27-06-2004, 02:19 PM
2EME PARTIE : DANS LES SABLES BRÛLANTS
VI : Au pays des gaijins
Kohei avait lancé son destrier au galop. Agrippé à la crinière de l'animal, il relança sa course quand sa monture faiblissait. Il criait dans ses oreilles pour la relancer et lui transmettre sa colère... La Licorne grimpa une colline en quelques instants, y passant en coup de vent, descendit sur un chemin qu'il fit trembler, les cailloux roulants à côté des sabots puissants du destrier. Kohei poussait des cris, tandis que l'écho fantastique du cavalier et de sa monture, lancés à pleine vitesse, résonnait sur les parois lisses des montagnes. La piste s'effaçait devant eux, de gros rochers se détachaient des pans de montagne, les ruisseaux qu'ils traversaient chantaient en dévalant leur pente, et la végétation ondulait lentement sous le vent.
Bushi et destrier Shinjo arrivait au milieu de ces étendues comme le tonnerre dans le ciel bleu. Après avoir gravi une seconde colline, avec une rapidité déconcertante, Kohei stoppa son cheval. Celui-ci se cabra, rua, s'agita. Kohei dut s'imposer par la force. Il lui rappelait qui était le maître. Le cheval reposa les quatre fers par terre, soumise.
Le jeune bushi, pris entre la colère et la joie du galop, observa la caravane des Licornes, qui cheminait paisiblement au travers du payasage accidenté. En quelques minutes de galop, il avait couvert une distance considérable.
Il descendit de cheval, et l'accompagna au ruisseau qui coulait non loin de là. La pauvre bête avait bien mérité de se désaltérer. Et son maître aussi. Kohei porta de l'eau à sa bouche, et la savoura grandement. Puis, il poussa un soupir de contentement, et s'allongea contre une butte. L'animal s'ébroua à nouveau, faisant gicler l'eau autour de lui. Il semblait reprocher au samuraï son brusque départ. Kohei poussa un juron typique des écuries Licornes : il ne tolérait pas les reproches de sa monture ! Le samurai cueillit une longue tige sèche et se mit à la machouiller.
La monture se désinteressa de son maître et alla plutôt manger l'herbe maigre des lieux. Kohei prit le temps de retrouver son souffle. Il avait les jambes qui tremblaient après une telle course. Il renroule autour de sa tête le tissu donné par Massoud Nebeb : le maître de l'oasis avait prévenu les honorables rokugani que le soleil des Sables Brûlants ne pardonnait pas à ceux qui ne se couvraient pas devant lui...
Allongé, Kohei ferma les yeux quelques instants. Il se releva pour s'assurer que son destrier ne s'éloignerait pas, puis il monta au sommet de la butte. Il découvrait des lieux inconnus de lui. Derrière lui, la caravane des Licornes continuait à progresser à l'allure d'une tortue. Au-dessus de lui, dans le ciel passaient de grands nuages, libres et puissants comme le peuple des Licornes.
- Maudit sois-tu, Massoud Nebeb, se dit Kohei en crachant par terre. tu n'es bien qu'un de ces gaijins sans honneur !... Tu as offert la tête de Sumiteru à ces hommes noirs, qui n'ont pas d'âme, et qui ne valent pas mieux que les esclaves qu'ils transportent !
Kohei serrait la garde de son sabre.
- Quant à toi, Traoundé, c'est avec plaisir que je te passerais ma lame à travers le corps...
Kohei dégaîna son sabre, qui brilla comme s'il était d'or sous le soleil. Le vent du désert venait souffler autour de la lame. Le jeune samuraï exécuta quelques mouvements rapides, appris au dojo du village des rives blanches. Il se rappelait de l'assistant de son senseï, qui battait la mesure sur un tambourin, pendant que les trente élèves répétaient ensemble les mouvements, inlassablement.
Kohei exécuta à la suite tous les gestes meurtriers appris pendant ses années de formation. Il les enchaînait sans difficulté, alors qu'à ses débuts, il parvenait péniblement à en faire l'un après l'autre. A l'époque, il portait déjà un lourd sabre, et se laissait tromper par le poids de l'arme.
Maintenant, il pouvait couper le vent lui-même, car il avait appris à rendre son katana plus léger que l'air.
