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Vampire 2006 - #1 : Kuei-Jin, Kindred & Machines
#52
Vampire 2006
#1 : Kuei-Jin, Kindred & Machines


Graziella de Valori

Ce soir de janvier, Graziella de Valori s'éveilla tôt, alors que le soleil était à peine couché, et que la Tour Eiffel, face au Trocadéro, n'était pas encore illuminée.
Elle but le sang apporté par ses goules, se fit habiller très cérémonieusement, comme chaque soir, puis quand elle considéra qu'il n'y avait plus un pli à sa robe, et que la rose noire à sa poitrine était bien tenue, et qu'elle avait laissé son parfum s'évaporer suffisamment pour ne pas agresser les narines, elle quitta son repaire, à l'heure où les représentations commençaient au-dessus, dans le palais de Chaillot.
De Valori se fit ensuite conduire dans le 14e arrondissement, non loin du cimetière Montparnasse, dans une de ces rues calmes, excentrées, où, derrière des façades d'immeubles blanc cassé banales se cachent des maisons avec jardin.
Elle se présenta à la grille, et un domestique, très cérémonieux, vint lui ouvrir et l'introduisit dans la propriété, avec beaucoup de finesse, de retenue, s'effaçant juste au moment où la signora reconnut, un verre à la main dans la pénombre des arbres, son frère de clan, un certain Camille, dont les yeux bleus semblaient brûler dans le noir et vous pénétrer l'âme d'une flamme bleu océan. Son nom, comme son visage, portait la marque de son ambiguité : il était loin de l'androgynie, mais il avait des traits doux et féminins, allié à un charme un rien inquiétant, qui vous donnerait de drôles de frissons de plaisir et de peur. Il paraissait le même âge que Graziella : environ vingt-six ans, mais elle n'aurait su dire quel âge il avait vraiment. Il était arrivé à Paris moins de six mois auparavant, presque en même temps que le maître des lieux, le signor Cosimo Santi, envoyé spécialement à Paris par Montano pour prendre la tête du clan. Camille fit un baise-main délicat à Graziella, et trinqua avec elle d'une coupe de sang frais.
Après la mort de Massimo d'Orsini, de Valori s'était retrouvée seule dans la capitale pour représenter les fidèles Lasombra qui n'avaient pas suivi les traîtres emmenés par Gratiano. L'arrivée de Camille et du signor Santi avait donc triplé les effectifs du clan et, sans compter le quatrième membre, présent ce soir-là, ils se sentaient déjà pousser de très hautes ambitions -bien plus que dix fois plus de Ventrue assemblés !

Après avoir échangé quelques mots au jardin, une coupe à la main, les deux Lasombra pénétrèrent dans le manoir, guidés par une goule. L'intérieur était décoré de manière très sobre. Beaucoup de boiseries, quelques sculptures de nus dans le vestibule, et des tableaux de clair-obscur, puis, sur les murs du grand escalier qui montait à l'étage, une galerie d'ancêtres, et de prédécesseurs, tombés pour Montano. Graziella et Camille furent amenés à un salon, derrière une lourde porte en bois gardé par deux hommes armés. Il y faisait froid. Quelques lampes projetaient une faible lumière rouge, fortement attenuée par de grands abats-jours, et des formes diaboliques dansaient partout, en noir et grenat, des murs au plafond et sur le parquet ciré.

Le signor Cosimo Santi, ancien conseiller secret du duc de Richelieu et du roi Louis XIV, avait le sens de la mise en scène. Il était assis sur un fauteuil du temps du roi-Soleil, au fond de la pièce, dans une épaisse obscurité. Un rayon de lune, sinistre comme une lame de bourreau, mêlant son bleuté à l'écarlate des lampes, entrait par le frêle rideau qu'agitait le vent du soir. Seul brillait l'éclat d'une chevalière à l'auriculaire du signor, et le pommeau argenté de sa canne.
- Soyez les bienvenus dans mon manoir, chers fidèles de Montano...

