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18-06-2009, 03:26 PM
(This post was last modified: 18-06-2009, 04:07 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 9ème Episode</span><!--/sizec-->
Serpent 402
Dans les entrailles de la pieuvre<!--/sizec-->

Le bushi tenait à bout de bras une lampe, qui se balançait dans le vent. Il essayait d'y voir clair avant de donner l'alerte. Une énorme branche, jaillie du sol, lui transperça la poitrine. Il put hurler avant d'être jeté à bas de la Muraille.
Mamoru et Yojiro arrivaient les premiers et taillaient la branche à coups de sabre, suivis par Mitsurugi et Sasuke. Ce dernier invoqua les flammes qui se mirent à tourbillonner autour de ses mains. La terre de l'Outremonde grondait, et des dizaines de branches se mirent à en jaillir, et, comme vomis par le sous-sol, d'horribles araignées obèses jaillirent, les yeux phosphorescents. Elles brillèrent encore plus après avoir reçu la pluie enflammée que leur jeta Sasuke !
Le shugenja invoqua ensuite son sabre enflammé et descendit du mur, accompagné de Mitsurugi, pendant que la BEC se jetait en avant sur l'ennemi ! Yatsume sonnait les cloches et se jetait à son tour dans la mêlée, juste devant Maya.
Il y eut des craquements et des bruits de grouillements affreux, dans le mauvais brouillard permanent qui stagnait en ces terres comme des vêtements de deuil. Maya abattait à poings nus des gobelins qui suivaient les attaquants ; elle fracassait leurs vilains petits crânes comme des poupées.
Les branches continuaient à jaillir mais Sasuke connaissait maintenant la manoeuvre, et quand il vit une ouverture assez grande, il expédia un déluge de flamme dans le "trou de taupe", et il y eut une dévastation immédiate des occupants des galeries souterraines.
La terre se mit à fumer ; elle était sur le point de se solidifier, pendant que les rampants rôtissaient, cuits à l'étouffée !
Nos samuraï reculèrent vers la muraille sans tourner le dos à leurs derniers ennemis. Déjà, les archers Hiruma apparaissaient sur les créneaux, et envoyaient des volées de flèches enflammées sur de nouveaux arrivants. Une troupe de Hida, armée de tetsubo, descendait et prenait la suite de nos héros : ils fracassèrent la petite troupe de "peaux-vertes" et les quelques petits monstres qui s'étaient glissés dans leurs rangs...
Nos héros remontèrent à la corde, et s'accordèrent une bonne rasade de bière dans le poste de garde. La nuit fut encore très longue et, à l'aube, on discernait mieux les cadavres pourrissants des créatures abattues dans l'obscurité. C'était comme un ressac permanent, de marées hautes ou basses, de vagues de l'Outremonde qui s'échouaient inlassablement sur la Muraille.
De retour de la vallée de la Honte, nos héros avaient pansé leurs plaies, avaient reçu les remerciements de l'Inquisiteur Kuni Tadao, puis ils étaient repartis sur la Muraille. Ils étaient ressortis glorifiés de cette mission, sauf Maya, qu'on tint à l'écart de cette histoire, pour ne pas révéler qu'elle n'avait rien eu de plus pressé que de finir dans le lit du fils de la famille.
Mitsurugi qui, même avant cela, la tenait en très basse estime, refusait désormais de la laisser approcher de lui. Il ne voulait plus entendre parler d'elle. Sa seule présence était pour lui déshonorante.
Dans le petit matin déjà tiède, nos héros quittaient la Muraille pour rejoindre leur palais, où ils passeraient la journée à se reposer et se distraire, en attendant de reprendre leur tour le soir.
A l'heure du thé de l'après-midi, Mitsurugi, mal réveillé, reçut une lettre portant un sceau officiel. Notre héros bâilla et cligna des yeux : il ne rêvait pas, c'était le sceau impérial ! Il ouvrit l'enveloppe et lut qu'il était convoqué au palais d'Ivoire, dans la Cité de la Pieuvre.
Il se gratta la tête. Il se renseigna auprès d'un garde de la caserne, qui lui dit que cette Cité était la capitale de la famille Yasuki.
Oui, il s'en souvenait maintenant : le Palais d'Ivoire qui était là-bas était en fait une ambassade impériale.
Il rentra dans la salle commune et informa Sasuke de cette convocation.
- Que peuvent-ils bien nous vouloir ?
Les deux hommes n'étaient pas mécontents de pouvoir quitter la Muraille, au moins quelques jours. Dans la soirée, alors que nos héros faisaient leurs bagages (puisque tout le monde suivait Mitsurugi, qui était le plus haut gradé), ils furent convoqués chez le capitaine Kaiu Koga.
L'Inquisiteur Kuni Tadao était là. Il salua nos héros et les remercia encore pour leur aide dans la vallée de la honte.
- Une événement grave concernant la famille Matsu, dit l'Inquisiteur, vient de se produire.
- De quoi s'agit-il ?
- Un soldat de votre famille, qui se trouvait en poste à la Cité de la Pieuvre, a été retrouvé mort.
Mitsurugi se demanda si cela était en rapport avec sa convocation là-bas.
- Le capitaine Koga, continua Tadao, m'apprend que vous vous apprêtiez à partir là-bas.
- Oui j'ai reçu une convocation impériale., dit Mitsurugi en montrant le sceau.
- Je comprends. Les ordres de la famille Hanteï passent avant mes attentes, c'est naturel. Toutefois, je voudrais savoir, Mitsurugi-san, si vous consentiez à me confier quelques-uns de vos hommes pour régler cette histoire.
- Ma foi, je dois me rendre sans tarder à la Cité de la Pieuvre. Où voudriez-vous envoyer ces hommes, sinon là-bas ?
- A l'endroit où le soldat Matsu a été retrouvé assassiné.
Mitsurugi sentait que l'inquisiteur ne voulait pas en dire trop devant Kaiu Koga.
- Bon, je suis honoré de vous être agréable, dit notre héros. Aussi, Yatsume, tu vas prévenir Maya et Mamoru que vous allez tous les trois au service de l'Inquisiteur. Vous reviendrez me faire votre rapport quand vous aurez terminé votre mission !
- Bien, Mitsurugi-sama, dit Yatsume.
- Tu veux garder Yojiro avec nous ? sourit Sasuke à voix basse, pendant que Yatsume sortait avec l'Inquisiteur et que Koga signait quelques papiers.
- J'ai besoin d'un des deux rônins pour nous indiquer le chemin et nous guider à la Cité de la Pieuvre, dit Mitsurugi.
- Si tu le permets, j'aurai besoin de consulter les archives de la Muraille avant que nous partions.
- Entendu, mais fais vite. Nous partirons demain en milieu de journée au plus tard. Nous sommes convoqués pour après-demain matin !
Nos héros saluèrent le capitaine Koga et dirent qu'ils espéraient le revoir très vite, pour avoir l'honneur de défendre la Muraille...
- ... et passer des nuits à se faire tremper et à détruire des créatures répugnantes...
- Il faut bien que des samuraï s'attèlent à cette tâche. Bien sûr, les Crabes ne sont pas les plus honorables des hommes, mais ils nous défendent. Ne n'oublions pas.
Il y avait malgré tout une pointe de dédain aristocratique, même chez Mitsurugi, envers les Crabes. Il avait été du clan du Phénix, et on ne se refait pas facilement.
Le soir, Sasuke se rendit dans la grande bibliothèque du palais de la Muraille. Il voulait trouver le moindre indice concernant divers sujets ayant touché au vieux senseï Tange Sazen et à cette magie utilisée par les conspirateurs.
Nos héros avaient appris que ce Nuage, à l'origine de la déchéance de Sazen, utilisait avec ses complices des pendentifs en pierre précieuse. Visiblement, Kitsu Moriare, le vieux shugenja dont la mort avait été faussement mise sur le compte de Sazen, possédait un tel pendentif, à en croire son élève Kitsu Jô.
Sasuke passa la nuit entre les rayons. Il se fit recopier plusieurs parchemins de sort qui rejoindraient son arsenal personnel.
Il chercha des informations sur cette sorcière croisée dans l'île des pirates mais ne trouva rien Enfin, il trouva des informations sur la magie des pendentifs : ils étaient liés à un artefact très puissant, selon ces légendes anciennes que Sasuke consulta, qu'on nommait l'Œil de l'Oni. On pensait bien sûr à un artefact maudit, mais les mots étaient parfois trompeurs. Sasuke rechercha des précisions sur cet Œil et lut que c'était Osano-Wo en personne, le fils de Hida, la Fortune du Tonnerre et protecteur des bushis, qui l'avait découvert avec son armée, quelque part dans les montagnes du Crabe. A la mort du grand samuraï, l'Œil avait disparu.
Sasuke soupçonnait ces pendentifs de pouvoir communiquer magiquement avec cet Œil. Seulement, il n'avait aucun pendentif "valide" en sa possession. Il n'en avait retrouvé qu'un seul, celui de Kitsu Moriare, réduit en charbon, sa magie ayant disparu. Sasuke retenait que ces pierres se dégradaient comme le jade qu'on emploie pour se protéger de la Souillure.
