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20e Episode : Trois contes d'hiver
#8
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE


[Image: ninja3.gif]

La nuit était tombée sur le village. Shigeru ronflait à poings fermés. Les bêtes nocturnes crissaient dans l'hiver. Les étoiles scintillaient, silencieuses.
Un cri déchira cette atmosphère paisible.
Ahuri, Shigeru s'éveilla et s'assit d'un coup. Ryu ouvrit les yeux et observa par la fenêtre ce qui se passait.
Les hommes du village s'assemblèrent dans l'auberge et organisèrent des recherches à la lumière des lanternes. Un homme finit par lancer qu'il avait trouvé. Il se trouvait sur les bords du ruisseau, les pieds dans la boue. Il éclairait l'endroit, apeuré, sans oser approcher ni reculer.
Nos deux Magistrats approchèrent de l'endroit : un cadavre était revenu au village, par le courant de l'eau.
- Ca va reculez vous autres, mais éclairez-nous ! ordonna Shigeru.
- Qui est-ce ? demanda Ryu.
- Nous l'ignorons, Dragon-sama ! Il n'était pas du village !
Shigeru maugréa, bougon.

L'examen du corps, avec l'aide d'etas révéla bientôt un détail perturbant.
L'homme avait un bras nettement plus long que l'autre. Sa main pendait au bout d'un bras distordu.
Nos héros avaient compris : une déformation caractéristique des victimes de l'Ombre.
Ils prirent une lanterne et remontèrent la rivière dans la nuit. Il devenait urgent de trouver le coupable, qui ne pouvait être loin puisqu'il venait de tuer.
Ils arrivèrent près d'un autre champ en friche, à l'orée de la forêt. Et en dépit du froid, le vent amenait une écoeurante odeur de cadavre. Mais en pleine nuit, les recherches s'avéraient difficiles. Nos deux magistrats fouillèrent dans les herbes, sans rien trouver. Pourtant, ils étaient sûrs d'avoir un mort pour voisin !
Et c'est quand ils furent découragés de leurs recherches qu'ils comprirent qu'ils étaient perdus !... Ils ne savaient plus où se trouvaient la rivière.
Ils soupirèrent, dépités. Perdus en pleine cambrousse, ils avaient l'air malins ! Leurs Ancêtres pouvaient bien rire d'eux !
Shigeru se retourna vivement : il venait de voir passer une silhouette dans le bois tout proche !
Et une silhouette vraiment pas discrête : un homme habillé d'un habit blanc ! Le Crabe courut dans le bois, en dépit de toute prudence.
Il regarda à droite, à gauche, sentit quelqu'un passer près de lui et envoya un coup de tetsubo dans l'air ! La masse cogna le tronc d'un arbre, qui trembla comme si le sol s'ouvrait sous ses branches !
- Zakennayo !
Ryu arriva, plus posée.
- Allumons un feu.
Il faisait froid, humide. Des paquets de neige alourdissaient les branches. Et il n'en devenait que plus urgent de se chauffer.
Un qui ne devait pas prendre froid, c'est l'homme qui espionnait nos deux magistrats. Shigeru l'aperçut, perché sur une branche.
- Attends un peu ! je vais te cueillir toi !
L'homme se laissa tomber, se rattraper à sa branche, se balança, tourna et sauta sur la branche du dessus. Il agrippait le tronc et remontait encore. Shigeru envoya un violent coup dans l'arbre mais il ne reçut que de gros morceaux de neige sur la tête !
Un tanto fusa dans l'air et alla se planter dans l'arbre. Ryu venait de tirer à vue sur l'homme. Ils le virent, dans le peuplier d'à côté. Poursuite à travers les bois, dans les taillis blancs et raides. Et nos héros savaient de moins en moins où ils allaient.
- Perdus, samuraï ?...
La voix venait des hauteurs d'un vénérable saule, au bord d'un étang gelé. Une voix bien humaine, un rien amusée mais pas menaçante.
Ryu attrapa une branche basse, en monta quelques-unes, mais le bois craqua sous son pied : chute dans les ronces !
- Zakennayo !
Shigeru l'aida à s'extraire de ce piège pendant qu'on devinait le rire du mystérieux personnage.
Ils virent alors la lune briller et la rivière de leur village.
Ils avaient retrouvé leur chemin !
- Ca alors...
Ils avaient trop froid pour essayer de comprendre. Ils se dépêchèrent d'aller profiter du feu, à l'auberge où les villageois se réunissaient des villageois qui n'avaient pas retrouvé le sommeil. Les flammes bienfaisantes les dégourdirent et bientôt, Shigeru sombra dans un lourd sommeil, imité par Ryu.

