26-05-2006, 12:42 AM
(This post was last modified: 26-05-2006, 02:05 AM by Darth Nico.)
cf. suite au-dessus<!--/sizec-->

8e jour<!--/sizec-->
A l'aube, les magistrats d'Emeraude montèrent à bord d'un navire qui quitta Ryoko Owari pour descendre le grand fleuve. Hiruya ne s'était même pas déplacé pour souhaiter bon courage à ses assistants. Il partit au temple de Daikoku, prier avec l'abbé Okawa, maintenant qu'une armée de démons envahissait l'Empire.
En début d'après-midi, le bateau accosta et nos héros finirent à pied, à travers la campagne, pour rejoindre le village où Ryu était retenue en otage.
Celle-ci avait passé une mauvaise journée, la veille. Bien que soignée par des paysans, Yoshinao et ses hommes venaient régulièrement se moquer d'elle, railler sa faiblesse. Ils étaient impatients de voir la magistrature d'Emeraude négocier avec eux.
- Connaissant le très noble Hiruya-sama, je crois que vous pouvez jouer avec le machin-chose que vous avez en dessous de la ceinture !
Furibarde, Ryu se laissait aller dans son vocabulaire. Et Yoshinao riait de bon coeur, à contempler la déconfiture de la pauvre magistrate !
On vint signaler au bandit que les magistrats étaient arrivés. Un grand Crabe, une shugenja Phénix et sa yojimbo.
Deux hommes s'approchèrent des magistrats pour fixer leurs conditions :
- Nous relâcherons l'honorable Ryu-sama si vous nous assurer que nous pouvons quitter la région en sûreté. Nous quitterons le village d'abord, avec des montures et nous la laisserons derrière nous.
- Je vous propose de quitter le village maintenant, fit Ayame. Nous vous laissons cette chance de vous en tirer à bon compte.
- Ces conditions ne sont pas acceptables en l'état. Nous voulons l'assurance de partir en sécurité. Ryu est en notre possession et elle est bien gardée.
Ayame-san comprit que les bandits auraient le temps d'exécuter Ryu avant de partir.
- Je veux la voir vivante.
L'un des hommes fit signe et on amena Ryu, ligotée, sans son daisho, au milieu du village. Ayame vit qu'elle tenait encore debout. La shugenja soupira puis dit qu'elle avait besoin de temps pour réfléchir aux conditions.
Les bandits lui dirent de se hâter car la patience de leur chef était limitée.
Ils allèrent au village voisin, à quelques centaines de pas ; un samuraï du clan du Scorpion vint se présenter à eux et leur dit que son maître demandait s'il pourrait avoir l'honneur de les rencontrer.
Ayame, Ikky et Shigeru entrèrent dans une maison de thé, où les attendait un gunso et trois hommes. Il portait un large mempo au sourire menaçant.
- Konnichi-wa, honorable magistrate. Mon nom est Shosuro Nampo. Nous venons d'arriver du palais de notre famille, où nous avons reçu une lettre de ses bandits. Ma famille serait terriblement affectée s'il arrivait quoi que ce soit à une magistrate d'Emeraude sur son territoire. Et nous pensons que les honorables magistrats seraient tout autant humiliés par la perte d'un des leurs, des mains de bandits de grand chemin.
- En effet, murmura Ayame. Que proposes-tu, Nampo-san ?
Le Scorpion s'inclina plusieurs fois et, à force de contorsions, circonlocutions et gestes de politesses, finit par en arriver là où il voulait :
- Il n'y a aucun honneur à se battre contre ses bandits. La magistrature d'Emeraude n'a pas à souiller ses katanas dans cette affaire. Si vous voulez nous laisser un peu de temps, nous pensons que Ryu-san pourra être délivrée d'ici peu.
- D'ici quand ? demanda sévèrement Ayame.
Nampo-san se rengorgea, s'inclina encore :
- ... d'ici la tombée de la nuit... Disons peu après la tombée de la nuit. Je puis vous assurer que Ryu sera délivrée.
Ayame toisa le gunso. Elle avait presque envie de sourire devant sa gêne. Pour éviter de perdre la face, le clan du Scorpion était prêt aux actes les plus deshonorables, pourvu qu'ils fussent effectués en secret.
- Bien sûr, si nous délivrons Ryu-san, il sera évident pour tous que les bandits auront certainement décampé, à la faveur de la nuit.
- En effet, dit Ayame d'un air entendu, ils auront préféré abandonner leur chantage.
Nampo-san se rengorgea.
- Je savais que nous pourrions nous entendre, honorable magistrat.
- Alors attendons la nuit, soupira la shugenja.
- Au crépuscule tombé, j'irai au village, dit Shigeru en regardant Nampo-san.
