25-04-2006, 04:36 PM
(This post was last modified: 27-04-2006, 12:34 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Tôt le matin, Shigeru venait s'asseoir sur le port et contemplait la Baie de l'Honneur Noyé.
Les bateaux navigant sur le fleuve de nuit étaient taxés jusqu'à cinq fois plus cher que ceux voyageant de jour, si bien que ceux qu'on voyait arriver à l'aube dans Ryoko Owari Toshi étaient des bâtiments affretés par les clans les plus riches, celui de la Grue surtout, tandis que les bateaux descendant les voiles dans le port après l'heure de Doji avaient fait escale dans une cité proche la veille au soir.
Shigeru avait pris l'habitude de s'asseoir sur les marches des quais rongés par l'humidité. C'était sa place. Le premier jour, il effrayait les marchands et les manouvriers qui s'affairaient près des navires : qui était donc ce Crabe qui venait se planter au beau milieu du trajet habituel des marchandises et des provisions ?
Le second jour, on le regardait encore du coin de l'oeil, pour s'assurer qu'il ne mordait pas.
Le troisième, il faisait déjà partie du paysage, tant le peuple prend vite ses habitudes et a tendance à tout contempler comme si les choses étaient éternelles. C'est tout juste si ce n'était pas une tradition ancestrale qu'un Crabe vienne s'asseoir là. D'un petit geste de main et d'un sourire, il disait aux porteurs chargés de ballots que ce n'était pas la peine de s'incliner devant lui, tant ils étaient déjà chargés comme des mules.
Shigeru aimait écouter les pêcheurs parler de leurs prises du jour, comparer le prix des marchandises, se disputer en s'envoyant leurs morues à la tête... Il avait un budget illimité pour offrir du saké aux gens du quartier. Du reste, les prix n'étaient pas élevés dans le coin.
Avant d'avoir à se renseigner sur la rue du Wasabi, Shigeru avait été chargé par Hiruya de se renseigner sur les bandes de pillards signalées dans la région.
Très à l'aise dans ce milieu, Shigeru, du haut de son mètre quatre-vingt et de ses quarante ans, entra vite en contact avec des rônins, qui louaient leur service aux yakuzas, qui eux-mêmes respectaient beaucoup "le puissant seigneur Crabe". Les yaks sentaient en Shigeru une force brute bien contrôlée, une sorte d'idéal impossible à atteindre, pour eux destinés à jouer les petits caïds et à s'élever dans leur hiérarchie calquée sur celle des samuraï.
Shigeru les regardait avec une certaine condescendance, ces soldats de guerriers qui souffraient le martyr pour se faire tatouer d'immenses dessins dans le dos. Il les aimait bien au fond. Ils auraient peut-être fait de bons ptits gars sur la muraille.
- Alors, dis-moi, tu n'as pas entendu parler de ces gens qui auraient établi un campement, à une journée d'ici, près des bois ?
Shigeru resservait généreusement un samuraï sans clan, déjà eméché, le visage défiguré par plusieurs cicatrices.
- Tu vois, je ne te demande même pas si tu te serais un jour acoquiné avec eux. Non, je veux juste savoir si tu sais où ils se trouvent.
Avant de piquer du nez, le rônin balbutia quelques informations bonnes à prendre. Après avoir traité trois autres rônins à ce régime là, Shigeru avait ce qu'il voulait.
Le soir-même, il rendait compte de son enquête.
- Excellent, dit Hiruya, qui voyait que Miya Katsu était satisfait. Demain, nous monterons une expédition pour les déloger par surprise. Que la Cité sache que la Magistrature d'Emeraude prend les choses en main !
Et à l'heure de Lune, le lendemain, nos héros s'équipaient pour le combat et virent arriver devant leur palais Shosuro Jocho, en armure lourde, avec quatre de ses gardes. Ils venaient participer à l'expédition. Hiruya les accueillit avec plaisir.
C'est ainsi que ce jour-là, un camp de bandit eut la vilaine surprise de voir arriver des samuraï aux couleurs du Scorpion et de la Magistrature d'Emeraude.
Lançant leurs poneys au galop, Jocho et ses hommes frappèrent par l'avant, pendant que Shigeru et Ikky prenaient l'ennemi à revers ; Hiruya et Ryu attaquaient par les côtés et Ayame, assise à l'ombre d'un chêne, observait le spectacle d'un oeil distrait, le nez dans un parchemin en grignotant une pomme. Elle essayait de se concentrer, en dépit du bruit alentours. Comem si elle était encore en bibliothèque, elle avait envie de leur dire d'hurler moins fort en mourant ! Ikky l'avait dérangée au prétexte que ça lui ferait du bien de prendre l'air, alors elle n'avait pas l'intention de rester sans rien faire, fût-elle en pleine cambrousse !
Au bout de quelques minutes de douleurs, fracas, charges et casses, Ayame vit revenir Ikky, essoufflée et contente.
- Ca y est, vous avez fini ?
