16-12-2004, 02:04 AM
Journal d'Aladax Lucinius
Sires Maxime, Loren et Puysségur donnèrent leur sang pour le lupin, afin de composer ce fameux remède qui devait remettre sur pied le Prince Villon.
Alors que Loren terminait son récit, je restai silencieux quelques instants, pendant que je buvais une coupe de sang. J'avais une soif inextinguible, depuis plusieurs heures. Je crois qu'à mon insu, ou plutôt en faisant semblant de ne pas m'y engager, j'avais commencé à emprunter à nouveau un chemin très bizarre et dangereux, une trace qui venait de loin, et allait m'emporter encore plus loin, plus loin que jamais, quelque chose comme le sillage d'une étoile, ou la piste sanglante d'un fauve.
J'entendais les grognements de plus en plus nombreuses de meutes, très proches de moi, des meutes qui voulaient m'envoûter pour que je me mette à parler leur langue animale. Et parmi toutes, une voix plus forte me disait qui j'étais, qui je devais être, qui j'allais être bientôt. C'était comme un murmure d'hiver, ou le ressac d'un vieil océan charmant, où milles lunes se baignent de vagues en vagues, et entonnent une drôle de cacophonie, une chanson ensorcelée, et des sirènes aux ongles de cristal viennent caresser la plage. L'onde propagée par le ressac venait me chercher, et m'emporter au large !
Je vis un instant François Loren au travers du liquide rougeâtre qui emplissait mon verre, son corps déformé, saturé d'hémoglobine...
- Bien, dis-je, maintenant nous devons parler de Massimo d'Orsini.
- Oui, car comme je te l'ai dit, j'ai appris des choses sur lui. En sondant l'esprit de Graziella, j'ai pu retrouver leur dernière conversation. D'Orsini avait carrément demandé à son infant de faire échouer la mission, et si possible de mettre ma non-vie en danger.
- Pour ma part, grâce à des informateurs tout à fait dignes de confiance, j'ai appris que D'Orsini avait rencontré les Primogène Tremere, Malkavien et Nosfératu, en vue d'une alliance prochaine avec eux ! Il croit déjà le Prince mort pour de bon, et se voit candidat à sa succession ! Il ne doute décidément de rien !
- Oui, ses ambitions sont sans limites. Il faut y mettre fin.
- Nous allons lui donner un premier avertissement...
- ... et de mon côté, je vais rencontrer un de mes contacts personnels à Paris... J'ai peut-être une solution pour régler le problème d'Orsini.
- Très bien. Pour le moment, nous allons devoir d'ici peu en venir à parler de guerre, puisque c'est la décision qui est retenue par la majorité du conseil Primogène. Ce sera l'ordre du jour de sa prochaine tenue, demain soir.
- A demain soir, donc...
Ah non, j'oubliais une chose importante. Comme tu le sais, Sire Ibn-Azul est à Paris depuis quelques nuits maintenant. Il est prêt à accepter nos propositions. Il m'a appris une chose importante. Un vieux Toréador est arrivé à Paris depuis plusieurs jours. Il serait né vers 1300, un type coriace.
- Hmmm... oui, je crois que j'en ai entendu parler...
- Il aurait un infant, âgé d'environ 400 ans. A eux deux, ils peuvent être dangereux si on y prend pas garde.
- En effet... Comme on dit, ils vont toujours par deux, l'élève et le maître...

Je saluais Loren pour ce soir. Il avait bien travaillé. Quel cran, quand même, d'être allé nez à nez affronter un lupin peut-être plus vieux que la Camarilla ! :shock:
Quant à Graziella, nous n'en avions pas de nouvelle, mais Loren avait pratiqué sur elle une invocation, comme moi je l'avais fait aussi sur Kruegger quand nous étions victimes des dingues de Provins... Elle devait être encore non-vivante, mais ramper pour le moment comme une ombre de par nos belles campagnes bretonnes...
Je me resservais une coupe de sang. J'avais une de ces soifs !
Mes appartements étaient si calmes, si hermétiquement calmes. J'étais seul avec la lune, que les poètes ont imaginée comme une princesse froide, dans sa robe de mousseline. Mais pour moi, elle était une reine de la nuit, l'acariâtre abbesse de la basilique des cauchemars, une comtesse-bathory, une rosace glacée.
Quelques étages plus bas, le Prince devait toujours dormir, mais mes nuits se peuplaient peu à peu de prédateurs insomniaques, venus en bande manger mes songes.

