16-05-2006, 12:25 PM
(This post was last modified: 04-11-2006, 12:48 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
<span style="color:green">La 5e Réincarnation : 18e Episode</span><!--/sizec-->
Coq 1127
Les dix jours d'Osano-Wo<!--/sizec-->
<span style="color:green">La 5e Réincarnation : 18e Episode</span><!--/sizec-->
Coq 1127
Les dix jours d'Osano-Wo<!--/sizec-->
Quote:Paysan (dont le village vient d'être sauvé des bandits) : Dragon-sama, ce sont les Kami qui vous envoient !
Ryu : Tout à fait...

1er jour<!--/sizec-->
L'eau de la baie de l'Honneur Noyée était montée à nouveau inondant plusieurs pontons du quartier des pêcheurs. Les samuraï ne sortaient pas sans un serviteur ou deux pour tenir des ombrelles au-dessus d'eux et sentaient le vent froissait leur kimono et, pour les femmes, menacer leurs coiffures délicates.
- C'est pas un temps à mettre marchand dehors, ça...
Le patron du Sanglier qui Rit regardait le ciel cendré avec inquiétude.
- Ca va pas être bon pour les récoltes, ça. Et ces voleurs vont encore monter le prix du blé ! Heureusement que la pêche a été bonne cette année et que nous ne manquerons pas de poisson pour l'hiver. Encore un petit verre, Crabe-sama ?
- C'est pas de refus, dit Shigeru.
Notre enquêteur de terrain n'était pas mécontent de lui. Il avait rondement mené l'affaire de la veuve Mayo et Hiruya-sama était content. A part qu'on n'avait pas pu remonter jusqu'au membre du Condor lui-même, mais notre Crabe était sûr que ça viendrait en son temps.
Rue de la Moutarde, on reconstruisait l'échoppe détruite. Et sur les ruines de la maison de Kuni Isao, la shugenja et magistrat Yogo Osako était venue dire une prière et avait ordonné que pendant un temps, on ne construise rien, sinon un petit autel en l'honneur de Daikoku, Fortune tutélaire de la ville. L'abbé Okawa avait donné son accord.
- Quand même, heureusement que c'était criminel cet incendie...
Shigeru regarda de travers le patron en maugréant.
- Pourquoi tu dis, ça ?
- Enfin, je veux dire, Crabe-sama, que ce ne sont pas les Fortunes qui nous ont evoyé ça...
- Ouais...
Shigeru se gratta les joues et ajouta :
- Tu réfléchis trop. Ressers-moi plutôt une coupe.
Notre Crabe la vida d'un trait et se leva.
- C'est pas tout ça, mais j'ai une enquête à poursuivre ailleurs, par Osano-Wo !
Et Shigeru traversa le quartier et entra dans une autre maison de sake, rue des Bûcherons, où on servait un petit soshu bien propre à vous réchauffer par ce vilain temps humide.

Pendant que Shigeru approfondissait sa connaissance de la ville, Mirumoto Ryu était convoquée chez Miya Katsu. Le vieux magistrat se remettait de son empoisonnement. Isawa Ayame lui avait administré quelques soins, malgré l'insistance de Iuchi Sadako pour revenir procurer des soins. Mais il n'était pas convenable de trop en demander aux Licornes.
- Asseyez-vous, Ryu-san.
Katsu-sama toussota et but une décoction amère, dont la recette venait du senseï Kitsuki Jotomon qui, elle-même, la tenait de sa grand-mère. Elle assurait que ses vertus curatives étaient indiscutables. Du reste, la boisson était bien assez amère pour ce qu'elle devait être bénéfique !
- J'ai une mission à vous confier, Ryu-san.
- Je suis à votre service, Katsu-sama, dit notre enquêtrice en s'inclinant.
Le magistrat lui tendit un rouleau scellé au signe de la Magistrature.
- Vous allez vous rendre à Shiro Usagi, le château du clan du Lièvre, ou plutôt sur ses ruines. Vous porterez ce message à Ozaki et vous lui remettrez en mains propres.
- Bien, honorable magistrat.
- Shigeru-san m'a appris que des Lièvres résident en ville, dans le quartier du Puits Suppurant. Il les a rencontrés pas plus tard qu'hier. Si nécessaire, vous vous ferez guider par eux. Shiro Usagi est à moins d'une journée d'ici. Vous pouvez y être en fin de journée.
