29-05-2004, 01:05 PM
Les scorpions de la vallée d'Inchu
DANS LEQUEL NOS HEROS REPARTENT A LA CHASSE EN FORET
L’heure de Doji commençait quand la cérémonie du thé se termina. Kohei avait retrouvé la paix. Et avec la paix, le courage. Il avait compris que s’il ne commençait pas lui-même à affronter le danger, les Fortunes ne l’aideraient jamais. Il se releva doucement. A la sortie du temple, il remit son katana à la ceinture. Il se sentait la vigueur du destrier au galop. Ils allaient retrouver les voleurs et les punir pour leur affront. C’est donc d’un bon pied que le groupe repartit. Les moines saluèrent de révérences bien basses Mirumoto Ryu, dont ils n’oublieraient pas de sitôt la venue.
Ils avancèrent d’un bon pas vers le prochain village, dans la campagne silencieuse. A l’entrée, derrière un buisson, ils trouvèrent un vieux chiffon, plein de la poussière du chemin. Le Licorne connaissait cette ruse, consistant à attacher un tissu au bout de la queue du cheval, de manière à brouiller les pistes. Kohei dit que les armées de son clan utilisaient parfois cette tromperie, pour dérouter l’ennemi. Ryu-san et Riobe firent semblant d’admirer la hardiesse ingénieuse des Shinjo… mais pour eux, cela relevait de la ruse gaijin !
Kohei serra de rage le tissu dans son poing, puis le rejeta par terre. Il allait faire rendre gorge à la crapule qui s’était emparé de l’éventail !
Ils entrèrent dans la petite auberge des lieux. Le patron, nerveusement, multipliait les courbettes et leur proposa un verre de saké. Nos héros ne tardèrent pas à flairer quelque méchante intrigue. Ils demandèrent à l’aubergiste s’il n’avait pas vu passer un marchand du nom de Chikaro. C’était un nom qu’on leur avait donné au village d’avant, en sous-entendant que ce Chikaro aimait à trafiquer entre les deux côtés de la frontière pour arrondir sa bourse. On leur avait de plus murmurer que si ce Chikaro trempait dans des affaires louches, un autre rônin n’avait pas non plus patte blanche : un certain Kakachi, celui-là même avec qui Riobe avait discuté dans les cuisines de la cité d’Inchu. Mais Riobe croyait déjà Kakachi innocent : ce n’était qu’un pauvre bougre, qui n’avait plus toute sa tête.
Kohei tapota sur la table : la réponse de l’aubergiste se faisait attendre. Celui-ci avala, et dit qu’il n’avait pas vu passer ce Chikaro. Il mentait, c’était palpable. Trois katanas glissèrent alors en même temps hors de leur fourreau, de quelques centimètres. Mirumoto Ryu répéta la question. Riobe voulait croire que l’aubergiste peinait à produire un effort de mémoire. Ce dernier dit alors que Chikaro était passé ici peu de temps avant, avec son ballot de riz sur les épaules. Kohei secoua l’aubergiste : un demi koku tomba de sa manche. Le prix de son silence. Le fixant d’un air de profond mépris, Kohei l’agrippa par le col et ordonna que cet argent soit remis au temple des moines d’Inchu. Ainsi, cet argent sale finirait quand même entre de bonnes mains. Riobe salivait en voyant une telle fortune ! Un demi-koku, autant dire des kilos et des kilos de bon riz !... Il n’avait de plus pas encore mangé aujourd’hui, mais il approuvait la décision du Licorne.
Les samuraï sortirent de l’auberge rapidement. En interrogeant d’autres paysans et un yoriki, ils apprirent que Chikaro se dirigeait vers la forêt. Etrange itinéraire pour un marchand… A l’entrée de la forêt, ils parlèrent à des bûcherons qui leur apprit que Kakachi le rônin, avec l’autorisation de Shinjo Egawa, logeait dans une petite cabane dans la forêt.