Enfin, alors que le soleil se levait, Sasuke prit encore sur lui pour faire des recherches sur les esprits de la vallée de la Honte. Lui-même avait fait un rapport à l'Inquisiteur sur les monstres vus là-bas. Il trouva un endroit, sur des terres proches de la Muraille, qu'on nommait la tour des Gémissements, où des esprits semblables se réunissaient, disait-on, pour pénétrer dans d'autres mondes...
Sasuke bailla et se fit encore copier cette carte. En rentrant à la caserne, il la montra à Yojiro, qui reconnut, près de la tour, le symbole indiquant l'emplacement des ruines du château Hiruma. Celui-ci avait en effet été attaqué quelques années plus tôt par un gigantesque démon et son armée, qui occupaient depuis les terres ancestrales Hiruma.
Bien évidemment, Yojiro n'était guère enclin à en parler, pas plus qu'aucun Hiruma. Sasuke remercia le rônin et alla s'allonger quelques heures.
Yatsume partit dans la mâtinée avec l'Inquisiteur, avec Maya et Mamoru sous ses ordres. En milieu de journée, le groupe de Mitsurugi partait à la Cité de la Pieuvre.
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19-06-2009, 12:51 PM
(This post was last modified: 19-06-2009, 10:12 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Yojiro marchait devant les deux Lions, le sabre sur l'épaule. On était dans la campagne mais il y avait énormément de monde sur la route, à cause de la foire qui se tenait à la Cité de la Pieuvre.
Le rônin faisait dégager leurs charrettes par les marchands pour laisser place à Mitsurugi et Sasuke, qui avançaient à poneys.
Alors que les deux samuraï avaient terminé de se frayer un chemin dans la cohue à l'entrée sud de la Cité, ils virent que c'était encore à l'intérieur, après avoir passé les douves. Les soldats de la porte contenaient à grand'peine les convois marchands, et plusieurs altercations éclataient sur le pont ou sur la voirie. Des yakuzas armés intervenaient pour réguler ce trafic.
Yojiro présenta à la porte le mandat impérial, qui permit aux deux Lions de passer plus rapidement, en obligeant les marchands à se compresser sur le bord de la route. Il y en eut quelques uns qui chutèrent et finirent dans l'eau, après leurs ânes, leurs poules et leurs marchandises. Après le porche, sous lequel nos héros passèrent pendant que les yakuzas faisaient reculer les convoyeurs à coups de fourches, ce fut une immense rue, interminable, encombrée de mille échoppes et d'une foule dense, sous le soleil de plomb. Là aussi, les milices de yakuzas avaient du mal à garder un semblant d'ordres. Plusieurs groupes armés patrouillaient, dans la rue. Dès que ceux-ci avaient le dos tourné, on voyait dix hommes chargés de gros paquets étaler en vitesse leur marchandise à terre, négocier à la sauvette quelques breloques, et remballer aussi sec dès que la patrouille approchait.
Si nos héros avaient écouté les marchands braillards et impudents, ils auraient acheté de quoi remplir deux ou trois palais de tas de babioles. Après la grand'rue, ce fut un dédale de ruelles tortueuses, humides, à l'écart de la clameur de la place publique. On était en fin de journée et voyait des prostituées sortir de logements minuscules, un panier à la main pour aller au marché ; des gens attendaient sur le seuil de leurs maisons, d'autres jouaient au go dans la rue. Des demi-bandits crachaient depuis le seuil d'établissements borgnes. Yojiro passait toujours le premier, et défiait du regard quiconque de venir l'affronter. Il n'y eut personne pour s'y essayer, surtout quand on voyait qu'il accompagnait deux Lions.
- Cette ville est charmante, dit Mitsurugi, alors qu'on passait dans un coupe-gorge où tombait un mince rayon de lumière, une petite rue tissée de fils entre les fenêtres pour le linge.
- Je vous assure que c'est le chemin le plus rapide, répondit Yojiro, qui suait et ne rêvait que d'une grande bière.
Les deux Lions marchaient à côté de leurs poneys et regardaient, amusés et intrigués, ces vilains quartiers, plus crasseux et tortueux que ceux de la Cité du Cri Perdu. Dire qu'il y a peu encore, ils auraient pu vivre là-dedans !
Après quelques détours dans des passages vraiment incertains, à travers des cours remplies de familles braillardes et des petits labyrinthes occupés par des mendiants, on retrouva la pleine lumière du jour, et on était au cœur de la Cité de la Pieuvre, au pied des murs du quartier noble.
- Je vous l'avais dit ! bâilla Yojiro.
Une fois la porte franchie, c'était une autre atmosphère. On sortait enfin des effluves grasses et on respirait un air plus pur. Il y avait des parfums qui brûlaient aux balcons, des belles dames en palanquins dans les rues, d'importants fonctionnaires en courses, des tablées de dégustateurs de thés et des patrouilles de soldats Hida. Sasuke et Mitsurugi se sentaient plus à l'aise. Ici, c'était propre.
C'était presque trop bien pour Yojiro...:baton:Le rônin laissa l'ambassadeur et son assistant au pied du palais de la famille Hanteï ; Sasuke lui tendit une bourse pleine, pour ses efforts, et le rônin fila dans la première taverne venue et y commanda une grande chope de bière.
- Comme je dis toujours, dit le patron, la première, c'est la meilleure !... Mais à condition qu'il y en ait d'autres derrière !...
Yojiro en reprit une autre, à moitié allongé sur des coussins, puis s'endormit, grognon mais heureux.
Ce n'est qu'après de longues heures d'attente à la tombée de la nuit, que Mitsurugi et Sasuke purent gravir les étages du palais. On les avait fait attendre dans les luxueux jardin de l'ambassade des Hanteï. Il avaient eu des rafraîchissements, de la musique, et on leur avait fait chauffer un bain. Puis on leur avait prêté de somptueux kimonos.
Ils attendirent encore dans une antichambre, séparée du bureau de l'ambassadeur par un simple paravent orné de fresques. Nos héros faisaient comme s'ils n'écoutaient pas mais ils entendirent deux voix distinctes ; celle de l'ambassdeur et une autre, plus familière. Ils se regardèrent et se sourirent en coin, car c'était à n'en pas douter la voix d'une vieille connaissance, le capitaine du shinsen-gumi Otomo Jukeï !
Quand ce dernier sortit, il vit les deux Lions et réprima difficilement un haut-le-cœur ! Nos héros lui sourirent poliment en retour et l'officier s'éloigna en vitesse.
- Il y a du beau linge dans cette ville, dit le shugenja.
Un serviteur fit signe à nos héros qu'ils pouvaient entrer.
L'ambassadeur terminait une tasse de thé. Nos héros s'inclinèrent bien bas devant lui. Il se nommait Hanteï Norio. C'était un cousin par alliance de l'Empereur lui-même. Dans la force de l'âge, il avait des manières soignées et un regard ferme. Il avait à ses côtés son assistant, qu'il présenta, Hanteï Tokan. Celui-ci était plus jeune, vêtu sobrement, à la vieille manière, alors que, depuis les débuts du Gozoku, la mode était à des vêtements plus riches et plus ostentatoires -de ceux que portait la jeunesse festive pour laquelle le Gozoku favorisait les arts et les spectacles.
- Soyez le bienvenu en ce palais, dit l'ambassadeur. J'espère que vous avez fait bonne route et que les dieux vous sourient.
Après quelques autres politesses d'usage, l'ambassadeur expliqua qu'à son grand regret, son bon ami l'ambassadeur des Lions auprès de la famille Hida venait de mourir. Or, comme Mitsurugi avait été envoyé chez les Hida avec le titre d'ambassadeur assistant, c'était lui qui devait reprendre cette charge.
- C'est un honneur immense que vous me faites, dit Mitsurugi.
Il ne comprenait pas pourquoi c'était lui, et pas un successeur déjà désigné, qui était nommé.
- Je suis content qu'un jeune samuraï prenne cette place, dit Hanteï Norio. Je suis certain que votre connaissance des Crabes et de leur devoir seront de précieux avantages pour vous.
C'était vrai que Mitsurugi savait comment parler aux Hida, et ce n'était pas un de ces planqués qui n'ont jamais approché la Muraille !
Norio-sama donna encore quelques indications brèves, puis invita nos deux héros à passer dans le cabinet de son assistant, pour régler les formalités. Mitsurugi se prosterna encore front à terre et remercia infiniment le grand Hanteï de cette faveur exceptionnelle.
En réalité, il se demandait quelle charge écrasante venait de lui tomber sur les épaules !
Pendant qu'ils étaient derrière le panneau, Mitsurugi avait entendu aussi bien que Sasuke la voix d'Otomo Jukeï mais il s'était efforcé de l'ignorer.  Sasuke, qui n'avait pas de tels scrupules, avait tendu l'oreille. Il avait compris que le capitaine venait dans cette Cité pour sa mission habituelle de contrôleur des impôts. Il venait en particulier s'intéresser aux comptes des Grues, dont il disait qu'ils menaient un train de vie somptuaire, en reversant une misère aux caisses du Gozoku.
