26-06-2003, 01:43 PM
JOURNAL D'ALADAX LUCINIUS
L'APPEL A LA CROISADE (suite)
A Kaboul, nous prenons contact avec Khamad, un Sire local que Loren doit rencontrer. Il habite dans un somptueux palais des mille et une nuits, dans une crypte ancienne. De l'extérieur, le bâtiment est grand, mais pas tape à l'oeil.
Nous voilà assis avec Loren dans de confortables sofas, avec des danseuses, des musiciennes, à déguster des coupes de sang fins.
Evidemment, Corso, toujours frustre, dédaigne cet endroit quasi-divin -surtout après un périple dans le sable !- pour traîner dans les quartiers sales de la ville ! Il manque tellement de raffinement !
Nous discutons avec Khamad, qui est un Sire remarquable, un homme de grande élégance, de maîtrise de soi et d'assurance. Nous apprenons une foule de chose.
Khamad est le propre Sire d'Ibn-Azul, le Sire de Loren. Loren est le petit-infant de Khamad en quelque sorte ! Or, Ibn-Azul est à Jérusalem.
Depuis 250 ans, le Sire de Loren lutte contre une importante organisation vampire appelée la Toute-Vie. Il a déjà mené au moins trois croisades contre eux. La dernière s'est déroulée il y a trente ans. François Loren y a été mêlé. Ibn-Azul pensait cette fois en avoir terminé avec la Toute-Vie, mais ils ont ressurgi ces dernières années.
Nous devrons rencontrer Ibn-Azul pour en savoir plus.
Quelle délicieuse rencontre ! Je crois même que Khamad m'apprécie ! Qu'il est précieux de se savoir plutôt de connivence avec un puissant Sire ! Et quel plaisir de pénétrer dans des intrigues secrêtes et palpitantes ! Ah, ce ne sont pas les snobs du Louvre, qui passent leur non-vie en réceptions vaniteuses et en discussions stériles qui rencontreraient quelqu'un comme Khamad !
Corso nous rejoint enfin. Il nous apprend qu'une Caïnite nous a espionné à Basra et ici à Kaboul. Elle appartient à la Toute-Vie, évidemment.
Nous saluons notre hôte et le remercions mille fois de son hospitalité. Après quoi, nous partons pour Jérusalem.
[Euh... mais comment y est-on allé ?
Avec quel avion ?
][b]EDIT : avec l'avion privé prêté par Khamad peut-être? :roll:
Nous arrivons la nuit suivante dans la ville trois fois sainte. Nous n'aurons pas le temps d'approfondir notre connaissance des religions. Nous arrivons du côté palestinien. Loren pense qu'Ibn-Azul est du côté israëlien.
Cest ce que confirme Corso, qui a rencontré un Gangrel dans un bar (sans doute mal famé) de Jerusalem. Il ira de son côté avec son compatriote, tandis que Loren et moi passerons la frontière de notre côté.
Nous nous retrouvons le lendemain soir, dans le parking d'un hôtel luxueux. Corso et l'autre Gangrel arrivent alors que nous ne savons comment ouvrir une grosse porte blindée. Le Gangrel tape un signal convenu. La porte s'ouvre, et un petit Caïnite nain nous ouvre.
Au bout d'un couloir, nous débouchons dans une grande pièce où nous attendent une dizaine de Caïnite, parmi lesquelles le Sire Ibn-Azul en personne.
Nous faisons connaissance avec la coterie du sieur Ibn-Azul. Ce seigneur arabe a réussi à réunir au moins un membre de chaque clan de la Camarilla. Faut-il qu’il ait du charisme !
De fait, il en a. Il dégage une aura de sérénité, de guerrier en paix avec lui-même, d’homme serein qui prépare une guerre prochaine. Loren a beaucoup de chance d’être l’infant d’un tel Caïnite.