C'était comme si les ombres parlaient. Un rayon de lune trahit un instant le signor Santi, et on le vit un chat noir sur les genoux, qui ronronnait pendant qu'il se faisait caresser.
Ce chat était nommé Condottiere, et son maître le considérait comme le quatrième membre du clan parisien des Lasombra. Il regardait les nouveaux venus avec un certain détachement, et émettait des petits brrrr brrrr de mécontentement.
- Voici ouverte la première réunion de notre clan, signora Graziella, signor Camille. Santi se leva, chassant de ses genoux un Condottiere mécontent, qui alla se frotter contre les nouveaux visiteurs. Le maître des lieux fit servir des coupes de sang, dont la lueur coruscant* se mariait et se fondait dans les tons de lumières ambiants.
- Je lève donc ma coupe à Montano, et aux Lasombra du monde entier.
- A notre réussite ! dit Graziella.
- Aux Lasombra ! aux vrais ! dit Camille.

Virus

Les trois personnages burent, pendant que Condottiere tournait autour d'eux, tout de même dérangé dans son isolement hautain par ces nouveaux venus. Brrrr brrrr. C'est qu'il grondait les gens, le matou. Brrr brrr

- Je suis content de nous voir réunis, tous ici, déclara le signor Santi. Ensemble, nous pourrons agir pour restaurer notre dignité perdue, et faire enfin expier aux usurpateurs leurs crimes, avec l'usure du crédit des siècles.
- C'est la honte seule que connaissent les traîtres comme eux, dit Graziella d'une voix palpablement sombre, méconnaissable pour ceux qui fréquentait la belle Harpie du Louvre.
- Ce sont des réprouvés, ajouta Camille. Puissent la conscience de leur profonde et irratrapable perfidie les étrangler.
Les trois Véritables Lasombra finirent leur coupe posément, pendant que Condottiere venait se frotter contre son maître : il aimait quand il parlait de sa belle voix modulée, grave, légérement rocailleuse, pleine des creux et niches du mystère et de la menace.
- Nous devons commencer dès maintenant à oeuvrer pour la cause que nous confie Montano, dit Cosimo Santi. Voici donc mes premières instructions : signor Camille, pour le moment, je vous demande de continuer les recherches que vous avez entreprises, tranquillement à l'abri dans votre repaire.
- Bien, Sire Santi.
- Signora de Valori, vous aurez une mission plus particulière : il va s'agir pour vous de retrouver un certain Augustin, du clan Nosferatu.
Graziella hésita une seconde, puis, inclinant légérement la tête, répondit :
- Bien, Sire. Comme vous désirez.
Ingrate tâche de devoir se mêler des affaires de ces hideux personnages !
- Je comprends bien, signora, que c'est une dure tâche de devoir fréquenter les Rats d'Egoût. Cependant, je n'exige pas de vous que vous alliez vous tremper dans la fange, avec eux. Il vous suffira de faire appel à un agent compétent qui fera les recherches à votre place. Peu importe le moyen, seul le résultat compte.
- Bien, signor Santi.
- Vous connaissez comme moi cette règle de Sire Montano : ne jamais faire soi-même les tâches ingrates que l'on peut laisser faire à d'autres.
- Tout à fait, sire Santi. Je suivrai vos conseils avisés.
- Très bien. J'ai confiance en vous. Je sais que vous allez oeuvrer pour l'accomplissement de notre combat. Que les nuits vous soient favorables, enfants de Lasombra !
Respectueusement, Graziella et Camille saluèrent leur maître, puis se retirèrent. Ils sortirent du manoir comme on sort d'un bain brûlant dans les ombres : à la fois plus sain, mais avec au corps une sorte de fièvre nouvelle et des frissons.
Plus jamais Graziella ne pourrait voir le paisible 14e arrondissement maintenant qu'elle savait que s'y dressait cette antre des ténèbres, si fascinante de beauté qu'elle ferait damner un artiste, s'il pouvait à ce prix-là en extraire tout le glaçant mystère.

