Thread Rating:
  • 0 Vote(s) - 0 Average
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
19e Episode : L'oeil et la voix du démon
#6
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE

Samurai

Hiruya ne se sentait pas d'humeur à y aller par quatre chemins. L'influence de Ryu ?
- Votre soldat fait partie d'une secte d'adorateurs de démons. Son maître est un dangereux shugenja voué aux pouvoirs des kansen. Il est capable d'invoquer la Souillure de l'Outremonde sur nous tous !
Et il n'hésitait pas à en rajouter, car il estimait que le taisa ne l'avait pas volé, parce que le Condor venait à nouveau de lui échapper et qu'il en avait assez de découvrir les saloperies des gens, toute cette lâcheté finalement impossible à dissimuler !

Après l'attaque des gobelins, le magistrat Yogo Osako avait mené des investigations. Elle pensait qu'on avait utilisé de la magie pour dissimuler la troupe de l'Outremonde. Ayame n'y avait pas trop cru : elle voyait bien que les Scorpions cherchaient à disculper Shosuro Jocho !
A présent, si le dernier Condor était bien un shugenja, il n'en allait plus de même. Puisqu'il voulait la destruction de Ryoko Owari, il avait très bien pu aider l'Outremonde.
En sortant de chez le capitaine, Hiruya résuma la situation :
- Le Condor sera bientôt à notre merci. Plusieurs de ses complices sont morts et nous venons d'attraper son bras droit. A force d'erreurs, nous finirons par le découvrir. Ce n'est qu'une question de temps.
- Oui, dit Ayame, il a eu chaud aux plumes ce soir !

Samurai

Nos héros interrogèrent une première fois le samuraï, qui se nommait Bayushi Mito. Puis le lendemain, ils quittèrent la tour Nihai et rentrèrent à la Cité des Histoires avec leur prise. Le complice du Condor passa entre les mains de Pitoyable et de ses interrogateurs. Les informations qu'il avait à révéler étaient des plus intéressantes.
Il servait de complice au Condor depuis qu'il avait été enlevé et torturé dans la Cité, sans doute dans la sinistre cave de la rue du Saphir. Depuis, sous-officier à la tour Nihai, il avait plusieurs fois envoyé quelques signaux quand le Condor lui avait demandé. Dernier crime en date, il n'avait pas donné l'alerte lors de l'approche de la troupe de gobelins, ce qui leur avait permis d'arriver pour ainsi dire aux pieds de la Cité. Et Mito pensait que son maître avait usé de magie pour dissimuler les guerriers de l'Outremonde. Voilà qui innocenterait - en partie - Jocho.
Ensuite, il avait aidé, à la fin de la guerre de l'opium, des complices du Condor à quitter la Cité, de nuit, en leur fournissant des passeurs. De même, à l'époque où il avait été affecté à la surveillance du fleuve, il avait fait passer des navires contennats de l'opium, toujours pour le Condor.
Pour une telle trahison, il méritait cent fois l'exécution sommaire. Hiruya décida que c'était au chef de famille, Bayushi Korechika d'en décider. Il le rencontra, sans tambour ni trompettes, pour le mettre au courant de l'ignominie de ce Mito. Accablé sans doute, Korechika-sama prit note des révélations du magistrat d'Emeraude. Il promit les pires supplices au traître, puis une mort et un oubli définitif. Le Magistrat s'inclina, d'accord avec ce châtiment.

Restait une dernière information, crachée sous la torture par Mito : il avait aidé une troupe de Crabes à s'infiltrer dans la région, non loin des marais où nos héros avaient pataugé quelques jours avant. La troupe était allée se dissimuler dans la région du vallon qui chante, à moins de deux jours de la Cité. Le Condor servait donc désormais d'agent infiltré aux Crabes.
L'heure était venue de faire un geste pour Shosuro Jocho, occupé à superviser les travaux de fortifications de la ville, pendant que SA garde du tonnerre était commandée par son rival, Korechika-sama.
- J'ai une grave nouvelle à vous apprendre, Jocho-san.
Mais le fils du Gouverneur ne fut pas si accablée de cette nouvelle. Il ne put dissimuler sa reconnaissance envers Hiruya. Grâce à lui, il redorerait son honneur, mis à mal après la dernière attaque.
- La Garde du Tonnerre accompagnera votre Garde d'Emeraude, Hiruya-san. Ensemble, détruisons nos ennemis !
- C'est bien ainsi que je l'entendais, Jocho-san. Mettons-nous en route demain.