Ibn-Azul nous explique qu’il a mené déjà cinq croisades contre la Toute-Vie. La dernière remonte à trente ans. Loren y avait participé en tant qu’agent de relation politique. La Toute-Vie a juré sa mort, tout comme celle de Corso, car ce dernier est l’infant d’une bête.
J’apprends alors la sinistre vérité : la Toute-Vie a des adeptes dans chaque clan. Et à Paris, deux Nosfératu au moins font partie de cette bande de fanatique : Bébert et Spalinger Felias !
Je commence à entrevoir l’étendue de la traîtrise de mon domestique. J’en aurai sous peu une compréhension précise.
Nous discutons avec Ibn-Azul. Corso et moi sommes assez sceptiques quant aux chances de réussite d’une nouvelle croisade. En effet, la Toute-Vie a des appuis politiques dans plusieurs capitales du monde, elle a l’oreille de plusieurs Princes, elle a des réseaux importants de sympathisants. Autant dire que la tâche est sans fin : quand bien même Ibn-Azul abattrait quelques guerriers de cette organisation, les dirigeants ne pourraient tomber. Surtout que même François Villon -qu’Ibn Azul connaît bien - doit composer avec leur influence…
J’apprends, avec stupeur, que la Comtesse Bathory a fait partie de cette organisation. Mon Sire, Tropovitch, aurait toutefois témoigné que ses activités avec la Toute-Vie avait cessé depuis quelques temps.
Je m’inquiète. Un sixième sens me crie qu’il y a un rapport avec la soirée de l’Opéra. Kruegger est forcément adversaire de la Toute-Vie, car il est pourchassé par eux… Aurait-il tué la Comtesse pour cette raison ? Lisbeth fait-elle partie de ce groupe ?… Par Asmodée, elle me l’aurait dit !… Et enfin, question cruciale, quid de Lucien, au milieu de cet imbroglio ? Me serais-je trompé ? Est-ce que l’intendant des fêtes du Prince n’aurait rien à voir dans cet assassinat ?… Je m’étais presque persuadé que Lucien avait employé les services de Kruegger ?… Qu’il avait poussé la Bête enragée à tuer la Comtesse ?…
Les questions se bousculent dans ma tête, comme une foule angoissée qui attend une déclaration de guerre.
Corso s’impatiente ; il se demande s’il n’a pas traversé le désert irakien seulement pour apprendre que la cause d’Ibn-Azul est sans espoir. Et pour apprendre que Felias est un traître, ce que nous supposions déjà.
Notre voyage n’est pourtant pas infructueux. Nous avons appris les grandes lignes sur la Toute-Vie.
Je remercie encore mille fois Ibn-Azul pour son accueil princier. Corso grogne au revoir, et Loren salue son Sire. Nous repartons peu après pour Paris.
Dans l’avion, nous nous inquiétons du sort de Benedict. Nous connaissons les principes moraux de ce dernier, son caractère à cheval sur le respect de l’humanité. Nous avons peur qu’il ne sympathise trop avec la Toute-Vie, s’il en vient à les connaître…
Nous arrivons à Paris sans encombre. Nous passons une journée de sommeil, chacun chez nous. Loren emploie ses goules à reconstituer son troupeau perdu. Je passe boire un verre de sang de femme blonde chez lui. Il me doit bien cela, pour mon aide à Basra. Délicieux ce sang. Comme il est bon de retrouver les raffinements de la civilisation, après la dureté pierreuse du désert. Glaciaire ou caniculaire, c’est l’enfer dans les deux cas !…
Le lendemain soir, j’appelle Corso sur son portable. Nous savons que la conversation est écoutée. Soudain, au milieu de la conversation, la voix du mouchard qui nous espionne se fait entendre : c’est Felias lui-même, qui s’adresse à nous, sans aucune vergogne. Sa voix est celle du maitre-chanteur décidé à faire cracher au bassinet sa victime, ou même encore la voix d’un sordide policier de dictature, décidé à se venger d’un ennemi.