Nos héros commencèrent à gravir la pente. Ils parcoururent le sentier, sous les arbres qui filtraient les rayons de soleil de leurs feuillages tremblant au vent. Maintenant, ils n’étaient plus en chasse d’un animal… Ils ne tardèrent pas à trouver la clairière où vivait Kakachi. Faite de quelques planches, sa demeure ne payait pas de mine… On avait déjà vu des etas mieux logées. Elle devait prendre l’eau facilement. Kakachi en sortit en entendant les samuraï arriver. Il s’agenouilla devant Shinjo-san et Mirumoto-san. C’est Riobe qui lui adressa la parole. Kakachi avait bien vu passer Chikaro, mais il n’avait rien à voir avec ce vilain marchand.
La conversation n’eut pas le temps d’aller plus loin. Ils virent sortir des taillis, pareils à des chiens errants affamés, des brigands pouilleux, sales, maniant des armes de paysans, tonfas et nunchaku. Ces crapules venaient en découdre avec Kakachi. Pour leur malheur, nos trois samouraï formaient écran. Dans la paisible forêt d’Inchu, on put entendre le cliquetis des armes, le frottement métallique des katanas jaillissant de leurs fourreaux pour de bons, les lames coupant la chair, les hurlements d’agonie des brigands sans honneur. Nos héros tuèrent sans difficulté plusieurs des canailles. Mais des guerriers armés de katana étaient arrivés en renfort. Le sang coulait en abondance sur la verte clairière. L’entrechoquement des katanas était rapide et presque silencieux, comme la mort, nette et précise, qu’infligeaient nos héros. On entendait surtout les souffles courts des combattants, où se mêlait la peur et la rage du combat. Kakachi avait été pris à parti par deux rônins : Riobe alla à son secours pendant que Kohei et Ryu s’interposaient. Par deux fois, les lames des brigands percèrent la chair de Kakachi. Il tomba à terre, juste avant que Riobe n’expédie ses ennemis.
Toutes les crapules avaient rendu gorge. Les toisant le nez et la lèvre retroussés par le mépris, Kohei nettoya sa lame et la rengaina posément, avant d’appeler à l’aide.
Riobe s’approcha de Kakachi : durement blessé, le rônin craignait pour sa vie. On entendait déjà la troupe des bûcherons qui montaient en vitesse la pente. Kakachi dévoila alors son rôle : il s’était fait passer pour fou afin de discuter avec Riobe et de tester son sens de l’honneur. Riobe avait fait preuve d’un respect sans tâche du bushido, dans toutes ses déclarations. Et Kakachi était lieutenant d’un célèbre rônin déchu, qui réunissait ici et là une troupe de fidèles guerriers pour monter une armée. La douleur crispait tous les mouvements du pauvre Kakachi. Il luttait contre les blessures infligées par les bandits. C’était bien Chikaro le voleur, le rônin l’avait découvert… Il fallait que Riobe le retrouve, lui et ses complices, tous ses complices venus d’un clan maudit et qui n’aurait jamais dû exister. La colère froide dictée par l’honneur unissait en ce moment les deux rônins, frères d’armes dans l’honneur et la défaite. Riobe jura de laver l’honneur de Kakachi, dans ce monde-ci ou l’autre… De plus en plus affaibli par ses blessures, Kakachi conjura Riobe de ne jamais oublier qui il était et de rejoindre Toturi au plus vite… Le Lion Noir l’attendait…
Déjà les bûcherons arrivaient, et fabriquaient à la hâte une civière pour le rônin blessé. Shinjo Kohei ordonna qu’il fût transporté chez les bons moines d’Inchu. Sans attendre, lui, Mirumoto Ryu et Riobe se remirent en marche. Kakachi avait parlé d’un village au sortir de la forêt, où les crapules se réunissaient, terrorisant la population. Il était temps de rétablir la justice de l’Ordre Céleste en ces lieux…
A suivre...