Le soir, Hiruya fit le point avec ses assistants et le lendemain, Hida Shigeru ainsi que Mirumoto Ryu étaient en tenue de guerre, à la première heure du jour, et les troupes de Jocho-san rencontraient celles de Hiruya-san.
Sous le soleil du matin, l'armée se mit en route. En milieu de journée, notre Magistrat vit arriver un éclaireur qu'il avait envoyé la veille.
- Hiruya-sama, comme vous me l'aviez demandé, je me suis rendu au Vallon qui Chante. Ils sont bien là-bas !
- Tu les as vus ?
- Non, mais j'ai vu des gens du village voisin inquiets, porter de la nourriture vers ce Vallon. Ils prétextaient des offrandes aux divinités de la Forêt, mais ce n'est pas des sacs de riz qu'on offre généralement !
- Très bien, en avant !
En milieu d'après-midi, les éclaireurs spéciaux de la famille Bayushi approchaient du Vallon et lorsque l'armée de Jocho et Hiruya passa à l'attaque, surprenant les Crabes dans le creux où ils avaient leur campement, plusieurs arbres vinrent rouler dans les jambes des Crabes et l'eau de la rivière leur faisait maintenant cracher leurs tripes !
Mais en dépit de l'effet de surprise, les Crabes furent de terrifiants adversaires ! C'était comme affronter des montagnes !
Au plus fort de la bataille, Jocho-san était prêt à mourir pour faire oublier ses erreurs et son ardeur décupla l'ardeur de ses guerriers. Il fut pour beaucoup dans le retournement du sort des armes : les lignes de défenses des Crabes furent enfoncées grâce à ses instructions. Hiruya, en première ligne, trancha plusieurs officiers ennemis puis recula après avoir subi plusieurs vilaines blessures ; il croisa Ryu qui remontait des dernières lignes et au même moment, au milieu de la bataille, ils décapitèrent deux officiers qui venaient de les défier en duel !

La bataille se termina au soleil couchant, dans ce Vallon qui fut la dernière demeure de cette avant-garde du Grand Ours. A la nuit tombante, les cadavres refroidissaient ; et le soleil ayant disparu, les fossoyeurs s'aventurèret dans les bois, pour venir chercher ces énormes corps mutilés, semblables à des arbres abattus.
L'armée de la Cité perdit ce jour-là la moitié de ses effectifs, tombée à la bataille ou morts après. Et quand Jocho et Hiruya arrivèrent à la Cité, la nouvelle de leur triomphe était déjà arrivée : on leur fit des ovations et on les célébra durant toute une journée !
Pour glorifier notre Magistrat, l'abbé Okawa fit ériger un autel à la famille de Hiruya dans le temple de Daikoku. Jocho retrouva sa position de capitaine de la Garde du Tonnerre. La victoire du Vallon qui Chante avait fait oublier la bataille des champs.

Samurai

Nos héros passèrent plusieurs jours à se reposer, dans la quiétude qui suit la bataille. D'abord contents de n'avoir plus de tâches urgentes, Hiruya se mit à trouver le temps long. Il avait pris l'habitude de s'agiter en permanence, de courir d'un bout à l'autre de la ville ou de l'Empire. Il lui paraissait anormal de pouvoir rester au palais sans rien faire d'exceptionnel.
Il repensait au Condor. Ce dernier avait commis des erreurs et nombre de ses complices avaient été arrêtés. En restaient-ils encore ? Il se sentait bloqué. Plus aucune piste pour le moment. Et pendant qu'il se reposait, son ennemi continuait à fourbir des plans diaboliques pour s'en prendre à la Cité.
Mais après la défaite des Crabes, l'arrestation de Mito, de quels ressources le dernier complice de Dajan pouvait-il encore disposer ?