Du camp des bandits ne restaient que des ruines et des cadavres. La Garde du Tonnerre était rentrée au galop et avait empalé deux bandits au bout de ses naginatas. Ikky et Shigeru coupaient la retraite aux malheureux apeurés, tandis que Ryu et Hiruya découpaient chacun trois de ces malandrins. Notre Grue reçut une blessure légère. Juste de quoi pavoiser à son retour et en rajouter sur le nombre des opposants.
Jocho avait organisé un triomphe spontané pour les vainqueurs, avec liesse populaire pour les nobles protecteurs de l'Ordre Céleste.
Tout à fait ce qui plaisait à Hiruya : le bon peuple heureux, à fêter les samuraï nobles courageux vertueux beaux glorieux et honorables. Décidément, il y avait moyen de s'entendre avec ce Jocho !

Les jours suivants, Kakita Hiruya visita les moines du temple de Daikoku. L'abbé Okawa était un brave vieil homme, dont on avait bien besoin à Rokugan, en ces périodes troublées. Seulement, lorsque Hiruya, informé par Doji Sukemara, aborda le sujet des marchands souillés, que le temple aurait accueillis, le vieil Abbé fut de suite bien moins souriant et admit à demi-mots qu'il en savait plus qu'il ne voulait dire. Hiruya sentit que c'était un homme honorable et il ne voulut pas l'accabler.
En revanche, quand l'un des moines, Jirohei, s'approcha de Hiruya pour lui dire qu'il en savait plus, notre Grue fut bien plus intéressé et sut qu'il pouvait en tirer plus sans remords.
Jirohei devait approcher la cinquantaine, comme Okawa, mais n'avait pas du tout l'air sage ou illuminé. Il affichait un esprit pratique, terre à terre : bien sûr, il y mit les formes, disant qu'il souhaitait offrir à Hiruya ces plantes, cultivées par les moines qui chassaient les mauvais esprits. Toutefois, il baissa d'un ton, pendant que l'abbé avait le dos tourné, et c'est lui qui indiqua l'adresse de la rue du Wasabi à notre Magistrat.
Information transmise le soir à Shigeru, content de pouvoir rester chez les pêcheurs.

La journée du lendemain de l'expédition chez les bandits fut marquée par des affrontements entre deux gangs rivaux de yakuzas, qui se battaient pour des partages de territoires. Shigeru n'assista pas aux affrontements, mais quand il revint le lendemain, il toisa d'un air sévère les quelques-uns qu'il connaissait, bien amochés par les échanges de coups de couteaux la veille. Il les regardait comme des garnements qui n'avaient pas su régler leurs rivalités sans en venir aux coups.
Son enquête reprenait déjà, alors que la Garde du Tonnerre patrouillait les rues pour assurer le calme. Des descentes de marchands avaient abouti à des incendies de pontons et les pêcheurs avaient pris leurs revanches en enflammant des convois dans les rues étroites du quartier d'en face : les pauvres poneys qui tiraient les attelages étaient devenus fous et certains s'étaient jetés dans la Baie, entraînant avec eux leur chargement et plusieurs marchands. On pleurait et on se desespérait et on les secourait, tandis que, sur l'autre rive ou depuis leur bateau, les pêcheurs rigolaient tant qu'ils pouvaient ; et tout le monde rentra chez lui ventre à terre, quand la milice de Jocho déboula dans les rues en tenue de guerre !
- La ville était agitée aujourd'hui, mais cela arrive quand il y a du nouveau, disait Kimi, en allumant la pipe d'Ayame. C'est presque un rituel, quand une nouvelle magistrature est nommée. Maintenant, ils vont être calmes... Mon frère y veillera de près.
- Hiruya l'apprécie, dit Ayame, en aspirant la fumée, mais il le tient à l'oeil.
- Tel que je connais Jocho, il voit déjà en Hiruya son rival potentiel.
- Tel que je connais Hiruya, ce sentiment est réciproque.
La Fleur Envoûtante était presque vide ce soir. Ayame avait encore eu droit dans la journée à la visite de Iuchi Sadako, la pipelette experte en théories du complot : elle lui avait dit que les Scorpions n'étaient rien que des buveurs de sang. Ayame l'avait alors rappelé à l'Ordre : on n'insulte pas un clan majeur, descendant d'un kami !
A chaque fois que Sadako-san venait offrir à Ayame la primeur de ses nouvelles inventions, elle se faisait rappeler à l'ordre par un solide Licorne, sabre épais à la ceinture et voix de stentor ; Sadako-san s'enfuyait vite en promettant de revenir vite, obnubilée qu'elle était par ses idées fantasques.
- Vous a t-on dit que vous nous faisiez penser à Shonagon ?...