A mon réveil, le lendemain soir, j'étais fébrile. Je me fis apporter une bouteille de sang, que je vidais cul-sec ! Je crevais de soif, j'étais une vraie éponge ! J'allais à la fenêtre de ma chambre. Pendant un moment, il me sembla que le ciel nocturne devenait noir et brûlant, que toutes les étoiles prenaient feu, que l'Arche de la Défense s'était transformée en un portail démoniaque, dégoulinant de sang, et que sur toute l'avenue de Madrid, au son d'une fanfare de démons amateurs de black metal, déferlait d'abominables cavaliers sortis des entrailles de civilisations perdues, avec à leur tête, un immense dragon crachant des tombereaux de flammes devant lui. Et de noirs cavaliers piétinaient toute la circulation, tranchant les voitures de leurs grandes lames d'argent maudit, en entonnant en choeur la charge des Walkyries et le Carmina Burana !
- Encore un verre, Sire ?
Le serviteur attendait patiemment. Je prenais le verre sur le plateau qu'il me présentait, et je le vidais moins goûlument. Je m'habillais rapidement, avec l'épaisse impression que je n'étais pas seul dans les appartements, que quelqu'un que je ne connaissais que trop frôlait les murs.
- Montre-toi !
Je me précipitais vers une porte dérobée. Vieille, condamnée, elle résista. Pas longtemps : je l'arrachai presque de ses gonds. Elle ouvrit sur un vieux passage, menant certainement à une crypte gothique, à une chambre de torture, et un vent frais s'engouffra dans la tiédeur luxueuse de ma suite ! Ca hurlait là-dedans, là-dessous, en bas de la volée de marches humides devant moi.
- Un problème, Sire ?
- Rien du tout, rien du tout... Ca ira, merci Firmin. :o
Je venais de refermer précipitamment la porte, et de me mettre devant, l'air de rien. Il faudrait que je pense à dissimuler ce passage derrière une bibliothèque (avec un pety système pour faire basculer l'étagère quand on tire sur un livre relié cuir, bien évidemment
).
- Sire, téléphone pour vous.
- Ah oui, merci.
Il m'apportait sur plateau d'argent un de ces anciens téléphones : je ne parle même pas de ceux à cadrans, des années 80, gris et mastocs comme un bâtiment du Trésor Public, mais l'un de ceux à peine postérieurs à Graham Bell, où vous prenez un écouteur dans une main -bref, le comble du caprice !
- Loren à l'appareil.
- Comment allez-vous ? Quelles nouvelles m'apportez-vous ?
- J'ai rencontré le contact dont je vous ai parlé, pour notre affaire. Il a accepté le marché. D'ici trois jours, nous devons procéder à l'échange.
- Trois jours !
Ca veut dire qu'il faut que je convoque les justicars pour après-demain, première heure !... Faisable, mais ils vont être de mauvaise humeur.
Vous êtes sûr de votre contact ?
- Absolument. C'est tout à leur avantage cet accord, à lui et son clan...
- Pas de nouvelles de Graziella ?
- Non, mais je pense qu'elle est en route pour Paris.
- Très bien. A tout à l'heure pour le conseil.
Cette nouvelle m'avait remis d'aplomb. Nous allions pouvoir nous retirer une grosse épine du pied. Je pris le temps de me pomponner devant mon miroir, puis je me rendais dans la grande salle du Primogène. Les huit représentants des clans étaient tous déjà là. Je m'asseyais en bout de table, les saluais tous et déclarais ouverte la séance. J'avais la patate, et je sentais Loren très solide aussi !
Dans son coin, Dame Yvonne me regardait d'un air gentiment ironique, D'Orsini me défiait assez ostensiblement, Sire Maxime était sur la réserve, de même que Puysségur et Maxime.
Tout allait bien.
Nous fîmes le point rapidement sur ce qui s'était passé en Bretagne. Tous étaient déjà au courant, mais je demandais aux intéressés de nous reparler s'ils le désiraient de cette aventure. Ce fut rapidement reglé. Je savais que Sires Jarrell et Maxime se pliaient à leurs devoirs, bien qu'ils fussent loin d'approuver à mes demandes. A vrai dire, ils ne demandaient pas mieux que de pouvoir jouir de territoires où ils seraient en paix. Je me disais souvent qu'ils ne savaient assez exiger, et qu'il serait honnête de ma part de les récompenser à hauteur de leur dévouement. Il est quand même vrai que Sire Maxime avait plus de talent pour gueuler que pour obtenir des avantages pour son clan...
