14-11-2004, 03:12 PM
Journal d'Aladax Lucinius
Sénéchal du Prince de Paris
Nuit du 3 au 8 mai 2004
LE PACTE DE VIENNE
En tant que Sénéchal, j'aurai eu 6 mois de tranquillité relative avant que les difficultés arrivent. Et quelles difficultés ! Ma charge de Sénéchal commençait à me peser sur les épaules plus lourdement qu'une cotte de maille. Et le costume, décidément, n'était pas taillé à ma mesure : trop grand, trop large, et en même, j'étais à l'étroit dedans.
Depuis novembre dernier, j'avais peu à peu appris toutes les finesses du protocole, de la diplomatie, de l'étiquette, de la rhétorique, de l'apparence, du jugement de goût, des phrases piquantes et des petites actions d'éclat.
Oui, j'étais plus paré pour affronter les salons parisiens qu'un croisé pour partir à Jérusalem ! Et je n'avais pas mon mur de lamentations au bout !
J'étais maintenant le Sénéchal le plus jeune du monde. Et ce ne fut pas longtemps pour moi un titre de gloire. Je devinais bien les regards, les gestes, les murmures, les attitudes des courtisans du Louvre, et je sus dès lors combien il est lourd d'être jugé par des gens dix ou cent fois plus âgés que vous !
J'avais de la chance dans mon malheur : comme j'étais à leurs yeux la parfaite oie blanche, le pigeon absolu, ils étaient tous persuadés de me manipuler -ou du moins, d'être potentiellement en état de me manipuler.
"Ce petit sénéchal, cet arriviste, ce benêt, demain nous en ferons notre marionette. Demain, si je veux, je claque des doigts et il exécutera mes volontés sans broncher."
Demain, demain, messieurs les courtisans, mais votre procratination vous a joué des tours. Puisque vous vouliez tous me manipuler, la somme des forces exercées sur moi atteignait finalement zéro, et je dirais que je gardais une marge de manoeuvre plutôt raisonnable. Après tout, pour être faible et désarmé au début, je n'étais pas non plus la créature d'une coterie ou d'une clique déterminée.
Je n'étais l'homme de personne, et j'échappais à tous ceux qui voulaient me saisir pour de bon : syndrome de l'anguille électrique.
J'ose dire que par ailleurs, j'avais la confiance du Prince. Je crois n'en avoir jamais abusé, mais n'en avoir pas non plus usé à moitié. Je savais Sire Villon de plus en plus inquiet, à mesure que l'année 2003 se terminait.
"Se terminait enfin !" ajouterais-je, tant elle avait éé riche en évènements. Je n'étais pas fâchée de lui dire adieu, à cette année 2003, et avec elle, de dire adieu à mon Sire et à Lisbeth.
Depuis mon Etreinte, ils avaient été les amarres qui me retenaient un peu à la vie mortelle, et m'empêchaient d'affronter sans voile le monde de la non-vie. Désormais, avec leur disparition, je n'avais plus de port d'attache, j'étais un voilier libre, à l'écart des grandes routes, et je crois que j'approchais du bout du monde, de la fin de la carte, là où les chutes d'eaux nous précipitent dans le vide sidéral.
Disons que le Louvre était, il est vrai, mon port d'attache, mais enfin, plus rien ne serait comme avant. A la demande du Prince, je cédais la propriété de Rambouillet à un autre Toréador. Puis, je m'assurais du renforcement de la protection des domaines de Montmartre et "Tokyo". François Loren m'aida obligeamment à transformer ces repaires en bunkers imprenables. Ce n'étaient plus la maison des courants d'air, on y entrait plus comme au moulin !
Outre le nombre incalculable de gens que je rencontrais en tant que Sénéchal, il me restait quelques contacts d'avant, que j'avais au bout du fil de temps à autre, ainsi deux ou trois immortels plus proches d'être des "amis", tels que Graziella de Valori ou Pierre-Yvon de Saint-Huant, que je ne parvenais pas du tout à voir pendant ces six mois.
J'étais complétement absorbé par mes fonctions, je n'avais plus un moment à moi. En soi, ce n'était pas un mal, car penser à moi, c'était penser au malheur, au deuil, aux horreurs passées. Penser au Prince, c'était penser à mes fonctions, à l'Elysium, au Louvre, à la Camarilla, à la diplomatie : c'était plus stimulant.