Ayame sourit. Le jour même, elle avait visité le vieil Asako Kinto, dans sa petite maison avec jardin du quartier noble ; le vieil homme, à la voix usée, courbée en deux par le poids de l'âge, lui avait appris que sa nièce, Shiba Shonagon, était morte quelques années plus tôt, tuée par l'opium. Elle était depuis plusieurs années une hôte régulière du Monde Flottant et avait flirté avec toutes la noblesse de la ville. De Kimi, Ayame apprit que cette Shonagon était soupçonnée d'être l'auteur d'un ouvrage appelé Mémoires d'une opiomane, où se trouvaient compilés nombre de ragots et d'informations compromettantes sur des personnages aux pseudonymes transparents. La publication, sous le manteau, de ce recueil, avait fait des vagues dans le milieu de la noblesse et fait rire le peuple, qui s'amusait à y retrouver les figures emblématiques de la Cité. Les moulins à paroles de la Cité y trouvaient des ressources inépuisables de ragots et de rumeurs.
Jocho avait eu la même idée, la première fois qu'il avait vu Ayame : elle ressemblait tant à Shonagon... Et selon cette médisante d'Iuchi Sadako, Shonagon avait fini dans le lit de Jocho.

Ayame ne s'intéressait sincérement pas à ce genre de ragots. Elle avait sur l'île de la Larme non pas pour parler chiffons, mais pour l'opium. Et Sadako ne l'intéresserait que le jour où elle aurait des secrets dignes de ce nom à lui révéler !
Notre shugenja continuait à farfouiller dans les bibliothèques. Par Asako Kinto, elle avait appris nombres de choses intéressantes : un conflit interne aux familles du Scorpion avait provoqué ce qu'on appelait officieusement la guerre de l'opium. C'était quatre ans auparavant.
Et comme Ayame l'avait appris, il ne fallait pas croire aux coïncidences... La même année, à quelques mois près, Shiba Shonagon mourait d'un excès de prise d'opium sous forme liquide (dilué dans l'alcool) ; le magistrat Naritoki était assassiné et avant cela, le fils du chef des Licornes, Ide Baranato, était retrouvé mort chez lui ! Ayame ignorait cette affaire. Et selon le vieil Asako Kinto, la mort du fils Licorne n'était pas pour rien dans le déclenchement de la guerre des cartels. Les Licornes n'étaient peut-être pas si innocents qu'on le croirait dans cette affaire. On avait soupçonné Ide Baranato d'envenimer le conflit entre Scorpions, pour venger son fils.
Après plusieurs mois de conflits larvés, la famille Soshi avait été saignée à blanc et perdait son pouvoir au profit des Shosuro. Et les Bayushi assuraient leur base, grâce à l'intelligence politique de Bayushi Korechika, leur maître.
Oui, décidément, ces morts puaient l'opium. Les Licornes trempaient-ils aussi dans ce commerce ? Jusqu'où Ide Baranato était-il allé pour venger son fils ? Quels moyens auraient-il eu pour s'attaquer aux Scorpions ?
Quand Ayame retourna le voir, l'affable vieil homme, qui n'avait pas émis de protestations si vives pour l'absence des autres Magistrats le premier soir, se raidit vivement : on sentait qu'il ne pouvait cacher sa haine pour les Scorpions. Ayame-san lui promit que la Magistrature d'Emeraude venait pour lutter contre le trafic d'opium.

Shigeru s'étira de tout son long et baîlla. Son bon ami du jour se décidait enfin à parler. Bon père de famille, il ne voulait pas d'ennuis mais détestait depuis longtemps ceux de la rue du Wasabi. Ces marchands qui avaient été au service de Kuni Isao étaient maintenant pour la plupart au service de Soshi Seiryuko.
- Si Crabe-sama n'a plus rien à me dire, je vais retourner à mon échoppe.
- C'est ça, mon vieux et bien le bonjour à la petite famille !
Shigeru avait ce qu'il voulait : la liste des anciens marchands parrainés par Kuni Isao. Il lui était pénible d'enquêter ainsi sur un ancien membre de son clan, mais c'était tout de même un suicidé !
Quelques jours auparavant, Kakita Hiruya avait fait amener aux palais les anciens marchands que patronnaient le sinistre Matsu Bashô. On en attendait quatre, selon les registres officiels, mais un seul avait été amené : les autres étaient morts. Le pauvre marchand avait craché ce qu'il savait du commerce de "plantes médicinales" dont Bashô-sama l'avait chargé. Il disait que les bateaux partaient vers le sud, peut-être bien jusqu'aux terres du clan du Crabe. Le clan de la Muraille consommait en effet beaucoup de plantes pour calmer les douleurs. Et le marchand avait donné une autre adresse, plus proche : Shutai.
Shutai, le trou à misère gouverné par l'ancien général Bayushi Tomaru, témoin du procès Ozaki. Pris sous le chantage de la secte du Condor par l'intermédiaire de Matsu Bashô, après un désastre militaire face à l'alliance des Guêpes, des Moineaux et des Renards.
Kakita Hiruya fit envoyer par le fleuve une missive à Shutaï, pour demander à Tomaru les détails de ses accords avec Bashô. Il faudrait au moins une journée pour que la missive arrive et plus pour que la réponse remonte le fleuve.