Ayame repensait aux nuits passées dans la campagne marécageuse misérable. Le second soir, alors que les Magistrats desespéraient de retrouver la bande, elle avait été réveillée par un ricanement caractéristique, qu'elle aurait reconnu entre milles.
- Votre enquête piétine, je me trompe ?...
Il était assis sur le bord de la fenêtre, éclairé par le rayon lunaire, son visage émacié, souffrant, son sourire distordu : l'homme qui rit, Nakiro !
Ikky dormait à poings fermés.
- Que faites-vous là ?
Tout juste si Ayame ne lui reprochait pas d'abord de la réveiller à une heure pareille !
Mort-vivant soit, mais importun plus encore !
- Ah, je suis bien seul, Ayame, coincé entre les morts et les vivants, quelle tristesse !...
Il venait en somme pousser sa complainte de ténébreux inconsolé. Il avait besoin de réconfort !
- Nakiro, j'ignore comment vous êtes sorti de votre damnée grotte de chez les Faucons, mais j'aurais préféré que vous y restiez...
Notre shugenja grinçait des dents devant le tsukaï souriant et casse-pieds.
- Je me languissais de venir vous taquiner.SwannMoi, vous savez, je sais très bien qui est le dernier Condor ! C'est moi qui ai participé à son recrutement...
Ayame savait qu'il était inutile de demander de qui il s'agissait. Nakiro n'aurait pas répondu et plus encore, il aurait été... déçu. Ce n'aurait pas été élégant...
- Le dernier complice de ce salopard vous déteste. Il a juré de détruire cette ville, maintenant qu'il se sait condamné. Il n'est pas aussi puissant que moi, mais il peut vous donner du fil à retordre...
- Vous êtes fou, Nakiro...
Assez fou pour l'être encore, même une fois mort !
Le tsukaï s'était éclipsé en esquissant un petit geste de la main.

Samurai

Deux jours après la bataille contre les Crabes, Ozaki arrivait à la Cité des Mensonges. Miya Katsu l'avait convoqué, car l'heure de briser le procès contre sa famille approchait. Yasuki Taka continuait à surveiller sa boutique et se tenait à la dispostion de la Magistrature pour revenir sur son témoignage.
Le soir, on retrouva un corps dans la Baie de l'Honneur Noyé. Hiruya envoya Shigeru s'informer.
- Il s'agit d'une servante du palais Shosuro, rapporta le Crabe. Elle se nommait Vigilante.
Et la première réaction d'Ayame et Hiruya, en choeur :
- Vigilante ? pas assez !
- Je crois qu'elle était au service de la famille Soshi. Les Scorpions semblaient vraiment embarrassés par sa mort.
- Bah, ce n'est qu'une servante, conclut Hiruya. Il se fait tard, allons dormir.