L’affreuse larve jure que lui et Bébert vont nous régler notre compte sous peu. Il parle avec une haine froide et moqueuse. Je m’étrangle de colère. Corso reçoit ses menaces avec un amusement cruel : je l’entends déjà affûter ses griffes. Le plaisir de la bête va jaillir !…
Je suis tout de même apeuré par cette violence. Ils vont attaquer la crypte de Corso, à Vincennes. Chez mon Sire, je prends un Magnum 357 chargé, j’appelle Loren et Benedict pour les prévenir. Ils seront à l’heure au rendez-vous.
Tout le monde converge vers le bois de Vincennes.
Les choses sont allées très vite. L’huis de l’enfer s’est ouvert, comme la gueule d’un bouledogue de bronze, qui grince et dans une grimace abominable, va engloutir ses victimes.
Ce qui s’est passé, c’est à peu près cela.
Corso est arrivé le premier sur les lieux. Il a approché de sa crypte, vigilant. Il s’est retrouvé face à Felias et à Bébert, ce dernier étant équipé d’un lance-flammes, avec des bouteilles dans le dos. Pendant ce temps, Loren et moi arrivions chacun de notre côté, en nous faufilant dans le sous-bois. Je suis arrivé juste à temps pour voir Corso déchaîner la Bête. Bébert s’est avancé, à actionné son lance-flamme dans la forêt obscur, qui a vomi des flammes comme un dragon. Corso a alors effectué un magistral saut arrière, en direction d’une branche haute d’un arbre. Il a bondi comme s’il était propulsé par un trampoline, ainsi qu’un acrobate. Dans le même mouvement, il a décapité net un troisième larron, complice des deux Nosfératus. La langue de feu a léché le bois de l’arbre, plusieurs branchages et buissons ont pris feu. Un coup de feu part : c’est Loren qui tire sur Bébert. Il le rate de peu. Je vise, je tire à mon tour : raté !
Corso saute au bas de l’arbre comme un singe, Bébert le vise de son lance-flamme, il va cracher la mort ultime sur Corso. Deux maigres flammes sortent. L’arme du gros Bébert a des ratés. Il panique une seconde, pas deux. Corso rentre les griffes de sa main droite, dégaine son pistolet, tire.
Bébert s’enflamme comme une barrique pleine de vin. Il part en hurlant, dévoré rageusement par des paquets de flammes. Il court à travers tout le sous-bois, poussant des cris d’orfraie. Felias a reculé de deux pas. Corso le cueille comme un fruit blet : il lui écorche d’un trait. Felias tombe à terre, neutralisé.
Nous regardons Bébert finir de flamber : il tombe à terre comme une grosse branche, se calcine aussi rapidement qu’un tas de feuilles mortes. Impossible de regarder ce spectacle sans sentir que la Bête en nous se réjouit, sans éprouver un plaisir de pyromane ou de meurtrier qui accomplit enfin sa vengeance. Nous sommes débarrassés de fait d’une bonne charge. Les Anglais diraient de Bébert : a pain in the ass !
Nous emportons Felias avec nous. Il a tellement d’histoires à nous raconter. Corso dissimule à peine qu’il exulte. Il tient enfin sa proie. Il va jouer avec, avant de l’achever.
Nous amenons notre prisonnier rue Saint-Denis. Nous nous installons dans un vomitif hôtel de passe, alors que la nuit brune passe, et que la rue est déserte. Nous mettons les matelas contre le mur, ainsi que le lit auquel nous attachons Felias.
Je m’installe à une table. Au cours de cet interrogatoire, je prends note des aveux du Nosfératu. Je n’aurai pas un mot pour exciter l’ardeur de Corso. Je suis partagé à égalité entre ma haine profonde face à la traîtrise de Felias et les restes de la confiance que je nourrissais envers lui. Je m’assieds à la table, et me transforme en greffier d’inquisition.
Corso enfonce une griffe dans une articulation de Felias pour le faire parler, et vrille à l’intérieur de la chair. Il aura à utiliser ce procédé plusieurs fois.