Maintenant, il s'agissait des marchands d'un Crabe soupçonné de porter la Souillure ! Shigeru arriva dans la rue du Wasabi et réunit dans la rue les quatre anciens protégés de Kuni Isao. Les pauvres commerçants tremblaient comme des feuilles. Satisfait, Shigeru considéra cette belle compagnie, pendant que les habitants passaient l'oeil par le panneau de leur échoppe, terrifiés par ce Crabe qui tapotait son tetsubo contre sa main.
- Besoin d'aide, honorable Magistrat ?
Deux Gardes du Tonnerre passaient par là et s'inquiétaient de cette agitation.
- Non merci, ça ira, sourit Shigeru en continuant à toiser ses lascars. Allez, ouste, en avant ! On va aller visiter les quartiers nobles ! Quelle chance pas vrai ! En rang par deux et que je ne vois pas dépasser une tête !...
La petite troupe arriva au palais de la Magistrature, attendue par nos autres héros. Les marchands furent emmenés dans les sous-sols, où l'interrogateur eta, Pitoyable, mettait ses fers aux charbons. Il se nommait Pitoyable non parce qu'il l'était lui-même, pitoyable, mais parce qu'il passait pour avoir beaucoup de pitié pour ceux qu'il était chargé de supplicier. Qualité qui, selon certains, expliquait les succès qu'il obtenait lors de ses interrogatoires spéciaux. Il est vrai qu'il avait une expression de lassitude profonde sur le visage ; une moue de pitié vaguement dégoûtée de ce métier, fatiguée de haïr et souhaitant en finir au plus vite quand il s'agissait de manier la pince chauffée à blanc.
Nos magistrats étaient réunis pour recevoir les suspects. Ils leur annoncèrent sans détour la raison de leur présence.
- Vous êtes accusés de porter sur vous la Souillure de l'Outremonde, comme votre ancien patron, Kuni Isao.
Les marchands se mirent à trembler, effrayés de découvrir qu'ils étaient peut-être non des êtres normaux mais des monstres, rongés dans leur chair par un mal abominable ! Ils se représentaient confusément le démon des démons, le Dieu Déchu, prenant possession de leur âme pour la dévorer au festin du Puits Suppurant !

Ayame traçait patiemment à terre une glyphe circulaire, comme elle l'avait fait lors de la bataille du village thermal. Composé de signes entrelacés, mystiques, magiques, elle servait de protection contre les créatures souillées. Quiconque étant porteur de la marque de Fu-Leng, rien qu'un peu, y pénétrant était sur le champ victime des kami du feu.
- A vous de voir, dit la shugenja. Soit vous avouez la vérité, soit il faut en passer par Pitoyable. Ou encore, si vous vous estimez sincérement innocents, vous n'avez qu'à passer cette ordalie : si vous êtes purs, vous n'avez rien à craindre.
Pitoyable passa dans le cercle sans hésiter. Entre la certitude de se voir tordre les boyaux par l'eta et le risque d'une attaque des Fortunes, un des marchands, un peu plus téméraire, dit qu'il préferait cette dernière solution.
Les autres avaient déjà fait sous eux. A ce moment, un garde du palais vint murmurer à l'oreille de Hiruya qu'un émissaire de la famille Soshi demandait à lui parler d'urgence. Agacé, notre Grue ordonna qu'on le fasse attendre.
- Je t'en prie, vas-y, dit Pitoyable au marchand.
Celui-ci avançait dans la glyphe. Il ne se passa rien. Malgré son courage, la peur prit le dessus et il ressortit en poussant un cri. Mais rien ne s'était produit.
- Très bien, dit Ayame.
Pitoyable lui dit d'aller s'asseoir à l'autre bout de la pièce. Il était repassé du bon côté de la barrière. Maintenant, aux autres d'y passer !
Le garde revint murmurer à Hiruya que l'émissaire Soshi s'impatientait. Hiruya, énervé, remonta et alla rencontrer l'envoyé, en montrant bien à l'importun qu'on ne dérangeait pas un Magistrat d'Emeraude ainsi !
Le Scorpion prit son ton le plus doucereux, le plus mielleux, s'inclina très bas et dit :
- Ma maîtresse, Soshi Seiryoku, proteste vivement pour cette arrestation. Elle n'en a pas été prévenue et voudrait savoir sur quel chef d'accusation elle se fonde.
Hiruya sentit qu'il devait répondre, par diplomatie. Il ne savait comment s'y prendre, car il savait qu'il avait agi sans précaution. C'est alors qu'on entendit, monté du sous-sol, le souffle brusque d'un bûcher qui s'embrase et un cri de douleur extrême retentir. Le second volontaire avait préjugé de sa pureté...
Paralysé l'émissaire attendait une réponse :
- Tu diras à ta maîtresse, sourit Hiruya, qu'elle peut s'attendre à recevoir bientôt la magistrature d'Emeraude chez elle....
L'émissaire, pris de panique, repartit sans demander son reste.