- Par pitié, Hida-sama, attendez notre signal...
Ayame-san lui fit signe que c'était ce qu'il fallait faire. Le Crabe acquiesça.
Le soir tombait sur le petit village, semblable à des milliers d'autres dans l'Empire. Dans la grange, les mères nourrissaient leurs enfants. Ils étaient pris en otage, mais la vie continuait. Les hommes avaient été regroupés sous la halle du marché. Le bâtiment était gardé par les bandits. Déjà plus de deux jours que cela durait. Et Ryu qui se sentait tellement impuissante ! Blessée, affaiblie, privée de ses armes, elle ne pouvait rien pour changer la situation.
- Tes amis pensent à toi, ricanait Yoshinao. Mais ils n'ont pas l'air de vouloir tant que ça que tu sortes vivante d'ici ! Ils trouveront certainement ton cadavre sur le chemin, pendant que nous filerons.
Le bandit sortit en riant grassement.
La nuit était maintenant noire. On entendait les bêtes chanter dans les hautes herbes et on pouvait deviner le reflet des étoiles sur le ruisseau qui courait à la sortie du village. Un autre homme vint apporter de l'eau aux prisonnières. Il rouvrit la porte de la grange ; il poussa un bref cri et sa tête revint rouler à l'intérieur.
Les femmes reculèrent, effrayées, la main sur les yeux de leurs enfants. Un poignard fut lancé et vint se ficher dans le mur, près de Ryu. Celle-ci se leva et usa les cordes de ses poignets dessus, puis elle prit le risque de s'approcher de la sortie. On entendit d'autres brefs cris, étouffés et des corps qui s'écroulent. Ryu fit quelques pas dans la rue : trois cadavres de bandits. Elle vit alors approcher une haute et puissante silhouette : Hida Shigeru !
Il tenait son daisho à la main.
- Venez, Ryu-san, vous êtes libre, nous partons.
A l'autre bout du village, on entendait un bandit courir, la peur au ventre, puis son halètement cesser d'un coup, alors que sa tête, coupée par un ennemi invisible, partait rouler dans un champ.
- Venez, Ryu-san, fit Shigeru en détournant le regard, l'essentiel est que vous soyez libre...
Le Crabe avait juré apercevoir des silhouettes en noir sur les toits, mais il n'avait pas à s'en occuper.
Ryu-san fut amenée dans la maison de thé, où elle eut droit à une bonne coupe de sake pour se remettre d'aplomb.
- Je suis heureux de voir Mirumoto-sama délivrée, fit Nampo, avec une joie excessive.
- Les bandits ont fui devant vos hommes, fit Ayame.
- Non, Isawa-sama, ils ont fui devant la magistrature d'Emeraude.
Le Scorpion s'inclina et partit. Il était établi que personne n'avait entendu parler de cette histoire. Ryu-san avait été retardée dans son voyage par un appel de ses Ancêtres, qui avaient voulu qu'elle allât prier dans ce village précis, pour une raison qui ne regardait qu'eux !
Nos magistrats passèrent la nuit au village. Non, ils n'avaient pas à savoir comment le clan du Scorpion avaient agi pour délivrer Ryu...

9e jour<!--/sizec-->
De retour sur les bords du fleuve, nos magistrats remontèrent le fleuve et firent étape au palais Shosuro, où ils découvrirent un fantastique spectacle : les milliers de bushis de Mirumoto Daini en manoeuvres autour du palais Scorpion. Ils ne pouvaient manquer d'aller saluer le puissant général, au nom de la magistrature d'Emeraude.
C'est à cette occasion qu'ils découvrirent les étranges alliés du clan du Dragon : de grandes créatures à corps d'hommes prolongé par une longue queue de serpent ; la peau écailleuse, verte, des têtes soit d'hommes (mais très laids) soit de vipères, de cobras... Ces êtres fantastiques se faisaient appeler Naga, et nos héros apprirent que Mirumoto Daini les avait rencontrés dans la forêt Shinomen, où ils s'étaient réveillés il y a de cela quelques années à peine, après un sommeil qui avait duré pendant des éons !
On était sûr qu'ils n'étaient pas touchés par la Souillure : ils étaient même des ennemis de Fu-Leng. C'était des combattants féroces et des archers meurtriers. Etonnés, nos héros s'approchèrent de quelques-uns de ces guerriers, dont certains arrivaient à parler un mauvais Rokugani barbare. Pour nos héros, observer ces créatures, c'était comme s'intéresser à une plante ou à une roche : ça vivait, ça se touchait, ça grognait si on pinçait, ça avait parfois une grande langue fourchue ou une jolie collerette, et ça imitait en tous points un Rokugani, même si c'était écailleux et laid.:ahah:
Ayame hocha la tête, remerciant les Fortunes de lui avoir fait découvrir quelque chose de nouveau aujourd'hui.