Virus

Pendant la semaine suivante, Graziella piétina dans ses recherches. Elle manquait de contacts parmi le clan Nosferatu. Le samedi à venir, le Sénéchal Lucinius organisait une réception au Louvre ; notre Lasombra comptait bien y rencontrer quelques informateurs potentiels.
De plus, pendant la semaine, elle fut contactée par le Primogène Ventrue, Sire François Loren, qui l'invita au Ritz pour parler autour d'un calice. Ce soir-là, Graziella prit tout son temps pour se préparer, se faire belle, régler jusqu'au dernier détail de son appareillage vestimentaire, moins d'ailleurs pour plaire au Ventrue que pour se faire attendre.
Enfin, avec plus d'une heure de retard sur l'horaire prévue, sa voiture se présenta place Vendôme. Elle en descendit cérémonieusement, sans intention aucune de forcer le pas pour se rattraper. Evidemment, il fallait un certain cran pour faire patienter un Primogène de Paris, mais certainement le sire Cosimo Santi n'aurait pas voulu d'une petite jeunette qui se précipite pour être à l'heure à son rendez-vous, quel que soit celui qui invite !

Graziella le remarqua aussitôt, Sire Loren avait une mauvaise mine. Il lui annonça qu'il revenait de la banlieue est, de Lognes. Toutefois, ce n'était pas (seulement lol ) d'être allé là-bas qui le déprimait.
- J'ai rencontré là-bas des gens qui sont vos ennemis... Des gens qui vous ont trahis, vous me comprenez ?
Graziella fut aussitôt parcourue d'une frisson mauvais. Rien que l'évocation de ces gens aurait pu lui donner des boutons, dans la vie mortelle.
- Ils m'ont reparlé de votre Sire, Orsini. Ils m'ont rappelé qu'ils auraient pu l'avoir, à la fin de la Régence, vous vous souvenez ?
- Oui, tout à fait.
Ce n'était pas le meilleur que Graziella avait, concernant les deux compères Loren et Lucinius, puisqu'ils avaient à cette époque envisagé de livrer pieds et poings liés ledit Orsini au Sabbat. Evidemment, la traîtrise, la faiblesse et l'incompétence d'Orsini était déjà avérées, mais tout de même... Le Régent et son ami le Primogène donnaient dans les moyens radicaux à ce moment.
- Or, c'était ce Roméo de Montaigu qui a réglé cette histoire, en tuant d'Orsini...
- Oui, bien sûr.
- Ce nom, Montaigu, m'était complétement sorti de la tête depuis un an et demi. Cependant, je m'en suis souvenu quand Alfredo Lasombra m'en a parlé. Ils étaient venus pour exiger que je livre un autre membre de votre lignée, en compensation.
- Et qu'avez-vous répondu ?
- Bien évidemment, j'ai refusé tout net un pareil chantage. Jamais je ne mettrai en danger un membre de la Camarilla.
- Je vous remercie beaucoup pour ce geste, Sire Loren. Soyez assuré que je transmettrai cette information à mon maître, Sire Santi.
- C'est naturel. Il est hors de question d'envisager une demi-seconde leurs exigences. Bien, je vous disais que nous avons évoqué le nom de Roméo de Montaigu. Dès que j'ai dit que c'était quelqu'un de grand et noir, ils ont eu l'air prodigieusement intéressé, et se sont détournés du cas Orsini pour ne plus se fixer que sur lui. Il doit être sacrément important, ce Montaigu, pour qu'Alfredo vous oublie tout de suite.
- Sans doute. C'est certainement un personnage puissant, et un ennemi des faux Lasombra.
Graziella parlait sans insister, comme pour glisser vite vers un autre sujet. De son côté, Loren réfléchissait depuis son entrevue sur l'identité de Montaigu. Il se souvenait que, spontanément, quand Montaigu s'était présenté au Louvre, Graziella s'était agenouillé devant lui. Ensuite, Lucinius le connaissait, ainsi qu'Ibn Azul. Puis, à l'entrée du père Lachaise, quand le Prince Villon était sorti en frénésie, les vêtements en feu du cimetière, Graziella avait lancé des tentacules d'ombre pour l'arrêter. Mais un nombre anormalement élevé de ces pseudopodes avait surgi. Se pouvait-il que le responsable en ait été Montaigu ?
Peu après, de la bouche de son informateur Nosfératu, François Loren allait avoir la confirmation que ce Montaigu n'était pas un Ventrue, comme il le prétendait, mais quelqu'un de très ancien. Le Lapin de Garenne faisait bien son travail.
Pour l'heure, Loren constata juste que Graziella ne souhaitait pas s'étendre sur le sujet -c'était le moins qu'on puisse dire...