De l'avis général, il fut donc convenu que nous irions à la guerre. D'abord contre Saint-Germain-en-Laye et sa fondation Tzymisce, puis vers l'est ou le nord-est de la France. Morgane avait suggéré la ville de Reims, et sa cathédrale, comme nouveau territoire. Elle avait forcément une idée derrière la tête, mais pour ma part, je ne voyais pas d'objection à cela.
Tout de même : que pouvait-ils bien convoiter ?...![[Image: icon2.gif]](http://forum.mamarland.info/style_images/set_Invi-516/icon2.gif)
Depuis que nous débattions, je sentais d'Orsini de plus en plus hostile et provocateur même. Il était comme une casserole qui va bientôt déborder. Il ne se contenait plus.
- Je ne suis pas d'accord avec ça ! Lucinius n'a pas de crédibilité pour être Régent ! Vos idées, c'est n'importe quoi ! Il ne faut pas faire comme ça ! C'est une politique d'incapable !... Personne n'approuve que vous faites, Lucinius !...
En deux mots, il commençait à devenir imbuvable. Loren tenta de le calmer, et de le persuader de s'expliquer un peu.
- Puisque vous critiquez, Sire D'Orsini, c'est sans doute que vous avez de meilleures idées à nous exposer...
Et moi je pensais : "Fais le malin, d'Orsini, fais le malin, je vais m'occuper de toi..." Il commencer à m'échauffer le sang, notre Primogène honoraire !
La tension devenait palpable dans la salle. Maintenant, il s'était levé, ce Lasombra à lla manque, il allait et venait dans la salle, il continuait à s'emporter, à m'attaquer de manière cinglante :
- Je ne voix pas pourquoi nous ferions confiance à un petit nouveau-né pour être Prince ! Il n'a aucune légitimité à remplacer le Prince Villon !
Je m'agrippais aux coudes de mon siège :
- Ca suffit, Sire d'Orsini ! Vous n'êtes pas au conseil pour nous faire des pitreries ! Veuillez vous rasseoir à notre table !
Il était vraiment atteint...
La goutte d'eau qui fit déborder le vase, c'est quand il prit une posture et une voix effeminée en disant :
- Ze m'appelle Lucinius et je suis le Prince de Paris, na !...
J'attendais qu'il passe la mesure, là ça y était ! Après ces dernières nuits, je me sentais un appétit de lupin.
- Ca suffit, Sire d'Orsini !
Cette fois, nous allons nous expliquer ensemble, d'homme à homme. Venez avec moi dans la pièce à côté, il faut que nous parlions... 
Grand silence dans l'assemblée. Etonnement de Dame d'Orval, de Puysségur. Dame Yvonne sourit de toutes ses dents, et Sires Jarrell et Maxime jubilent presque : enfin lleur Prince montre qu'il n'a pas du jus de chaussette dans les veines !
- Ca va aller, Régent, me dit Loren, prêt à m'accompagner.
- Ca va aller, je vous remercie.
Nous passons avec d'Orsini dans la pièce à côté. Grande nappe de silence parmi le conseil Primogène. Ils entendent des bruits de bousculade, de bagarre, de meubles heurtés, et ma voix, devenue animale, qui feule juste sous le nez d'Orsini, pendant que celui-ci, paralysé, se soumet soudain à mon pouvoir, comme ces loups qui s'aplatissent devant le chef de la meute.
Mes doigts griffus caressent sa gorge, et mon regard de félin sanguinaire pénétre au plus profond de son esprit. Et c'est à peine si je reconnais ma voix lui dire :
- Alors, d'Orsini, tu m'obliges à abattre mon jeu plus tôt que prévu ?...
- Mais... mais... qui êtes-vous ?
- Tu es Massimo d'Orsini, Primogène Lasombra, et moi je suis Aladax Lucinius, ton Régent... :demoniaque: Alors, maintenant, nous allons retourner au conseil, tous les deux, calmement, et continuer nos débats, c'est compris ?...
D'Orsini revient le premier dans la salle, blanc et raide comme une statue de marbre. Je rentre ensuite, les yeux pleins de sang, tremblant et je me rassois dans mon fauteuil, et je vide une coupe de sang. Jamais je ne me suis senti aussi proche d'un Jim Jarrell ou d'un Alexandre Corso. Il fallait en venir là pour soumettre d'Orsini...
- Nous pouvons reprendre les débats...