Dans l'après-midi, nos héros quittèrent le palais Shosuro, après avoir été reçus par les notables du palais pour le repas. Il était temps pour eux de revenir à la Cité. Au moment où ils remontaient à bord, ils virent arriver un nouveau navire, aux couleurs de la famille Bayushi. C'était Bayushi Tomaru et ses hommes : il montait lui aussi à la Cité.
- Le Crabe a attaqué Shutai et ont rasé le village. Je vais à la Cité, trouver Bayushi Korechika. Il me dira si je peux encore me battre ou si je dois faire seppuku pour avoir échoué.
Ce même jour, Ozaki et les Lièvres, après avoir séjourné parmi le village de tente de l'armée Dragon, prenait aussi un navire pour remonter vers la Cité.
Et en fin de journée, tous arrivèrent à Ryoko Owari.
Hiruya ne fit aucune remarque particulière à Ryu, même si son silence sur ce point en disait long. Il se contenta de demander s'ils avaient passé une bonne journée.
On apprit que Bayushi Tomaru, qui s'était jeté aux pieds de Korechika-sama, avait reçu l'ordre de se battre contre les Crabes. Etant donné la situation, on ne pouvait se passer d'un brillant tacticien. Mieux valait qu'il meure au combat ! Et puis, somme toute, ce n'était pas une mauvaise chose qu'il fût débarrassé de ce village pourri de Shutai ; fini d'expier ses échecs et ses fautes, il redevenait un vrai guerrier : le général Tomaru !
Ce soir-là, Ayame pensa à Suzume Yugoki, le fils du daimyo des Moineaux, qui lui avait chuchoté des mots doux pendant la cour d'hiver. Il vivait tout au sud, dans sa pauvre petite vallée, à travailler avec ses paysans. Notre shugenja priait les Fortunes que son clan ait été épargné : on pouvait y croire, car Kyuden Suzume était situé dans un vallon encaissé, derrière d'arides montagnes aux chemins abruptes. Terrain qu'une armée massive du clan du Crabe n'avait aucun intérêt à traverser.

10e jour<!--/sizec-->
Des renforts de la famille Bayushi arrivèrent dans la Cité, ainsi qu'une troupe envoyée par Mirumoto-Daini, qui fut accueillie au dojo du senseï Jotomon, qui assurerait son entraînement.
Désormais, la Cité des Mensonges avait de quoi effrayer une armée plus importante. Les Licornes étaient sur le pied de guerre, la Garde du Tonnerre redoublait d'ardeur pour s'entraîner et pour superviser la fortification des défenses.
Ozaki logeait au palais d'Emeraude avec ses meilleurs hommes, les autres avaient été logés dans le quartier des etas.
Yasuki Taka, qui, depuis son arrivée, allait et venait entre son bateau et son entrepôt, regardait cette agitation de loin. On le tenait à l'écart. Il était l'hôte encombrant dont on ne sait quoi penser. Il fumait sa pipe et veillait à sa boutique, où se traitaient de grosses affaires, mais c'était son neveu, Yasuki Garou, qui les négociaient. Pensait-il à se retirer des affaires pour se consacrer à sa prochaine vie ? Il avait déjà depuis longtemps atteint l'âge où on peut y prétendre mais les ans semblaient n'avoir pas prise sur ce sacré marchand qui avait le pouvoir de vous trouver n'importe quel objet que vous désiriez.
Il restait parfois enfermé dans sa cabine pendant des heures, puis ressortait, prenait des nouvelles de son équipage et de ses marchands. Il jouait même parfois aux dominos avec eux pour tuer le temps.
Mais qu'attendait-il ? Il passait dans son entrepôt, vérifiait que les caisses étaient bien rangées, que le magasin adjacent était en ordre, que le commerce ronronnait comme un gros chat, mais il paraissait soucieux.
Enfin, après plus d'une journée de quasi-mutisme, il eut l'air plus content. Il se remettait à plaisanter, à raconter à ses clients ses souvenirs à moitié inventés (tant il les avait racontés et déformés, au point de les rendre plus vrais que nature), à disputer gentiment les gens.
Il se fit apporter ses beaux vêtements, remit bien droit son chapeau sur sa tête et il descendit accueillir ses invitées : Isawa Ayame et Shiba Ikky.
Il rayonnait, malgré le temps maussade et la guerre qui grondait.
