26-05-2006, 12:13 PM
(This post was last modified: 29-05-2006, 01:33 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
<span style="color:blue">La 5e Réincarnation : 19e Episode</span><!--/sizec-->
Chien 1127
L'oeil et la voix du démon<!--/sizec-->

<span style="color:blue">La 5e Réincarnation : 19e Episode</span><!--/sizec-->
Chien 1127
L'oeil et la voix du démon<!--/sizec-->

Les bokken claquaient dans le dojo de Kitsuki Jotomon. On était à la première heure du jour. Kakita Hiruya et Mirumoto Ryu s'entraînaient avec ardeur, l'un contre l'autre, ou contre d'autres élèves du dojo. Avec l'arrivée des Dragons envoyés par Mirumoto Daini, le senseï avait dû refuser l'entrée des lieux aux hommes du peuple qui y venaient habituellement, pour ne pas choquer les nouveaux arrivants.
Kakita Hiruya, quoique très rapide et précis au sabre, ne tenait pas les reprises face aux Dragons, bien plus rapides que lui. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de s'entraîner avec son senseï, Kakita Yobe, resté dans le sud des terres du clan. Qui sait ce qu'il advenait de lui, au moment où les Crabes occupaient ces régions ancestrales ? Se battait-il contre les Crabes au sud ? Contre les Lions au nord ?
La Cité des Mensonges était en pleine agitation. Les Scorpions, les Dragons et les Licornes effectuaient des manoeuvres d'entraînement à l'extérieur des murs, tandis que dans la Cité, le peuple travaillait d'arrache-pied aux défenses et aux réserves d'eau et de blé. Plusieurs rônins qui traînaient en ville avaient été attrapés par la peau du cou et intégrés dans la troupe commandée par Ozaki. Shosuro Jocho devait être partout à la fois pour veiller à la protection de la ville et au renforcement des patrouilles de la Garde du Tonnerre.
Assis sur le pont de son navire, Yasuki Taka ne pouvait que regarder cette agitation, en restant sage, car nombreux étaient ceux qui auraient voulu l'accuser de comploter avec l'ennemi. On ne savait de quel camp il était. Plusieurs nobles avaient demandé son départ de la Cité. Mais il bénéficiait pour le moment d'une situation neutre, pourvu qu'il ne fît que du commerce.
Tôt le matin, Hiruya s'était vu remettre une lettre ; elle avait dû voyager de nuit, donc elle était urgente.
Elle venait en effet de Kyuden Miya et était de la main de Katsu-sama. Il exigeait la présence de Hiruya-sama au château de sa famille, car des bandes de monstres avaient été aperçues à proximité.
Hiruya ordonna qu'on fît seller les montures et qu'on prépare son armure.
- Shigeru, Ayame et Ikky, vous restez en ville ; Ryu, tu viens avec moi.
La samuraï du Dragon s'était remise des coups qu'elle avait pris lors de sa capture, grâce aux soins des shugenja et se sentait d'attaque. Hiruya ne voulait pas emmener Shigeru car il craignait de croiser des Crabes aux côtés des monstres annoncés...
Avant l'heure d'Akodo, les deux magistrats passaient les portes de la ville et s'engageaient sur le grand chemin de campagne du nord-ouest. Ils arrivèrent en fin de journée en vue de Kyuden Miya. Ils furent reçus le soir par Miya Katsu. Le magistrat avait rencontré le Champion d'Emeraude et maintenant, il était en pourparlers avec le clan de la Licorne pour l'envoi des fameuses Shiotome, les Vierges de Bataille, en renfort à la Cité des Histoires. Et le clan de Shinjo était des plus réticents pour envoyer l'élite de sa cavalerie défendre la ville-symbole des Scorpions. Katsu-sama pensait devoir négocier encore quelques jours avec les émissaires de la famille Otaku pour obtenir leur aide.
Il avait appelé Hiruya pour une mission plus urgente :
- Nous avons aperçu une bande monstres, dont nos shugenjas pensent qu'ils sont de l'Outremonde. Alors, Hiruya-san, vous allez prendre la tête d'une troupe de nos samuraï et allez me débarrasser la région de ces créatures !
Katsu-sama faisait un petit geste de l'éventail qui signifiait que ça devait être expéditif. Honoré, Hiruya s'inclina et jura fiérement qu'il détruirait ces monstres !
Le lendemain matin, avec Ryu, une dizaine de fantassins Miya et quatre cavaliers Shinjo, il partit vers le petit village où étaient signalées les créatures. En chemin, ils furent rejoints par cinq terribles samuraï Moto de la Garde Blanche.
Après deux heures de marche, ils aperçurent l'endroit. Quelques bâtisses en haut d'une forte butte. Des serviteurs de Fu-Leng, appelés selon les Moto, des gobelins, qui gardaient les lieux : des caricatures de samuraï, petits, verdâtres, avec des morceaux d'armures et des faux katans. Quelques gros gobelins les commandaient et il y avait en sus un imposant samuraï portant une armure du clan du Crabe. Mais ses yeux étaient noircis, sa peau était livide, sa peau trop poilue : il était gravement souillé par l'Outremonde.
Hiruya ordonna l'assaut !