Il exécuta un kata simple, celui dont il avait fait la démonstration lors de son gempukku. La lame siffla trois fois et s'arrêta. S'imaginant avoir tranché le chef Traoundé en trois ou quatre morceaux, Kohei rengaina. Il ferma les yeux, pour échapper à la vision de la tête sanglante de Sumiteru, qui, après un coup de hache impitoyable, roulait à terre. Et les rires satisfaits de tous les Noirs, et les cris hystériques de leurs femmes... Sans parler de la clameur effrayée et fascinée de la foule puante et pouilleuse qui assista à l'exécution.
- Maudits soyez-vous, barbares... Que votre désert vous étouffe tous !
Kohei dégaîna violemment et tenta de frapper dans le même mouvement. Il n'y parvenait pas encore. Pourtant, Hiruya-san maîtrisait ce geste parfaitement.
Le Grue devait savourer le thé chez les Phénix en ce moment, pendant que lui, Kohei, s'aventurait dans cette région aride. L'esprit humain ne pouvait concevoir la distance incommensurable qui se trouvait de cette piste du bout du monde aux rives verdoyantes de l'océan. Un monde les séparait. Peut-être ce vent qui soufflait au-dessus du Licorne avait-il rafraîchi aussi le samurai Grue.
Kohei chassa le souvenir du bourreau qui s'approchait du pauvre Sumiteru, de l'impatience de la foule des marchands, des pouilleux et des moins que rien, heureux de se divertir de la mort d'un Rokugani -un gaijin pour eux... Kohei aurait souhaité à ce moment-là qu'arrive un détachement de la famille Otaku, qui piétinât cette racaille.
Le fils de Zenzabûro-san rengaina son sabre lentement.
Au loin, de longues caravanes progressaient dans le désert. Elles se composaient de dizaines de chariots et de grands chevaux. Elles traçaient de grandes pistes, patiemment. On voyait à des milliers de li en avant : des villages éparpillées dans la plaine, de petites villes, des montagnes, des pics, d'autres caravanes, le murmure du désert, des villages de tentes, des groupes de nomade... Tout un monde neuf, inconnu, un autre monde, très différent de Rokugan, dont le peuple ferait passer les Licornes pour des sédentaires, des "civilisés" comme disent les gens de l'Est. L'impérieux soleil dominait de son âpre puissance tout ce royaume sauvage.
A suivre...
VI : Au pays des gaijins
D'après la symbolique des animaux d'Asie : la Licorne Wrote:L'existence est un jeu divin, notre part devient libre et active lorsque nous nous identifions au marionnettiste qui nous a créés.
Alors le soi se dissout pour faire place au Grand Soi sous la tente cosmique relié à l'étoile polaire.
Kohei avait lancé son destrier au galop. Agrippé à la crinière de l'animal, il relança sa course quand sa monture faiblissait. Il criait dans ses oreilles pour la relancer et lui transmettre sa colère... La Licorne grimpa une colline en quelques instants, y passant en coup de vent, descendit sur un chemin qu'il fit trembler, les cailloux roulants à côté des sabots puissants du destrier. Kohei poussait des cris, tandis que l'écho fantastique du cavalier et de sa monture, lancés à pleine vitesse, résonnait sur les parois lisses des montagnes. La piste s'effaçait devant eux, de gros rochers se détachaient des pans de montagne, les ruisseaux qu'ils traversaient chantaient en dévalant leur pente, et la végétation ondulait lentement sous le vent.
Bushi et destrier Shinjo arrivait au milieu de ces étendues comme le tonnerre dans le ciel bleu. Après avoir gravi une seconde colline, avec une rapidité déconcertante, Kohei stoppa son cheval. Celui-ci se cabra, rua, s'agita. Kohei dut s'imposer par la force. Il lui rappelait qui était le maître. Le cheval reposa les quatre fers par terre, soumise.
Le jeune bushi, pris entre la colère et la joie du galop, observa la caravane des Licornes, qui cheminait paisiblement au travers du payasage accidenté. En quelques minutes de galop, il avait couvert une distance considérable.
Il descendit de cheval, et l'accompagna au ruisseau qui coulait non loin de là. La pauvre bête avait bien mérité de se désaltérer. Et son maître aussi. Kohei porta de l'eau à sa bouche, et la savoura grandement. Puis, il poussa un soupir de contentement, et s'allongea contre une butte. L'animal s'ébroua à nouveau, faisant gicler l'eau autour de lui. Il semblait reprocher au samuraï son brusque départ. Kohei poussa un juron typique des écuries Licornes : il ne tolérait pas les reproches de sa monture ! Le samurai cueillit une longue tige sèche et se mit à la machouiller.