Je recevais sur mon bureau chaque jour des dizaines de lettres, déjà filtrés par mes secrétaires, qui constituaient autant de demandes de rendez-vous avec le Prince -et il n'appartenait qu'au hasard de diriger ma main vers l'une ou l'autre enveloppe que j'ouvrirai en premier, et à qui je choisirai de répondre favorablement ou non.
N'allez pas croire que je disposais d'un pouvoir fabuleux, et qu'en outre, j'exerçais ce pouvoir au petit bonheur la chance. Non, en réalité, c'est là que je m'aperçus que je devais systématiquement privilégier les plus anciens, les plus proches du Prince ou ses plus solides soutiens. Et pour les autres, pour la grande majorité des anonymes qui n'avaient pas de titre exceptionnel à faire valoir, je devais opposer à leur demande une polie mais stricte fin de non-recevoir.
Je crois qu'ainsi, le Prince passait son temps en discussions stériles avec des vieux barbons qui venaient voir si leur petite parcelle de pouvoir resterait en l'état -tandis que se pressaient aux portes du Louvre nombre de jeunes Caînites qui avaient des idées neuves à proposer, et qui ne demandait qu'à apporter du sang neuf dans ce vieil Elysium.
Je fis le maximum pour ouvrir nos portes aux plus jeunes -après tout, j'étais encore bien plus jeune que la plupart d'entre eux - mais il faut bien avouer que l'ancienneté prévalait largement. Je me permettais de temps à autre de réserver une surprise aux Princes en introduisant dans son cabinet un jeune Infant qui avait une faveur originale à demander. Mais c'était si rare que cela amusait le Prince -en rompant la monotonie des entretiens interminables avec les vieilles barbes.
J'ai quelques exemples de ces jeunes ambitieux qui voulaient remuer le confort ancestral de la hiérarchie. Bien sûr, ils avaient les dents longues, ils suintaient l'arrivisme pour la plupart -mais enfin, d'où j'étais, j'avais beau jeu de les regarder de haut ! J'avais décidé d'adopter une certaine bienveillance vis-à-vis d'eux, et d'appliquer à la lettre le protocole pour les plus anciens.
Je garde un bon souvenir de quelques-uns de ces Toréador, Malkavien, Ventrue, Tremere qui avaient moins de trente ans et encore des rêves de changer le monde.
Au début, c'était moi qui surprenait le Prince -disons jusqu'en février 2004.
Rapidement, je fus à mon tour d'être surpris quand je voyais de quels cas le Prince voulait que je m'occupe !
Voir arriver dans mon bureau un membre du Sabbat de temps à autres, je ne dirais pas que c'était agréable, mais enfin, cela épiçait un peu des heures ennuyeuses à regarder défiler tous ces gens. Passe encore pour le Sabbat, mais bientôt, je vis aussi venir des Indépendants, et même des mortels religieux !
Qui du Sabbat ou des hommes d'Eglise me procurait le plus grand malaise, je ne saurais le dire, mais recevoir dans la même soirée un ponte du clan Lasombra puis un cardinal, c'était la douche écossaise !
Le début de l'année 2004 fut marqué par ce défilé de personnages de plus en plus bizarres, dont la plupart avaient déjà leur ticket d'entrée en poche, puisque le Prince me demandait d'accéder à leur requête. C'était joué d'avance pour eux. Mais qu'avais-je à redire si le Prince voulait favoriser un Ravnos, un grand Horloger franc-maçon ou un pasteur luthérien !
Ce n'est qu'après que j'ai compris que Sire Villon faisait la tournée des popotes : il prenait le pouls de l'atmosphère en Ile-de-France, car il se sentait fragilisé depuis l'affaire de Provins.
Certes, en tant que Primogène, François Loren faisait un travail remarquable, mais Armand d'Hubert avait marqué de son empreinte son siège au conseil des clans, et mon ami Loren ne pourrait pas facilement éclipser son prédecesseur dans la mémoire des familles Ventrue.
Je ne pourrais pas décrire par le menu l'ensemble des fonctions que j'avais à exercer, ni toutes les responsabilités que j'eus à assumer sur le court-terme. Je me perdrais dans une poussière de micro-descriptions interminable, et l'exhaustivité en la matière n'apporterait rien. Disons en un mot que j'étais l'homme à tout faire du Prince. Bien sûr, j'aurais pu préférer énumérer, et dire que j'étais maire de l'Elysium, conseiller, intendant des fêtes, secrétaire particulier, préfet, ministre du budget, des finances, de l'intérieur, de la culture, éminence grise -tout cela et bien d'autres choses.