Les gobelins n'étaient que de la piétaille et furent hachés menu menu par les sabres de Mirumoto Ryu. Leurs grands frères, que nos héros surnommèren "zog-zog" en raison de leurs grognements ridicules, étaient bien plus dangereux : ils valaient bien de jeunes samuraï par leur art du sabre. Kakita Hiruya en vint à bout mais il avait reçu deux entailles profondes. Les archers montés Shinjo avaient attaqué par les flancs, tandis que les Moto prenaient l'ennemi à revers ; plusieurs soldats Miya étaient tombés sous les coups des gobelins.
Après une suite d'affrontements brutaux, nos samuraï progressaient dans le village. Restait le grand Crabe. Kakita Hiruya et Mirumoto Ryu l'attaquèrent ensemble : il fut l'un des plus formidables adversaires qu'ils aient affronté. Il était animé d'une fureur surnaturelle et frappait avec une force qui n'avait d'égal que sa précision ; nos héros évitèrent la plupart de ses coups de sabre, mais ils reçurent encore plusieurs blessures qui les affaiblirent ; ils frappèrent assez le Crabe pour le tuer plusieurs fois, mais il tenait encore debout. Nos deux samuraï lui passèrent enfin leurs sabres à travers le corps et il s'écroula, en hurlant de terreur et s'abattit lourdement à terre.
Les Moto achevaient les gobelins, pendant que les soldats mettaient le feu aux bâtiments. L'endroit, souillé, ne devait plus être habité avant d'être purifié par les shugenja.
- Les monstres qui menaçaient ce château ont été chassés, dit Hiruya, en s'inclinant devant Miya Katsu.
Et il présentait à son supérieur le daisho du redoutable Crabe qu'ils avaient abattu. On reconnaissait distinctement la marque de son clan sur le saya, mais aussi des marques de glyphes démoniaques pour s'attirer les faveurs de Fu-Leng.
- Nous sommes contents de vous, Hiruya-san. Maintenant, retournez à la Cité des Histoires et que l'Empereur nous protège !
Nos héros ne repartirent toutefois pas avant le surlendemain, le temps de recevoir des soins magiques de la part des shugenja.
Alors qu'ils approchaient de la Cité, après un voyage sans péripétie, ils croisèrent l'armée de Bayushi Tomaru, qui faisait route vers Shiro Usagi, et Ozaki accompagnait cette armée avec ses hommes. Ainsi, par une ironie du destin, les ennemis d'hier allaient combattre ensemble. Tomaru expliqua rapidement à Hiruya que le Gouverneur Hyobu avait ordonné qu'on renforçât Shiro Usagi, avant que l'endroit servît de poste avancé à la Cité. Elle n'avait pas de compassion pour les Lièvres mais elle savait qu'ils pourraient prévenir de l'arrivée d'une troupe, et essuyer le premier assaut !
Hiruya salua le général. De gouverneur terne et blasé, il était redevenu général vaillant, impatient d'en découdre ! Tant pis s'il fallait faire ses preuves aux côtés des Lièvres !