- Mon ami, avait dit Norio, je doute que vous obteniez un zéni de plus de leur part. Et si vous insistez trop, vous aurez rapidement votre hiérarchie sur le dos.
Jukeï était coincé, entre son devoir de contrôleur et cette réalité, que le clan de la Grue était celui qui profitait le plus du règne du Gozoku, grâce au charisme de son daimyo, qui était également champion d'Emeraude. Ces petits tracas auraient été simplement comiques si Sasuke n'avait pas perçu autre chose sous le discours apparent. Il ne comprenait pas de quoi il était question car les deux hommes parlaient dans un langage codé, propre aux familles impériales et aux dignitaires ayant fréquenté la Cité Interdite. Il y avait bien anguille sous roche.
Après leur entrevue avec l'ambassadeur Norio, nos deux héros parlèrent avec son assistant, Hanteï Tokan, et c'est pendant que Mitsurugi remplissaient des papiers que Sasuke repensait à l'entrevue derrière le paravent.
Hanteï Tokan, cela se sentit très vite, était bien moins honorable et "vieille école" que son maître. Lui avait les pieds sur terre et, de par sa fonction, il traitait les affaires sales et les dessous de la diplomatie, pour laisser à Norio-sama les belles réceptions et les beaux discours. Il était à peu près de l'âge de nos héros et on sentait une intelligence vive briller dans ses yeux, accompagnée d'un certain manque de scrupule qui devait le rendre redoutable.
- La Cité de la Pieuvre est un panier de Crabes, samuraï, déclara-t-il. Chacun est conscient qu'être envoyé dans cette ville n'est pas une récompense, à part pour les Scorpions, qui y envoient quelques-uns de leurs plus fins courtisans, car ils trouvent ici un vivier de samuraï ayant un petit secret à se reprocher. Personne ne tire de gloire d'être dans une ambassade d'une ville à quelques jets de lance de l'Outremonde. Les Lions qui sont ici ne se sont pas illustrés à la guerre, les Grues n'ont pas brillé en société et les Phénix n'ont pas fait les plus hautes écoles de magie. Cette Cité est faite pour les disgraciés.
Il ne chercha pas à savoir quelle "casserole" nos deux héros traînaient. C'était à se demander si Hanteï Norio lui aussi avait une tâche dans son passé.
- Je vais vous laisser vous installer chez vous, au palais d'Ivoire. Si j'étais vous, je ferais de ce palais une tour du même matériau, pour vous y réfugier et en sortir le moins possible. Dans cette Cité, ce sont les Yasuki les maîtres. Ils ont la mainmise sur les marchands et, à partir de là, sur la plupart des désirs matériels des samuraï, et dans cette Cité, ce n'est pas négligeable. Alors, suivez mon conseil, vaquez à vos occupations routinières, trouvez-vous une maison de geishas et tâchez de ne vous occupez que de ces deux choses-là. Ainsi, vous éviterez les ennuis !
Comme on peut s'en douter, ce n'est pas ce qui se passa, durant les mois que nos héros habitèrent dans la Cité de la Pieuvre !
Matsu Yatsume, Maya et Mamoru partirent en mission pour l'Inquisiteur chez un grand seigneur marchand nommé Yasuki Kokaï. Cette famille avait la particularité de tolérer le commerce chez ses samuraï. Ceux-ci ne portaient généralement pas le sabre, mais géraient leurs affaires avec un talent et une énergie inégalés.
C'est sur les terres de ce Yasuki Kokaï qu'un samuraï de la garde Matsu du palais d'Ivoire (l'ambassade des Lions) avait été retrouvé mort. Matsu Yatsume dirigeait l'enquête : elle se présenta avec ses deux assistants au palais de Kokaï : le bâtiment regorgeait de richesses, des tapisseries, des vases, des peintures, de dorures et de raffinements tape à l'œil typiques de l'ère du Gozoku, et qui contrastait avec l'austérité des mœurs d'avant. Kokaï lui-même était un petit homme nerveux, qui se donnait des airs épanouis, mais dont les faiblesses nerveuses étaient presque palpables. Yatsume le prit rapidement en grippe. Elle sut qu'elle n'aurait pas de mal à travailler au corps ce gros négociant.
Elle obtint l'autorisation d'enquêter -c'était d'ailleurs de pure forme car Kokaï n'avait pas le choix. Nos héros allèrent à la grange près de laquelle le Matsu avait été retrouvé, à la sortie de la petite Cité où vivait Kokaï.
Là, c'était le terrain de jeu de Maya, spécialisée dans la recherche d'indices matériels. Des traces de pas autour de la grange indiquaient d'où venait le Matsu. On pouvait retracer son parcours sur la route qui venait depuis l'est de la Cité de la Pieuvre. Il avait franchi un petit pont par-dessus le ruisseau, et il avait trouvé la mort, là. Le corps n'était plus là. Sur la route, avant la grange, il y avait la petite auberge du village. Maya et Mamoru allèrent y jeter un œil. Ils virent à la fenêtre de l'étage un Scorpion qui les observait. Immédiatement, la méfiance de Maya fut mise en alerte et elle dit qu'il fallait interroger ce particulier-là. Mamoru haussa les épaules et la suivit.
Maya s'invita sans guère de ménagement dans la chambre du Scorpion et dit qu'elle enquêtait sur le meurtre. Le Scorpion, de la famille Bayushi, sourit et dit à nos héros de s'asseoir.
- Je crois plutôt que vous allez nous suivre, dit Maya, et nous sommes pressés.
Mamoru était un peu gêné, car Maya avait l'air de le considérer déjà comme un suspect.
Le Scorpion ne fit pourtant pas de difficulté, se leva et descendit avec Maya.
Yatsume, étonnée, vit arriver le Scorpion. Elle se sentit mal à l'aise face à lui, qui la toisait avec assurance. Visiblement, il s'amusait. On fit les présentations. Il se nommait Bayushi Kokamoru, et vivait à l'ambassade Scorpion de la Cité de la Pieuvre. Il était venu chez Yasuki Kokaï pour quelques jours, afin de traiter des affaires courantes.
- Avez-vous quelque chose à nous dire sur la mort du Lion ? dit Yatsume.
- Ma foi, la nuit dernière, je dormais, et un fort coup de vent a ouvert la fenêtre. Une rafale très brusque. Je me suis donc relevée et j'ai entendu quelqu'un courir et haleter dehors. J'ai vu la silhouette, qui avait déjà dépassé l'auberge. Mais n'étant pas sur les terres de mon clan, je ne me suis pas occupé de cette affaire...
Il attendait la suite. Il voyait venir Maya à mille lis, et défiait silencieusement Yatsume de s'en prendre vraiment à lui.
- Vous n'avez vu personne d'autre sur la route ?
- Non, seulement ce samuraï, dont je n'ai même pas vu au début que c'était un samuraï. A vrai dire, j'ai cru à un paysan effrayé par un esprit...
- Attention à ce que tu dis, fit Yatsume.
L'autre sourit et fléchit légèrement la tête pour s'excuser. Lui serait plus coriace que Kokaï, s'il était vraiment mêlé à cette affaire.
Les samuraï retournèrent au palais avec Bayushi Kokamoru, et Yatsume demanda à ce que ses assistants puissent voir le corps du Matsu. Kokaï, dans ses petits souliers, accéda à cette requête.
Mamoru et Maya allèrent à la morgue, où les etas gardaient le corps. Entrer dans cet endroit était ce qu'il y avait de plus salissant moralement pour un samuraï. Mamoru était dispensé de ce genre de retenue, et Maya, manifestement, s'en moquait éperdument. Ils ne devaient pas être nombreux, les sages Dragons, à avoir pénétré dans une morgue !
Le corps du Matsu était marqué de longues taillades, sur les bras et la poitrine. Maya, suspicieuse, inspecta ces blessures. Même pour Mamoru, c'était pénible de voir l'Ize-Zumi toucher de la chair morte... Les etas furent quelque peu surpris eux aussi.
Au palais de Kokaï, Yatsume avait réquisitionné une pièce comme bureau. Elle y reçut Bayushi Kokamoru, en s'attendant à ce qu'il soit plus loquace en tête à tête. Il ne dit rien de plus, il répéta ce qu'il avait déjà dit. Il continuait son cabotinage, comme un acteur qui n'arrive plus à se défaire des grimaces de son personnage habituel. Là, il surjouait le Scorpion mystérieux et inquiétant. Yatsume se demanda s'il se moquait d'elle, mais elle comprit un peu son manège : Kokamoru avait percé à jour qui elle était. Qui elle avait été. Lorsqu'elle s'appelait encore Bayushi Yatsume, avant la mort de son mari des mains d'un ignoble maho-tsukaï.