La suite du conseil est rapide. Nous tombons d'accord pour mener rapidement la guerre au Sabbat et étendre ainsi le territoire de la Camarilla.
- Si je puis me permettre, dit Loren, je dois signaler que mon Sire, Ibn-Azul est à Paris. Or, il est bien connu pour les combats qu'il mène aux Moyen-Orient contre des extrêmistes voués à la destruction des Caïnites. Je pense qu'il fera un excellent général pour nos armées. Avec Sires Maximes et Jarrell, nous pourrons monter un conseil de guerre, en vue de la prise rapide de la fondation Tzymisce.
Ceci étant dit et accepté, le conseil se termine. Pendant que tout le monde sort, encore sous la surprise de ma sortie contre D'Orsini (combien d'entre eux ont écouté à la porte ?), je prends un instant Loren à part :
- S'il vous plait, effacez de la mémoire de D'Orsini les quelques minutes que nous avons passé ensemble...
- Entendu.
Décidément, il reste toujours inébranlable, mon ami François ! Il n'a pas les épaules des Brujah ni les griffes des Gangrel, mais il tient le choc aussi bien qu'eux. Il doit faire partie de la race d'acier, construite pour durer !
Nous discutons quelques instants avec D'Orsini, le temps que Loren efface et réécrive ses souvenirs. C'est alors que nous apprenons le retour de Graziella de Valori au Louvre !
La malheureuse a mis bien du temps à quitter la Bretagne et à se faire conduire ici, en taxi. Je pense que les provinces de France ne seront pas parmi les meilleurs souvenirs de son séjour chez nous... De plus, elle en revient en piteux état. Je la vois bien, essayer de se tenir correctement, de tenir son rang, mais elle se tord encore de douleur. But what more would you expect from those far superior than you, comme disent les suivants de Montano...
- Puisque vous avez retrouvé votre infant, dis-je à Sire d'Orsini, maintenant bien calme, nous allons vous laisser. Graziella, nous sommes contents de vous revoir, nous avons craint pour vous, mais maintenant, nous sommes satisfaits que vous soyez de retour.
- Moi de même, Régent, dit la signora en s'inclinant.
Loren et moi les laissons tous les deux, à leurs traquenards si l'envie leur prend. Par Caïn, nous avons encore la belle à disputer à l'escrime, avec De Valori !
Je me retire dans mes appartements, signalant à François Loren sa convocation pour le lendemain, à la première heure, pour passer d'Orsini à la casserole ! Ca va être le grand chamboule-tout !
J'ai passé la fin de cette nuit à tenter de faire le point sur moi-même. Pendant ce temps, Loren n'a pas chômé. Ce soir là qu'il a rencontré Sire Roméo de Montaigu, un soi-disant Ventrue, grand et noir comme un Othello, qui l'a salué bien respectueusement, et qui s'est par la suite entretenu avec Graziella de Valori.
François Loren n'a pas voulu croire un mot de ce que disait ce Montaigu. Il a tout de suite fait le rapprochement avec ce vieux Caïnite étreint vers 1300, arrivé il y a peu en ville, selon les dires d'Ibn-Azul. Il a commencé à fouiller dans ses archives, pendant que ses services de renseignement lui apportaient d'autres gros dossiers sur Massimo d'Orsini : il en avait maintenant gros comme un dictionnaire sur lui !
En fouillant dans ses archives, Loren trouva plusieurs fois mentions d'un Sire Montaigu, parmi les Ventrue. Mais s'agissait-il du même à chaque fois ? Si ce dernier était bien un Ventrue, il ne refuserait pas de rencontrer son Primogène, surtout au vu du respect qu'il avait affiché pour lui dès leur première rencontre. Mais il cachait quelque chose. Etait-il le noble Othello, ou bien plutôt "l'honnête" Iago ?*
A suivre...
*NB : dans la pièce de Shakespeare Othello, Iago est le conseiller menteur et traître par excellence.
Sires Maxime, Loren et Puysségur donnèrent leur sang pour le lupin, afin de composer ce fameux remède qui devait remettre sur pied le Prince Villon.
Alors que Loren terminait son récit, je restai silencieux quelques instants, pendant que je buvais une coupe de sang. J'avais une soif inextinguible, depuis plusieurs heures. Je crois qu'à mon insu, ou plutôt en faisant semblant de ne pas m'y engager, j'avais commencé à emprunter à nouveau un chemin très bizarre et dangereux, une trace qui venait de loin, et allait m'emporter encore plus loin, plus loin que jamais, quelque chose comme le sillage d'une étoile, ou la piste sanglante d'un fauve.
J'entendais les grognements de plus en plus nombreuses de meutes, très proches de moi, des meutes qui voulaient m'envoûter pour que je me mette à parler leur langue animale. Et parmi toutes, une voix plus forte me disait qui j'étais, qui je devais être, qui j'allais être bientôt. C'était comme un murmure d'hiver, ou le ressac d'un vieil océan charmant, où milles lunes se baignent de vagues en vagues, et entonnent une drôle de cacophonie, une chanson ensorcelée, et des sirènes aux ongles de cristal viennent caresser la plage. L'onde propagée par le ressac venait me chercher, et m'emporter au large !
Je vis un instant François Loren au travers du liquide rougeâtre qui emplissait mon verre, son corps déformé, saturé d'hémoglobine...
- Bien, dis-je, maintenant nous devons parler de Massimo d'Orsini.