- Magnifique ! Quel honneur de vous avoir à mon bord, honorables samuraï ! Montez, montez !... Embarquement immédiat ! Vous voici à bord du navire de Taka-sama, où ils n'accueillent que ses meilleurs amis !... Regardez-moi ces imbéciles de moussaillons qui ont encore accroché un chapeau conique à la figure de proue ! Ah ah, Taka-sama fend les flots et vous déterre les trésors de la terre ! Demandez et vous l'aurez !... Allez, on parle on parle mais on se refuserait pas un bon sake, n'est-ce pas ! Garou, sors une bouteille de ma réserve spéciale !
Ayame se demandait pourquoi le vieux marchand l'avait invitée. Voulait-il passer du temps avec deux femmes de qualité ? A sa connaissance, il n'avait rien d'un vieux séducteur qui veut passer pour dix ou vingt ans plus jeune qu'il n'est.
Selon la tradition, il mangea bruyamment sa soupe de nouilles brûlantes, mangea avec appétit le poisson pêché le jour même dans la baie et ne fut pas avare sur le sake. Rien à redire, on passait à coup sûr un bon moment quand on déjeunait avec Taka-sama. Il n'était pas en reste d'une histoire et il en avait à raconter comme s'il se souvenait de ses deux réincarnations précédentes !
- ... et alors je dis à cet idiot de marchand Daidoji que s'il veut me vendre sa camelote, si c'est comme ça, moi je remballe mes clic et mes clac et je vais voir ailleurs... par exemple chez son concurrent Licorne ! La fureur du pauvre Grue ! Il était vexé comme un pou, ma parole ! Il a voulu m'envoyer la garnison de la ville aux trousses, mais le vieux Taka a encore bon pied bon oeil !... Le temps de compter jusqu'à 20 et j'avais remballé mon échoppe, j'avais les paquets sous le bras et je sautais sur mon bateau et il quittait la rive, alors qu'une volée de flèches s'abattait à mes pieds, comme pour m'indiquer la direction à suivre ! Le grand large !... Et nous partons, vent debout, pour faire escale chez les Mantes, à qui nous revendons, pour le triple du prix, oui le triple !, ce que nous pensions vendre aux Daidoji ! Daikoku soit louée, elle n'abandonne jamais ceux qui la servent fidèlemnt !...
Le marchand était vraiment impayable dans son genre et Ikky se surprenait à tousser de rire.
Après déjeûner, alors que l'ivresse retombait, Taka aborda enfin un sujet plus grave.
- J'ignore si je resterai longtemps dans cette ville. Il est compréhensible que je n'y sois pas bienvenu. Peut-être que je remonterai jusqu'au château de la famille Soshi, plus haut dans les montagnes, à moins que je ne monte chez les Licornes. J'ai des amis là-bas et le pays est épargné par la guerre. Ils accueilleront sans doute le vieux Taka, qui ne veut pas aller contre les décisions du Grand Ours, mais qui ne peut pas non plus prendre part à cette guerre. Ma famille continue à financer et approvisionner l'armée mais ce sont des hommes plus proches de notre daimyo. Je fais de la figuration maintenant...
"Comme je suis de passage à Ryoko Owari, je m'informe de ce qui s'y passe. Bien que j'ai le droit de rester dans mon quartier, je n'ai pu ignorer les quelques évènements graves qui s'y son produits. Sale affaire, que celle du Condor. Nous pensions en avoir terminé, après la bataille des Cloches de la Mort...
- Et maintenant, leur marque réapparaît dans cette ville.
- Vous êtes bien renseigné, nota Ayame.
- Le peuple sait beaucoup de choses, ne l'oubliez pas. Et ils peuvent dire ce qu'ils veulent : ce n'est pas l'honneur qui les retiendra de parler.
- Que savez-vous sur le Condor ?
- Je connais des gens qui pourraient vous renseigner. Mais toutefois, je dois vous prévenir que ce sont des personnes de peu de qualité. Loin d'être des samuraï, ce sont des gens qui ignorent ce qu'est l'honneur.
Taka faisait une moue de dépit. Il semblait le regretter sincérement.
- Je suis prête à rencontrer quiconque peut nous mettre sur la piste du Condor, dit Ayame. Nous pensons qu'il est en ville et nous comptons le trouver !
- Oui, il faut éliminer les derniers complices de cette horrible secte... Dans ce cas, Ayame-san, je vous préviendrai dès que j'aurai rencontré mes informateurs. Je leur dirai qu'ils peuvent vous parler et qu'ils contribueront à mettre fin à un danger pour notre Empire ! Que les Fortunes nous protègent !...
<span style="color:#009900">FORCE ET HONNEUR, SAMURAI !<!--sizec--></span><!--/sizec-->
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

8e jour<!--/sizec-->
A l'aube, les magistrats d'Emeraude montèrent à bord d'un navire qui quitta Ryoko Owari pour descendre le grand fleuve. Hiruya ne s'était même pas déplacé pour souhaiter bon courage à ses assistants. Il partit au temple de Daikoku, prier avec l'abbé Okawa, maintenant qu'une armée de démons envahissait l'Empire.