Ryu s'inclina, prit le parchemin et partit à dos de poney, accompagnée deux soldats du palais d'Emeraude.
En rase campagne, alors que le soleil baissait déjà, elle aperçut au loin une imposante armée, qui devait compter plusieurs milliers d'hommes et soulevaient des nuages de poussière. Notre magistrate assistante n'avait pas été informée du passage d'une telle puissance armée dans la région.
Elle fut encore plus étonnée de découvrir que ce n'était pas une troupe du clan du Scorpion, mais du Dragon ! Oui, son propre clan était en manoeuvre dans la région !
Ils étaient loin et Ryu ne pouvait se dérouter pour les rejoindre, mais elle ordonna à l'un de ses deux soldats de retourner à Ryoko Owari informer Hiruya-sama de la présence de cette armée.
Et elle continua son chemin avec le second soldat.
Comme prévu, Ryu-san arriva au crépuscule sur les ruines de Shiro Usagi, déjà visitées quelques mois plus tôt, lors du début de l'enquête sur Ozaki. Bizarrement, rien n'avait changé ici. Ou si peu. Pas de Lièvres en vue, ni même de rônin. Il régnait sur les lieux un étrange silence. La fouille des lieux ne donna rien.
Au village, guère plus de résultats. Les paysans n'étaient pas bien causants. Il fallait vraiment leur tirer les vers du nez. Ryu finit par entendre de la bouche du soldat, qui avait su mieux parler au peuple, que les Lièvres, qui avaient entrepris de réparer leur château, puisque Yasuki Taka-sama avait promis que bientôt, leur nom de famille leur serait rendu, avaient été chassés de là par une importante force armée !
Etait-ce les Dragons ? Mais Ryu n'aurait pas compris pourquoi.
Non selon les paysans, c'était des samuraï du Crabe ! Ils étaient venus en nombre, avec l'intention de fracasser le clan et de mettre à bas les charpentes !
Trop peu nombreux, les Lièvres avaient essayé de se défendre puis s'étaient enfuis. Les paysans pensaient qu'Ozaki avait mené ses hommes en bordure de Shinomen Mori, la plus grande forêt de Rokugan, à quelques heures de là.
Inquiète que des Crabes aient pu arriver si haut dans Rokugan, incapable de comprendre pourquoi ils s'en étaient pris au clan du Lièvre, Ryu-san ordonna au second soldat de repartir à son tour à Ryoko Owari, délivrer cette information.
Les deux messagers seraient de retour le lendemain normalement.
Quant à Ryu-san, elle continua seule son chemin, vers un petit village en bordure de Shinomen, où elle passa la nuit.

Ce même jour, Kakita Hiruya et Isawa Ayame inspectèrent la pièce où avait été peinte l'infâme marque du Condor. La shugenja inspecta la marque, mais il s'agissait de peinture ordinaire, sans rituel magique ni sang d'oni ou autre vilénie de ce genre. On ordonna donc aux etas de la faire effacer et l'accès à la pièce fut de nouveau permis.
La journée fut sage et vertueuse : Ayame mettait de l'ordre dans ses parchemins, accomplissait des rituels aux Fortunes, pendant que Hiruya-sama lisait, avec une piété qu'on ne lui connaissait guère, le Tao de Shinsei. Mais Ayame comprit mieux la raison de cet intérêt soudain et inédit : on disait que les bushi ne pouvaient devenir des maîtres du sabre sans connaître parfaitement le Tao ! :baton:Ça expliquait mieux les choses.:ahah:
Ayame avait retenu surtout une phrase du Tao : "quand les ténèbres descendent, il faut savoir trouver des alliés dans les ombres." Le bon vieux Shinsei avait vraiment des bonnes paroles pour n'importe qui, même ceux qui mettent leur honneur en danger pour servir l'Empire ! Elle appréciait aussi cette formule : "Un coeur sombre cache nombre de secrets. Le coeur le plus sombre cache le pire secret qui soit." (cf. WoShinsei p48:P). Evidemment, Ayame n'avait rien contre de jolies phrases telles que : "Etudie ce que le pin et la fleur de cerisier peuvent t'apprendre. L'homme n'est pas le seul gardien de l'illumination", mais il fallait bien dire que c'est pas en attendant des conseils d'un sapin qu'on allait découvrir les secrets du Gozoku ou du Condor, hein...:baton:
Le soir, un serviteur vint éveiller le sage Hiruya-sama, qui s'était endormi comme un enfant sur les conseils de sagesse.