La monture se désinteressa de son maître et alla plutôt manger l'herbe maigre des lieux. Kohei prit le temps de retrouver son souffle. Il avait les jambes qui tremblaient après une telle course. Il renroule autour de sa tête le tissu donné par Massoud Nebeb : le maître de l'oasis avait prévenu les honorables rokugani que le soleil des Sables Brûlants ne pardonnait pas à ceux qui ne se couvraient pas devant lui...
Allongé, Kohei ferma les yeux quelques instants. Il se releva pour s'assurer que son destrier ne s'éloignerait pas, puis il monta au sommet de la butte. Il découvrait des lieux inconnus de lui. Derrière lui, la caravane des Licornes continuait à progresser à l'allure d'une tortue. Au-dessus de lui, dans le ciel passaient de grands nuages, libres et puissants comme le peuple des Licornes.
- Maudit sois-tu, Massoud Nebeb, se dit Kohei en crachant par terre. tu n'es bien qu'un de ces gaijins sans honneur !... Tu as offert la tête de Sumiteru à ces hommes noirs, qui n'ont pas d'âme, et qui ne valent pas mieux que les esclaves qu'ils transportent !
Kohei serrait la garde de son sabre.
- Quant à toi, Traoundé, c'est avec plaisir que je te passerais ma lame à travers le corps...
Kohei dégaîna son sabre, qui brilla comme s'il était d'or sous le soleil. Le vent du désert venait souffler autour de la lame. Le jeune samuraï exécuta quelques mouvements rapides, appris au dojo du village des rives blanches. Il se rappelait de l'assistant de son senseï, qui battait la mesure sur un tambourin, pendant que les trente élèves répétaient ensemble les mouvements, inlassablement.
Kohei exécuta à la suite tous les gestes meurtriers appris pendant ses années de formation. Il les enchaînait sans difficulté, alors qu'à ses débuts, il parvenait péniblement à en faire l'un après l'autre. A l'époque, il portait déjà un lourd sabre, et se laissait tromper par le poids de l'arme.
Maintenant, il pouvait couper le vent lui-même, car il avait appris à rendre son katana plus léger que l'air.
Il exécuta un kata simple, celui dont il avait fait la démonstration lors de son gempukku. La lame siffla trois fois et s'arrêta. S'imaginant avoir tranché le chef Traoundé en trois ou quatre morceaux, Kohei rengaina. Il ferma les yeux, pour échapper à la vision de la tête sanglante de Sumiteru, qui, après un coup de hache impitoyable, roulait à terre. Et les rires satisfaits de tous les Noirs, et les cris hystériques de leurs femmes... Sans parler de la clameur effrayée et fascinée de la foule puante et pouilleuse qui assista à l'exécution.
- Maudits soyez-vous, barbares... Que votre désert vous étouffe tous !
Kohei dégaîna violemment et tenta de frapper dans le même mouvement. Il n'y parvenait pas encore. Pourtant, Hiruya-san maîtrisait ce geste parfaitement.
Le Grue devait savourer le thé chez les Phénix en ce moment, pendant que lui, Kohei, s'aventurait dans cette région aride. L'esprit humain ne pouvait concevoir la distance incommensurable qui se trouvait de cette piste du bout du monde aux rives verdoyantes de l'océan. Un monde les séparait. Peut-être ce vent qui soufflait au-dessus du Licorne avait-il rafraîchi aussi le samurai Grue.
Kohei chassa le souvenir du bourreau qui s'approchait du pauvre Sumiteru, de l'impatience de la foule des marchands, des pouilleux et des moins que rien, heureux de se divertir de la mort d'un Rokugani -un gaijin pour eux... Kohei aurait souhaité à ce moment-là qu'arrive un détachement de la famille Otaku, qui piétinât cette racaille.
Le fils de Zenzabûro-san rengaina son sabre lentement.
Au loin, de longues caravanes progressaient dans le désert. Elles se composaient de dizaines de chariots et de grands chevaux. Elles traçaient de grandes pistes, patiemment. On voyait à des milliers de li en avant : des villages éparpillées dans la plaine, de petites villes, des montagnes, des pics, d'autres caravanes, le murmure du désert, des villages de tentes, des groupes de nomade... Tout un monde neuf, inconnu, un autre monde, très différent de Rokugan, dont le peuple ferait passer les Licornes pour des sédentaires, des "civilisés" comme disent les gens de l'Est. L'impérieux soleil dominait de son âpre puissance tout ce royaume sauvage.
A suivre...