- Oui, car comme je te l'ai dit, j'ai appris des choses sur lui. En sondant l'esprit de Graziella, j'ai pu retrouver leur dernière conversation. D'Orsini avait carrément demandé à son infant de faire échouer la mission, et si possible de mettre ma non-vie en danger.
- Pour ma part, grâce à des informateurs tout à fait dignes de confiance, j'ai appris que D'Orsini avait rencontré les Primogène Tremere, Malkavien et Nosfératu, en vue d'une alliance prochaine avec eux ! Il croit déjà le Prince mort pour de bon, et se voit candidat à sa succession ! Il ne doute décidément de rien !
- Oui, ses ambitions sont sans limites. Il faut y mettre fin.
- Nous allons lui donner un premier avertissement...
- ... et de mon côté, je vais rencontrer un de mes contacts personnels à Paris... J'ai peut-être une solution pour régler le problème d'Orsini.

- Très bien. Pour le moment, nous allons devoir d'ici peu en venir à parler de guerre, puisque c'est la décision qui est retenue par la majorité du conseil Primogène. Ce sera l'ordre du jour de sa prochaine tenue, demain soir.
- A demain soir, donc...

- Hmmm... oui, je crois que j'en ai entendu parler...
- Il aurait un infant, âgé d'environ 400 ans. A eux deux, ils peuvent être dangereux si on y prend pas garde.
- En effet... Comme on dit, ils vont toujours par deux, l'élève et le maître...


Je saluais Loren pour ce soir. Il avait bien travaillé. Quel cran, quand même, d'être allé nez à nez affronter un lupin peut-être plus vieux que la Camarilla ! :shock:
Quant à Graziella, nous n'en avions pas de nouvelle, mais Loren avait pratiqué sur elle une invocation, comme moi je l'avais fait aussi sur Kruegger quand nous étions victimes des dingues de Provins... Elle devait être encore non-vivante, mais ramper pour le moment comme une ombre de par nos belles campagnes bretonnes...
Je me resservais une coupe de sang. J'avais une de ces soifs !
Mes appartements étaient si calmes, si hermétiquement calmes. J'étais seul avec la lune, que les poètes ont imaginée comme une princesse froide, dans sa robe de mousseline. Mais pour moi, elle était une reine de la nuit, l'acariâtre abbesse de la basilique des cauchemars, une comtesse-bathory, une rosace glacée.
Quelques étages plus bas, le Prince devait toujours dormir, mais mes nuits se peuplaient peu à peu de prédateurs insomniaques, venus en bande manger mes songes.