En tous cas, je devenais une hydre aux têtes innombrables, et trois repoussaient pour une que l'on coupait.
J'en viens maintenant à parler de ce qui fut bientôt appelé Pacte de Vienne, et qui fut signé au début du mois de mai 2004.
Cette nuit-là, le Prince m'avait demandé de présider une tenue ordinaire du conseil Primogène. Lui-même y assistait, mais c'était à moi de conduire les débats et de distribuer la parole.
Nous avions expédié rapidement le cas d'un jeune Malkavien nommé Bombe-à-Eau, qui désirait créer un Infant. Il disait se sentir seul, mais le pauvre chou savait à peine aligner les quelques mots du texte qu'il avait appris par coeur et qu'il voulait nous réciter. Même son Primogène, Sire Puysségur, faisait la moue. Je signifiais poliment notre refus à l'impétrant.
Entra ensuite Sire Théophile, cet artiste espagnol ringard, celui là-même qui tenait une galerie en banlieue, à Malakoff, et qui m'avait lourdement interrompu un soir, alors que je sortais avec Graziella de Valori.
Ce malotru, je rêvais ce soir-là de lui rendre la monnaie de sa pièce et de contrarier sa demande. Lui aussi voulait nous présenter une candidate à l'Etreinte -et dans ces moments-là, le conseil Primogène se transformait en jury de concours et nous passions sous le feu de questions l'étudiant en vampirisme !
Tout au contraire de ce balourd de Théophile, sa future Infant, Elisabeth, présentait bien, était fine, délicate, réservée, presque plus gracile que grâcieuse. Décidément, je fus conquis, et les Primogène furent soit favorables, soit indifférents -je parle pour Sire Maxime Brujah, et une indifférence de sa part en matière d'art valait bien un applaudissement nourri de Sire Gustave Delacroix.
La jeune Elisabeth fut donc admise à l'Etreinte, et je demandais à Sire Théophile de nous présenter à nouveau son Infant quand elle serait entrée dans l'immortalité. Derrière sa fragilité, je percevais une grande force. Elle en aurait bien besoin pour s'imposer à Paris...
A suivre...
Sénéchal du Prince de Paris
Nuit du 3 au 8 mai 2004
LE PACTE DE VIENNE
En tant que Sénéchal, j'aurai eu 6 mois de tranquillité relative avant que les difficultés arrivent. Et quelles difficultés ! Ma charge de Sénéchal commençait à me peser sur les épaules plus lourdement qu'une cotte de maille. Et le costume, décidément, n'était pas taillé à ma mesure : trop grand, trop large, et en même, j'étais à l'étroit dedans.
Depuis novembre dernier, j'avais peu à peu appris toutes les finesses du protocole, de la diplomatie, de l'étiquette, de la rhétorique, de l'apparence, du jugement de goût, des phrases piquantes et des petites actions d'éclat.
Oui, j'étais plus paré pour affronter les salons parisiens qu'un croisé pour partir à Jérusalem ! Et je n'avais pas mon mur de lamentations au bout !
J'étais maintenant le Sénéchal le plus jeune du monde. Et ce ne fut pas longtemps pour moi un titre de gloire. Je devinais bien les regards, les gestes, les murmures, les attitudes des courtisans du Louvre, et je sus dès lors combien il est lourd d'être jugé par des gens dix ou cent fois plus âgés que vous !
J'avais de la chance dans mon malheur : comme j'étais à leurs yeux la parfaite oie blanche, le pigeon absolu, ils étaient tous persuadés de me manipuler -ou du moins, d'être potentiellement en état de me manipuler.
"Ce petit sénéchal, cet arriviste, ce benêt, demain nous en ferons notre marionette. Demain, si je veux, je claque des doigts et il exécutera mes volontés sans broncher."
Demain, demain, messieurs les courtisans, mais votre procratination vous a joué des tours. Puisque vous vouliez tous me manipuler, la somme des forces exercées sur moi atteignait finalement zéro, et je dirais que je gardais une marge de manoeuvre plutôt raisonnable. Après tout, pour être faible et désarmé au début, je n'étais pas non plus la créature d'une coterie ou d'une clique déterminée.
Je n'étais l'homme de personne, et j'échappais à tous ceux qui voulaient me saisir pour de bon : syndrome de l'anguille électrique.