L'île de la larme, dans le crépuscule, semblait flotter au milieu d'une eau ensanglantée, et exsuder de vapeurs démoniaques, au moment où les lanternes s'allumaient. La Maison des Histoires Etrangères retentissaient déjà des rires Licornes. En entrant, nos samuraï y reconnurent Ide Baranato, ainsi que le Licorne costaud qui, à plusieurs reprises, avait réprimander Iuchi Sadako quand elle venait répandre ses ragots dans les oreilles d'Ayame. Il y avait encore quelques bushis, de tous âges, qui prenaient du bon temps. Le clan de Shinjo était de sortie, entre hommes. Ça rigolait, ça se vantait, ça buvait du sake de l'ouest. Une telle joie de vivre, franche et assumée, n'était pas chose courante et passait facilement pour un bonheur de grands enfants irresponsables.
Magda, la grande gaijin blonde, accueillit Hiruya, Ayame et Ikky :
- Je suis moultement contente de revoir vous, Hiruya ainsi que accueillir jolies choux-gaine-jas et puissante garde de corps !
Hiruya, pas insensible au charme de l'étrangère, souriait de ses fautes, mais pour des puristes Phénix, qui trouvaient bizarre que puisse exister une grande asperge aux cheveux jaunes commme Magda, ces fautes passaient plus mal. Heureusement, Ayame avait appris à être tolérante mais ce n'est pas Shiba Rosanjin, Akitoki-sama ou cette peste de Kogin qui aurait laissé passer un tel accent.
- Dis-moi, Magda, j'ai tellement apprécié tes légendes de l'autre soir que je suis revenu avec ces deux femmes, qui veulent en entendre elles aussi.
- Avec moult grand plaisir !
Ayame se demandait ce qu'elle pourrait bien tirer des récits gaijins, mais elle avait appris à ne pas négliger de pistes. Elle fit semblant d'apprécier la mélodie et l'entrain, mais en réalité, elle écoutait soigneusement les paroles, car Magda, à la demande de Hiruya, chantait la légende de la Novice !
- Il était une fois, voici des années et des années, si loin dans le passé que même les grands-parents de nos grands-parents n'auraient pu avoir de grands-parents qui s'en souvinssent, vivait une belle et intelligente femme, qui se faisait appeler la Novice, car elle révérait profondément les Fortunes, le Soleil et la Lune et voulait atteindre l'Illumination car elle pensait découvrir le secret du détachement par rapport aux choses de ce monde. Elle révérait Dame Soleil chaque jour et la voyait se lever avec joie, chaque matin et dix ans durant n'en eut satiété. Elle vivait dans une montagne et un jour quitta cette montagne et le pays de cette montagne, pour enseigner aux hommes la voie de la Sagesse, car elle révérait Shinsei et les Ancêtres. Elle voyagea et offrit ses paroles en abondance, à qui le lui demandait. Elle se fit connaître sur les terres du clan de la Ki-rin, pendant que les fils de dame Shinjo exploraient le désert des Sables Brûlants.
Les récits entremêlaient divers épisodes au cours desquels la Novice, après les terres de la Ki-rin, chantaient dans les châteaux des nobles seigneurs, de la Grue et du Phénix (nul doute que Magda pouvait adapter en fonction du public) et tâchaient de trouver la voie du juste milieu, qui menait au Nirvâna.
Ayame n'entendait rien de bien intéressant et se retint de baîller. Ces légendes étaient certes bien distrayantes mais elle avait passé l'âge de ces choses-là. Elle pouvait comprendre que les homme se laissent charmer par cette belle voix, mais elle sentait qu'elle perdait son temps.
Mais notre shugenja changea d'avis en entendant ce passage :
- ... et la belle Novice, qui chaque jour remerciait les Ancêtres de la guider et de lui montrer la voie de la compassion et un jour, elle reçut une grâce inouïe, d'être invitée à la cour de l'Empereur, à une époque où il avait trois nobles et grands conseillers, du clan du Phénix, de la Grue et du Scorpion..."
