasuke, agacé.
- Hmmm ?
- Ils doivent toujours y aller par quatre chemins. Et comme ils disent : le chemin qui descend et aussi le chemin qui monte !
- Je ne comprends pas.
- Moi non plus, sinon que le père supérieur m'a embrouillé les esprits.
- Ils veulent protéger leurs secrets des étrangers, quoi d'étonnant ?
- J'ai réussi à comprendre que nous devons aller vers l'ouest. J'y rencontrerai d'autres de ces moines tatoués.
- Qui sait si nous ne tomberons pas sur Maya ?
- Elle ? Les dieux nous en gardent...
- Elle doit être la risée de son clan...
- Ils l'ont déjà oubliée !
- Vers où allons-nous ?
- Nous montons vers le château des Agasha. Je devrais m'entendre avec eux : ces shugenjas vénèrent les divinités du feu.
- Allons, Sasuke-san, dites plutôt que vous viendriez les épater par vos talents !
- Non, non, incognito j'ai dit...
Ils prirent le chemin de la montagne de fer. Ils firent étape chez des paysans misérables, inquiets de voir des étrangers.
Le premier soir, il leur sembla entendre des cavaliers sur la route. Yojiro voulut demander aux paysans : ceux-ci détournaient la tête, ne comprenaient pas.
- Pas de cavaliers par ici... Chevaux ne passent pas.
A l'étape suivante, chez des ermites, même impression : des cavaliers sur la route, des hennissements de chevaux à la tombée de la nuit.
- Une troupe de cavaliers ? Impossible à cette altitude. Les chevaux ne survivraient pas longtemps. Il n'y a que certains mulets qui peuvent arriver si haut.
On leur souriait aimablement.
Le troisième soir, alors que le sommet rose de la montagne était en vue, avec les bâtiments en bois de la grande mine de fer, ils dormirent à la belle étoile. Encore les cavaliers.
Sasuke alluma des torches. Ils se promenèrent dans la montagne de nuit : ils percevaient l'écho de ces chevaux, des sabots qui martèlent la pierre. Ils perçurent en contrebas un tourbillon qui se déplaçait : Sasuke y sentit les esprits de l'air enragés.
- Allons voir...
Yojiro n'aimait pas cela.
Un chemin descendait raide dans une ravine profonde. Les deux samuraï traversèrent le tourbillon en quelques pas. Leurs torches toujours en main, ils suivirent les eaux qui ruisselaient sur la pierre lisse. Ils entendirent des sabots claquer derrière eux : trois cavaliers les observaient, trois formes noires armées de lances.
- Qui êtes-vous ? cria Yojiro.
Les cavaliers ne répondirent pas.
- Je vous somme de répondre, par Matsu ! dit Sasuke.