En début d'après-midi, le bateau accosta et nos héros finirent à pied, à travers la campagne, pour rejoindre le village où Ryu était retenue en otage.
Celle-ci avait passé une mauvaise journée, la veille. Bien que soignée par des paysans, Yoshinao et ses hommes venaient régulièrement se moquer d'elle, railler sa faiblesse. Ils étaient impatients de voir la magistrature d'Emeraude négocier avec eux.
- Connaissant le très noble Hiruya-sama, je crois que vous pouvez jouer avec le machin-chose que vous avez en dessous de la ceinture !
Furibarde, Ryu se laissait aller dans son vocabulaire. Et Yoshinao riait de bon coeur, à contempler la déconfiture de la pauvre magistrate !
On vint signaler au bandit que les magistrats étaient arrivés. Un grand Crabe, une shugenja Phénix et sa yojimbo.
Deux hommes s'approchèrent des magistrats pour fixer leurs conditions :
- Nous relâcherons l'honorable Ryu-sama si vous nous assurer que nous pouvons quitter la région en sûreté. Nous quitterons le village d'abord, avec des montures et nous la laisserons derrière nous.
- Je vous propose de quitter le village maintenant, fit Ayame. Nous vous laissons cette chance de vous en tirer à bon compte.
- Ces conditions ne sont pas acceptables en l'état. Nous voulons l'assurance de partir en sécurité. Ryu est en notre possession et elle est bien gardée.
Ayame-san comprit que les bandits auraient le temps d'exécuter Ryu avant de partir.
- Je veux la voir vivante.
L'un des hommes fit signe et on amena Ryu, ligotée, sans son daisho, au milieu du village. Ayame vit qu'elle tenait encore debout. La shugenja soupira puis dit qu'elle avait besoin de temps pour réfléchir aux conditions.
Les bandits lui dirent de se hâter car la patience de leur chef était limitée.
Ils allèrent au village voisin, à quelques centaines de pas ; un samuraï du clan du Scorpion vint se présenter à eux et leur dit que son maître demandait s'il pourrait avoir l'honneur de les rencontrer.
Ayame, Ikky et Shigeru entrèrent dans une maison de thé, où les attendait un gunso et trois hommes. Il portait un large mempo au sourire menaçant.
- Konnichi-wa, honorable magistrate. Mon nom est Shosuro Nampo. Nous venons d'arriver du palais de notre famille, où nous avons reçu une lettre de ses bandits. Ma famille serait terriblement affectée s'il arrivait quoi que ce soit à une magistrate d'Emeraude sur son territoire. Et nous pensons que les honorables magistrats seraient tout autant humiliés par la perte d'un des leurs, des mains de bandits de grand chemin.
- En effet, murmura Ayame. Que proposes-tu, Nampo-san ?
Le Scorpion s'inclina plusieurs fois et, à force de contorsions, circonlocutions et gestes de politesses, finit par en arriver là où il voulait :
- Il n'y a aucun honneur à se battre contre ses bandits. La magistrature d'Emeraude n'a pas à souiller ses katanas dans cette affaire. Si vous voulez nous laisser un peu de temps, nous pensons que Ryu-san pourra être délivrée d'ici peu.
- D'ici quand ? demanda sévèrement Ayame.
Nampo-san se rengorgea, s'inclina encore :
- ... d'ici la tombée de la nuit... Disons peu après la tombée de la nuit. Je puis vous assurer que Ryu sera délivrée.
Ayame toisa le gunso. Elle avait presque envie de sourire devant sa gêne. Pour éviter de perdre la face, le clan du Scorpion était prêt aux actes les plus deshonorables, pourvu qu'ils fussent effectués en secret.
- Bien sûr, si nous délivrons Ryu-san, il sera évident pour tous que les bandits auront certainement décampé, à la faveur de la nuit.
- En effet, dit Ayame d'un air entendu, ils auront préféré abandonner leur chantage.
Nampo-san se rengorgea.
- Je savais que nous pourrions nous entendre, honorable magistrat.
- Alors attendons la nuit, soupira la shugenja.
- Au crépuscule tombé, j'irai au village, dit Shigeru en regardant Nampo-san.
- Par pitié, Hida-sama, attendez notre signal...
Ayame-san lui fit signe que c'était ce qu'il fallait faire. Le Crabe acquiesça.