J'ose dire que par ailleurs, j'avais la confiance du Prince. Je crois n'en avoir jamais abusé, mais n'en avoir pas non plus usé à moitié. Je savais Sire Villon de plus en plus inquiet, à mesure que l'année 2003 se terminait.
"Se terminait enfin !" ajouterais-je, tant elle avait éé riche en évènements. Je n'étais pas fâchée de lui dire adieu, à cette année 2003, et avec elle, de dire adieu à mon Sire et à Lisbeth.
Depuis mon Etreinte, ils avaient été les amarres qui me retenaient un peu à la vie mortelle, et m'empêchaient d'affronter sans voile le monde de la non-vie. Désormais, avec leur disparition, je n'avais plus de port d'attache, j'étais un voilier libre, à l'écart des grandes routes, et je crois que j'approchais du bout du monde, de la fin de la carte, là où les chutes d'eaux nous précipitent dans le vide sidéral.
Disons que le Louvre était, il est vrai, mon port d'attache, mais enfin, plus rien ne serait comme avant. A la demande du Prince, je cédais la propriété de Rambouillet à un autre Toréador. Puis, je m'assurais du renforcement de la protection des domaines de Montmartre et "Tokyo". François Loren m'aida obligeamment à transformer ces repaires en bunkers imprenables. Ce n'étaient plus la maison des courants d'air, on y entrait plus comme au moulin !
Outre le nombre incalculable de gens que je rencontrais en tant que Sénéchal, il me restait quelques contacts d'avant, que j'avais au bout du fil de temps à autre, ainsi deux ou trois immortels plus proches d'être des "amis", tels que Graziella de Valori ou Pierre-Yvon de Saint-Huant, que je ne parvenais pas du tout à voir pendant ces six mois.
J'étais complétement absorbé par mes fonctions, je n'avais plus un moment à moi. En soi, ce n'était pas un mal, car penser à moi, c'était penser au malheur, au deuil, aux horreurs passées. Penser au Prince, c'était penser à mes fonctions, à l'Elysium, au Louvre, à la Camarilla, à la diplomatie : c'était plus stimulant.
Je recevais sur mon bureau chaque jour des dizaines de lettres, déjà filtrés par mes secrétaires, qui constituaient autant de demandes de rendez-vous avec le Prince -et il n'appartenait qu'au hasard de diriger ma main vers l'une ou l'autre enveloppe que j'ouvrirai en premier, et à qui je choisirai de répondre favorablement ou non.
N'allez pas croire que je disposais d'un pouvoir fabuleux, et qu'en outre, j'exerçais ce pouvoir au petit bonheur la chance. Non, en réalité, c'est là que je m'aperçus que je devais systématiquement privilégier les plus anciens, les plus proches du Prince ou ses plus solides soutiens. Et pour les autres, pour la grande majorité des anonymes qui n'avaient pas de titre exceptionnel à faire valoir, je devais opposer à leur demande une polie mais stricte fin de non-recevoir.
Je crois qu'ainsi, le Prince passait son temps en discussions stériles avec des vieux barbons qui venaient voir si leur petite parcelle de pouvoir resterait en l'état -tandis que se pressaient aux portes du Louvre nombre de jeunes Caînites qui avaient des idées neuves à proposer, et qui ne demandait qu'à apporter du sang neuf dans ce vieil Elysium.
Je fis le maximum pour ouvrir nos portes aux plus jeunes -après tout, j'étais encore bien plus jeune que la plupart d'entre eux - mais il faut bien avouer que l'ancienneté prévalait largement. Je me permettais de temps à autre de réserver une surprise aux Princes en introduisant dans son cabinet un jeune Infant qui avait une faveur originale à demander. Mais c'était si rare que cela amusait le Prince -en rompant la monotonie des entretiens interminables avec les vieilles barbes.
J'ai quelques exemples de ces jeunes ambitieux qui voulaient remuer le confort ancestral de la hiérarchie. Bien sûr, ils avaient les dents longues, ils suintaient l'arrivisme pour la plupart -mais enfin, d'où j'étais, j'avais beau jeu de les regarder de haut ! J'avais décidé d'adopter une certaine bienveillance vis-à-vis d'eux, et d'appliquer à la lettre le protocole pour les plus anciens.
Je garde un bon souvenir de quelques-uns de ces Toréador, Malkavien, Ventrue, Tremere qui avaient moins de trente ans et encore des rêves de changer le monde.