Bien sûr, à moins de s'être renseigné, Kokamoru ne pouvait savoir cela, mais il montrait par son attitude qu'il n'était pas dupe des oripeaux Matsu que portait la jeune femme. Et s'il était au courant de l'histoire exacte de Yatsume ? Comment son mari s'était fait posséder peu à peu par la Souillure, et comment elle avait dû en finir avec ce monstre qu'il était devenu, avant de partir, veuve, sur la route du Loup ?...
C'était bien Yatsume la plus embarrassée dans cette affaire. Visiblement, le Scorpion avait pris un malin plaisir à jouer au coupable idéal, et il avait sentit en Maya une âme simple qui ne ferait pas de nuance, et le prendrait pour suspect.
En repensant au coup de vent brusque dont il avait parlé, Yatsume se demanda si cela ne pouvait être le fait d'un shugenja. Elle savait que la magie de l'Air pouvait rendre certaines personnes invisibles... Elle avait entendu parler de cela, dans le temps.
Agacée par Kokamoru, Yatsume lui dit qu'il pouvait disposer et elle décida d'aller se faire les dents sur ce gros imbécile de Kokaï.
Elle alla le voir dans ses appartements, et lui en substance qu'elle ferait l'impossible pour venger la mort de ce Matsu, que son rôle à lui, Kokaï, était tout sauf clair, qu'on se demandait bien ce qu'un Matsu venait faire justement chez lui, alors qu'il n'avait aucune raison de connaître cet endroit. Le pauvre Kokaï ne savait plus comment se tourner dans sa graisse. Il payait pour la perfidie subtile du Scorpion, qui avait blessé Yatsume en ravivant ses mauvais souvenirs !
Le soir, elle écrivit à Mitsurugi pour lui faire part du début de son enquête. Elle ignorait que son supérieur, maintenant ambassadeur officiel des Lions auprès des Hida, était loin de s'en faire autant qu'elle.
Invité avec Sasuke à un grand repas de l'ambassade Lion, avec des dignitaires du clan, et en particulier son collègue le diplomate attaché aux familles Kuni, Kaiu et Hiruma, il menait joyeuse vie, en cette fin de banquet bien copieux, où chacun y allait de son anecdote guerrière. Mitsurugi raconta sa bataille de la Cité des Apparences et de la Cité du Levant, omettant les quelques détails gênants qui concernaient les circonstances de ces batailles. Les samuraïu riaient et se tapaient franchement sur les cuisses.
Mitsurugi discuta avec son collègue Ikoma Noyuki, qui récitait des poèmes débridés et des anecdotes inavouables sur certaines belles apparemment irréprochables. Mitsurugi comprit que c'était un poète raté, qui se complaisait maintenant dans le grivois et les lectures qu'on se passe sous le kimono. Sa charge d'ambassadeur ne devait pas l'accabler outre mesure, et Mitsurugi espérait bien qu'il en irait de même pour lui avec les Hida.
Après le repas, ce fut la nuit à la maison de geishas, et de même le lendemain, pour un banquet chez les Hida et la découverte des meilleurs établissements de la Cité de la Pieuvre. Le quartier réservé était l'un des plus grands que Mitsurugi ait vu (et il en avait visité un certain nombre sur les terres du Phénix) ! C'était une ville dans la ville, le tentacule de la Pieuvre dédié aux plaisirs. Mitsurugi allait suivre le conseil de Hanteï Tokan : se trouvait un quartier général dans une de ces maisons réservées, et y passer ses soirées. Considérant d'où il revenait, il n'était pas trop mal loti. Les samuraï de cette Cité, joyeusement décadents, n'encourageaient pas à la mélancolie !
Dans la journée, il se tenait tout de même au courant des dernières affaires, la principale étant la disparition du vigile Matsu. Il prenait sa garde de nuit, quand il avait brusquement quitté le palais, et s'était rendu sur la route de l'Ouest.
Sasuke, qui voulait des informations concrètes sur cette ville, chargea Yojiro de mettre son nez dans les bas-fonds de la Cité et d'en extraire les nouvelles les plus juteuses. Le rônin avait appris à la Cité du Cri Perdu le langage des criminels et des milieux interlopes. Il se mit donc en campagne pour découvrir cette Cité qui reste inconnue aux samuraï.
Quand Mitsurugi reçut la lettre de Yatsume, il lui dit de persévérer et de revenir avec un coupable. Puis il partit en sifflotant prendre son bain, avant de se préparer pour les festivités à venir, chez les Yasuki.
Le lendemain après-midi, après avoir décuvé des excès de la veille, Mitsurugi passa l'après-midi à discuter avec Ikoma Noyuki. Il en apprit davantage sur l'importance qu'avait prise la famille Yasuki chez les Crabes. Il en apprit surtout sur l'implantation de cette famille dans la Cité de la Pieuvre, dont elle faisait maintenant sa chasse gardée. Les samuraï marchands veillaient directement à la marche des différents groupes de yakuzas, avaient un œil très attentif sur les boutiques et l'ensemble de la population.
- Dans aucune autre Cité les samuraï ne surveillent aussi attentivement le demi-peuple... J'imagine que c'est ça, la modernité, ricana Noyuki. Les Yasuki ont rompu avec les Grues depuis que ceux-ci ont imposé une sévère augmentation des taxes, et ils font semblant de mépriser le Gozoku. En réalité, ils en sont presque les meilleurs représentants : des décadents qui pensent plus au luxe qu'à se battre, des marchands qui rêvent d'empires commerciaux, et qui veulent le bien du peuple... Franchement, où allons-nous, si nous commençons à nous mêler au vulgaire bas-peuple ?
- Je suis bien d'accord, dit Mitsurugi, qui essayait de se cachait son passé comme on dissimule un cadavre dans un placard.
Chez Kokaï, Yatsume recevait la lettre de Mitsurugi lui demandant un coupable, mais elle n'était plus avancée. Derrière ses airs lâches, le gros seigneur marchand ne fléchissait pas, et l'enquête de Yatsume piétinait. Après avoir examiné le corps, Maya trouvait les entailles franchement "louches", comme si on les avait faites après la mort, pour faire croire à une folie furieuse du Matsu.
- Si nous n'avons rien découvert demain soir, dit la magistrate, nous partirons à la Cité de la Pieuvre.
Yatsume se retira dans ses appartements et demanda à rester seule. Elle en avait besoin. Tourmentée par son passé, qu'elle voyait lui revenir en pleine figure comme une gifle, elle pria l'esprit de son mari de l'aider. Le regard de Bayushi Kokamoru l'avait destabilisée. Il l'avait regardée comme elle était vraiment : comme une Scorpionne déguisée en Lion. Comme une espionne idéale infiltrée dans la famille Matsu.
Yatsume repensait à cette chose horrible que son mari était devenu, dans les derniers temps, et de la résolution qu'elle avait dû prendre. Le maho-tsukaï responsable de cette Souillure se nommait Yumi Iro. Elle l'avait cherché, jusqu'à présent sans résultat. Elle implorait l'esprit de son mari de l'aider à ne pas faillir.
Défigurée par les pleurs, elle prit le temps de se remaquiller légèrement, puis elle ouvrit le coffre de sa chambre, où elle avait fait disposer des habits de voyage. Elle sortit des habits rustiques, identiques à ceux des marchands du peuple, puis elle sortit du palais discrètement, par une petite porte qu'elle avait repérée en arrivant. Elle se fit passer pour une servante qui rejoignait sa famille. Elle voulait retourner à l'auberge où logeait Kokamoru, mais en chemin, elle le croisa, accompagné de plusieurs amis. Ils allaient dans une petite auberge, non loin du palais. Tout à fait le genre d'endroit pour des Scorpions qui veulent discuter tranquillement.
Yatsume s'assit sur le tatami à côté d'eux et se fit servir à boire, en détournant à boire. Et elle écouta attentivement les conversations. Bientôt, elle entendit Kokamoru parler d'elle orgueilleusement. Rien que pour ça, elle lui aurait arraché les yeux. Mais quand elle entendit un nom, le nom ! Le nom d'Asahina Naburo, elle l'aurait étranglé à mains nues !
Le nom de son époux ! Asahina Naburo, le beau shugenja ténébreux, maître des sorts de l'Air, dont le mystère l'avait fait rêver, jusqu'à ce que cela se transforme en cauchemar.
Comme une vraie lionne, Yatsume bondit sur Kokamoru ; ahuris, ses amis eurent vite fait de maîtriser cette folle. Kokamoru, qui avait reçu un coup en plein visage, sourit quand même :
- Tiens, cette chère Yatsume... Quel hasard que vous soyez ici, vêtue en paysanne !
Yatsume se débattait, maintenue par trois solides Bayushi.
- Profitons-en pour parler un peu, dit-il en portant sa coupe à ses lèvres.
Il commanda une autre bouteille de saké et servit généreusement chacun. Yatsume consentit à se calmer. Il était évident que, froidement et avec calcul, Kokamoru avait préparé son jeu comme un acteur son rôle, pour attirer à lui Yatsume. Il y avait toutes les chances pour qu'il ait su qu'elle viendrait chez Kokaï et qu'il l'ait attendue à côté.