Nous pressons Felias comme un fruit mûr, pour en extraire tout ce qu’il sait. De fait, nous tombons sur un gros fruit. Il lâche peu à peu une somme importante d’informations. Je les note soigneusement. Loren assiste en retrait à l’interrogatoire. Il pose quelques questions, et assiste sans plaisir ni répugnance à cette séance macabre.
Il s’avère au moins que le Séthite Muhammad, des sous-sols de Cluny, n’a rien à voir avec la Toute-Vie, pas plus qu’Héléna, la Tremere passée aux Tzymisces. Idem le Kuei-Jin qui a détruit mon repaire.
En peu de temps, Felias nous dévoile tout ce qu’il sait. A l’agonie, saigné par Corso et ravivé par quelques poches de sang, il nous nargue encore, jure que la Toute-Vie nous tuera, qu’il a gagné malgré tout. Il pousse un rire sarcastique, un râle de mourant. Je sors dans la rue, comme pour respirer hors de cette antre macabre. Quand je remonte, Corso a achevé Felias. Nous remettons la chambre a peu près en ordre.
Tout ce sang ! Tous ces litres de sang ! Comme il coule, ce liquide rouge, comme nous le versons à profusion, comme on le boit, comme on le verse !
Nous partons rapidement. Nous savons maintenant que Benedict est détenu dans la crypte de Corso. Nous retournons à Vincennes. Nous courons dans les sous-bois, nous nous précipitons dans le repaire de Corso. Plus personne.
Le Brujah a sans doute été détenu ici (en témoigne des cordes et des menottes). Soudain, Corso nous crie de sortir.
L’histoire se répète. Le Gangrel court plus vite que Loren et moi. Il s’est déjà jeté au-dehors, alors qu’une fournaise de démon nous happe, comme une gueule d’enfer qui ne laisse pas échapper ses proies.
Nous réchappons de justesse à l’explosion. Nous nous retrouvons au-dehors, la peau à vif, écorchés, nus, le derme rougeoyants, saignants de partout. Je m’écroule dans l’humus frais du bois.
[i]A suivre...
L'APPEL A LA CROISADE (suite)
A Kaboul, nous prenons contact avec Khamad, un Sire local que Loren doit rencontrer. Il habite dans un somptueux palais des mille et une nuits, dans une crypte ancienne. De l'extérieur, le bâtiment est grand, mais pas tape à l'oeil.
Nous voilà assis avec Loren dans de confortables sofas, avec des danseuses, des musiciennes, à déguster des coupes de sang fins.

Evidemment, Corso, toujours frustre, dédaigne cet endroit quasi-divin -surtout après un périple dans le sable !- pour traîner dans les quartiers sales de la ville ! Il manque tellement de raffinement !
Nous discutons avec Khamad, qui est un Sire remarquable, un homme de grande élégance, de maîtrise de soi et d'assurance. Nous apprenons une foule de chose.
Khamad est le propre Sire d'Ibn-Azul, le Sire de Loren. Loren est le petit-infant de Khamad en quelque sorte ! Or, Ibn-Azul est à Jérusalem.
Depuis 250 ans, le Sire de Loren lutte contre une importante organisation vampire appelée la Toute-Vie. Il a déjà mené au moins trois croisades contre eux. La dernière s'est déroulée il y a trente ans. François Loren y a été mêlé. Ibn-Azul pensait cette fois en avoir terminé avec la Toute-Vie, mais ils ont ressurgi ces dernières années.
Nous devrons rencontrer Ibn-Azul pour en savoir plus.
Quelle délicieuse rencontre ! Je crois même que Khamad m'apprécie ! Qu'il est précieux de se savoir plutôt de connivence avec un puissant Sire ! Et quel plaisir de pénétrer dans des intrigues secrêtes et palpitantes ! Ah, ce ne sont pas les snobs du Louvre, qui passent leur non-vie en réceptions vaniteuses et en discussions stériles qui rencontreraient quelqu'un comme Khamad !