Ça ne pouvait être que l'époque du Gozoku ! Sinon, pourquoi préciser et ne pas s'en tenir à dire qu'elle fut invitée à la cour de l'Empereur !
Ainsi, depuis des mois, Ayame essayait de faire le lien entre la Novice et le Gozoku et c'était Magda qui lui donnait la solution ! Pour le coup, notre shugenja aurait pu lui sauter au coup !
L'information n'avait pas échappé non plus à Hiruya, qui sourit à ce moment du récit.

Nos samuraï saluèrent Magda et la remercièrent pour ce début de soirée. Hiruya se dirigea vers la Maison de l'Etoile du Matin, où il avait rendez-vous avec une jolie dame de compagnie, pour laquelle il allait plier de délicates origami.
Ayame et Ikky, qui avaient pris aussi leurs habitudes, retournèrent à leur maison habituelle, surtout fréquentée par des femmes. Au fond de la salle, dans une petite pièce à part, rouge sombre, derrière une alcôve, elles aperçurent le gouverneur Hyobu en grande discussion avec des femmes de son clan et de celui de la Licorne. C'était un groupe de personnes d'un certain âge, qui ponctuaient leurs paroles de toasts au soshu. De solides femmes, à la tête de leurs familles, aussi robustes et solides que des hommes, qui ne craignaient pas les alcools forts.
Le Gouverneur jeta un regard vers Ayame et Ikky puis continua sa conversation. Ikky se joignit à un groupe de jeunes samuraï-ko de la famille Iuchi, parmi lesquelles Sadako, qui accueillirent la grande magistrate aux yeux verts, pendant qu'Ayame rejoignait déjà Kimi, et d'autres, dans la salle du fond.
L'hôte d'Ayame fumait une pipe de tabac avec des amies, mais elle s'éloigna du groupe pour parler avec la shugenja.
- Je voulais relire brièvement un passage de ce journal d'une opiomane, dit Ayame...
Elle feuilleta les pages rapidement. Le passage en question lui apprit que Bashô avait été éconduit par Shonagon. Et notre héroïne avait appris que Jocho avait, lui, réussi à mettre Shonagon dans son lit. Du coup, notre shugenja, qui venait parler de choses sérieuses, sentit glisser la conversation vers les chiffons et ragots du moment, pratique dans laquelle Kimi semblait exceller.
Après quelques bouffées d'opium, les deux femmes riaient comme des gamines ; Kimi demandait qui était marié parmi les gens de la magistrature.
- Je sais que Ryu-san a été mariée, mais son mari a été tué. De même pour Ikky-san. Shigeru a la chance d'être marié, et d'avoir quatre ou cinq enfants, dont un qui est déjà un homme.
- Et Hiruya ? fit Kimi avec force insinuations.
- Hélas, déclara Ayame comme si elle faisait un discours, je ne crois pas que le très très honorable Hiruya-sama soit marié !
- Ah mais nous savons que nombres de représentants du clan de la Grue sont plus attirés par leurs confrères d'armes ! Ils aiment passer du temps entre hommes et on dit qu'ils ont mêmes des geishas qui sont des travestis...
L'intéressé, qui buvait avec Shigeru, dut avoir les oreilles qui sifflent beaucoup ce jour-là, car Ayame et Kimi ne se privèrent pas de moquer le noble, esthéte et raffiné Hiruya-sama !

2ème jour<!--/sizec-->
Les gens du peuple appelaient cette heure celle du Lièvre, les samuraï appelaient cette heure celle du Soleil et pour nos héros c'était celle du Tetsubo : celui qu'ils avaient rituellement en travers du crâne ! Shigeru avait l'impression qu'une armée de l'Outremonde galopait dans sa tête !
Ce jour-là, les Magistrats d'Emeraude ne furent pas visibles avant une heure avancée de la mâtinée et même, à vrai dire, pas avant le début de l'après-midi. Le fond de l'air dans la cité était plus frais. On sentait qu'il fallait dire adieu pour de bon à l'été.