Restée sagement à la Cité, Isawa Ayame s'apprêtait à passer une douce et vertueuse journée, comme à son habitude, toute de méditation et de prières. Alors qu'elle se faisait peigner par une servante en ruminant ce qu'elle avait appris dernièrement en bibliothèque, un fort courant d'air pénétra dans la pièce, se mit à tourbillonner autour de notre shugenja, de plus en plus fort, la souleva d'un coup et l'emporta par la fenêtre. La servante cria, terrorisée qu'on enlève ainsi sa maîtresse (et qu'on la décoiffe comme ça ! ) ; Ikky ouvrit le panneau et entra en courant, pour voir Ayame partir dans les cieux. Elle courut hors du palais et se précipita dans les rues : les kamikaze emmenaient la shugenja vers l'ouest de la ville. Ayame ne semblait pas affolée outre-mesure : les esprits de l'Air étaient ceux avec qui elle avait le plus d'affinités et du moment qu'ils ne la lâchaient pas au mauvais endroit !...
La course d'Ikky l'emmena au bord du fleuve. Il va sans dire que ce miracle fut observé d'un grand nombre de gens, qui virent la shugenja emportée dans le ciel bleu, auréolée de la lumière de dame Soleil, volant comme un merveilleux oiseau !
- Toi là ! je requiers ton bateau !
C'était un brave petit marchand qui vendait des légumes et des fruits aux serviteurs des quartiers nobles. Ikky sauta à bord, envoyant quelques caisses de courgettes à l'eau.
Ayame arrivait maintenant au-dessus de l'île de la Larme et s'y fit déposer en douceur.
En pleine journée, le quartier interdit n'avait rien de particulièrement attirant. Des bâtisses moins belles que celles du quartier noble, peu de monde dans la rue ; les maisons de geisha et de plaisirs, sans leur parure nocturne, n'étaient que de vulgaires bâtiments qui auraient aussi bien pu être des entrepôts de poissons !
Ayame était arrivée devant un puits, où les kamikaze s'engouffrèrent en sifflant. L'eau monta brusquement de niveau, jusqu'à ras-bord et notre shugenja eut le plaisir de voir l'image de son senseï, Isawa Akitoki, se former devant elle ! :baton:
- Ayame-san ! comment vous portez-vous ?
Ayame se souvint qu'il existait bien un tel sort pour communiquer à distance. Il ne pouvait être utilisé que sur un lieu où le shugenja s'était déjà rendu : et on était à deux pas de la Maison de l'Etoile du Matin...
- Akitoki-sama, quel honneur pour moi de pouvoir vous parler. (

- J'ai pris l'initiative de vous contacter par des moyens magiques ; j'espère que les kamikaze ne vous ont pas brusqués...
- Non, du tout, jura t-elle.
- Je vous contacte car j'ai appris que la situation devenait périlleuse dans votre région. Des rapports nous parviennent, qui font état de l'avancer des Crabes dans le sud de l'Empire.
- Hélas, Akitoki-sama, on peut dire qu'ils ne sont plus bien loin à présent.
- Notre région est épargnée, qu'Isawa en soit remerciée, mais nos alliés du clan de la Grue subissent la guerre à outrance des Matsu et celle menée par les Crabes. Le conseil des Maîtres siège presque en permanence.
- La situation doit être vraiment grave...
- Sans doute... J'espère que vous faites honneur à votre clan et à la magistrature d'Emeraude, Ayame-san !
- Je fais de mon mieux avec mes moyens, senseï, pour servir et conseiller le seigneur Miya Katsu.
- Bien. A cette fin, j'ai pensé qu'il était temps d'approfondir vos connaissances ! Je suis certain que vous n'avez que peu de temps à consacrer à vos études magiques...
- Hélas, Akitoki-sama, il est vrai que...
- Bien, alors je suis sûr que vous allez suivre l'exemple montré par Kogin-san...
Ayame se retint de soupirer de lassitude : allons bon ! il y avait longtemps qu'elle n'avait pas entendu parler de cette teigne de première de la classe !
- Savez-vous qu'elle a réussi en peu de temps à maîtriser des sorts très difficiles, qui me font dire qu'elle peut maintenant prétendre être initiée au troisième cercle de connaissance de notre Académie ! Et je suis sûr que vous êtes capable d'en faire autant, Ayame-san, car toutes mes élèves doivent rivaliser d'excellence !
Ayame déglutit : elle avait fortement négligé les études magiques depuis des mois et n'invoquait que très peu les kamis ; peu les invoquer est bon, car il est mauvais de trop solliciter les esprits ; mais trop peu les invoquer est mauvais, car on finit par s'en faire oublier...
- Je vous envoie donc des parchemins de sorts que vous pourrez étudier et qui vous permettront d'approfondir vos connaissances, même si je ne suis pas là pour vous diriger. C'est moi qui les ai écrits, ajouta t-il avec une pointe d'orgueil, donc vous devriez avoir toutes les facilités à les déchiffrer.
- Je vous en suis très reconnaissante, dit Ayame.
Akitoki-senseï la salua et son image dans l'eau disparut.
Ikky arrivait enfin, à bout de souffle, courbée en deux, mains sur les cuisses :
- Rien de grave, Ayame-san ?...