Le soir tombait sur le petit village, semblable à des milliers d'autres dans l'Empire. Dans la grange, les mères nourrissaient leurs enfants. Ils étaient pris en otage, mais la vie continuait. Les hommes avaient été regroupés sous la halle du marché. Le bâtiment était gardé par les bandits. Déjà plus de deux jours que cela durait. Et Ryu qui se sentait tellement impuissante ! Blessée, affaiblie, privée de ses armes, elle ne pouvait rien pour changer la situation.
- Tes amis pensent à toi, ricanait Yoshinao. Mais ils n'ont pas l'air de vouloir tant que ça que tu sortes vivante d'ici ! Ils trouveront certainement ton cadavre sur le chemin, pendant que nous filerons.
Le bandit sortit en riant grassement.
La nuit était maintenant noire. On entendait les bêtes chanter dans les hautes herbes et on pouvait deviner le reflet des étoiles sur le ruisseau qui courait à la sortie du village. Un autre homme vint apporter de l'eau aux prisonnières. Il rouvrit la porte de la grange ; il poussa un bref cri et sa tête revint rouler à l'intérieur.
Les femmes reculèrent, effrayées, la main sur les yeux de leurs enfants. Un poignard fut lancé et vint se ficher dans le mur, près de Ryu. Celle-ci se leva et usa les cordes de ses poignets dessus, puis elle prit le risque de s'approcher de la sortie. On entendit d'autres brefs cris, étouffés et des corps qui s'écroulent. Ryu fit quelques pas dans la rue : trois cadavres de bandits. Elle vit alors approcher une haute et puissante silhouette : Hida Shigeru !
Il tenait son daisho à la main.
- Venez, Ryu-san, vous êtes libre, nous partons.
A l'autre bout du village, on entendait un bandit courir, la peur au ventre, puis son halètement cesser d'un coup, alors que sa tête, coupée par un ennemi invisible, partait rouler dans un champ.
- Venez, Ryu-san, fit Shigeru en détournant le regard, l'essentiel est que vous soyez libre...
Le Crabe avait juré apercevoir des silhouettes en noir sur les toits, mais il n'avait pas à s'en occuper.
Ryu-san fut amenée dans la maison de thé, où elle eut droit à une bonne coupe de sake pour se remettre d'aplomb.
- Je suis heureux de voir Mirumoto-sama délivrée, fit Nampo, avec une joie excessive.
- Les bandits ont fui devant vos hommes, fit Ayame.
- Non, Isawa-sama, ils ont fui devant la magistrature d'Emeraude.
Le Scorpion s'inclina et partit. Il était établi que personne n'avait entendu parler de cette histoire. Ryu-san avait été retardée dans son voyage par un appel de ses Ancêtres, qui avaient voulu qu'elle allât prier dans ce village précis, pour une raison qui ne regardait qu'eux !
Nos magistrats passèrent la nuit au village. Non, ils n'avaient pas à savoir comment le clan du Scorpion avaient agi pour délivrer Ryu...

9e jour<!--/sizec-->
De retour sur les bords du fleuve, nos magistrats remontèrent le fleuve et firent étape au palais Shosuro, où ils découvrirent un fantastique spectacle : les milliers de bushis de Mirumoto Daini en manoeuvres autour du palais Scorpion. Ils ne pouvaient manquer d'aller saluer le puissant général, au nom de la magistrature d'Emeraude.
C'est à cette occasion qu'ils découvrirent les étranges alliés du clan du Dragon : de grandes créatures à corps d'hommes prolongé par une longue queue de serpent ; la peau écailleuse, verte, des têtes soit d'hommes (mais très laids) soit de vipères, de cobras... Ces êtres fantastiques se faisaient appeler Naga, et nos héros apprirent que Mirumoto Daini les avait rencontrés dans la forêt Shinomen, où ils s'étaient réveillés il y a de cela quelques années à peine, après un sommeil qui avait duré pendant des éons !
On était sûr qu'ils n'étaient pas touchés par la Souillure : ils étaient même des ennemis de Fu-Leng. C'était des combattants féroces et des archers meurtriers. Etonnés, nos héros s'approchèrent de quelques-uns de ces guerriers, dont certains arrivaient à parler un mauvais Rokugani barbare. Pour nos héros, observer ces créatures, c'était comme s'intéresser à une plante ou à une roche : ça vivait, ça se touchait, ça grognait si on pinçait, ça avait parfois une grande langue fourchue ou une jolie collerette, et ça imitait en tous points un Rokugani, même si c'était écailleux et laid.:ahah:
Ayame hocha la tête, remerciant les Fortunes de lui avoir fait découvrir quelque chose de nouveau aujourd'hui.