Elle était presque sûr qu'il n'avait rien à voir dans la mort du Lion.
- Que voulez-vous ? dit enfin Yatsume, calmée.
Elle accepta de boire un verre, à la santé de la famille Bayushi. Le saké avait un arrière-goût amer.
- Buvez sans crainte, fit joyeusement le Scorpion, nous n'avons pas eu le temps de verser le cyanure que nous vous destinions...
Elle retrouvait l'esprit du clan.
- Si vous me disiez plutôt...
Elle ne sut comment finir sa phrase.
- Oui, venons-en à l'essentiel. Nous sommes venus à vous, Yatsume, parce que nous avons pensé échanger des informations avec vous.
Notre héroïne sut que cette proposition était bien sûr un marché de dupe. Mais le genre de marché de dupe qu'on ne veut pas refuser.
- Nous avons trouvé des informations sur les assassins d'Asahina Noburo...
Yatsume devenait folle chaque fois qu'elle entendait prononcer le nom de son mari par quelqu'un d'autre.
- Le clan ne vous a pas cru, et vous a jugée coupable. Mais les choses peuvent changer, Yatsume. Le clan est plus ouvert d'esprit aujourd'hui. Notre seigneur Bayushi Atsuki a beaucoup fait pour abattre certains préjugés regrettables, et pour nous inciter à plus de discernement...
Bayushi Atsuki était l'actuel daimyo du clan du Scorpion. Surnommé "le Maître des Secrets", il était l'un des trois dirigeants du Gozoku.
- Que voulez-vous ?
- Vous aider à en finir avec le passé, Yatsume. A condition que vous nous aidiez, vous aussi, à en finir avec le passé.
- Quel passé ?
- Celui que représente, comme une injure, un vieillard éclopé qui court sur les routes impériales et nous échappe depuis trop longtemps...
- Tange Sazen...
- C'est son nom de rônin.
Yatsume baissa la tête.
- Vous savez où il est, Yatsume. Sazen était à la Cité du Levant en même temps que vous... Nous savons bien pourquoi Mitsurugi s'est retrouvé "promu" à la Cité de la Pieuvre...
- Qu'avez-vous à m'apprendre sur mon mari ?
Yatsume se retenait de pleurer. Elle ne voulait pas leur donner ce plaisir-là.
- Nous voulons savoir où est le vieux senseï. Vous devez être l'une des dernières à l'avoir vu...
C'était vrai : c'était Yatsume qui avait accompagné Sazen et le clan du Loup au port près de la Cité de la Forêt des Ombres.
Yatsume se leva brusquement et dit qu'elle y réfléchirait. Elle partit sans se retourner. Kokamoru finit sa coupe lentement en la regardant partir et il souriait d'un air entendu.
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19-06-2009, 10:33 PM
(This post was last modified: 23-06-2009, 07:34 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
La conclusion à laquelle arrivait Maya était simple et assurée : on avait grossièrement voulu déguiser l'assassinat du Matsu en suicide sous le coup de la folie. En réalité, on l'avait proprement étranglé. Maya avait vu les traces sur le coup.
- C'est maigre, constata Yatsume, le lendemain de son "expédition".
Elle n'avait plus la tête à cette enquête. Elle n'avait pas dormi de la nuit. Secrètement, elle avait déjà pris sa décision mais n'osait pas se l'avouer. Ce n'est que dans l'après-midi, alors qu'elle avait exigé de rester seule, qu'elle osa s'avouer qu'elle n'avait pas le choix. Vaincue, elle écrivit une lettre à l'intention de Tange Sazen, qu'elle fit envoyer à Mitsurugi en lui demandant de la faire transmettre au clan du Loup. Elle indiquait l'adresse où il fallait l'expédier : une petite île au large des côtes du Phénix, au nord de l'archipel des Mantes, où les Loups avaient trouvé refuge.
Puis elle retourna à l'auberge, où Kokamoru et ses hommes l'attendaient.
- C'est d'accord...
- Excellent, Yatsume-san. Nous savions que votre loyauté était sans faille. On ne quitte jamais notre clan, vraiment.
- Oui, quelle droiture, vraiment, rajouta un second, que d'avoir traversé toutes ces épreuves, et de rester fidèle à notre seigneur, le Maître des Secrets.
Yatsume donna, la mort dans l'âme, la localisation approximative de l'île.
- Nous trouverons cette île, sourit Kokamoru. Vous en avez fait assez, rassurez-vous.
- Maintenant, dis-moi !
- Nous savons, dit Kokamoru sans emphase, que votre mari a été tué par un maho-tsukaï. Celui-ci a été initié à la magie maudite par un démon du nom de Yaagoth.
Yaagoth... Elle retint ce nom.
- Quoi d'autre !
- Nous en saurons bientôt plus. Ce démon est connu des Inquisiteurs et des chasseurs de démons. Il a des adeptes, qu'on nomme les Scarificateurs. Ceux-ci versent leur sang pour obtenir ses faveurs.
- Je me renseignerai sur ce démon. Et si vous m'avez raconté des histoires...
- Nous avons été aussi sincères que vous, Yatsume. Les Scorpions ne se mentent pas entre eux, n'est-ce pas ?
Yatsume ne répondit et partit, fébrile.
Yojiro passa plusieurs jours dans les quartiers mal famés de la Pieuvre et il revint au palais d'Ivoire avec des nouvelles fraîches pour Sasuke, qui se plaisait à jouer l'âme damnée de Mitsurugi (sans le consentement réel de ce dernier) !
- Je t'écoute, Yojiro, dit Sasuke, très à l'aise.
- J'ai passé plusieurs jours à écouter ce qui se dit dans les plus mauvais quartiers de la ville... En deux mots, la mort du Lion est mise sur le compte d'un tueur appelé la Grue Noire...
- Intéressant... Tu en sais plus sur cette personne ?
- Non. On dit qu'il ne vient pas d'ici. Ce serait un maître du sabre, possédant une technique redoutable. Mais ce n'est peut-être qu'une énième histoire de ninjas. Les commerçants, en particulier, raffolent de ces histoires, de même que les membres des yakuzas.
- Bien, et quoi d'autre ?
- Sur les milieux de l'ombre, j'en ai appris un peu plus. On parle d'une organisation très puissante, qui se fait appeler le Lotus.
- Des yakuzas ?
- Non. Plus que ça. Cette secte comprendrait aussi bien des hommes du peuple que des samuraï. En fait, d'après certains, le Lotus tirerait les ficelles derrière la famille Yasuki. Depuis que ceux-ci ont rejoint les Crabes, le Lotus serait devenu plus puissant que jamais.
- Tu penses qu'il y a un rapport avec nos amis des Lotus Noir et Blanc de la Cité du Cri Perdu ?
Douloureux souvenir pour Yojiro qui, avec Mamoru, avait involontairement servi les criminels du Lotus Noir, avant que leur chef ne soit démasqué et que nos héros en terminent avec eux, ainsi qu'avec les moines combattants du Lotus Blanc.
- Je ne sais pas, dit Yojiro. Les gens d'ici ne connaissent pas ce qui se passe dans d'autres villes. Ils ne connaissent que la Cité de la Pieuvre, point.
- Bien. Autre chose ?
- Non, Sasuke-san.
- C'est bien, tu peux te retirer, je te remercie.
Yojiro inclina la tête et sortit. Sasuke avait noté soigneusement ces informations. Il se demandait à quel point cette organisation du Lotus pouvait être liée au départ des Yasuki du clan de la Grue.
Comme son enquête ne progressait plus, Yatsume partit rejoindre Mitsurugi, en compagnie de Maya. Mamoru demanda en revanche à rester quelques jours car il pensait être sur une piste. Yatsume accepta, estimant que son départ aurait pour effet de relâcher la vigilance des assassins du Matsu.
Le voyage ne dura qu'une petite journée pour la magistrate. Elle découvrit à son tour la tentaculaire Cité, ses rues tortueuses et ses quartiers immenses, agglutinés les uns dans les autres au point qu'on aurait pu croire à un assemblage de plusieurs villes. Quand elle trouva enfin le Palais d'Ivoire, Yatsume, qui dut finir le chemin à pied, se fit accoster par une mendiante encapuchonnée.
Un garde du palais lui cria de s'en aller mais la fille souleva sa capuche et, à sa face défigurée, Yatsume reconnut la compagne de Sazen, la prostituée qui avait été ébouillantée !
C'était elle qui avait fourni à nos héros la liste des samuraï conjurés se trouvant sur la liste de Sazen.
Yatsume lui fit signe de la suivre. Maya n'entra pas au palais et se trouva une auberge à côté.
Dès son arrivée, Yatsume fut reçue par Mitsurugi. Elle avait amené avec elle la fille.
- Que veux-tu nous dire ? demanda l'ambassadeur.
- Je viens de la part de Sazen. Il voulait que je vous rencontre, pour vous mettre en garde...