Sur les chemins, Ryu continuait son avancée, de village en village. Elle interrogeait les gens, chaque fois ahuris de voir arriver un Magistrat d'Emeraude, du clan du Dragon, dans leur hameau perdu où il ne s'était jamais, de mémoire d'ancien, rien passé.
Ryu frôlait les abords de la forêt Shinomen, où il semblait parfois que des créatures magiques et inquiétantes l'épiaient depuis les profondeurs de leur royaume végétal.
En fin de journée, notre Magistrate arriva en vue d'un village, où elle aurait à faire étape. Elle apprit que les Lièvres étaient traqués par les Crabes et descendaient vers le sud. Ce village-ci avait subi deux jours auparavant un pillage par une petite troupe du clan du Crabe, mais on avait pu emprunter des provisions au village d'à côté.
A la Cité des Mensonges, Ayame, après ses préparatifs matinaux, avait passé la journée dans la bibliothèque ; Ikky avait fini par exprimer le désir d'aller s'entraîner chez Kitsuki Jotomon. Sans relever les yeux de ses papiers, la shugenja avait donné sa permission et la yojimbo partit avec entrain rejoindre le dojo, contente de se battre enfin au lieu de passer la journée assise en tailleur entre des rayonnages poussiéreux !
Jotomon-senseï l'accueillit bien volontiers et Ikky ne se sentait plus de joie en échangeant des coups de bokken avec de jeunes coqs du clan du Scorpion qui voulaient en découdre !
Ayame découvrit des informations sur la marque du Condor : le magistrat d'Emeraude précédent, Matsu Shigeko, signalait la présence de la fameuse marque dans une boutique de la rue du Saphir. Le jour tombait déjà et pendant des heures, Ayame avait peu à peu desespéré de l'utilité de ses recherches. Mais enfin, la journée ne serait pas perdue !
Elle fit prévenir Hiruya-sama, qui lui dit de venir sur-le-champ avec lui pour cette inspection. La rue était dans le sud du quartier marchand, juste au nord des remparts qui cernaient le quartier noble. La boutique signalée était celle d'un joaillier, qui s'aplatit à terre devant l'arrivée de la Magistrature d'Emeraude et de sa garde !
- Nous voulons juste fouiller ta boutique, dit Hiruya. Allez, vous autres !
Les soldats du palais entrèrent et retournèrent la boutique, sous les yeux inquiets du marchand et de sa famille. On finit par découvrir une trappe, qui révéla une échelle menant à une petite cave.
- Tu ne connaissais pas l'existence de cette cache, marchand ?
- Non je vous jure seigneur !
Hiruya sentait que le marchand était sincére : on ne la lui faisait pas comme ça et le joaillier était vraiment dans tous ses états.
Ayame et Hiruya descendirent visiter les lieux, pendant que les gardes étaient chargés de faire sortir tout le monde de la boutique et d'évacuer les alentours.
La cache mesurait environ huit pas sur six. Nue, poussiéreuse, elle n'avait pas été visitée depuis longtemps. Au mur, Ayame vit des traces de peinture séchée. Sur un mur, la marque du Condor, très grande, mais presque disparue et sur le mur d'en face, une peinture stylisé d'un des portails portant les Cloches de la Mort. Le même dessin qu'Ayame avait déjà vu chez Toritaka Bonugi, dans la Vallée des Esprits. Asako Nakiro était-il venu ici ?
La pièce ne recélait rien d'autre. Nos héros interrogèrent le marchand : il tenait cette boutique depuis un peu plus de trois ans. Avant cela, l'endroit avait été inoccupé pendant près de sept mois, à compter de la mort du propriétaire précédent. Période qui couvrait peu ou prou les mois de la guerre de l'opium...
Nos magistrats repartirent de la rue du Saphir sans plus créer de soucis au marchand.
Le soir, Ayame repartit parmi ses parchemins mais ne trouva rien. Elle partit se coucher, frustrée de cette journée qui n'avait que fait semblant d'apporter de nouvelles pistes.

3ème jour<!--sizec--><!--/sizec-->
Après une bonne nuit au village, Ryu repartit à dos de poney, sur une petite route qui menait à un important sanctuaire de l'Empire, le Temple dédié à Osano-Wo, la Fortune du Tonnerre, patron des Bushis, dont le sang coule dans les veines des samuraï du Crabe et de la Mante.