Le lendemain, un serviteur de Kitsuki Jotomon vint se présenter au palais : on avait profané le dojo du senseï !
Las, Hiruya envoya Ryu voir de quoi il retournait.
On montra à l'enquêtrice le portail en bois, sur lequel, à la peinture rouge, on avait tracé de grands traits vengeurs.
La marque du Condor.
Ryu interrogea les gens du voisinage : nombre d'entre eux parlait de ninjas, venus du palais Shosuro pendant la nuit.
- Des ninjas, honorable Hiruya-sama.
De mauvaise humeur, le Magistrat congédia Ryu, lassé d'entendre parler de ces légendes pour la énième fois !
Le Condor continuait dans la provocation. Qu'on nettoie le portail du senseï pour le moment et voilà !
En début d'après-midi, notre Magistrat reçut Ozaki, pour régler quelques détails formels pour la cérémonie de révision du procès.
- Je ne sais comment vous remercier, Hiruya-sama !
Le Lièvre s'inclinait bien bas.
- Tu n'as pas à me remercier, Ozaki. Je ne fais qu'appliquer la justice et réparer les torts, selon la volonté de l'Empereur.
- Que les Fortunes vous protègent ! J'accourrai dès que vous le désirerez. Cette après-midi, je me rends au palais Shosuro, car le clan Scorpion veut aussi mettre au clair les rapports entre eux et mon clan.
- Très bien.
Hiruya regarda partir le rônin vers le palais.
Il se souvint alors de ce qu'avait dit le Condor à Mito, à la tour Nihai : "... à l'heure où j'inviterai le Lièvre..."
C'était le moment désigné par le Condor pour sa prochaine action.
Las, Hiruya se dit que Mito ayant été arrêté, cette histoire était caduque. Il se sentait les épaules lourdes, agacé aussi de ne rien pouvoir faire pour le moment.
Il passa l'après-midi plongé dans le Tao, puis alla au dojo du palais répéter quelques mouvements de sabres.
Isawa Ayame et Shiba Ikky, sur l'invitation du magistrat Yogo Osako, s'étaient rendues au palais Shosuro, pour parler de parchemins et de collaboration en vue de la guerre contre les Crabes. La shugenja devait être contente de pénétrer enfin dans l'un des endroits les plus secrets de Rokugan.
Amusé, Hiruya continua ses katas de kenjutsu, seul contre plusieurs ennemis imaginaires.

Peu de temps après, on entendit un grand-remue ménage du côté du palais Scorpion. Hiruya sortait du dojo, mécontent : il s'était mal concentré, il ne sentait pas le Vide en lui. Il s'essuyait le visage quand on vint le prévenir qu'Ozaki demandait de toute urgence à le voir.
Inquiet, pressentant le pire, Hiruya se rendit dans la salle de réception.
- Qui ya t-il ?
Si Hiruya était en sueur, Ozaki était en nage. Le souffle court, il pouvait à peine parler.
- Hé bien quoi donc ? parle !
- C'est abominable, magistrat !... Comme vous le savez, je me rendais...
- Oui, au palais Scorpion !
- J'y ai été reçu par Bayushi Korechika et alors !...
Hiruya blêmit : les idées se bousculèrent dans sa tête. Korechika, le dernier complice du Condor ?! Le patron presque officiel du trafic d'opium ! Avait-il aussi des pouvoirs magiques, conférés par le Condor ?

Samurai

Au palais des Scorpions, Ayame et Ikky prenaient le thé en compagnie de Yogo Osako. La shugenja était très polie mais intérieurement elle bouillait d'impatience de rentrer dans le vif du sujet : découvrir les bibliothèques du lieu !
- Il serait bon de mettre en commun nos connaissances, comme vous l'aviez si intelligemment suggéré, Ayame-san. Et à propos, je vous remercie pour l'arrestation de ce Bayushi. Ses révélations ont aidé à faire oublier les torts de Shosuro Jocho-san.
- Je vous en prie, Osako-san, la Magistrature ne fait que son devoir.
Les deux femmes échangèrent encore quelques politesses.
- Il serait bon de réunir d'autres shugenjas de votre clan, dit Ayame.
- Pourquoi pas, sourit Osako, je pense que l'honorable Soshi Seiryoku serait intéressée par nos discussions.
- Seiryoku-sama ? sourit Ayame, j'ignorais qu'elle était senseï shugenja.