A suivre...
Tôt le matin, Shigeru venait s'asseoir sur le port et contemplait la Baie de l'Honneur Noyé.
Les bateaux navigant sur le fleuve de nuit étaient taxés jusqu'à cinq fois plus cher que ceux voyageant de jour, si bien que ceux qu'on voyait arriver à l'aube dans Ryoko Owari Toshi étaient des bâtiments affretés par les clans les plus riches, celui de la Grue surtout, tandis que les bateaux descendant les voiles dans le port après l'heure de Doji avaient fait escale dans une cité proche la veille au soir.
Shigeru avait pris l'habitude de s'asseoir sur les marches des quais rongés par l'humidité. C'était sa place. Le premier jour, il effrayait les marchands et les manouvriers qui s'affairaient près des navires : qui était donc ce Crabe qui venait se planter au beau milieu du trajet habituel des marchandises et des provisions ?
Le second jour, on le regardait encore du coin de l'oeil, pour s'assurer qu'il ne mordait pas.
Le troisième, il faisait déjà partie du paysage, tant le peuple prend vite ses habitudes et a tendance à tout contempler comme si les choses étaient éternelles. C'est tout juste si ce n'était pas une tradition ancestrale qu'un Crabe vienne s'asseoir là. D'un petit geste de main et d'un sourire, il disait aux porteurs chargés de ballots que ce n'était pas la peine de s'incliner devant lui, tant ils étaient déjà chargés comme des mules.
Shigeru aimait écouter les pêcheurs parler de leurs prises du jour, comparer le prix des marchandises, se disputer en s'envoyant leurs morues à la tête... Il avait un budget illimité pour offrir du saké aux gens du quartier. Du reste, les prix n'étaient pas élevés dans le coin.
Avant d'avoir à se renseigner sur la rue du Wasabi, Shigeru avait été chargé par Hiruya de se renseigner sur les bandes de pillards signalées dans la région.
Très à l'aise dans ce milieu, Shigeru, du haut de son mètre quatre-vingt et de ses quarante ans, entra vite en contact avec des rônins, qui louaient leur service aux yakuzas, qui eux-mêmes respectaient beaucoup "le puissant seigneur Crabe". Les yaks sentaient en Shigeru une force brute bien contrôlée, une sorte d'idéal impossible à atteindre, pour eux destinés à jouer les petits caïds et à s'élever dans leur hiérarchie calquée sur celle des samuraï.
Shigeru les regardait avec une certaine condescendance, ces soldats de guerriers qui souffraient le martyr pour se faire tatouer d'immenses dessins dans le dos. Il les aimait bien au fond. Ils auraient peut-être fait de bons ptits gars sur la muraille.
- Alors, dis-moi, tu n'as pas entendu parler de ces gens qui auraient établi un campement, à une journée d'ici, près des bois ?
Shigeru resservait généreusement un samuraï sans clan, déjà eméché, le visage défiguré par plusieurs cicatrices.
- Tu vois, je ne te demande même pas si tu te serais un jour acoquiné avec eux. Non, je veux juste savoir si tu sais où ils se trouvent.
Avant de piquer du nez, le rônin balbutia quelques informations bonnes à prendre. Après avoir traité trois autres rônins à ce régime là, Shigeru avait ce qu'il voulait.
Le soir-même, il rendait compte de son enquête.
- Excellent, dit Hiruya, qui voyait que Miya Katsu était satisfait. Demain, nous monterons une expédition pour les déloger par surprise. Que la Cité sache que la Magistrature d'Emeraude prend les choses en main !

Et à l'heure de Lune, le lendemain, nos héros s'équipaient pour le combat et virent arriver devant leur palais Shosuro Jocho, en armure lourde, avec quatre de ses gardes. Ils venaient participer à l'expédition. Hiruya les accueillit avec plaisir.
C'est ainsi que ce jour-là, un camp de bandit eut la vilaine surprise de voir arriver des samuraï aux couleurs du Scorpion et de la Magistrature d'Emeraude.
Lançant leurs poneys au galop, Jocho et ses hommes frappèrent par l'avant, pendant que Shigeru et Ikky prenaient l'ennemi à revers ; Hiruya et Ryu attaquaient par les côtés et Ayame, assise à l'ombre d'un chêne, observait le spectacle d'un oeil distrait, le nez dans un parchemin en grignotant une pomme. Elle essayait de se concentrer, en dépit du bruit alentours. Comem si elle était encore en bibliothèque, elle avait envie de leur dire d'hurler moins fort en mourant ! Ikky l'avait dérangée au prétexte que ça lui ferait du bien de prendre l'air, alors elle n'avait pas l'intention de rester sans rien faire, fût-elle en pleine cambrousse !
Au bout de quelques minutes de douleurs, fracas, charges et casses, Ayame vit revenir Ikky, essoufflée et contente.
- Ca y est, vous avez fini ?