Un sifflement : une lance se planta aux pieds de Yojiro. Sasuke expédia une boule de feu vers le lanceur : celui-ci la reçut et tomba sans un cri. Le cheval rua de même, sans un bruit et s'enfuit. Les deux autres cavaliers rebroussèrent chemin. Sasuke remonta en haut de la pente, où il ne trouva rien que de la poussière calcinée.
- Nous sommes sur le bon chemin, crois-moi, dit-il à Yojiro.
Ils redescendirent le long du courant. Ils entendaient des cavaliers de plus en plus nombreux affluer. Avec l'écho, cela prenait des proportions effrayantes. L'espace entier était empli des hennissements, des roulements de rochers, des fracas de sabots. Au fond du creux, ils trouvèrent un chemin tout droit. Ils savaient qu'ils étaient cernés par les cavaliers, qui allaient descendre par la ravine et se mettre à leur poursuite. Ils pressèrent le pas. Sasuke maintenait une flamme allumée dans sa main, qui pliait sous le vent de la montagne. Il devait la couver entre ses doigts. Soudain, un galop se fit entendre. Sasuke se retourna et projeta une boule de feu sur l'assaillant invisible. Le feu explosa sur lui, révélant une forme humaine indistincte, au visage presque lisse, monté sur un cheval aveugle. Ce fut bref. Yojiro trancha la tête du monstre.
- Viens, ne perdons pas de temps.
Horrifié, Yojiro s'éloigna : cavalier et monture se liquéfiaient à vue d'oeil.
- Dans quoi nous sommes-nous plongés ?
- Dans le royaume des ombres vivantes, dit Sasuke.
D'autres cavaliers trépignaient à l'entrée du chemin.
- Je reconnais l'endroit, dit le shugenja.
Le chemin serpentait maintenant entre des parois abruptes. Ils remontèrent une pente douce, qui s'élargissait pour arriver dans un cirque. Les cavaliers progressaient dans le chemin tortueux. Sasuke alluma une grande torche. Il vit l'entrée d'une grotte se dessiner dans la paroi lisse. A l'intérieur, on devinait un scintillement.
- Nous y sommes, dit Sasuke, haletant.
Ils s'engouffrèrent dans le tunnel. Des cristaux brillaient au mur. Au bout du boyau, une pièce où il faisait presque clair comme en plein jour. Une table avec un épais parchemin déroulé.
Et au pied de cette table, une femme évanouie. Jeune, elle portait les couleurs de la famille Isawa. Elle était amputée du bras gauche. De l'encre noire avait coulé de ses yeux : ou bien des larmes ?...
- C'est elle, dit Sasuke, qui cachait son émotion. Emmenons-là.
Le rônin n'essaya pas de comprendre. Il prit la fille dans ses bras et ils sortirent. Sasuke invoqua son sabre de feu : il ouvrit violemment le passage dans les créatures obscures qui s'étaient agglutinées devant l'entrée. Ils dévalèrent la pente. Les cavaliers se jetaient du haut du plateau dans le ravin. Ils auraient dû se tuer s'ils n'avaient été de grotesques imitations d'hommes et d'animaux.
Ils couraient de toutes leurs jambes quand ils faillirent basculer dans une large fissure, qui était apparue au sol. Elle était franchissable par un cheval, bien plus difficilement par un homme, surtout s'il fallait emmener la fille. Sasuke se concentra, tapa son poing dans sa paume, leva les mains puis les abaissa brusquement. Une grosse avalanche se déclencha : l'effondrement se propagea dans un grondement et engloutit la plupart des cavaliers.
- Voilà qui est mieux.
Yojiro déposa avec précaution la fille par terre et dégaina son sabre. La roche remuait : les cavaliers allaient se ranimer. La substance noire de l'ombre s'écoulait hors de l'éboulis et reformait les assaillants difformes.
- C'est beaucoup trop large pour qu'on saute, dit Sasuke.
Il invoqua encore son sabre de feu.
- Ils vont être nombreux, trop nombreux pour nous, dit Yojiro.
Les chevaux reprenaient leur fausse vie, poussaient des hennissements glacés à la lune, les cavaliers sifflaient. Yojiro fit tourner son sabre et le prit fermement en main.
La fille remua, gémit...
- Elle ne dort plus, elle ? Elle risque pas de nous être utile de toute façon...
- Hé ho, dit vertement Sasuke, tu oublies de qui tu parles !
- Pardon, on ne me tient au courant de rien... Une cousine à vous ?
- En quelque sorte...
Les cavaliers se regroupaient pour l'assaut.
- J'aime ces réunions de famille dans des endroits improbables...
Sasuke invoqua tous les esprits du feu qu'il put, alors que l'armée des ténèbres lançait sa charge.








Samurai FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ ! Samurai
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#13
mmmh bave

ca faisait longtemps que tu ne nous avais pas gaté avec autant de bonne littérature

Faut dire que les autres écrivains du forum vont bientôt te dépasser si tu ne t'y remets pas Troll1
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#14
Ahah, à quand le prix Mamarland de la littérature ? [Image: stupendous.gif?dateline=1305502083]
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#15
J'aime beaucoup ces petites discussions des héros devant les hordes d'ennemis terrifiants biggrin
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