A mon réveil, le lendemain soir, j'étais fébrile. Je me fis apporter une bouteille de sang, que je vidais cul-sec ! Je crevais de soif, j'étais une vraie éponge ! J'allais à la fenêtre de ma chambre. Pendant un moment, il me sembla que le ciel nocturne devenait noir et brûlant, que toutes les étoiles prenaient feu, que l'Arche de la Défense s'était transformée en un portail démoniaque, dégoulinant de sang, et que sur toute l'avenue de Madrid, au son d'une fanfare de démons amateurs de black metal, déferlait d'abominables cavaliers sortis des entrailles de civilisations perdues, avec à leur tête, un immense dragon crachant des tombereaux de flammes devant lui. Et de noirs cavaliers piétinaient toute la circulation, tranchant les voitures de leurs grandes lames d'argent maudit, en entonnant en choeur la charge des Walkyries et le Carmina Burana !
- Encore un verre, Sire ?
Le serviteur attendait patiemment. Je prenais le verre sur le plateau qu'il me présentait, et je le vidais moins goûlument. Je m'habillais rapidement, avec l'épaisse impression que je n'étais pas seul dans les appartements, que quelqu'un que je ne connaissais que trop frôlait les murs.
- Montre-toi !
Je me précipitais vers une porte dérobée. Vieille, condamnée, elle résista. Pas longtemps : je l'arrachai presque de ses gonds. Elle ouvrit sur un vieux passage, menant certainement à une crypte gothique, à une chambre de torture, et un vent frais s'engouffra dans la tiédeur luxueuse de ma suite ! Ca hurlait là-dedans, là-dessous, en bas de la volée de marches humides devant moi.
- Un problème, Sire ?
- Rien du tout, rien du tout... Ca ira, merci Firmin. :o
Je venais de refermer précipitamment la porte, et de me mettre devant, l'air de rien. Il faudrait que je pense à dissimuler ce passage derrière une bibliothèque (avec un pety système pour faire basculer l'étagère quand on tire sur un livre relié cuir, bien évidemment

- Sire, téléphone pour vous.
- Ah oui, merci.
Il m'apportait sur plateau d'argent un de ces anciens téléphones : je ne parle même pas de ceux à cadrans, des années 80, gris et mastocs comme un bâtiment du Trésor Public, mais l'un de ceux à peine postérieurs à Graham Bell, où vous prenez un écouteur dans une main -bref, le comble du caprice !
- Loren à l'appareil.
- Comment allez-vous ? Quelles nouvelles m'apportez-vous ?
- J'ai rencontré le contact dont je vous ai parlé, pour notre affaire. Il a accepté le marché. D'ici trois jours, nous devons procéder à l'échange.
- Trois jours !