Du camp des bandits ne restaient que des ruines et des cadavres. La Garde du Tonnerre était rentrée au galop et avait empalé deux bandits au bout de ses naginatas. Ikky et Shigeru coupaient la retraite aux malheureux apeurés, tandis que Ryu et Hiruya découpaient chacun trois de ces malandrins. Notre Grue reçut une blessure légère. Juste de quoi pavoiser à son retour et en rajouter sur le nombre des opposants.
Jocho avait organisé un triomphe spontané pour les vainqueurs, avec liesse populaire pour les nobles protecteurs de l'Ordre Céleste.
Tout à fait ce qui plaisait à Hiruya : le bon peuple heureux, à fêter les samuraï nobles courageux vertueux beaux glorieux et honorables. Décidément, il y avait moyen de s'entendre avec ce Jocho !


Les jours suivants, Kakita Hiruya visita les moines du temple de Daikoku. L'abbé Okawa était un brave vieil homme, dont on avait bien besoin à Rokugan, en ces périodes troublées. Seulement, lorsque Hiruya, informé par Doji Sukemara, aborda le sujet des marchands souillés, que le temple aurait accueillis, le vieil Abbé fut de suite bien moins souriant et admit à demi-mots qu'il en savait plus qu'il ne voulait dire. Hiruya sentit que c'était un homme honorable et il ne voulut pas l'accabler.
En revanche, quand l'un des moines, Jirohei, s'approcha de Hiruya pour lui dire qu'il en savait plus, notre Grue fut bien plus intéressé et sut qu'il pouvait en tirer plus sans remords.
Jirohei devait approcher la cinquantaine, comme Okawa, mais n'avait pas du tout l'air sage ou illuminé. Il affichait un esprit pratique, terre à terre : bien sûr, il y mit les formes, disant qu'il souhaitait offrir à Hiruya ces plantes, cultivées par les moines qui chassaient les mauvais esprits. Toutefois, il baissa d'un ton, pendant que l'abbé avait le dos tourné, et c'est lui qui indiqua l'adresse de la rue du Wasabi à notre Magistrat.
Information transmise le soir à Shigeru, content de pouvoir rester chez les pêcheurs.

La journée du lendemain de l'expédition chez les bandits fut marquée par des affrontements entre deux gangs rivaux de yakuzas, qui se battaient pour des partages de territoires. Shigeru n'assista pas aux affrontements, mais quand il revint le lendemain, il toisa d'un air sévère les quelques-uns qu'il connaissait, bien amochés par les échanges de coups de couteaux la veille. Il les regardait comme des garnements qui n'avaient pas su régler leurs rivalités sans en venir aux coups.
Son enquête reprenait déjà, alors que la Garde du Tonnerre patrouillait les rues pour assurer le calme. Des descentes de marchands avaient abouti à des incendies de pontons et les pêcheurs avaient pris leurs revanches en enflammant des convois dans les rues étroites du quartier d'en face : les pauvres poneys qui tiraient les attelages étaient devenus fous et certains s'étaient jetés dans la Baie, entraînant avec eux leur chargement et plusieurs marchands. On pleurait et on se desespérait et on les secourait, tandis que, sur l'autre rive ou depuis leur bateau, les pêcheurs rigolaient tant qu'ils pouvaient ; et tout le monde rentra chez lui ventre à terre, quand la milice de Jocho déboula dans les rues en tenue de guerre !
- La ville était agitée aujourd'hui, mais cela arrive quand il y a du nouveau, disait Kimi, en allumant la pipe d'Ayame. C'est presque un rituel, quand une nouvelle magistrature est nommée. Maintenant, ils vont être calmes... Mon frère y veillera de près.
- Hiruya l'apprécie, dit Ayame, en aspirant la fumée, mais il le tient à l'oeil.
- Tel que je connais Jocho, il voit déjà en Hiruya son rival potentiel.
- Tel que je connais Hiruya, ce sentiment est réciproque.
La Fleur Envoûtante était presque vide ce soir. Ayame avait encore eu droit dans la journée à la visite de Iuchi Sadako, la pipelette experte en théories du complot : elle lui avait dit que les Scorpions n'étaient rien que des buveurs de sang. Ayame l'avait alors rappelé à l'Ordre : on n'insulte pas un clan majeur, descendant d'un kami !
A chaque fois que Sadako-san venait offrir à Ayame la primeur de ses nouvelles inventions, elle se faisait rappeler à l'ordre par un solide Licorne, sabre épais à la ceinture et voix de stentor ; Sadako-san s'enfuyait vite en promettant de revenir vite, obnubilée qu'elle était par ses idées fantasques.
- Vous a t-on dit que vous nous faisiez penser à Shonagon ?...