Notre shugenja n'eut pas droit au transport aérien pour rentrer au palais. Il lui semblait que la moitié de la ville la regardait en coin, même les Scorpions, qui se demandaient ce qui lui avait pris de se transporter en pleine journée dans le quartier interdit ! Mais c'était la magistrature d'Emeraude, alors pas question d'être désagréable !
Yogo Osako émit l'hypothèse que notre shugenja avait dû lire un sort de travers,


Après le repas, remise de ses émotions, Ayame vit arriver dans sa chambre les kamikaze, qui transportaient un sac et le déposèrent sur sa couche. Elle l'ouvrit et y trouva plusieurs rouleaux de parchemins. Akitoki-sama faisait bien les choses !
Notre shugenja les ouvrit et les lut : certains étaient relativement faciles à déchiffrer, d'autres bien au-delà de sa portée. C'est à ce moment qu'elle s'aperçut des lacunes accumulées. Il était vexant de ne pas comprendre des parchemins qui étaient maintenant à la portée de Kogin-san ! Ayame décida de s'intéresser au sort dit du Bassin Réfléchissant de P'an Ku, très facile à maîtriser.
On vint alors prévenir notre shugenja que l'honorable Yasuki Taka se présentait à l'entrée du palais. Ayame se leva d'un coup, impatiente de rencontrer enfin des informateurs sur l'affaire du Condor. Elle avait oublié cette invitation du marchand à cause d'Akitoki-sama mais maintenant, elle bouillait d'impatience.
- Dites-lui que j'arrive bientôt.
Elle se prépara à la hâte, fit venir Ikky et alla rencontrer Taka-sama. Le marchand n'avait pas voulu s'imposer dans le palais. Il attendait dans la rue, son environnement le plus habituel, à négocier (juste pour le plaisir) des babioles à un marchand. Il s'arrêta dès qu'il vit sortir les deux femmes.
- Ayame-san ! Ikky-san ! Quel plaisir, quel honneur !... En vous attendant, je faisais le tour des marchands du quartier... Dites-moi, j'ai bien cru vous voir ce matin, Ayame-san, dans les airs, au-dessus de la ville ; je venais m'informer de quand nous pourrions prendre rendez-vous mais vous aviez l'air occupé à autre chose. Rien de grave au moins, non ?... Bon tant mieux, parce que moi je ne savais pas de quoi il s'agissait, vous savez sorti des affaires terre-à-terre, le vieux Taka n'y connaît rien et la magie ça le dépasse de beaucoup donc je préfère demander directement à quelqu'un comme vous qui s'y connait bien.
Il emmenait les deux magistrates dans le quartier marchand, en continuant à bavarder avec un entrain jamais démenti. Il avait un mot à dire à chaque boutiquier un peu important de la ville.
- C'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace, comme je dis toujours... Et je cherche pas midi à quatorze heures, ça non !... Les affaires magiques, ça me connait pas du tout ; j'ai voyagé d'un bout à l'autre de cet Empire et je pense que c'est pas ces forces mystiques qui guideront ma vie à moi... Par contre, question négociations, qualité, quantité, produits et confiance, Taka-sama est imbattable ! Pas vrai vous autres ?
Il s'adressait aux maraîchers de la petite place encombrée qu'ils traversaient.
- Oh oui, Taka-sama !
- ... bon tant mieux !
Et ça continuait, de rue en rue, dans le dédale des quartiers et des anecdotes du marchand.
- On a beau dire et beau faire, la magie, les prévisions astrales, les Fortunes, c'est réservé qu'à une toute petite élite bénie par le ciel. Et c'est pas pour Taka-sama qui, par contre, pour ce qui est de vous apportez en temps et en heure et à un prix imbattable les marchandises les plus rares, les plus précieuses, n'a pas d'égal dans Rokugan !... Pas vrai ?
- Oui Taka-sama !
- Pas vrai, toi ?
Il en désignait quatre ou cinq à la suite, qui avaient intérêt à répondre au garde-à-vous !
- Pas vrai ? hmm, pas vrai ?
Et d'un coup, il se retournait et en surprenait un, dans un coin, qui rigolait en se croyant à l'abri.
- Pas vrai, toi !
- Si Taka-sama !
- ... bon...
Et il reprenait sa marche, content d'avoir serré la vis à ces petits malins !