Corso nous rejoint enfin. Il nous apprend qu'une Caïnite nous a espionné à Basra et ici à Kaboul. Elle appartient à la Toute-Vie, évidemment.
Nous saluons notre hôte et le remercions mille fois de son hospitalité. Après quoi, nous partons pour Jérusalem.
[Euh... mais comment y est-on allé ?


Nous arrivons la nuit suivante dans la ville trois fois sainte. Nous n'aurons pas le temps d'approfondir notre connaissance des religions. Nous arrivons du côté palestinien. Loren pense qu'Ibn-Azul est du côté israëlien.
Cest ce que confirme Corso, qui a rencontré un Gangrel dans un bar (sans doute mal famé) de Jerusalem. Il ira de son côté avec son compatriote, tandis que Loren et moi passerons la frontière de notre côté.
Nous nous retrouvons le lendemain soir, dans le parking d'un hôtel luxueux. Corso et l'autre Gangrel arrivent alors que nous ne savons comment ouvrir une grosse porte blindée. Le Gangrel tape un signal convenu. La porte s'ouvre, et un petit Caïnite nain nous ouvre.
Au bout d'un couloir, nous débouchons dans une grande pièce où nous attendent une dizaine de Caïnite, parmi lesquelles le Sire Ibn-Azul en personne.
Nous faisons connaissance avec la coterie du sieur Ibn-Azul. Ce seigneur arabe a réussi à réunir au moins un membre de chaque clan de la Camarilla. Faut-il qu’il ait du charisme !
De fait, il en a. Il dégage une aura de sérénité, de guerrier en paix avec lui-même, d’homme serein qui prépare une guerre prochaine. Loren a beaucoup de chance d’être l’infant d’un tel Caïnite.
Ibn-Azul nous explique qu’il a mené déjà cinq croisades contre la Toute-Vie. La dernière remonte à trente ans. Loren y avait participé en tant qu’agent de relation politique. La Toute-Vie a juré sa mort, tout comme celle de Corso, car ce dernier est l’infant d’une bête.
J’apprends alors la sinistre vérité : la Toute-Vie a des adeptes dans chaque clan. Et à Paris, deux Nosfératu au moins font partie de cette bande de fanatique : Bébert et Spalinger Felias !
Je commence à entrevoir l’étendue de la traîtrise de mon domestique. J’en aurai sous peu une compréhension précise.
Nous discutons avec Ibn-Azul. Corso et moi sommes assez sceptiques quant aux chances de réussite d’une nouvelle croisade. En effet, la Toute-Vie a des appuis politiques dans plusieurs capitales du monde, elle a l’oreille de plusieurs Princes, elle a des réseaux importants de sympathisants. Autant dire que la tâche est sans fin : quand bien même Ibn-Azul abattrait quelques guerriers de cette organisation, les dirigeants ne pourraient tomber. Surtout que même François Villon -qu’Ibn Azul connaît bien - doit composer avec leur influence…
J’apprends, avec stupeur, que la Comtesse Bathory a fait partie de cette organisation. Mon Sire, Tropovitch, aurait toutefois témoigné que ses activités avec la Toute-Vie avait cessé depuis quelques temps.
Je m’inquiète. Un sixième sens me crie qu’il y a un rapport avec la soirée de l’Opéra. Kruegger est forcément adversaire de la Toute-Vie, car il est pourchassé par eux… Aurait-il tué la Comtesse pour cette raison ? Lisbeth fait-elle partie de ce groupe ?… Par Asmodée, elle me l’aurait dit !… Et enfin, question cruciale, quid de Lucien, au milieu de cet imbroglio ? Me serais-je trompé ? Est-ce que l’intendant des fêtes du Prince n’aurait rien à voir dans cet assassinat ?… Je m’étais presque persuadé que Lucien avait employé les services de Kruegger ?… Qu’il avait poussé la Bête enragée à tuer la Comtesse ?…
Les questions se bousculent dans ma tête, comme une foule angoissée qui attend une déclaration de guerre.