DANS LEQUEL NOS HEROS REPARTENT A LA CHASSE EN FORET
L’heure de Doji commençait quand la cérémonie du thé se termina. Kohei avait retrouvé la paix. Et avec la paix, le courage. Il avait compris que s’il ne commençait pas lui-même à affronter le danger, les Fortunes ne l’aideraient jamais. Il se releva doucement. A la sortie du temple, il remit son katana à la ceinture. Il se sentait la vigueur du destrier au galop. Ils allaient retrouver les voleurs et les punir pour leur affront. C’est donc d’un bon pied que le groupe repartit. Les moines saluèrent de révérences bien basses Mirumoto Ryu, dont ils n’oublieraient pas de sitôt la venue.
Ils avancèrent d’un bon pas vers le prochain village, dans la campagne silencieuse. A l’entrée, derrière un buisson, ils trouvèrent un vieux chiffon, plein de la poussière du chemin. Le Licorne connaissait cette ruse, consistant à attacher un tissu au bout de la queue du cheval, de manière à brouiller les pistes. Kohei dit que les armées de son clan utilisaient parfois cette tromperie, pour dérouter l’ennemi. Ryu-san et Riobe firent semblant d’admirer la hardiesse ingénieuse des Shinjo… mais pour eux, cela relevait de la ruse gaijin !
Kohei serra de rage le tissu dans son poing, puis le rejeta par terre. Il allait faire rendre gorge à la crapule qui s’était emparé de l’éventail !
Ils entrèrent dans la petite auberge des lieux. Le patron, nerveusement, multipliait les courbettes et leur proposa un verre de saké. Nos héros ne tardèrent pas à flairer quelque méchante intrigue. Ils demandèrent à l’aubergiste s’il n’avait pas vu passer un marchand du nom de Chikaro. C’était un nom qu’on leur avait donné au village d’avant, en sous-entendant que ce Chikaro aimait à trafiquer entre les deux côtés de la frontière pour arrondir sa bourse. On leur avait de plus murmurer que si ce Chikaro trempait dans des affaires louches, un autre rônin n’avait pas non plus patte blanche : un certain Kakachi, celui-là même avec qui Riobe avait discuté dans les cuisines de la cité d’Inchu. Mais Riobe croyait déjà Kakachi innocent : ce n’était qu’un pauvre bougre, qui n’avait plus toute sa tête.
Kohei tapota sur la table : la réponse de l’aubergiste se faisait attendre. Celui-ci avala, et dit qu’il n’avait pas vu passer ce Chikaro. Il mentait, c’était palpable. Trois katanas glissèrent alors en même temps hors de leur fourreau, de quelques centimètres. Mirumoto Ryu répéta la question. Riobe voulait croire que l’aubergiste peinait à produire un effort de mémoire. Ce dernier dit alors que Chikaro était passé ici peu de temps avant, avec son ballot de riz sur les épaules. Kohei secoua l’aubergiste : un demi koku tomba de sa manche. Le prix de son silence. Le fixant d’un air de profond mépris, Kohei l’agrippa par le col et ordonna que cet argent soit remis au temple des moines d’Inchu. Ainsi, cet argent sale finirait quand même entre de bonnes mains. Riobe salivait en voyant une telle fortune ! Un demi-koku, autant dire des kilos et des kilos de bon riz !... Il n’avait de plus pas encore mangé aujourd’hui, mais il approuvait la décision du Licorne.
Les samuraï sortirent de l’auberge rapidement. En interrogeant d’autres paysans et un yoriki, ils apprirent que Chikaro se dirigeait vers la forêt. Etrange itinéraire pour un marchand… A l’entrée de la forêt, ils parlèrent à des bûcherons qui leur apprit que Kakachi le rônin, avec l’autorisation de Shinjo Egawa, logeait dans une petite cabane dans la forêt.