Du couloir vinrent alors des pas précipités, plusieurs hommes, et d'autres, dans l'autre sens ; d'autres encore, qui couraient et criaient des ordres. Des sabres qui sortent, des menaces, des ordres de passer à l'attaque !
Yogo Osako, inquiéte, pria, aussi aimablement qu'il était possible, ses invitées de ne pas se faire de mauvais sang et elle partit s'informer. Les deux Phénix attendirent. Ikky n'était pas à l'aise : elle n'avait pas son sabre.
Les bruits continuaient. On aurait cru une véritable révolution de palais !
Des corps tombaient à terre, d'autres samurai criaient. On s'affrontait au sabre et à mort !
Les deux femmes virent entrer Bayushi Otado, le fils de Korechika. Leur premier mouvement fut de recul : Otado-san tremblait de colère.
Il lança les daisho des deux femmes :
- Nous courons un grand danger, samuraï-ko, alors défendez votre vie !
Et il referma la porte et on l'entendit partir en courant !
Ikky ne se fit pas prier :
- Suivez-moi, Ayame !
Elle mit son daisho au saya, ouvrit le panneau et jaugea la situation : dans le couloir, plusieurs morts. Des serviteurs, mais aussi quelques jeunes samouraï.
Elle avait repéré le chemin à l'aller et emmena Ayame au pas de charge vers l'escalier. En chemin, un samouraï Yogo voulut leur demander de s'arrêter.
- Ecarte-toi !
Ikky était furieuse. Elle avançait.
- Qui êtes-vous ? Arrêtez !
- Ecarte-toi !
L'autre mit la main au katana et reçut un coup de celui d'Ikky en travers du corps. Il s'écroula à terre.
Peut-être ne voulait-il pas de mal aux deux femmes, peut-être était-il préocuppé de la sécurité du palais, mais tant pis pour lui !

Samurai

- J'étais chez Korechika-sama, qui m'a reçu aimablement et m'a dit qu'il souhaitait voir nos deux clans entretenir, à l'avenir, de bonnes relations.
- Très bien et ensuite ?
Ozaki reprenait péniblement son souffle.
- Ensuite, on est venu me dire que l'honorable senseï Soshi Seiryoku désirait me parler aussi. Ce qui n'était pas prévu.
- Que s'est-il passé ?
- Au début, elle m'a dit qu'elle respectait beaucoup mon clan, cette sinistre femme, puis ses propos sont devenus de plus en plus confus. Elle devenait effrayante. Elle disait qu'elle ne redoutait pas les Crabes, qu'elle souhaitait leur venue ! qu'elle maudissait cette Cité, que mon clan aurait dû être détruit jusqu'au dernier, que maintenant tout était trop tard !
"Elle m'a alors jeté au visage une poupée grimaçante, regardez !
La dernière poupée ! Elle se nommait : Discrétion.
- Elle avait retiré son masque, qu'elle porte tout le temps : elle était hideuse, les traits déformés, un vrai démon !
Hiruya, furieux, lança qu'Ozaki n'avait pas à en dire plus. Il cria à toute la Garde d'Emeraude de se tenir prête à partir au combat !
Soshi Seiryoku, le dernier Condor ! Celle qui possédait la 6e poupée, après Matsu Bashô et avant Asako Nakiro !

En peu de temps, le palais d'Emeraude était sur le pied de guerre.
Vingt-cinq hommes étaient prêts à combattre. Hiruya, Shigeru et Ryu finissaient d'enfiler leurs armures et la troupe se mit en marche, accompagnée d'Ozaki.
Elle traversa tout le quartier noble, Hiruya en tête, le sang bouillant, écartant tous les gêneurs sans ménagement.
La Garde du Tonnerre, ahurie, voyait passer la garde d'Emeraude.
- Suivez-moi, lançait Hiruya, impérieux. Suivez-moi j'ai dit !
Certains hésitaient, ne répondant que devant Jocho-sama. D'autres se joignirent à la troupe.
Hiruya se présenta devant la porte du puissant palais :
- Ouvrez, au nom du Champion d'Emeraude ! Ouvrez ou je fais enfoncer la porte !
On entendait des bruits de combat dans le palais ; les portes s'ouvrirent en grinçant et la troupe traversa la cour du palais. Il y avait des morts, des chevaux tués, des seaux renversés, des serviteurs égorgés.
Jocho accourut, à la tête de plusieurs soldats :
- Hiruya ! Les Soshi nous ont trahis !
Il avait hurlé.
- Je sais. Suis-nous et rameute tous tes hommes !
La troupe progressa et s'engagea dans les couloirs. Hiruya ordonnait à tous ceux qui se battaient de rejoindre ses rangs. On traversa le labyrinthe entrelac de couloirs, jusqu'à l'aile de la famille Soshi. On avait croisé les deux Phénix, Ikky en tête.
- Emmène Ayame en sécurité.
- Haï Hiruya-sama !
Hiruya ouvrit la porte qui menait vers les appartements de Seiryoku.
A terre, un cadavre, carbonisé. On reconnaissait Yogo Osako.
Encore une pièce, un panneau.