Virus

Condottiere hérissa ses poils et poussa un miaulement mauvais en entendent Graziella parler à son maître de la menace de Sire Alfredo. Il sauta des genoux de son maître, et alla rôder dans un coin du salon, mécontent.
Sire Santi tapotait le pommeau de sa canne, en écoutant Graziella lui raconter l'entrevue dans l'hôtel de Lognes. Autour d'eux, les ombres semblaient bouger, très lentement, dans la lumière grenat, comme si les morts assistaient à cette conversation.
- François Loren a bien agi, lâcha le signor Santi du bout des lèvres. Cette décision de nous protéger lui fait honneur. Cependant, dans l'hypothèse où notre présence à Paris deviendrait embarrassante pour nos hôtes, il ne saurait être question de désigner l'un de nous pour qu'il se sacrifie. Nous irionsaffronter les traîtres tous ensemble, ou nous n'irions pas du tout.
- Oui, Sire. Cela me paraît juste.
- Quand vous reverrez Sire Loren, transmettez-lui donc mes remerciements.
- Bien Sire. Je n'y manquerai pas.
- Ce sera à vous, la prochaine fois, de me contacter pour que nous nous rencontrions, quand vous aurez des informations sur Augustin. La tâche semble ingrate, et vous n'en voyez pas le but, mais sachez que ce Nosferatu est une pièce essentielle sur notre échiquier.
- Bien, Sire. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le retrouver, et j'y parviendrai.
Sire Santi se leva, et inspecta le jardin au dehors, balayé par le vent hivernal.
- Sire Loren a commis une maladresse en évoquant le nom de Montaigu devant Alfredo.
- Oui, maître.
- Mais il ne pouvait pas savoir... Il ne sait toujours pas.
- C'est un Ventrue, Sire. Il est faillible. Quel dommage, il aurait -presque- pu être des nôtres.
- Disons que pour un Ventrue, il est acceptable.
- C'est juste...
- A un moment ou à un nôtre, Loren entrera dans la ligne de mire de nos projets. Alors, Graziella, il faudra s'assurer de sa loyauté. Ou du moins qu'il n'interfère pas avec nos plans...
- Il rejoindra notre cause, Sire.
Cosimo Santi alla se rasseoir.
- Après tout, ce n'était peut-être pas tant une faute de sa part. Sire Montano a quitté la capitale depuis plus d'un an. Il peut être n'importe où dans le monde. Le Sabbat ne peut pas le retrouver. Savoir qu'il était à Paris en mai d'il y a deux ans ne peut pas l'aider. Juste le faire enrager. Finalement, François Loren a fait sentir à nos ennemis le poids de leur échec. C'est une bonne chose...
- Oui, Sire.