Nos héros commencèrent à gravir la pente. Ils parcoururent le sentier, sous les arbres qui filtraient les rayons de soleil de leurs feuillages tremblant au vent. Maintenant, ils n’étaient plus en chasse d’un animal… Ils ne tardèrent pas à trouver la clairière où vivait Kakachi. Faite de quelques planches, sa demeure ne payait pas de mine… On avait déjà vu des etas mieux logées. Elle devait prendre l’eau facilement. Kakachi en sortit en entendant les samuraï arriver. Il s’agenouilla devant Shinjo-san et Mirumoto-san. C’est Riobe qui lui adressa la parole. Kakachi avait bien vu passer Chikaro, mais il n’avait rien à voir avec ce vilain marchand.
La conversation n’eut pas le temps d’aller plus loin. Ils virent sortir des taillis, pareils à des chiens errants affamés, des brigands pouilleux, sales, maniant des armes de paysans, tonfas et nunchaku. Ces crapules venaient en découdre avec Kakachi. Pour leur malheur, nos trois samouraï formaient écran. Dans la paisible forêt d’Inchu, on put entendre le cliquetis des armes, le frottement métallique des katanas jaillissant de leurs fourreaux pour de bons, les lames coupant la chair, les hurlements d’agonie des brigands sans honneur. Nos héros tuèrent sans difficulté plusieurs des canailles. Mais des guerriers armés de katana étaient arrivés en renfort. Le sang coulait en abondance sur la verte clairière. L’entrechoquement des katanas était rapide et presque silencieux, comme la mort, nette et précise, qu’infligeaient nos héros. On entendait surtout les souffles courts des combattants, où se mêlait la peur et la rage du combat. Kakachi avait été pris à parti par deux rônins : Riobe alla à son secours pendant que Kohei et Ryu s’interposaient. Par deux fois, les lames des brigands percèrent la chair de Kakachi. Il tomba à terre, juste avant que Riobe n’expédie ses ennemis.
Toutes les crapules avaient rendu gorge. Les toisant le nez et la lèvre retroussés par le mépris, Kohei nettoya sa lame et la rengaina posément, avant d’appeler à l’aide.
Riobe s’approcha de Kakachi : durement blessé, le rônin craignait pour sa vie. On entendait déjà la troupe des bûcherons qui montaient en vitesse la pente. Kakachi dévoila alors son rôle : il s’était fait passer pour fou afin de discuter avec Riobe et de tester son sens de l’honneur. Riobe avait fait preuve d’un respect sans tâche du bushido, dans toutes ses déclarations. Et Kakachi était lieutenant d’un célèbre rônin déchu, qui réunissait ici et là une troupe de fidèles guerriers pour monter une armée. La douleur crispait tous les mouvements du pauvre Kakachi. Il luttait contre les blessures infligées par les bandits. C’était bien Chikaro le voleur, le rônin l’avait découvert… Il fallait que Riobe le retrouve, lui et ses complices, tous ses complices venus d’un clan maudit et qui n’aurait jamais dû exister. La colère froide dictée par l’honneur unissait en ce moment les deux rônins, frères d’armes dans l’honneur et la défaite. Riobe jura de laver l’honneur de Kakachi, dans ce monde-ci ou l’autre… De plus en plus affaibli par ses blessures, Kakachi conjura Riobe de ne jamais oublier qui il était et de rejoindre Toturi au plus vite… Le Lion Noir l’attendait…
Déjà les bûcherons arrivaient, et fabriquaient à la hâte une civière pour le rônin blessé. Shinjo Kohei ordonna qu’il fût transporté chez les bons moines d’Inchu. Sans attendre, lui, Mirumoto Ryu et Riobe se remirent en marche. Kakachi avait parlé d’un village au sortir de la forêt, où les crapules se réunissaient, terrorisant la population. Il était temps de rétablir la justice de l’Ordre Céleste en ces lieux…
A suivre...