Kakita Hiruya, Shosuro Jocho, Mirumoto Ryu et Ozaki entrèrent dans la chambre de Seiryoku. Celle-ci, à genoux, toisait les arrivants, mains sur les cuisses, grimaçante de haine. Elle n'avait presque plus de traits humains : les pouvoirs du Shimushigaki, dont elle était la dernière porteuse, l'avaient défigurée.
- Soshi Seiryoku, au nom de l'Empereur, vous êtes en état d'arrestation.
Derrière le Magistrat, les autres samuraï avaient tiré leurs sabres.
- L'Empereur n'est plus mon maître depuis longtemps. Le Condor a fait de moi sa créature ; le Condor est mort maintenant. Désormais, mon maître est Fu-Leng !
Elle s'était levée, sabre à la main.
Hiruya se mit en garde, main sur son fourreau, de même que les autres samuraï.
La Soshi poussa un feulement sauvage, inhumain, comme sorti moins de sa gorge que du Puits Suppurant et se précipita sur nos héros.

Hiruya avança d'un pas : elle dégaina la première ; notre Magistrat évita son coup et lui trancha la poitrine de son sabre. Les autres samuraï frappèrent mais manquèrent leur coup.
Seiryoku cracha une épaisse giclée de sang et Hiruya la trancha en deux, du crâne au bassin. Elle s'écroula en poussant un cri démoiaque, écho lointain de l'agonie du Gaki dans la Vallée des Cloches de la Mort !
Notre Magistrat secoua son sabre et rengaina.
C'en était fini pour de bon du Condor.

Samurai

La fouille des appartements Soshi permit de tout expliquer.
Emmenée elle aussi dans la cabane par les hommes du Condor, torturée par Nakiro et Dajan, elle avait lié son nom au Gaki. C'est elle qui avait maudit les poupées en les renommant. Elle avait gardé la 6e, Discrétion, pour servir d'oeil et de voix au Condor dans la Cité, même après la fin de la guerre de l'opium. Elle avait ruiné sa famille pour enrichir la conspiration de Dajan. Mais jamais elle n'avait pu identifier le Maître Condor responsable de sa déchéance, non plus que ses complices.
Après la mort du Gaki, elle avait compris que sa fin était proche. La lente agonie du démon l'emporterait avec lui : elle avait peu à peu perdu ses pouvoirs et sa décrépitude s'était accélérée. Lorsque nos héros étaient arrivés, elle avait commencé à éliminer ses complices, non sans essayer de tuer Miya Katsu avant.
D'abord Kuni Isao, ignorant presque entièrement tout de la conspiration. Ensuite le cousin qui avait mis le feu à la maison, puis la veuve Mayo et la femme du couvreur ; puis, après la mort de Bayushi Mito, elle avait fait noyer sa servante, Vigilante. Son suicide était entamé, elle le ménerait jusqu'au bout.
Elle avait décidé d'en terminer en révélant tout à Ozaki, dont le Condor avait détruit le clan car il avait appris des choses sur la conspiration, par l'intermédiaire de Tomoe, la soeur d'Ozaki.
Jubilant, exultant, elle avait manqué s'étouffer de rage en étalant son ignominie. Le Lièvre s'était enfui par les toits et, bondissant de bâtiments en bâtiments, avait rejoint le palais d'Emeraude.