Au sortir d'un charmant petit bois où chantait un ruisseau, elle arriva près d'un village au pied d'une colline, qu'une bande pillards attaquait !
Ni une ni deux, Ryu mit pied à terre et ordonna à cette canaille de partir sur le champ. Sûrs d'eux, avides déjà de forcer les charmes de cette magnifique samuraï, les bandits ricanèrent grassement, montrant toutes leurs dents et chicots, défiant la magistrate de s'attaquer à eux cinq.
Sans hésitation, Ryu tira ses deux sabres et avança vers eux.
Les deux gars les plus téméraires avancèrent sur elle, puis coururent, avec de grands sayas et une lance au manche cassée.
Ryu se mit en garde, arrêta le coup de lance avec son wakizashi, trancha la poitrine du porteur de sayas ; se baissa pour éviter le coup de lance, enfonça son wakizashi dans la poitrine de celui qu'elle avait déjà frappé, puis trancha le bras de l'autre, qui tomba en serrant encore la lance ; Ryu les acheva d'une belle cisaille de ses deux sabres. Deux flèches partirent, lancés par deux archers. Ryu se jeta sur le côté. Un troisième gredin lui sauta dessus, dont elle perça le ventre avant de le décapiter, puis elle courut sus aux deux archers. Ceux-ci laissèrent tomber les arcs pour attraper une arme, mais leurs têtes s'envolèrent à ce moment, pour aller s'écraser dans la boue humide.
Les cinq bandits étaient vaincus. Ryu essuya et rangea ses armes.
Stupéfaits, terrifiés, les gens du village mirent un moment avant de s'approcher.
Enfin, le chef se précipita aux pieds de Ryu :
- Seigneur ! ces pillards nous menaçaient et nous rançonnaient depuis des semaines ! Ce sont les kamis qui vous envoient !
- Tout à fait, répondit Ryu, un peu pressée, mais avec un grand naturel. Dites-moi, je recherche le clan du Lièvre...
On n'était pas là pour perdre son temps en vaines palabres !
Et c'est ainsi que la légende de Mirumoto Ryu gagna un chapitre, écrit en lettres d'or, légende qui passe par le temple de la vallée d'Inchu, par ce village et par bien d'autres endroits encore, où on a vu arriver cette samuraï sortie de nulle part, poser des questions et repartir aussitôt !
Les villageois confièrent à Ryu leur meilleur pisteur, débordant de reconnaissance devant cette véritable fille d'Osano-Wo qui avait foudroyé cinq bandits à la suite !
Grâce à ce guide, Ryu retrouva la piste des Lièvres, le long d'une rivière qui cernait la forêt Shinomen ; elle découvrit un campement abandonné récemment, puis renvoya le pisteur et continua seule son chemin vers le temple de la Fortune du Tonnerre.
A la Cité, le premier messager renvoyé par Ryu l'avant-veille se présentait au palais de la magistrature. Hiruya le reçut et fut ainsi informé de la présence de l'armée du Dragon dans la région. Surpris (encore qu'avec les Dragons, il fallait s'attendre à tout !

Ce jour-là, Ayame décida de changer ses habitudes et d'aller elle-même enquêter auprès du peuple, pour se renseigner sur la rue du Saphir !
Hélas, elle comprit bien vite que de telles recherches, dans lesquelles Shigeru ou Ryu (chacun à sa façon) excellaient -n''étaient pas pour elle ! Elle n'avait pas la manière avec les gens, qui donnaient de vagues informations, mélanges de on-dit, de racontards et d'inventions spontanées. On lui disait des choses pour lui faire plaisir, pour se débarrasser d'elle. On sentait bien que cette shugenja n'avait pas l'habitude de fréquenter les petites gens comme eux ! Là où Shigeru aurait fait copain-copain en offrant à boire, Ryu avec un mélange de séduction et de menace, Ayame apparaissait hautaine, distante : elle ne comprenait pas les codes de ce monde.
Boudeuse, notre shugenja rentra au palais, en se jurant désormais de ne plus sortir de sa bibliothèque ! Ikky en était gênée pour elle : pour une fois qu'elle sortait de ses paperasses !