Virus

Le surlendemain, dans la nuit de samedi à dimanche, le Sénéchal Lucinius recevait quelques invités privilégiés dans un des salons de l'Elysium. C'était une rencontre où se croisaient des pontes de la Camarilla, comme les Primogènes, et des nouveaux-venus, avides de se faire les dents, qu'ils avaient longues, dans les coulisses des intrigues et des coteries. Il y avait là nombre de grands Toreador, venus discuter avec leurs homologues Ventrue de politique et de finance. Quelques Tremere recevaient un accueil plus frais dans les conversations. A l'entrée, le service Brujah filtrait soigneusement les arrivants. Plusieurs Harpies chuchotaient les dernières rumeurs d'alcôve, et tout le monde avait remarqué que le Sénéchal Lucinius avait une nouvelle favorite -tout le monde, à commencer par la signora de Valori, qui jeta un regard noir à Lucinius en voyant cela ; mais le Sénéchal était tout à ses roucoulades d'amour envers sa favorite, et n'aperçut même pas la signora. Celle-ci prit une mine hautaine, comme si elle était indifférente à l'indifférence de Lucinius. Quand elle aperçut Mégane la Harpie, elle alla immédiatement lui parler ; les deux femmes se connaissaient depuis ce fameux séjour à Vienne avec le Prince Villon.
- Comment allez-vous, mademoiselle de Valori ?
- Mademoiselle Mégane, comment vous portez-vous ?
- Très bien, très bien ! il ya tellement de choses à entendre et à raconter en ce moment ! Des bruits qui courent, partout partout, au Louvre, et ailleurs. Il suffit de tendre l'oreille, et de ramasser par poignée toutes les informations !
- Quoi donc par exemple ?
- Hé bien les projets de certains, les ambitions des autres, ce genre de choses...
- ... ou bien les nouvelles favorites de certains. smile ( twisted )
- Ah oui ! gloussa Mégane, vous avez remarqué ! Elle prit un peu Graziella à l'écart, baissant la voix d'un ton, comme si elle allait dévoiler un secret d'Etat. Elle se nomme Sophie, elle vient d'arriver en ville ! Paraît-il que c'est une grande chanteuse d'opéra, et qu'en allant l'écouter, le Sénéchal est tombé littéralement en transe. Depuis, il la courtise, et paraît-il même (Megane jeta des regards attentifs autour d'elle), paraît-il même qu'elle vient lui chanter des airs d'opéra pour lui tout seul, dans ses appartements.
- Vraiment ? fit Graziella d'une voix gentiment surprise, pour dissimuler son envie de sauter à la gorge de Lucinius. Comme c'est intéressant. Et de quel clan est-elle ?
- Ma foi ! je pense bien qu'elle est du clan Toréador.
- Ah oui, très bien...
- Oh ! évidemment le Sénéchal vous dira qu'en ce moment, il est tout le temps occupé à préparer l'arrivée des Kuei-Jin, mais entre nous, hein ! n'est-ce pas ! il sait aussi se réserver du temps avec la belle Sophie, Kuei-Jin ou pas Kuei-Jin !
- Hé oui, c'est ainsi, dit la signora en grinçant des dents.
- Et vous, Graziella ! Moi je vous révèle tout, mais vous me faites des cachotteries !
- Moi ? tiens donc, et quoi ?
- Allons, allons, fit Mégane avec un air de reproche, comme on gronde une fillette, vous ne m'avez toujours pas présenté à ce beau garçon appelé Camille, qui fait se pâmer toutes mes concurrentes !
- Oh, mais je le ferais bien volontiers, croyez-moi, et d'ailleurs pas plus tard que tout de suite.
Graziella avisa Camille-les-yeux-bleus parmi les invités. Il était tout seul, en train de déguster une coupe de sang, bien qu'en secret, nombre de paires d'yeux soient tournées vers lui.
- Camille, permettez-moi de vous présenter mademoiselle Mégane, du clan Toréador. Mégane : Camille, du clan Lasombra.
- Quel euh... quel plaisir de vous rencontrer, monsieur Camille...
Mégane virait au rouge pivoine, tandis que Camille souriait aimablement. Graziella laissait les deux courtisans ensemble. Elle retroussa la lèvre et laissa apparaître une canine en apercevant Lucinius outrageusement proche de cette Sophie, prêt à lui mettre la main au panier en lui sussurant des paroles salaces à l'oreille.
"Si seulement je pouvais lancer Camille dans les bras de cette perruche, et faire en sorte qu'elle se désinteresse de mossieur Lucinius..."
Graziella discuta avec quelques harpies, rapidement, sans vraiment prêter attention à ce qu'on lui disait. Elle jetait par contre de fréquents coups d'oeil vers le Sénéchal, le regardait en souriant, tandis que derrière son front, elle échaufaudait un plan de bataille contre lui.
Plus tard dans la soirée, elle parvint avec François Loren à approcher enfin le Sénéchal, profitant d'un moment où la Sophie s'était retirée du salon.
- Hé bien Lucinius, dit Loren après quelques politesses d'usage, tu sais que de nouveaux ennuis me tombent dessus ! Ca me rappelle un peu la fin de la Régence, si tu vois ce que je veux dire !...
- Ah oui, ouhlà ! je comprends... des gros ennuis ?
- Oh, ce sont les Lasombra de l'est qui s'agitent, tu vois un peu le genre...
- Oui, oui, tout à fait.
Lucinius parlait, mais ne consacrait que la moitié de son attention à ses deux "amis". Il guettait la porte par où la cantatrice était sortie. Sur ce, arriva un désagréable personnage, qui se présenta sous le nom de François-Joseph, et parut être une connaissance de Sire Loren. Il fit ses compliments, d'un ton outré, à la signora et au Sénéchal, puis commença à prendre à part Loren, coupant court au triangle de conversation où il venait de s'immiscer sans vergogne. Aussitôt, Lucinius entama avec Graziella une manoeuvre de repli, laissant Sire Loren à ses très intéressantes conversations avec ce fâcheux...
Le Sénéchal et la Lasombra échangèrent quelques mots, avant que Lucinius ne trouve à s'éclipser poliment, laissant là de Valori, alors que mademoiselle Sophie revenait au salon.