- Contre quoi ?
- Le vieux senseï pense que Nuage est ici...
- Comment ça, ici ?
- Dans votre Cité. Peut-être même dans un des palais.
- Que racontes-tu là ?
- C'est ainsi.
- Et que sais-tu sur ce Nuage ?
- Rien de plus, sinon qu'il va continuer ses machinations ici.
- Merci, tu peux te retirer.
Mitsurugi était agacé. Que pouvait-il faire de plus, juste en sachant que ce Nuage était dans la Cité ?... Il aurait voulu tirer les choses au clair avec le vieux senseï, qui lui apportait pour le moment plus d'ennuis que d'aide.
Et l'Inquisiteur Kuni Tadao constaterait bientôt que l'enquête chez Yasuki Kokaï n'avait pas porté ses fruits. Mitsurugi écouta le rapport de Yatsume et lui ensuite qu'il avait reçu sa lettre à l'intention de Sazen, qu'il l'avait fait transmettre, sans l'ouvrir. Cependant, il regardait son assistante d'un air soupçonneux.
Yatsume, gênée, s'inclina et se retira. Mitsurugi était décidément mal à l'aise ! Sur qui pouvait-il compter ? Sasuke et Yatsume, chacun de leurs côtés, avait leurs petites affaires, sans doute pas franchement honorables, dans une ville qui ne l'était guère ! Cette Cité était vicieuse, hypocrite, étouffante. Les conseils de Hanteï Tokan étaient certainement judicieux : se faire une petite vie paisible, ne pas créer de remous et chercher à s'amuser...
Mamoru était resté en arrière pour mener une enquête dans les milieux criminels. Il pensait y trouver des rumeurs sur le crime. C'est quelque chose qu'il avait appris en même que Yojiro : que les gens du peuple, que les samuraï n'écoutent pas, en savent bien plus, et sont disposés à parler pourvu qu'on les écoute. C'est pourquoi notre rônin prétendit avoir terminé son travail auprès de la magistrate du Lion et finit par trouver un emploi de garde du corps dans une auberge défraîchie des alentours du palais de Kokaï. Mamoru avait compris que la famille Yasuki n'hésitait pas à tremper les mains dans l'argent et les manigances sordides pour défendre ses intérêts.
Le second soir, Mamoru somnolait dans un coin de la salle. Il n'avait pas eu à jouer des muscles, car sa seule carrure suffisait à décourager même les casseurs les plus intrépides. Le patron l'avait prévenu qu'il y aurait une réunion importante dans l'arrière-cuisine et qu'il n'avait qu'à boire des coups ; et il serait bien payé pour tenir sa langue. C'était les pratiques ici, manifestement.
Mamoru promit de se tenir tranquille mais quand il entendit que, derrière cette porte, on parlait du Lotus, il bondit ! Le Lotus, oui, il était certain d'avoir entendu le nom. Il hésita puis attrapa son tetsubo et défonça carrément la porte du fond !
Il rentra et vit le patron de l'auberge et un homme encapuchonné et masqué entouré de deux gardes du corps. Ceux-ci se levèrent, couteaux en main. Mamoru lâcha son tetsubo et prit son katana. Il abattit son premier adversaire, prit un coup de couteau dans l'épaule et abattit proprement ce deuxième ennemi, bien trop audacieux.
Le patron, terrifié par ce géant furieux, recula, et Mamoru attrapa de sa poigne titanesque l'homme masqué.
Il lui mit son sabre sous la gorge :
- Lotus, c'est toi ?...
L'autre ricana mais prit une claque en travers du visage.
- Réponds !
Mamoru lui arracha son masque : il ne le connaissait pas.
- Parle !
- Non, ce n'est pas moi, Lotus...
Mort de peur, le patron s'écria que ce n'était que son assistant !
- Merci, dit Mamoru.
Et il attrapa par le col le sbire en second du Lotus !
- Il y a des gens à qui tu dois parler !
La nuit était déjà bien avancée.
- Pauvre imbécile, criait le malheureux, emmené de force et ligoté sur le poney de Mamoru, tu ferais mieux de me délivrer immédiatement, et de t'enfuir ! Mes hommes seront bientôt là !
- Nous partons, dit le rônin.
Il avait ni plus ni moins que l'intention d'aller à la Cité de la Pieuvre à la faveur de la nuit ! Il prit un autre poney et il partit sur la route après avoir attaché les selles des deux bêtes ensemble. Dans un galop de poussière, l'équipée improvisée sortit de la cité Yasuki s'enfonça dans la campagne.
- Pauvre imbécile, hurlait le Lotus, tu es mort ! Mort !
Mamoru n'écoutait pas. Il permit aux chevaux de souffler puis les fit repartir d'un bon trot.
L'autre continuait à hurler.
- Silence, dit Mamoru, la main sur le tetsubo, où je t'assomme !
Le Lotus se résigna, fataliste. Il soupira juste que c'en était fini autant pour eux deux.
- Nous allons chez l'ambassadeur Mitsurugi. Tu raconteras ton histoire là-bas.
La chevauchée dura encore une heure. Le Lotus suppliait régulièrement Mamoru d'arrêter. Il avait maintenant encore plus peur pour lui que pour le rônin. Il n'y eut pas, malgré ces menaces, d'embuscade sur la route.
A l'aube, la Cité de la Pieuvre était en vue. Fatigué, nerveux, Mamoru fit descendre son prisonnier, s'assura qu'il était bien ligoté, et approcha de la porte ouest de la Cité. Ahuris, les gardes Yasuki virent ce grand gaillard approcher et lui demandèrent qui il était. Manifestement, la vue de ce complice du Lotus mettait en émoi tous les soldats et la plupart des marchands, qui regardaient Mamoru, terrifiés. C'était bien : il avait dû ferrer un gros poisson !
Et son audace avait payé : il avait livrer ce plat de choix pour le repas du matin de Mitsurugi ! Il avait frappé un grand coup, à tous les sens du terme !
Deux officiers arrivèrent, furieux. On devinait aussi, derrière la colère apparente, une peur ignoble. L'officier du poste d'octroi gesticulait sous le nez de Mamoru et lui expliqua qu'il venait de commettre un acte impardonnable. Il ordonna à ses hommes de le mettre sous les verrous !
Les soldats approchèrent, pas rassurés par ce grand gaillard qui aurait pu les assommer d'une pichenette. Mamoru se laissa faire. On allait prévenir l'ambassade du Lion, ne serait-ce que pour se plaindre, et c'était du temps de gagné.
Le rônin ne s'était pas trompé : on n'avait pas refermé sur lui la porte de sa cellule qu'un message partait au palais d'Ivoire. Sasuke et Mitsurugi étant sortis à une réception mondaine, c'est Yatsume qui reçut le message et qui traversa la moitié de la ville pour aller délivrer le rônin et dissiper le malentendu.
Quand la magistrate arriva, on lui expliqua, avec force indignations, que Mamoru avait commis un enlèvement et qu'une peine extrêmement grave pourrait lui être infligée. Yatsume, qui commençait à comprendre la mentalité marchande du coin, dit que la famille Yasuki ferait l'objet d'un dédommagement et qu'en attendant, elle récupérait, au nom de l'ambassade Lion, le prisonnier. Devenus conciliants, on alla chercher Mamoru. Il demanda à voir son prisonnier mais on expliqua alors que d'importants officiers de la famille étaient venus le chercher. Le rônin retrouva Yatsume et ils quittèrent le poste. Mamoru l'avait en travers de la gorge : il était à deux doigts de livrer un criminel de premier plan !
- Nous ne sommes pas chez nous, dit Yatsume, ce sont les Yasuki qui sont les maîtres ici.
- Ils ont été très forts, dit Mamoru.
Yatsume invita le rônin à se consoler autour d'un verre de saké dans une auberge. Ils retrouvèrent là-bas Yojiro et, après quelques levées de coude, cet échec fut digéré !
Le soir, Mitsurugi écouta attentivement le récit de cette histoire et dit qu'il ferait de son mieux pour récupérer l'homme du Lotus. Il doutait pourtant de pouvoir y parvenir. Les Yasuki allaient le faire disparaître et on en entendrait plus jamais parler, ni à la Cité de la Pieuvre ni chez Kokaï.
- Cela prouve au moins, dit Sasuke, que le Lotus n'est pas qu'une rumeur... Ils ont eu une peur bleue qu'on arrête un homme qui n'était sans doute pas un samuraï, mais l'employé d'une maison marchande... Il faudra débusquer ce qui se cache sous ce nom de Lotus.
Mitsurugi apprit le lendemain que l'ambassadeur Hanteï Norio organiserait bientôt une grande réception dans son palais, avec des ambassadeurs des clans majeurs.
- Nous allons nous frotter au grand monde, dit Mitsurugi.
- Je serai prêt, dit Sasuke.
Yatsume aussi était invitée. Et même Maya, au titre de représentante du clan du Dragon !
Mitsurugi fit la moue en voyant son nom parmi la liste des invités.