Ayame sourit. Le jour même, elle avait visité le vieil Asako Kinto, dans sa petite maison avec jardin du quartier noble ; le vieil homme, à la voix usée, courbée en deux par le poids de l'âge, lui avait appris que sa nièce, Shiba Shonagon, était morte quelques années plus tôt, tuée par l'opium. Elle était depuis plusieurs années une hôte régulière du Monde Flottant et avait flirté avec toutes la noblesse de la ville. De Kimi, Ayame apprit que cette Shonagon était soupçonnée d'être l'auteur d'un ouvrage appelé Mémoires d'une opiomane, où se trouvaient compilés nombre de ragots et d'informations compromettantes sur des personnages aux pseudonymes transparents. La publication, sous le manteau, de ce recueil, avait fait des vagues dans le milieu de la noblesse et fait rire le peuple, qui s'amusait à y retrouver les figures emblématiques de la Cité. Les moulins à paroles de la Cité y trouvaient des ressources inépuisables de ragots et de rumeurs.
Jocho avait eu la même idée, la première fois qu'il avait vu Ayame : elle ressemblait tant à Shonagon... Et selon cette médisante d'Iuchi Sadako, Shonagon avait fini dans le lit de Jocho.

Ayame ne s'intéressait sincérement pas à ce genre de ragots. Elle avait sur l'île de la Larme non pas pour parler chiffons, mais pour l'opium. Et Sadako ne l'intéresserait que le jour où elle aurait des secrets dignes de ce nom à lui révéler !
Notre shugenja continuait à farfouiller dans les bibliothèques. Par Asako Kinto, elle avait appris nombres de choses intéressantes : un conflit interne aux familles du Scorpion avait provoqué ce qu'on appelait officieusement la guerre de l'opium. C'était quatre ans auparavant.
Et comme Ayame l'avait appris, il ne fallait pas croire aux coïncidences... La même année, à quelques mois près, Shiba Shonagon mourait d'un excès de prise d'opium sous forme liquide (dilué dans l'alcool) ; le magistrat Naritoki était assassiné et avant cela, le fils du chef des Licornes, Ide Baranato, était retrouvé mort chez lui ! Ayame ignorait cette affaire. Et selon le vieil Asako Kinto, la mort du fils Licorne n'était pas pour rien dans le déclenchement de la guerre des cartels. Les Licornes n'étaient peut-être pas si innocents qu'on le croirait dans cette affaire. On avait soupçonné Ide Baranato d'envenimer le conflit entre Scorpions, pour venger son fils.
Après plusieurs mois de conflits larvés, la famille Soshi avait été saignée à blanc et perdait son pouvoir au profit des Shosuro. Et les Bayushi assuraient leur base, grâce à l'intelligence politique de Bayushi Korechika, leur maître.
Oui, décidément, ces morts puaient l'opium. Les Licornes trempaient-ils aussi dans ce commerce ? Jusqu'où Ide Baranato était-il allé pour venger son fils ? Quels moyens auraient-il eu pour s'attaquer aux Scorpions ?
Quand Ayame retourna le voir, l'affable vieil homme, qui n'avait pas émis de protestations si vives pour l'absence des autres Magistrats le premier soir, se raidit vivement : on sentait qu'il ne pouvait cacher sa haine pour les Scorpions. Ayame-san lui promit que la Magistrature d'Emeraude venait pour lutter contre le trafic d'opium.

Shigeru s'étira de tout son long et baîlla. Son bon ami du jour se décidait enfin à parler. Bon père de famille, il ne voulait pas d'ennuis mais détestait depuis longtemps ceux de la rue du Wasabi. Ces marchands qui avaient été au service de Kuni Isao étaient maintenant pour la plupart au service de Soshi Seiryuko.
- Si Crabe-sama n'a plus rien à me dire, je vais retourner à mon échoppe.
- C'est ça, mon vieux et bien le bonjour à la petite famille !
Shigeru avait ce qu'il voulait : la liste des anciens marchands parrainés par Kuni Isao. Il lui était pénible d'enquêter ainsi sur un ancien membre de son clan, mais c'était tout de même un suicidé !
Quelques jours auparavant, Kakita Hiruya avait fait amener aux palais les anciens marchands que patronnaient le sinistre Matsu Bashô. On en attendait quatre, selon les registres officiels, mais un seul avait été amené : les autres étaient morts. Le pauvre marchand avait craché ce qu'il savait du commerce de "plantes médicinales" dont Bashô-sama l'avait chargé. Il disait que les bateaux partaient vers le sud, peut-être bien jusqu'aux terres du clan du Crabe. Le clan de la Muraille consommait en effet beaucoup de plantes pour calmer les douleurs. Et le marchand avait donné une autre adresse, plus proche : Shutai.
Shutai, le trou à misère gouverné par l'ancien général Bayushi Tomaru, témoin du procès Ozaki. Pris sous le chantage de la secte du Condor par l'intermédiaire de Matsu Bashô, après un désastre militaire face à l'alliance des Guêpes, des Moineaux et des Renards.
Kakita Hiruya fit envoyer par le fleuve une missive à Shutaï, pour demander à Tomaru les détails de ses accords avec Bashô. Il faudrait au moins une journée pour que la missive arrive et plus pour que la réponse remonte le fleuve.