Dans l'après-midi, nos héros quittèrent le palais Shosuro, après avoir été reçus par les notables du palais pour le repas. Il était temps pour eux de revenir à la Cité. Au moment où ils remontaient à bord, ils virent arriver un nouveau navire, aux couleurs de la famille Bayushi. C'était Bayushi Tomaru et ses hommes : il montait lui aussi à la Cité.
- Le Crabe a attaqué Shutai et ont rasé le village. Je vais à la Cité, trouver Bayushi Korechika. Il me dira si je peux encore me battre ou si je dois faire seppuku pour avoir échoué.
Ce même jour, Ozaki et les Lièvres, après avoir séjourné parmi le village de tente de l'armée Dragon, prenait aussi un navire pour remonter vers la Cité.
Et en fin de journée, tous arrivèrent à Ryoko Owari.
Hiruya ne fit aucune remarque particulière à Ryu, même si son silence sur ce point en disait long. Il se contenta de demander s'ils avaient passé une bonne journée.
On apprit que Bayushi Tomaru, qui s'était jeté aux pieds de Korechika-sama, avait reçu l'ordre de se battre contre les Crabes. Etant donné la situation, on ne pouvait se passer d'un brillant tacticien. Mieux valait qu'il meure au combat ! Et puis, somme toute, ce n'était pas une mauvaise chose qu'il fût débarrassé de ce village pourri de Shutai ; fini d'expier ses échecs et ses fautes, il redevenait un vrai guerrier : le général Tomaru !
Ce soir-là, Ayame pensa à Suzume Yugoki, le fils du daimyo des Moineaux, qui lui avait chuchoté des mots doux pendant la cour d'hiver. Il vivait tout au sud, dans sa pauvre petite vallée, à travailler avec ses paysans. Notre shugenja priait les Fortunes que son clan ait été épargné : on pouvait y croire, car Kyuden Suzume était situé dans un vallon encaissé, derrière d'arides montagnes aux chemins abruptes. Terrain qu'une armée massive du clan du Crabe n'avait aucun intérêt à traverser.

10e jour<!--/sizec-->
Des renforts de la famille Bayushi arrivèrent dans la Cité, ainsi qu'une troupe envoyée par Mirumoto-Daini, qui fut accueillie au dojo du senseï Jotomon, qui assurerait son entraînement.
Désormais, la Cité des Mensonges avait de quoi effrayer une armée plus importante. Les Licornes étaient sur le pied de guerre, la Garde du Tonnerre redoublait d'ardeur pour s'entraîner et pour superviser la fortification des défenses.
Ozaki logeait au palais d'Emeraude avec ses meilleurs hommes, les autres avaient été logés dans le quartier des etas.
Yasuki Taka, qui, depuis son arrivée, allait et venait entre son bateau et son entrepôt, regardait cette agitation de loin. On le tenait à l'écart. Il était l'hôte encombrant dont on ne sait quoi penser. Il fumait sa pipe et veillait à sa boutique, où se traitaient de grosses affaires, mais c'était son neveu, Yasuki Garou, qui les négociaient. Pensait-il à se retirer des affaires pour se consacrer à sa prochaine vie ? Il avait déjà depuis longtemps atteint l'âge où on peut y prétendre mais les ans semblaient n'avoir pas prise sur ce sacré marchand qui avait le pouvoir de vous trouver n'importe quel objet que vous désiriez.
Il restait parfois enfermé dans sa cabine pendant des heures, puis ressortait, prenait des nouvelles de son équipage et de ses marchands. Il jouait même parfois aux dominos avec eux pour tuer le temps.
Mais qu'attendait-il ? Il passait dans son entrepôt, vérifiait que les caisses étaient bien rangées, que le magasin adjacent était en ordre, que le commerce ronronnait comme un gros chat, mais il paraissait soucieux.
Enfin, après plus d'une journée de quasi-mutisme, il eut l'air plus content. Il se remettait à plaisanter, à raconter à ses clients ses souvenirs à moitié inventés (tant il les avait racontés et déformés, au point de les rendre plus vrais que nature), à disputer gentiment les gens.
Il se fit apporter ses beaux vêtements, remit bien droit son chapeau sur sa tête et il descendit accueillir ses invitées : Isawa Ayame et Shiba Ikky.
Il rayonnait, malgré le temps maussade et la guerre qui grondait.
- Magnifique ! Quel honneur de vous avoir à mon bord, honorables samuraï ! Montez, montez !... Embarquement immédiat ! Vous voici à bord du navire de Taka-sama, où ils n'accueillent que ses meilleurs amis !... Regardez-moi ces imbéciles de moussaillons qui ont encore accroché un chapeau conique à la figure de proue ! Ah ah, Taka-sama fend les flots et vous déterre les trésors de la terre ! Demandez et vous l'aurez !... Allez, on parle on parle mais on se refuserait pas un bon sake, n'est-ce pas ! Garou, sors une bouteille de ma réserve spéciale !