Le Sénéchal s'éloigna d'un pas précipité, sur le beau parquet ciré. C'en était trop pour Graziella. Elle fit apparaître dans le plancher un tentacule, qui s'enroula autour de la cheville de Lucinius, le fit trébucher et disparut aussitôt. Le Sénéchal s'emmêla les jambes, et s'étala de tout son long à terre, dans un grand "BOUM !" qui secoua le sol. Il y eut un moment de grand silence stupéfait, tous les yeux s'équarquillant en assistant à la chute du bras droit du Prince.
Soudain, Graziella, retenant à moitié un éclat de rire hautain, s'exclama :
- Oh !... il a chu !
- Qu'il est ridicule ! gloussa Mégane.
Et tous les courtisans présents de partir d'un grand éclat de rire, pendant que Lucinius, rouge de honte, ne savait comment se relever dignement. Autour de lui, tous les courtisans assemblés formaient une ronde infernale, et Lucinius eut le tournis, en les voyant tous partir dans de diaboliques éclats de rire, le désigner du doigt comme s'ils le damnaient à tout jamais. Déjà Sophie s'éloignait, et tout le monde révélait un visage maléfique face au Sénéchal deshonoré.
Parmi cette foule aux rires sanglants, Théophile s'approcha, costume flashy 70's, les favoris broussailleux, la face rouge comme une fraise bien mûre, et, avec de grands gestes, s'exclama, au nom de tous :
- Loucinious ! Vous êtes : ri ! di ! coule !
Et tout le monde de rire, et de rire du pauvre Sénéchal, humilié à jamais !...

Graziella se frotta les yeux. Le Sénéchal partait à pas pressés rejoindre sa Sophie, tandis que le murmure des conversations feutrés ronronnait paisiblement. Cette fois, Graziella s'était retenue, mais la prochaine fois, il y aurait droit à sa chute, le Sénéchal ! twisted

En fin de soirée, alors que la plupart des invités s'étaient retirés, et qu'il ne restait plus que la crème de la crème des courtisans, Sophie proposa de chanter pour remercier l'Elysium de ce bel accueil. Comme on ne trouvait personne pour accompagner la cantatrice, Graziella proposa d'aller au piano, et Sire Loren dit qu'il avait quelques talents pour le violon. C'est ainsi que le Primogène Ventrue révéla à tous ses talents de virtuose, et que Graziella fit la preuve de la délicatesse de son toucher au piano. Néanmoins, Sophie remporta tous les applaudissements grâce à la beauté surnaturelle, digne des Sirènes, de sa voix, semblable à une mer de cristal se mettant à vibrer délicatement, puis rapidement montant dans des intensités infinies, ce qui plongea en extase la plupart des Toréador présents, à commencer par le Sénéchal, rendu tout gaga par cette performance.
Il y avait une quinzaine de personnes dans le public, mais aucun n'oublierait jamais ce merveilleux récital. On félicita très chaudement les trois musiciens, qui venaient d'accomplir la plus belle prouesse au regard des valeurs Toréador. Sorti de son extase, Lucinius se releva d'un coup, et, à l'heure de raccompagner Graziella et Loren, les félicita chaudement à plusieurs reprises, leur serrant les deux mains, leur faisant promettre de recommencer très bientôt ; il en avait presque les larmes aux yeux, et tremblait de passion pour cette si belle fin de soirée. Graziella, aimablement, mais avec distance, salua le Sénéchal et se fit raccompagner par la voiture de Sire Loren, tandis que le Sénéchal, certainement, allait présenter tous ses hommages à la merveilleuse cantatrice.
Un fin trait d'aube perçait à l'horizon, et le Louvre resplendissait de toutes ses lumières...