Maintenant, il s'agissait des marchands d'un Crabe soupçonné de porter la Souillure ! Shigeru arriva dans la rue du Wasabi et réunit dans la rue les quatre anciens protégés de Kuni Isao. Les pauvres commerçants tremblaient comme des feuilles. Satisfait, Shigeru considéra cette belle compagnie, pendant que les habitants passaient l'oeil par le panneau de leur échoppe, terrifiés par ce Crabe qui tapotait son tetsubo contre sa main.
- Besoin d'aide, honorable Magistrat ?
Deux Gardes du Tonnerre passaient par là et s'inquiétaient de cette agitation.
- Non merci, ça ira, sourit Shigeru en continuant à toiser ses lascars. Allez, ouste, en avant ! On va aller visiter les quartiers nobles ! Quelle chance pas vrai ! En rang par deux et que je ne vois pas dépasser une tête !...
La petite troupe arriva au palais de la Magistrature, attendue par nos autres héros. Les marchands furent emmenés dans les sous-sols, où l'interrogateur eta, Pitoyable, mettait ses fers aux charbons. Il se nommait Pitoyable non parce qu'il l'était lui-même, pitoyable, mais parce qu'il passait pour avoir beaucoup de pitié pour ceux qu'il était chargé de supplicier. Qualité qui, selon certains, expliquait les succès qu'il obtenait lors de ses interrogatoires spéciaux. Il est vrai qu'il avait une expression de lassitude profonde sur le visage ; une moue de pitié vaguement dégoûtée de ce métier, fatiguée de haïr et souhaitant en finir au plus vite quand il s'agissait de manier la pince chauffée à blanc.
Nos magistrats étaient réunis pour recevoir les suspects. Ils leur annoncèrent sans détour la raison de leur présence.
- Vous êtes accusés de porter sur vous la Souillure de l'Outremonde, comme votre ancien patron, Kuni Isao.
Les marchands se mirent à trembler, effrayés de découvrir qu'ils étaient peut-être non des êtres normaux mais des monstres, rongés dans leur chair par un mal abominable ! Ils se représentaient confusément le démon des démons, le Dieu Déchu, prenant possession de leur âme pour la dévorer au festin du Puits Suppurant !


Ayame traçait patiemment à terre une glyphe circulaire, comme elle l'avait fait lors de la bataille du village thermal. Composé de signes entrelacés, mystiques, magiques, elle servait de protection contre les créatures souillées. Quiconque étant porteur de la marque de Fu-Leng, rien qu'un peu, y pénétrant était sur le champ victime des kami du feu.
- A vous de voir, dit la shugenja. Soit vous avouez la vérité, soit il faut en passer par Pitoyable. Ou encore, si vous vous estimez sincérement innocents, vous n'avez qu'à passer cette ordalie : si vous êtes purs, vous n'avez rien à craindre.
Pitoyable passa dans le cercle sans hésiter. Entre la certitude de se voir tordre les boyaux par l'eta et le risque d'une attaque des Fortunes, un des marchands, un peu plus téméraire, dit qu'il préferait cette dernière solution.
Les autres avaient déjà fait sous eux. A ce moment, un garde du palais vint murmurer à l'oreille de Hiruya qu'un émissaire de la famille Soshi demandait à lui parler d'urgence. Agacé, notre Grue ordonna qu'on le fasse attendre.
- Je t'en prie, vas-y, dit Pitoyable au marchand.
Celui-ci avançait dans la glyphe. Il ne se passa rien. Malgré son courage, la peur prit le dessus et il ressortit en poussant un cri. Mais rien ne s'était produit.
- Très bien, dit Ayame.
Pitoyable lui dit d'aller s'asseoir à l'autre bout de la pièce. Il était repassé du bon côté de la barrière. Maintenant, aux autres d'y passer !
Le garde revint murmurer à Hiruya que l'émissaire Soshi s'impatientait. Hiruya, énervé, remonta et alla rencontrer l'envoyé, en montrant bien à l'importun qu'on ne dérangeait pas un Magistrat d'Emeraude ainsi !
Le Scorpion prit son ton le plus doucereux, le plus mielleux, s'inclina très bas et dit :
- Ma maîtresse, Soshi Seiryoku, proteste vivement pour cette arrestation. Elle n'en a pas été prévenue et voudrait savoir sur quel chef d'accusation elle se fonde.
Hiruya sentit qu'il devait répondre, par diplomatie. Il ne savait comment s'y prendre, car il savait qu'il avait agi sans précaution. C'est alors qu'on entendit, monté du sous-sol, le souffle brusque d'un bûcher qui s'embrase et un cri de douleur extrême retentir. Le second volontaire avait préjugé de sa pureté...
Paralysé l'émissaire attendait une réponse :
- Tu diras à ta maîtresse, sourit Hiruya, qu'elle peut s'attendre à recevoir bientôt la magistrature d'Emeraude chez elle....
L'émissaire, pris de panique, repartit sans demander son reste.
A suivre...