Corso s’impatiente ; il se demande s’il n’a pas traversé le désert irakien seulement pour apprendre que la cause d’Ibn-Azul est sans espoir. Et pour apprendre que Felias est un traître, ce que nous supposions déjà.
Notre voyage n’est pourtant pas infructueux. Nous avons appris les grandes lignes sur la Toute-Vie.
Je remercie encore mille fois Ibn-Azul pour son accueil princier. Corso grogne au revoir, et Loren salue son Sire. Nous repartons peu après pour Paris.
Dans l’avion, nous nous inquiétons du sort de Benedict. Nous connaissons les principes moraux de ce dernier, son caractère à cheval sur le respect de l’humanité. Nous avons peur qu’il ne sympathise trop avec la Toute-Vie, s’il en vient à les connaître…
Nous arrivons à Paris sans encombre. Nous passons une journée de sommeil, chacun chez nous. Loren emploie ses goules à reconstituer son troupeau perdu. Je passe boire un verre de sang de femme blonde chez lui. Il me doit bien cela, pour mon aide à Basra. Délicieux ce sang. Comme il est bon de retrouver les raffinements de la civilisation, après la dureté pierreuse du désert. Glaciaire ou caniculaire, c’est l’enfer dans les deux cas !…
Le lendemain soir, j’appelle Corso sur son portable. Nous savons que la conversation est écoutée. Soudain, au milieu de la conversation, la voix du mouchard qui nous espionne se fait entendre : c’est Felias lui-même, qui s’adresse à nous, sans aucune vergogne. Sa voix est celle du maitre-chanteur décidé à faire cracher au bassinet sa victime, ou même encore la voix d’un sordide policier de dictature, décidé à se venger d’un ennemi.
L’affreuse larve jure que lui et Bébert vont nous régler notre compte sous peu. Il parle avec une haine froide et moqueuse. Je m’étrangle de colère. Corso reçoit ses menaces avec un amusement cruel : je l’entends déjà affûter ses griffes. Le plaisir de la bête va jaillir !…
Je suis tout de même apeuré par cette violence. Ils vont attaquer la crypte de Corso, à Vincennes. Chez mon Sire, je prends un Magnum 357 chargé, j’appelle Loren et Benedict pour les prévenir. Ils seront à l’heure au rendez-vous.
Tout le monde converge vers le bois de Vincennes.
Les choses sont allées très vite. L’huis de l’enfer s’est ouvert, comme la gueule d’un bouledogue de bronze, qui grince et dans une grimace abominable, va engloutir ses victimes.
Ce qui s’est passé, c’est à peu près cela.
Corso est arrivé le premier sur les lieux. Il a approché de sa crypte, vigilant. Il s’est retrouvé face à Felias et à Bébert, ce dernier étant équipé d’un lance-flammes, avec des bouteilles dans le dos. Pendant ce temps, Loren et moi arrivions chacun de notre côté, en nous faufilant dans le sous-bois. Je suis arrivé juste à temps pour voir Corso déchaîner la Bête. Bébert s’est avancé, à actionné son lance-flamme dans la forêt obscur, qui a vomi des flammes comme un dragon. Corso a alors effectué un magistral saut arrière, en direction d’une branche haute d’un arbre. Il a bondi comme s’il était propulsé par un trampoline, ainsi qu’un acrobate. Dans le même mouvement, il a décapité net un troisième larron, complice des deux Nosfératus. La langue de feu a léché le bois de l’arbre, plusieurs branchages et buissons ont pris feu. Un coup de feu part : c’est Loren qui tire sur Bébert. Il le rate de peu. Je vise, je tire à mon tour : raté !
Corso saute au bas de l’arbre comme un singe, Bébert le vise de son lance-flamme, il va cracher la mort ultime sur Corso. Deux maigres flammes sortent. L’arme du gros Bébert a des ratés. Il panique une seconde, pas deux. Corso rentre les griffes de sa main droite, dégaine son pistolet, tire.