- Absolument. C'est tout à leur avantage cet accord, à lui et son clan...
- Pas de nouvelles de Graziella ?
- Non, mais je pense qu'elle est en route pour Paris.
- Très bien. A tout à l'heure pour le conseil.
Cette nouvelle m'avait remis d'aplomb. Nous allions pouvoir nous retirer une grosse épine du pied. Je pris le temps de me pomponner devant mon miroir, puis je me rendais dans la grande salle du Primogène. Les huit représentants des clans étaient tous déjà là. Je m'asseyais en bout de table, les saluais tous et déclarais ouverte la séance. J'avais la patate, et je sentais Loren très solide aussi !
Dans son coin, Dame Yvonne me regardait d'un air gentiment ironique, D'Orsini me défiait assez ostensiblement, Sire Maxime était sur la réserve, de même que Puysségur et Maxime.
Tout allait bien.
Nous fîmes le point rapidement sur ce qui s'était passé en Bretagne. Tous étaient déjà au courant, mais je demandais aux intéressés de nous reparler s'ils le désiraient de cette aventure. Ce fut rapidement reglé. Je savais que Sires Jarrell et Maxime se pliaient à leurs devoirs, bien qu'ils fussent loin d'approuver à mes demandes. A vrai dire, ils ne demandaient pas mieux que de pouvoir jouir de territoires où ils seraient en paix. Je me disais souvent qu'ils ne savaient assez exiger, et qu'il serait honnête de ma part de les récompenser à hauteur de leur dévouement. Il est quand même vrai que Sire Maxime avait plus de talent pour gueuler que pour obtenir des avantages pour son clan...
De l'avis général, il fut donc convenu que nous irions à la guerre. D'abord contre Saint-Germain-en-Laye et sa fondation Tzymisce, puis vers l'est ou le nord-est de la France. Morgane avait suggéré la ville de Reims, et sa cathédrale, comme nouveau territoire. Elle avait forcément une idée derrière la tête, mais pour ma part, je ne voyais pas d'objection à cela.
Tout de même : que pouvait-ils bien convoiter ?...
![[Image: icon2.gif]](http://forum.mamarland.info/style_images/set_Invi-516/icon2.gif)
Depuis que nous débattions, je sentais d'Orsini de plus en plus hostile et provocateur même. Il était comme une casserole qui va bientôt déborder. Il ne se contenait plus.
- Je ne suis pas d'accord avec ça ! Lucinius n'a pas de crédibilité pour être Régent ! Vos idées, c'est n'importe quoi ! Il ne faut pas faire comme ça ! C'est une politique d'incapable !... Personne n'approuve que vous faites, Lucinius !...
En deux mots, il commençait à devenir imbuvable. Loren tenta de le calmer, et de le persuader de s'expliquer un peu.
- Puisque vous critiquez, Sire D'Orsini, c'est sans doute que vous avez de meilleures idées à nous exposer...

Et moi je pensais : "Fais le malin, d'Orsini, fais le malin, je vais m'occuper de toi..." Il commencer à m'échauffer le sang, notre Primogène honoraire !
La tension devenait palpable dans la salle. Maintenant, il s'était levé, ce Lasombra à lla manque, il allait et venait dans la salle, il continuait à s'emporter, à m'attaquer de manière cinglante :
- Je ne voix pas pourquoi nous ferions confiance à un petit nouveau-né pour être Prince ! Il n'a aucune légitimité à remplacer le Prince Villon !
Je m'agrippais aux coudes de mon siège :
- Ca suffit, Sire d'Orsini ! Vous n'êtes pas au conseil pour nous faire des pitreries ! Veuillez vous rasseoir à notre table !
Il était vraiment atteint...
La goutte d'eau qui fit déborder le vase, c'est quand il prit une posture et une voix effeminée en disant :
- Ze m'appelle Lucinius et je suis le Prince de Paris, na !...
J'attendais qu'il passe la mesure, là ça y était ! Après ces dernières nuits, je me sentais un appétit de lupin.
- Ca suffit, Sire d'Orsini !



Grand silence dans l'assemblée. Etonnement de Dame d'Orval, de Puysségur. Dame Yvonne sourit de toutes ses dents, et Sires Jarrell et Maxime jubilent presque : enfin lleur Prince montre qu'il n'a pas du jus de chaussette dans les veines !
- Ca va aller, Régent, me dit Loren, prêt à m'accompagner.
- Ca va aller, je vous remercie.

Nous passons avec d'Orsini dans la pièce à côté. Grande nappe de silence parmi le conseil Primogène. Ils entendent des bruits de bousculade, de bagarre, de meubles heurtés, et ma voix, devenue animale, qui feule juste sous le nez d'Orsini, pendant que celui-ci, paralysé, se soumet soudain à mon pouvoir, comme ces loups qui s'aplatissent devant le chef de la meute.
Mes doigts griffus caressent sa gorge, et mon regard de félin sanguinaire pénétre au plus profond de son esprit. Et c'est à peine si je reconnais ma voix lui dire :
- Alors, d'Orsini, tu m'obliges à abattre mon jeu plus tôt que prévu ?...

- Mais... mais... qui êtes-vous ?

- Tu es Massimo d'Orsini, Primogène Lasombra, et moi je suis Aladax Lucinius, ton Régent... :demoniaque: Alors, maintenant, nous allons retourner au conseil, tous les deux, calmement, et continuer nos débats, c'est compris ?...
D'Orsini revient le premier dans la salle, blanc et raide comme une statue de marbre. Je rentre ensuite, les yeux pleins de sang, tremblant et je me rassois dans mon fauteuil, et je vide une coupe de sang. Jamais je ne me suis senti aussi proche d'un Jim Jarrell ou d'un Alexandre Corso. Il fallait en venir là pour soumettre d'Orsini...
- Nous pouvons reprendre les débats...