- J'espère qu'elle ne créera pas de problème.
- Son cher capitaine Otomo Jukeï sera sans doute ravi de la revoir, dit Sasuke.
Mitsurugi avait encore quelques paperasseries à régler, avant une charmante petite soirée en compagnie de l'ambassadeur Ikoma Noyuki, dans leur maison de geisha préférée. L'après-midi, Sasuke alla faire des recherches en bibliothèque sur le Lotus, mais ne trouva pas mention de cette organisation dans les archives.
De son côté, Yatsume reparla avec la fille défigurée, qui dit le Lion qui avait été tué avait surpris l'annonce d'un enlèvement, au sein même du palais impérial.
- Comment le savez-vous ? demanda Yatsume.
Elle ne voulut pas en dire plus.
C'était bien vague, en réalité. Le palais impérial était proche des autres ambassades qui, à vrai dire, ne formaient qu'un seul vaste palais, une sorte de petite Cité Interdite, avec des passages abrités entre les bâtiments et des jardins communs. De fait, il y avait des séparations nettement marqués entre les palais mais quelqu'un d'un peu habile n'aurait aucun mal à circuler d'une ambassade à l'autre.
Un serviteur vint dire que Sasuke requérait sa présence sur le champ. Yatsume rejoignit le shugenja à la bibliothèque.
- Que se passe-t-il ? Rien de grave, j'espère.
- Regarde, Yatsume...
Sasuke lui montra un papier sur lequel étaient griffonnés quelques mots.
- Où était ce papier ?
- Ici, dit Sasuke, dans les archives des correspondances de la garde Matsu.
Le message mentionnait que l'auteur avait surpris une conversation derrière une porte, et il donnait le nom d'un des serviteurs du palais.
- Je vais le faire chercher, dit Yatsume.
- Non, ne donnons pas l'alerte, dit le shugenja. Nous allons le surveiller.
Yatsume alla dans sa chambre et prit son déguisement de femme du peuple. Maintenant qu'elle s'en était servi une fois...
Elle alla traîner près des cuisines, où travaillait le serviteur en question. Celui-ci, après avoir fini la grosse vaisselle, sortit, comme c'était son habitude (une cuisinière le confirma), pour aller boire une bière avec des amis.
Yatsume lui emboîta le pas à travers les rues encombrées. Ils passèrent la porte du quartier noble et entrèrent dans les rues des marchands Yasuki, les plus proches des palais samuraï.
Yatsume portait un habit grossier et un chapeau conique sur la tête, maintenu par un ruban qui lui passait sous le menton. Qui aurait pu soupçonner qu'elle était une noble magistrate du clan du Lion ?...
Personne... sauf peut-être le serviteur, qui ne cessait de jeter des regards par-dessus son épaule. Yatsume finit par être convaincue que l'autre l'avait reconnue. Il ne fallait plus traîner. L'homme entra dans une auberge et, alors qu'il n'avait pas encore touché à une chope de bière, se mit à tituber. Il renversa une fille qui portait tout un plateau de boisson, se rattrapa au comptoir, abruti. Yatsume joua du coude pour s'approcher de lui. Il agrippa notre héroïne, desespéré ; il suffoquait mais parvint à articuler, à l'agonie :
- Quand les fleurs tomberont... il ne sera plus là, et pourtant, il sera toujours là...
Yatsume voulut lui faire répéter mais l'autre fut emporté, en un dernier hoquet, vers le monde des ancêtres...
Les clients s'agitaient furieux, et une patrouille Yasuki arrivait. Yatsume fut saisie vivement ; les gens criaient qu'elle était après l'homme et qu'elle s'était approchée de lui.
Yatsume se débattit ; son chapeau tomba et elle cria qu'on prévienne le palais d'Ivoire. Elle n'avait pas le choix, même si elle risquait un beau scandale. Resté à la bibliothèque, Sasuke entendit la nouvelle et se précipita dehors, sans prendre le temps de se vêtir correctement ni d'avoir un palanquin. Il arriva devant l'auberge où les soldats, débordés, essayaient de garder Yatsume tout en repoussant ceux qui voulaient la lyncher !
Sasuke écarta plusieurs excités mais n'arrivait pas à passer à travers les gueux. Il invoqua alors le pouvoir des kamis et des flammes jaillirent autour de lui ! Elles disparurent aussitôt mais l'effet était réussi : le pasage était dégagé. Sasuke écarta les Yasuki, qui voyaient arriver sur eux cet espèce d'incendie sur pattes, et notre shugenja repartit en vitesse avec Yatsume.
Pour la discrétion, on repasserait !
De retour au palais, Yatsume, essoufflée, rapporta les dernières paroles du serviteur :
- Quand les fleurs tomberont... il ne sera plus là, et pourtant, il sera toujours là...
- Quelle histoire, dit Sasuke en se frottant le visage.
Le soir, Mitsurugi revint, insouciant et guilleret comme l'enfant qui vient de naître ; il reprit son sérieux pour écouter l'histoire de Yatsume.
- Avec ce que la fille de Sazen t'a dit en plus, dit Mitsurugi, on peut fortement penser à un enlèvement.
- Mais quand et où ?
- C'est bien le problème.
- Peut-être pas un enlèvement, d'ailleurs, dit Mitsurugi. "Il sera là et il ne sera plus là..." Pourquoi pas une substitution ? Un sosie...
- Ce serait drôlement audacieux ! dit Sasuke.
- Qui sait de quoi ce Nuage est capable, quand on sait ce qu'il a fait à Sazen !
- Oui... D'ailleurs, le moment rêvé serait la réception de Hanteï Norio, dit Sasuke. Il y aura plein de monde et les ambassades autres que celle de l'Empereur seront moins surveillées... A moins que les ravisseurs n'agissent carrément au milieu de la réception !
Nos trois héros se regardèrent, hésitants. Ils ne savaient à qui se fier, sinon à eux-mêmes.
- Bon, vous mettrez quand même Mamoru et Yojiro au courant, dit Mitsurugi. Ils pourront être utiles à surveiller l'extérieur du palais impérial.
L'ambassadeur toussota :
- Et puis si vous croisez Maya, parlez-lui en aussi. Elle a quand même quelques talents d'enquêtrice...
Et notre héros voulait être bien être réincarné quatre fois de suite en crapaud si cette folle de Maya appartenait à cette conspiration !
A suivre...
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23-06-2009, 06:08 PM
(This post was last modified: 23-06-2009, 10:26 PM by Darth Nico.)
Suite.
Seb : "" alors j'ai dit qu'on était sorti parce qu'un ronin qui travaillait pour moi (Yojiro) avait été grievement blessé au cours de son enquête, que j'avais voulu entendre ses informations immédiatement puisqu'il risquait d'y rester, qu'on avait dû ensuite rentrer à l'ambassade pour se rendre présentable et ne point salir la belle soirée de l'ambassadeur avec du vilain sang ronin
accessoirement grace à Shiba et mes 4 pts de vide j'avais claqué un jet à 40+
et on avait dû mettre Yojiro au secret qqs jours pour rendre l'histoire crédible ""<!--sizec--><!--/sizec-->
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27-06-2009, 11:58 AM
(This post was last modified: 27-06-2009, 12:30 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Ce furent trois jours d'inquiétudes et de tergiversations.
- Nous savons, résumait Mitsurugi, qu'un enlèvement peut avoir lieu bientôt. Et même mieux : un remplacement. Que c'est en rapport avec des fleurs. Mais nous ne savons même pas qui sera la victime.
Du reste, nos héros n'avaient mis personne au courant. Le soir de la réception venue, ils furent dans les premiers arrivés. C'était le privilège des samuraï plus vieux ou plus nobles d'arriver plus tard. Hanteï Norio les accueillit et les fit passer dans les jardins impériaux, qu'ils explorèrent consciencieusement sous couvert de s'y promener par curiosité. Maya arriva de son côté ; Mitsurugi fit en sorte de se tenir aussi loin que possible d'elle.
C'était une belle soirée sous les étoiles, parmi les grandes plantes grasses du jardin. Les invités arrivaient petit à petit. Quand Otomo Jukeï se présenta, Sasuke ne résista pas au plaisir d'aller échanger quelques mots avec lui ; le capitaine du Gozoku ne fut pas très bavard et n'était pas d'humeur à se laisser asticoter par un ancien rônin ; Sasuke n'était pas mécontent d'être allé l'agacer.
De son côté, Maya soupçonnait que la personne enlevée serait l'ambassadeur Hanteï Norio en personne. Elle vit que ce dernier était surveillé par plusieurs gardes du corps de la famille Seppun. Notre Ize-Zumi s'approcha du chef de la garde et fit en sorte de sympathiser avec lui. Celui-ci se demanda qui était cette originale qui, aux yeux de tous, venait lui parler comme si elle lui faisait la cour. Le Seppun avait cependant une idée trop haute de sa tâche pour s'en laisser distraire et dit qu'il ne comprenait pas les menaces dont Maya cherchait à le prévenir.