Virus

Pendant la soirée, Graziella avait noté l'arrivée de ce François-Joseph. Renseignement pris auprès de Sire Loren, elle apprit qu'il s'agissait d'un Nosferatu habile, qui avait contrefait le visage de ce Malkavien, membre de la coterie du Prince, et ami de Loren. Ce Nosferatu se faisait appeler "Lapin de Garenne", et le Primogène Ventrue l'avait engagé pour superviser la sécurité des invités Kuei-Jin, qui arrivaient d'ici à deux semaines en Europe, à commencer par Paris.
Interessée, Graziella contacta ce Lapin de Garenne, et eut rendez-vous avec lui au cimetière du Montparnasse, non loin de la tombe de Charles Baudelaire. Les tombes, les caveaux, les cryptes frissonnaient dans la nuit artificiellement éclairée, et des chats de gouttière rôdaient dans les allées, pendant que les ronces vives poussaient parmi l'ennui éternel de la mort.
- Je souhaiterais retrouver un certain Augustin, qui appartient à votre clan, monsieur le Lapin de Garenne.
Il était parfaitement laid, et se donnait sans doute du mal pour l'être, tout comme elle se donnait du mal pour être parfaitement élégante. Le vent soufflait entre eux deux. Le vilain personnage accepta l'offre de la belle aristocrate, et, à peine rentré dans son caveau, s'assit à nouveau devant ses machines ronronnates, content de voir que tout se passait comme on lui avait dit.
Le Lapin de Garenne savait déjà que cet Augustin était tombé en torpeur il y a 70 ans de cela, et qu'on l'avait sans doute aidé, car il n'était pas bien vieux. Restait à savoir pour quelle raison on avait voulu ainsi le neutraliser. Le Lapin promit à son employeuse de lui fournir des informations aussi vite que possible. Il ne manqua pas de se renseigner sur elle, pour savoir où elle habitait, et de même pour les deux autres membres du clan. Le Lapin, dans son terrier, aimait bien savoir tout sur tout le monde.