Ayame se demandait pourquoi le vieux marchand l'avait invitée. Voulait-il passer du temps avec deux femmes de qualité ? A sa connaissance, il n'avait rien d'un vieux séducteur qui veut passer pour dix ou vingt ans plus jeune qu'il n'est.
Selon la tradition, il mangea bruyamment sa soupe de nouilles brûlantes, mangea avec appétit le poisson pêché le jour même dans la baie et ne fut pas avare sur le sake. Rien à redire, on passait à coup sûr un bon moment quand on déjeunait avec Taka-sama. Il n'était pas en reste d'une histoire et il en avait à raconter comme s'il se souvenait de ses deux réincarnations précédentes !
- ... et alors je dis à cet idiot de marchand Daidoji que s'il veut me vendre sa camelote, si c'est comme ça, moi je remballe mes clic et mes clac et je vais voir ailleurs... par exemple chez son concurrent Licorne ! La fureur du pauvre Grue ! Il était vexé comme un pou, ma parole ! Il a voulu m'envoyer la garnison de la ville aux trousses, mais le vieux Taka a encore bon pied bon oeil !... Le temps de compter jusqu'à 20 et j'avais remballé mon échoppe, j'avais les paquets sous le bras et je sautais sur mon bateau et il quittait la rive, alors qu'une volée de flèches s'abattait à mes pieds, comme pour m'indiquer la direction à suivre ! Le grand large !... Et nous partons, vent debout, pour faire escale chez les Mantes, à qui nous revendons, pour le triple du prix, oui le triple !, ce que nous pensions vendre aux Daidoji ! Daikoku soit louée, elle n'abandonne jamais ceux qui la servent fidèlemnt !...
Le marchand était vraiment impayable dans son genre et Ikky se surprenait à tousser de rire.
Après déjeûner, alors que l'ivresse retombait, Taka aborda enfin un sujet plus grave.
- J'ignore si je resterai longtemps dans cette ville. Il est compréhensible que je n'y sois pas bienvenu. Peut-être que je remonterai jusqu'au château de la famille Soshi, plus haut dans les montagnes, à moins que je ne monte chez les Licornes. J'ai des amis là-bas et le pays est épargné par la guerre. Ils accueilleront sans doute le vieux Taka, qui ne veut pas aller contre les décisions du Grand Ours, mais qui ne peut pas non plus prendre part à cette guerre. Ma famille continue à financer et approvisionner l'armée mais ce sont des hommes plus proches de notre daimyo. Je fais de la figuration maintenant...
"Comme je suis de passage à Ryoko Owari, je m'informe de ce qui s'y passe. Bien que j'ai le droit de rester dans mon quartier, je n'ai pu ignorer les quelques évènements graves qui s'y son produits. Sale affaire, que celle du Condor. Nous pensions en avoir terminé, après la bataille des Cloches de la Mort...
Taka, 14e épisode Wrote:Le peuple sait des choses que les samuraï ignorent. En particulier, sur ces conspirateurs... le Kolat. Depuis plus de vingt ans, ils sont une plaie dans notre empire. On m'a dit qu'ils ont fomenté des révoltes populaires. Qu'ils veulent monter les heimin contre les samuraï, armer la paysannerie... Qu'ils usent des méthodes les plus cruelles pour cela. C'est une menace qui doit être éradiquée, et je veux vous y aider.
- Et maintenant, leur marque réapparaît dans cette ville.
- Vous êtes bien renseigné, nota Ayame.
- Le peuple sait beaucoup de choses, ne l'oubliez pas. Et ils peuvent dire ce qu'ils veulent : ce n'est pas l'honneur qui les retiendra de parler.
- Que savez-vous sur le Condor ?
- Je connais des gens qui pourraient vous renseigner. Mais toutefois, je dois vous prévenir que ce sont des personnes de peu de qualité. Loin d'être des samuraï, ce sont des gens qui ignorent ce qu'est l'honneur.
Taka faisait une moue de dépit. Il semblait le regretter sincérement.
- Je suis prête à rencontrer quiconque peut nous mettre sur la piste du Condor, dit Ayame. Nous pensons qu'il est en ville et nous comptons le trouver !
- Oui, il faut éliminer les derniers complices de cette horrible secte... Dans ce cas, Ayame-san, je vous préviendrai dès que j'aurai rencontré mes informateurs. Je leur dirai qu'ils peuvent vous parler et qu'ils contribueront à mettre fin à un danger pour notre Empire ! Que les Fortunes nous protègent !...


![[Image: taka.jpg]](http://www.sdm-ftp.homelinux.com/L5R/taka.jpg)