La suite du conseil est rapide. Nous tombons d'accord pour mener rapidement la guerre au Sabbat et étendre ainsi le territoire de la Camarilla.
- Si je puis me permettre, dit Loren, je dois signaler que mon Sire, Ibn-Azul est à Paris. Or, il est bien connu pour les combats qu'il mène aux Moyen-Orient contre des extrêmistes voués à la destruction des Caïnites. Je pense qu'il fera un excellent général pour nos armées. Avec Sires Maximes et Jarrell, nous pourrons monter un conseil de guerre, en vue de la prise rapide de la fondation Tzymisce.
Ceci étant dit et accepté, le conseil se termine. Pendant que tout le monde sort, encore sous la surprise de ma sortie contre D'Orsini (combien d'entre eux ont écouté à la porte ?), je prends un instant Loren à part :
- S'il vous plait, effacez de la mémoire de D'Orsini les quelques minutes que nous avons passé ensemble...
- Entendu.
Décidément, il reste toujours inébranlable, mon ami François ! Il n'a pas les épaules des Brujah ni les griffes des Gangrel, mais il tient le choc aussi bien qu'eux. Il doit faire partie de la race d'acier, construite pour durer !

Nous discutons quelques instants avec D'Orsini, le temps que Loren efface et réécrive ses souvenirs. C'est alors que nous apprenons le retour de Graziella de Valori au Louvre !
La malheureuse a mis bien du temps à quitter la Bretagne et à se faire conduire ici, en taxi. Je pense que les provinces de France ne seront pas parmi les meilleurs souvenirs de son séjour chez nous... De plus, elle en revient en piteux état. Je la vois bien, essayer de se tenir correctement, de tenir son rang, mais elle se tord encore de douleur. But what more would you expect from those far superior than you, comme disent les suivants de Montano...
- Puisque vous avez retrouvé votre infant, dis-je à Sire d'Orsini, maintenant bien calme, nous allons vous laisser. Graziella, nous sommes contents de vous revoir, nous avons craint pour vous, mais maintenant, nous sommes satisfaits que vous soyez de retour.
- Moi de même, Régent, dit la signora en s'inclinant.
Loren et moi les laissons tous les deux, à leurs traquenards si l'envie leur prend. Par Caïn, nous avons encore la belle à disputer à l'escrime, avec De Valori !

Je me retire dans mes appartements, signalant à François Loren sa convocation pour le lendemain, à la première heure, pour passer d'Orsini à la casserole ! Ca va être le grand chamboule-tout !
J'ai passé la fin de cette nuit à tenter de faire le point sur moi-même. Pendant ce temps, Loren n'a pas chômé. Ce soir là qu'il a rencontré Sire Roméo de Montaigu, un soi-disant Ventrue, grand et noir comme un Othello, qui l'a salué bien respectueusement, et qui s'est par la suite entretenu avec Graziella de Valori.
François Loren n'a pas voulu croire un mot de ce que disait ce Montaigu. Il a tout de suite fait le rapprochement avec ce vieux Caïnite étreint vers 1300, arrivé il y a peu en ville, selon les dires d'Ibn-Azul. Il a commencé à fouiller dans ses archives, pendant que ses services de renseignement lui apportaient d'autres gros dossiers sur Massimo d'Orsini : il en avait maintenant gros comme un dictionnaire sur lui !
En fouillant dans ses archives, Loren trouva plusieurs fois mentions d'un Sire Montaigu, parmi les Ventrue. Mais s'agissait-il du même à chaque fois ? Si ce dernier était bien un Ventrue, il ne refuserait pas de rencontrer son Primogène, surtout au vu du respect qu'il avait affiché pour lui dès leur première rencontre. Mais il cachait quelque chose. Etait-il le noble Othello, ou bien plutôt "l'honnête" Iago ?*
A suivre...

*NB : dans la pièce de Shakespeare Othello, Iago est le conseiller menteur et traître par excellence.