Dans les jardins, Sasuke retrouva une vieille connaissance, en la personne d'Isawa "Mizu", tensaï de l'Eau, dont elle avait gagné le surnom. Elle avait fait partie de la "bande des quatre", à l'époque... Quand Sasuke était encore tensaï du Feu. Mizu était une petite femme charmante, qui savait rester timide et douce mais qui, en réalité, ne s'en laissait pas compter, et dont le regard vous perçait à jour rapidement.
- J'espère que la vie vous sourit, dit Mizu.
- Mieux ces derniers temps, il est vrai, dit Sasuke. Le Palais d'Ivoire est un bel endroit pour vivre.
- Isawa Nobuyoshi m'a dit qu'il vous avait vu ; j'étais donc impatiente de vous revoir.
Nobuyoshi, le tensaï de l'Air, avait toujours eu la réputation d'être le plus intelligent et le plus calculateur des quatre.
- Et comment va notre ami tensaï de la Terre ?
- Il se porte bien. Il se tient toujours aux côtés de notre senseï.
Le quatrième tensaï, celui de la Terre, était le garde du corps du célèbre Isawa Harusue, l'un des plus puissants ichiken (shugenja du Vide), dont l(avis était souvent écouté par le conseil élémentaire. Harusue-sama était toujours le senseï des trois tensaï restant, et n'avait pas pris de remplaçant depuis le "départ" de son tensaï du Feu.
Sasuke ignorait si Hartusue était dans la Cité de la Pieuvre. Discuter avec Mizu l'avait replongé dans le passé, et il se souvint que le présent ne pouvait attendre. Il dit à Mizu qu'il avait été heureux de discuter avec elle et qu'il souhaitait bientôt la revoir. Notre héros alla consulter Mitsurugi, qui n'avait encore rien décelé de suspect, pas plus que Yatsume. La BEC était dehors à guetter, et Maya ne quittait pas des yeux les Seppun, qui ne quittaient pas des yeux Hanteï Norio.
Alors que la soirée avançait, nos héros devenaient de plus en plus nerveux. Des serviteurs plus nombreux arrivèrent pour servir des collations avant le repas qui se prendrait au jardin. Sur la grande pelouse, des artificiers préparaient leur spectacle. Les invités se réunirent sur le perron de l'ambassade, pour assister au lancer des fusées. Hanteï Norio, sortait le dernier, entouré de son conseiller Hanteï Tokan et de sa garde, avec Maya qui suivait à quelques pas.
Les artificiers allumèrent les mèches et s'éloignèrent. Des sphères en papier, accrochés aux arbres, éclatèrent alors en un bel ensemble et une pluie de fleurs tomba sur les invités, qui applaudirent, ravis.
Seuls nos héros l'étaient moins, ravis ! "Quand les fleurs tomberont..."
Ils jetèrent des coups d'œil dans tous les sens, mais les domestiques avaient mouché les éclairages car les gerbes du feu d'artifice éclataient maintenant et faisaient tonner dans le ciel leurs couleurs.
Maya était la plus aux aguets mais ni elle ni nos héros ne virent quoi que ce soit.
Dehors, Mamoru et Yojiro montaient la garde devant l'ambassade. Ils virent derrière les toits le feu d'artifice du jardin qui partait. Et à la lueur des bouquets éclatants, ils distinguèrent nettement plusieurs silhouettes noires, souples et rapides, qui partaient par les toits en emportant un paquet. Les deux rônins leur coururent après pour les rattraper plus loin, dans l'est du quartier. Ils arrivèrent dans les petites rues qui cernaient les ambassades. Ils tournèrent au coin d'une rue, et virent les silhouettes descendre du toit. Ils allaient les attraper !
Une autre silhouette s'interposa alors. Elle portait un kimono et dégainait un sabre. Elle avait de longs cheveux et un masque blanc et noir. Yojiro s'arrêta et dit à Mamoru d'en faire de même. Intuitivement, le rônin avait reconnu cet adversaire : la Grue Noire !
Le terrible tueur à gages dont on lui avait parlé dans les bas-fonds de la Cité.
- Cours prévenir les autres, dit Yojiro.
La Grue Noire avançait lentement ; Yojiro tira son sabre et se mit en garde. Mamoru hésita, puis repartit dans l'autre sens en courant.
Il arriva à bout de souffle à l'ambassade et demanda à parler immédiatement à Mitsurugi. On lui dit que s'il dérangeait un invité pour rien, il aurait droit à la bastonnade publique.
Dans les jardins, notre héros, dès qu'il reçut la nouvelle, s'éclipsa, suivi de Yatsume, Sasuke et Maya. Mamoru s'inclina et raconta ce qu'ils avaient vu.
- Nous y allons, décida Mitsurugi.
- Il faudra trouver une bonne excuse pour le retour, fit Sasuke.
- "Nous revenons avec les ravisseurs et leur victime !"
Nos héros reprirent leurs armes et partirent en courant derrière Mamoru. Le rônin retrouva le chemin qu'ils avaient suivi. Dans la rue, ils trouvèrent Yojiro, étendu par terre, blessé ; il s'était appuyé contre un mur et désigna du doigt la direction à suivre.
- L'imbécile, rugit Mitsurugi, il s'est laissé surprendre !
Nos héros descendirent vers le quartier des pêcheurs et arrivèrent au bord de la rivière. Ils virent un bateau qui descendait la rivière, ainsi, en pleine nuit. Ils réquisitionnèrent la grande barque attachée devant la maison d'un pêcheur, et, avec Mitsurugi à la proue, Mamoru et Sasuke aux rames, Yatsume et Maya à l'arrière, ils partirent à la poursuite des ravisseurs.
A la force des bras, ils les rattrapèrent et Mitsurugi leur cria de se rendre. Pas de réponse. Il n'y eut pas de second avertissement : nos héros se lancèrent à l'abordage ! La barque collée à la poupe du bateau, ils lancèrent des cordes trouvées dans la barque et se hissèrent à bord. Sasuke voulut bondir grâce à l'énergie du feu, mais faillit tomber, et se rattrapa au dernier moment.
Mitsurugi avançait en tête ; il y eut quelques soudards aguerris qui osèrent résister mais dès que nos héros eurent fermement pris pied sur le pont, les rats décidèrent de quitter le navire ! Ils se jetèrent joyeusement à l'eau sans demander leur reste !
Mitsurugi, qui avait un mauvais pressentiment, descendit dans la cale et ordonna que tout soit fouillé !
Nos héros éventrèrent les caisses, retournèrent les tonneaux, cassèrent des lattes (Maya) et ne trouvèrent personne à bord.
Mitsurugi explosa de colère et brisa d'un coup de sabre un tonneau.
- Nous nous sommes fait rouler !
Dépités, nos héros remontèrent sur le pont. Les pirates étaient loin : ils s'égaillaient dans la campagne ou partaient tranquillement à la nage.
Le retour se fit sans entrain. Mouillés, en sueur, fatigués, énervés, nos héros marchèrent dans les rues désertes de la ville. Mitsurugi cherchait dans sa tête une excuse valable socialement devant Hanteï Norio et ses invités. Il ordonna qu'on mette Yojiro au secret et que, si possible, il ne meurt quand même pas, pour qu'il puisse raconter ce qu'il avait vu !
Après s'être lavé en vitesse Mitsurugi retourna à la réception avec Yatsume et Sasuke, et dit, agenouillé devant tous, qu'un de ses rônins, blessé à mort, avait demandé à lui parler pour lui transmettre une information cruciale et il avait décidé de partir sur-le-champ. Norio ne voulait pas gâcher la soirée et dit à Mitsurugi qu'il acceptait ses excuses et qu'il pouvait respecter l'ardeur des Lions, si bien connue de tous.
Et les Grues et les Scorpions de ricaner, mais ça, de toute façon, Mitsurugi s'y était préparé.
FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !<!--sizec--><!--/sizec-->
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29-06-2009, 09:58 PM
(This post was last modified: 29-06-2009, 10:19 PM by sdm.)
Ricanerons pas éternellement, quand je leur casserai les dents une par une ils feront moins les malins
Domo arigato pour le texte
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A noter
Quote:- Nous avons trouvé des informations sur les assassins d'Asahina Noburo...
Yatsume devenait folle chaque fois qu'elle entendait prononcer le nom de son mari par quelqu'un d'autre.
- Le clan ne vous a pas cru, et vous a jugée coupable. Mais les choses peuvent changer, Yatsume. Le clan est plus ouvert d'esprit aujourd'hui. Notre seigneur Bayushi Atsuki a beaucoup fait pour abattre certains préjugés regrettables, et pour nous inciter à plus de discernement...
Sauf erreur de ma part ce n'est pas tout à fait exact 
C'est bien Yatsume qui a tué son mari, mais celui qu'elle veut c'est celui qui l'avait corrompu.
Ce que les scorpions n'ont pas voulu croire c'était que l'Asahina était corrompu et donc qu'il devait mourir, enfin ils ont feint de ne pas le croire, ce sont des scorpions dont on parle
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