Sa dernière victime avait été Yogo Osako, venue gentiment lui demander de participer à une discussion entre shugenja. N'y tenant plus de rage, elle lui avait fait goûter au sort du Coeur de l'Enfer.
Elle eut enfin droit, pour sa sortie, au plus beau doublé de sabre de la carrière de Hiruya : deux coups fulgurants, dont chacun aurait mis par terre un Matsu en pleine charge !

Nos samuraï possédaient donc un dossier complet, exhaustif, sur les activités de la secte du Condor. Miya Katsu serait satisfait. De la destruction du clan du Lièvre à la complicité avec l'Outremonde en passant par l'invocation d'un immense gaki de Iuchiban, cette secte avait fait son temps !

- Finalement, tout est bien qui finit bien, avait dit le vieux Taka, content d'apprendre la nouvelle.
Les dirigeants de la famille Soshi, à ce moment, accomplissaient leur seppuku, tandis que les membres moins gradés rejoignaient d'autre famille. On se souviendrait que c'était Kakita Hiruya qui avait pour ainsi dire abattu une famille entière de la ville !
- Non, tout n'est pas bien qui finit bien, Hiruya-sama, murmurait Ayame après le départ du vieux marchand. Nous savons que nous n'étions pas seuls à lutter contre la secte du Condor. D'autres personnes étaient au courant, qui ont envoyé la Grue Noire en ville. Qui sont ceux qui sont derrière cela ?...
- Chaque chose en son temps, Ayame, chaque chose en son temps...

Samurai

Et la shugenja ne partageait pas l'esprit de réjouissance et de victoire du moment.
Du reste, elle n'avait pas tout dit à Hiruya. Pouvait-elle avouer que, la nuit d'avant la profanation du dojo de Kitsuki Jotomon, elle s'était rendue sur l'île de la Larme, dans sa maison d'opium habituel ? Oui, à la limite.
Elle avait consommé sa pipe, en compagnie de Shosuro Kimi, qui l'avait aussi remerciée.
Puis, dans la nuit, alors qu'elle s'était endormie, on était venue la réveiller.
Quelqu'un voulait lui parler, dehors. Lui parler d'un oiseau dangereux.
- Ikky, réveille-toi.
Les deux femmes étaient sorties : on les avait accompagnées jusqu'aux jardins du bout de l'île, au bord de l'eau, à quelques mètres au-dessus du fleuve. Ikky avait attendu à l'entrée et Ayame s'était avancée.
Elle avait reconnu une silhouette familière, une silhouette qu'elle n'avait pas vu depuis bien longtemps.
Bien sûr, elle ne la croyait pas vraiment morte, bien qu'elle ait été frappée par Hiruya, dans la maison de Gempachi, le passeur. Car Hiro non plus, cette fois-là, n'était pas mort.
- Nahoko...
L'ancienne shugenja Dragon était là. La mauvaise conscience d'Ayame.
- J'ignore si j'avais hâte de te revoir, avait-elle dit.
Puis, elle avait raconté son histoire.
- Quand tu es venue à Heibetsu, l'année dernière, pour les fêtes des vendanges, une peur ignoble m'a saisie. J'ai cru que tu venais pour moi. J'étais persuadée que tu ne tarderais pas à me démasquer. Avec mon maître, la Grue Noire, j'ai organisé ce piège contre toi. Ces faux parchemins de maho-tsukaï. Nous nous sommes enfuis par les montagnes. J'ai dû trainer mon maître, blessé, dans les montagnes. Et nous sommes partis vers l'est, vers les terres de ton clan. Nous étions traqués par Kitsuki Hanbei. Mon maître, pour semer la terreur, à commencer à laisser sur nos pas des poèmes de la Novice. Moi, j'étais déjà possédée par cette Chose Sans Nom. La peur, le regret, le désir ne cessaient de m'assaillir. Les trois pêchés qui ont créé le monde. Mon maître avait ordre de m'amener j'ignore. On voulait me connaître, m'étudier, pour mieux savoir ce qu'était l'Ombre.
"J'ai dû aller jusqu'à Mirokage Toshi. J'ai voyagé en compagnie du criminel Hiro. Lui n'était pas comme moi. Il n'était plus humain. C'était un monstre sans âme, qui ne se réincarnerait jamais. J'étais terrorisée. J'ai compris que, pour tromper vos recherches, l'Ombre avait créé des doubles de nous deux. Et grâce à Gempachi, je pris la mer avec mon maître, qui chassa Hiro et lui promit la mort pour bientôt. Nous sommes partis sur l'océan, sur des îles lointaines.
"Je croyais ne jamais revoir Rokugan. Mais il y a peu, la Grue Noire m'a dit que nous devions nous rendre à la Cité des Mensonges et que je t'y rencontrerais...