Deux semaines plus tard, le soir même de l'arrivée des Cathéens, emmenés par un certain monsieur Wang, Graziella était invitée chez Camille, dans une galerie marchande près du village suisse, le quartier des antiquaires de Paris. Camille vivait sous un magasin de costume et de déguisements appelé "Le pantin rieur", bien achalandé avec ses costumes vénitiens, polichinellesques, arlequiniens, grotesques, écarlates... C'était une vraie féerie et un musée de mannequins, une fête, un bal masqué miniature.
On accédait à la crypte sous la boutique par un vénérable ascenseur mécanique, en bois, qui devait dater du 18e siècle. Il grinçait de tous ses engrenages et chaînes en descendant, mais Camille, souriant, invita Graziella à prendre place à bord sans crainte.
En bas, on arrivait dans une crypte guère plus grande qu'une chambre d'étudiant sous les toits de Paris. Camille avait réussi à y entasser un nombre incalculables de tas de papiers, très anciens pour certains. Le beau séducteur aux yeux bleus semblait très hospitalier, mais un peu fauché. Pauvreté n'est pas vice -du moins tant qu'on a l'élégance... Ils n'eurent pas le loisir de discuter bien longtemps, car un appel fit sonner le portable de Camille. Une goule de la sécurité Brujah signalait l'approche du convoi des Cathéens, en provenance de Roissy-Charles de Gaulle. Or, un témoin signalait de l'agitation dans les rues près du village suisse.
- Nous n'avons personne d'autre sur place que vous, monsieur Camille. La sécurité de Paris exige que vous alliez jeter un coup d'oeil à l'extérieur.
Surpris, Camille expliqua la situation à Graziella. Les deux Lasombra n'avaient pas de raison de refuser leur collaboration à la police du Louvre, mais s'étonnaient d'être les seuls Caïnites alentours.
Dans la rue, ils ne tardèrent pas à trouver le premier cadavre. Un humain, allongé entre deux voitures, soigneusement égorgé. Ils avisèrent alors une forme fantômatique qui s'enfuyait, presque invisible, malgré les réverbères. Ils se mirent à sa poursuite, et furent bientôt rejoints par deux goules, tandis que deux Gargouilles venaient tournoyer dans le ciel.
Camille et Graziella se mirent en communication avec le Lapin de Garenne, puisque c'était lui qui assurait la sécurité du convoi. Camille filma le cadavre avec son téléphone et envoya les images au Nosfératu. Une goule appela alors les deux Caïnites : on venait de trouver un deuxième cadavre dans un immeuble. Egorgé lui aussi. A l'entrée de l'appartement, une caméra, cassée, sans disque à l'intérieur. Graziella fit le tour des pièces. Dans la salle de bains, elle remarqua la fenêtre, qui donnait sur une cour intérieure. On était au quatrième étage, l'assassin aurait pu s'enfuir par là s'il était Caïnite. Un tas de débris en cartons traînait dans la cour, mais impossible de confirmer si cette hypothèse était bonne.
La police Brujah fut vite là. Les deux Lasombra donnèrent leur témoignage, puis demandèrent la permission de quitter les lieux.
Ils se rendirent ensuite au Louvre, puisque c'était qu'il fallait être ce soir, pour l'arrivée de la délégation Cathéenne.
Dans les salons, ils entendirent qu'un amateur avait filmé dans le quartier, peu après les deux meurtres, un Nosferatu s'enfuyant, et qu'il pouvait s'agir de Bertrand, un proche de dame Yvonne. Celle-ci était mise en cause dans cette violation de la Mascarade, car les deux meurtres s'étaient produits non loin de son territoire.
Dans un des salons, Graziella retrouva Lucinius, qui avait peiné pour être bien poli avec monsieur Wang et lui tenir une conversation continue, et lui montrer Montmartre, l'Opéra, pendant que les Brujah pacifiaient le parcours...
François Loren sortait d'une petite réunion improvisée avec madame Yvonne.
- J'ai l'impression que la Primogène Nosferatu a encore un train de retard... Elle est en difficulté.

Les Cathéens étaient déjà reçus par le Prince Ibn-Azul. Graziella raconta le meurtre des deux humains, puis quitta le Louvre. Elle et Camille étaient convoqués par leur maître.
Quand ils arrivèrent au manoir du 14e arrondissement, le signor Santi, assis son chat sur les genoux, était au téléphone. Il parlait tout haut, pour être bien entendu de ses deux invités.
- Oui... oui tout à fait... Oui, il a bien travaillé... Effectivement, je crois que ce Lapin de Garenne est fiable... Oui... Tout se déroule comme prévu... Nous retrouverons bientôt Augustin... Vous avez fait du bon travail, agent Shrek... owned

Santi raccrocha en souriant. Il mit les deux mains sur sa canne :
- Nous en avons terminé pour ce soir, amis de Montano. Le temps est venu, à présent, de mettre en oeuvre la seconde partie de notre plan...
- Oui, maître ! dirent ensemble Graziella et Camille.
Condottiere ronronnait de plaisir : il le sentait bien, quand son maître était satisfait de ses manoeuvres politiques...

A suivre, dans le prochain épisode... Virus

(*+1 point pour moi ! :jmekiffe: )
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Vampire 2006 - #1 : Kuei-Jin, Kindred & Machines - by Darth Nico - 09-02-2005, 07:10 PM

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