Au début, c'était moi qui surprenait le Prince -disons jusqu'en février 2004.
Rapidement, je fus à mon tour d'être surpris quand je voyais de quels cas le Prince voulait que je m'occupe !
Voir arriver dans mon bureau un membre du Sabbat de temps à autres, je ne dirais pas que c'était agréable, mais enfin, cela épiçait un peu des heures ennuyeuses à regarder défiler tous ces gens. Passe encore pour le Sabbat, mais bientôt, je vis aussi venir des Indépendants, et même des mortels religieux !
Qui du Sabbat ou des hommes d'Eglise me procurait le plus grand malaise, je ne saurais le dire, mais recevoir dans la même soirée un ponte du clan Lasombra puis un cardinal, c'était la douche écossaise !
Le début de l'année 2004 fut marqué par ce défilé de personnages de plus en plus bizarres, dont la plupart avaient déjà leur ticket d'entrée en poche, puisque le Prince me demandait d'accéder à leur requête. C'était joué d'avance pour eux. Mais qu'avais-je à redire si le Prince voulait favoriser un Ravnos, un grand Horloger franc-maçon ou un pasteur luthérien !
Ce n'est qu'après que j'ai compris que Sire Villon faisait la tournée des popotes : il prenait le pouls de l'atmosphère en Ile-de-France, car il se sentait fragilisé depuis l'affaire de Provins.
Certes, en tant que Primogène, François Loren faisait un travail remarquable, mais Armand d'Hubert avait marqué de son empreinte son siège au conseil des clans, et mon ami Loren ne pourrait pas facilement éclipser son prédecesseur dans la mémoire des familles Ventrue.
Je ne pourrais pas décrire par le menu l'ensemble des fonctions que j'avais à exercer, ni toutes les responsabilités que j'eus à assumer sur le court-terme. Je me perdrais dans une poussière de micro-descriptions interminable, et l'exhaustivité en la matière n'apporterait rien. Disons en un mot que j'étais l'homme à tout faire du Prince. Bien sûr, j'aurais pu préférer énumérer, et dire que j'étais maire de l'Elysium, conseiller, intendant des fêtes, secrétaire particulier, préfet, ministre du budget, des finances, de l'intérieur, de la culture, éminence grise -tout cela et bien d'autres choses.
En tous cas, je devenais une hydre aux têtes innombrables, et trois repoussaient pour une que l'on coupait.
J'en viens maintenant à parler de ce qui fut bientôt appelé Pacte de Vienne, et qui fut signé au début du mois de mai 2004.
Cette nuit-là, le Prince m'avait demandé de présider une tenue ordinaire du conseil Primogène. Lui-même y assistait, mais c'était à moi de conduire les débats et de distribuer la parole.
Nous avions expédié rapidement le cas d'un jeune Malkavien nommé Bombe-à-Eau, qui désirait créer un Infant. Il disait se sentir seul, mais le pauvre chou savait à peine aligner les quelques mots du texte qu'il avait appris par coeur et qu'il voulait nous réciter. Même son Primogène, Sire Puysségur, faisait la moue. Je signifiais poliment notre refus à l'impétrant.
Entra ensuite Sire Théophile, cet artiste espagnol ringard, celui là-même qui tenait une galerie en banlieue, à Malakoff, et qui m'avait lourdement interrompu un soir, alors que je sortais avec Graziella de Valori.
Ce malotru, je rêvais ce soir-là de lui rendre la monnaie de sa pièce et de contrarier sa demande. Lui aussi voulait nous présenter une candidate à l'Etreinte -et dans ces moments-là, le conseil Primogène se transformait en jury de concours et nous passions sous le feu de questions l'étudiant en vampirisme !
Tout au contraire de ce balourd de Théophile, sa future Infant, Elisabeth, présentait bien, était fine, délicate, réservée, presque plus gracile que grâcieuse. Décidément, je fus conquis, et les Primogène furent soit favorables, soit indifférents -je parle pour Sire Maxime Brujah, et une indifférence de sa part en matière d'art valait bien un applaudissement nourri de Sire Gustave Delacroix.
La jeune Elisabeth fut donc admise à l'Etreinte, et je demandais à Sire Théophile de nous présenter à nouveau son Infant quand elle serait entrée dans l'immortalité. Derrière sa fragilité, je percevais une grande force. Elle en aurait bien besoin pour s'imposer à Paris...
A suivre...