Le coeur d'Ayame battait la chamade.
- La Grue Noire est en ville ?
- Oui, mon maître cherche le dernier Condor. Il le trouvera peut-être avant vous, qui sait... Qu'importe ! je tremble de froid été comme hiver et je sens un monstre m'épier de l'intérieur. Et toi, toi qui plonges dans des secrets maudits, tu seras bientôt comme moi !
- Que sais-tu de moi ?
- Ne fais pas l'innocente, Ayame ! Dévorée que je suis par les ténèbres, j'entends certaine chose, dès que tu les murmures ou que tu ouvres des parchemins maudits. Ce nom, par exemple, Goju !
Ayame tremblait.
- Goju, les Agonies Célestes ! Tu as ouvert ce parchemin, tu as inscrit le nom de ton amie intime qui te suit en permanence ! Et maintenant, tu connais cet ouvrage maudit ! Alors maudite sois-tu ! Et tu as appris aussi que le premier gouverneur de cette Cité était Goju !
Nahoko riait, contente de la déchéance d'Ayame, à l'imitation de la sienne.
- Goju, oui... Et pourtant, ce n'est pas ce nom que tu dois chercher... Un autre t'intéressera plus...
- Si tu connais ce nom, tu dois me le dire, Nahoko !
- Bien sûr, ironisa t-elle, pour le bien de l'Empire, n'est-ce pas !... Si je te dis ce nom, malheureuse, tu ne connaîtras plus de repos ! Et pire encore : non seulement ce nom sera ta perte, mais encore à cause de lui, tu détruiras l'honneur de grands seigneurs et peut-être même de familles entières ! Tu ne trouveras jamais ce nom nulle part en bibliothèque, ni ailleurs !
Elle criait presque et pourtant, Ikky ne se retournait pas, comme si les sons étaient étouffés.
- Dis-moi ce nom...
Ayame serrait les dents. Elle savait qu'elle avait tort, qu'elle saignait à nouveau son honneur pour plonger dans de tels secrets, mais la tentation était trop forte.
- Ce nom, Ayame, le voici, pour toi.
"Ninube.
Nahoko riait, comme une enfant malade. La nuit était profonde, et le fleuve grondait, sourd, poursuivant son cours, ses flots giclants et bondissant quand ils se heurtaient à l'île.
- Et maintenant, puisque tu l'as voulu, sois donc maudite !...

Ayame avait cru au début que Nahoko était le dernier membre du Condor. Mais c'était encore pire en un sens.
Il n'y eut aucun signe de la Grue Noire et nos héros trouvèrent en premier le dernier Condor.
Ce soir là, le nom de "Ninube" semblait rebondir de vagues en vagues, et se perdre dans un écho de plus en plus assourdi et qui n'a pas de témoin.




Samurai<span style="color:green">FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !<!--sizec--></span><!--/sizec-->Samurai
Reply


Messages In This Thread
19e Episode : L'oeil et la voix du démon - by Darth Nico - 09-06-2006, 06:17 PM

Forum Jump:


Users browsing this thread: 1 Guest(s)