Bébert s’enflamme comme une barrique pleine de vin. Il part en hurlant, dévoré rageusement par des paquets de flammes. Il court à travers tout le sous-bois, poussant des cris d’orfraie. Felias a reculé de deux pas. Corso le cueille comme un fruit blet : il lui écorche d’un trait. Felias tombe à terre, neutralisé.
Nous regardons Bébert finir de flamber : il tombe à terre comme une grosse branche, se calcine aussi rapidement qu’un tas de feuilles mortes. Impossible de regarder ce spectacle sans sentir que la Bête en nous se réjouit, sans éprouver un plaisir de pyromane ou de meurtrier qui accomplit enfin sa vengeance. Nous sommes débarrassés de fait d’une bonne charge. Les Anglais diraient de Bébert : a pain in the ass !
Nous emportons Felias avec nous. Il a tellement d’histoires à nous raconter. Corso dissimule à peine qu’il exulte. Il tient enfin sa proie. Il va jouer avec, avant de l’achever.
Nous amenons notre prisonnier rue Saint-Denis. Nous nous installons dans un vomitif hôtel de passe, alors que la nuit brune passe, et que la rue est déserte. Nous mettons les matelas contre le mur, ainsi que le lit auquel nous attachons Felias.
Je m’installe à une table. Au cours de cet interrogatoire, je prends note des aveux du Nosfératu. Je n’aurai pas un mot pour exciter l’ardeur de Corso. Je suis partagé à égalité entre ma haine profonde face à la traîtrise de Felias et les restes de la confiance que je nourrissais envers lui. Je m’assieds à la table, et me transforme en greffier d’inquisition.
Corso enfonce une griffe dans une articulation de Felias pour le faire parler, et vrille à l’intérieur de la chair. Il aura à utiliser ce procédé plusieurs fois.
Nous pressons Felias comme un fruit mûr, pour en extraire tout ce qu’il sait. De fait, nous tombons sur un gros fruit. Il lâche peu à peu une somme importante d’informations. Je les note soigneusement. Loren assiste en retrait à l’interrogatoire. Il pose quelques questions, et assiste sans plaisir ni répugnance à cette séance macabre.
Il s’avère au moins que le Séthite Muhammad, des sous-sols de Cluny, n’a rien à voir avec la Toute-Vie, pas plus qu’Héléna, la Tremere passée aux Tzymisces. Idem le Kuei-Jin qui a détruit mon repaire.
En peu de temps, Felias nous dévoile tout ce qu’il sait. A l’agonie, saigné par Corso et ravivé par quelques poches de sang, il nous nargue encore, jure que la Toute-Vie nous tuera, qu’il a gagné malgré tout. Il pousse un rire sarcastique, un râle de mourant. Je sors dans la rue, comme pour respirer hors de cette antre macabre. Quand je remonte, Corso a achevé Felias. Nous remettons la chambre a peu près en ordre.
Tout ce sang ! Tous ces litres de sang ! Comme il coule, ce liquide rouge, comme nous le versons à profusion, comme on le boit, comme on le verse !
Nous partons rapidement. Nous savons maintenant que Benedict est détenu dans la crypte de Corso. Nous retournons à Vincennes. Nous courons dans les sous-bois, nous nous précipitons dans le repaire de Corso. Plus personne.
Le Brujah a sans doute été détenu ici (en témoigne des cordes et des menottes). Soudain, Corso nous crie de sortir.
L’histoire se répète. Le Gangrel court plus vite que Loren et moi. Il s’est déjà jeté au-dehors, alors qu’une fournaise de démon nous happe, comme une gueule d’enfer qui ne laisse pas échapper ses proies.
Nous réchappons de justesse à l’explosion. Nous nous retrouvons au-dehors, la peau à vif, écorchés, nus, le derme rougeoyants, saignants de partout. Je m’écroule dans l’humus frais du bois.
[i]A suivre...