Mais au palais, Hiruya venait d'en apprendre de belles ! Le second messager de Ryu était revenu et lui annonçait que les Lièvres avaient quitté leur château, après avoir été attaqué par les Crabes !
Notre magistrat était stupéfait. Miya Katsu était tout aussi stupéfait. Pourquoi donc les Crabes venaient-ils si haut pour attaquer un clan mineur ! Et surtout, leur présence dans la région était une menace gravissime !
On savait qu'ils menaient une guerre dans le sud et qu'ils avaient pris sous leur contrôle plusieurs terres, parmi les plus septentrionales, du clan de la Grue. On ignorait qu'ils avaient envoyé un détachement traverser les terres des clans de l'Alliance Tripartite !
Ce même jour, le Gouverneur la ville, Shosuro Hyobu avait fait déposer une requête au palais. Une fois par mois, elle était en droit d'exiger de la Magistrature d'Emeraude un rapport complet de leurs enquêtes en cours.
Miya Katsu tendit le papier à Hiruya et le chargea de rédiger le rapport. Il devait passer sous silence le nom du Condor, et se contenter de ramener l'affaire de la rue de la Moutarde et de la veuve Mayo à un groupe de petits tsukaï désormais hors d'état de nuire.
- Pour ma part, Hiruya-san, je vais partir au chateau de ma famille pour y rencontrer le Champion d'Emeraude. Il est grand temps de lui faire aussi un rapport sur notre Cité. Vous vous doutez combien il doit l'attendre ! Je resterai en contact avec vous par courrier.
Et c'est ainsi que Kakita Hiruya put prendre la place du chef et se considérer désormais comme le Magistrat en poste à Ryoko Owari !
Le soir, Ayame était encore et toujours en bibliothèque. Elle retrouvait l'atmosphère, les bruits, les ténèbres, l'inquiétude de l'hiver dernier, quand elle fouillait au château du Chêne Pale. Ikky était partie se coucher. Ayame ressortit le plus noir de ses parchemins, celui dont elle sentait que la possession lui avait coûté une partie de son âme, celui qui disait :
« Quand Mère Soleil et Père Lune donnèrent un nom à toutes les choses , quelque chose, un petit bout de rien, refusa de recevoir un nom.
Goju était l’auteur de ces lignes, en ouverture de ses Agonies Célestes et ceux qui le lurent moururent défigurés, une épaisse bave noire à la bouche, car il était prédit dans cette oeuvre la chute de tous les astres lumineux et de tous les dieux.
Car c’est la peur, l’ignoble peur, qui seule engendra ce livre, la peur d’un l’enfant mort-né, seul face à lui-même, et qui partit se terrer au bout du monde, dans un recoin de la voûte céleste. »
C'était vraiment un des plus abominables parchemins qu'elle ait eu entre les mains. Même les rouleaux des maho-tsukaï semblaient acceptables en comparaison de celui-ci. Elle sentit une noirceur sans fond, une terreur indescriptible logé dans celui-ci. Un terrifiant mystère, une émanation des ténèbres, animaient ce parchemin, qu'elle cachait en permanence au fond de son sac.
Si jamais quelqu'un apprenait qu'elle avait un tel document en sa possession, elle risquait le deshonneur définitif, l'infamie ! A côté d'elle, les conspirateurs Scorpions passeraient pour des petits chanteurs au sabre en bois !
Goju, c'était sur ce nom qu'elle voulait la vérité. Elle se sentait épiée. Elle ignorait s'il c'était justifié, mais il lui semblait que les murmures du vent étaient chargés d'une lourde menace. Une longue fouille dans les documents relatifs au clan du Scorpion finit par lui fournir une révélation d'importance : vers le 3e siècle de l'Empire, un gouverneur de la Cité des Mensonges s'était appelé Goju !
Le 3e siècle, c'était encore presque 3 siècles avant le Gozoku : c'était la nuit des temps !
Ce Goju avait fini disgrâcié. De pudiques formules laissaient entendre une trahison capitale de sa part, peut-être même une rebellion contre le Trône d'Emeraude !
Ayame frissonna et rangea ses documents là où elle les avait trouvés, et même plus profondément encore, qu'on ne les ressorte pas avant sept ou huit siècles au moins !
A suivre...