[Image: ninja3.gif]

Après ses exercices du matin, sous un frais soleil dans la cour du palais, Hiruya consulta le courrier.
Une bonne nouvelle : Bayushi Bokkai avait obtenu son détachement. Il serait bientôt de retour dans la Magistrature d'Emeraude !
Aucune nouvelles des Licornes pour le moment.
En fin de journée, Hiruya vit revenir ses deux Magistrats : Shigeru, qui avait attrapé un refroidissement et Ryu, qui boîtait...
Las, Hiruya soupira et les convoqua pour leur rapport. Ce fut dit en deux mots, par Ryu :
- Un Ninja qui tue des gens touchés par l'Ombre.
Shigeru, en éternuait, produisait un bruit d'une force à renverser les murs.
Hiruya n'ajouta rien et ordonna aux deux samuraï d'aller se reposer. Il avait les épaules lourdes et n'avait plus envie de croire en rien. Il ne se sentait plus assez fort pour supporter la mort de Yobe. Sur le moment, il avait réussi à encaisser le choc. Maintenant, il se sentait attaqué dans le défaut de la cuirasse. Le deuil accomplissait son travail, accablant.

Au Temple, Ayame, malade, endurait les affres du manque d'opium. Elle était nourrie de bouillons de légumes. Ikky interrompait régulièrement son travail pour venir veiller sa shugenja. Celle-ci, les paupières lourdes, grelottait et suait. Au cours de l'après-midi, alors qu'on entendait les pas des moines crisser sur le gravier de la cours et les haches fendre le bois, qu'on sentait l'odeur des cuisines, notre shugenja aperçut au mur des inscriptions qu'elle n'avait pas encore remarquées. Enroulée dans sa chaude couverture, mais menacée de tous côtés par le froid, elle s'approcha du mur, le nez bleu.
Elle déchiffra ce qu'on avait marqué au mur : sur deux colonnes, des noms, avec des dates à côté.
Ayame reconnut quelques noms. Elle comprit que la colonne de gauche était remplie de noms de Gouverneurs de la ville et celle de droite, de Magistrats d'Emeraude. Y étaient-ils tous ? Il le semblait bien, et classés par ordre chronologique, de haut en bas. Seuls les derniers apparaissaient : une dizaine de noms, qui allaient de l'année actuelle 1127 jusqu'à 980. De même pour les Magistrats.
Qui avait pu s'amuser à un tel recensement ?...

En fin d'après-midi, Ikky revint, apportant avec elle la fraicheur du dehors, mais avec le temps frais, vif.
- J'ai parlé au Scorpion là, celui qui traîne dans le jardin. Il se nomme Yogo Jinnai.
Plusieurs fois, les deux femmes avaient en effet aperçu un Scorpion, la quarantaine bien sonnée, mal rasé, farouche, de longs cheveux en désordres, mais habillé d'un kimono de seigneur, qui grognait seul dans son coin.
- Il a bien voulu discuter avec moi, content qu'une femme s'adresse à lui j'imagine. Il a été écrivain et conteur à Otosan Uchi. Il a raconté la vie d'illustres personnages et retrouvé nombre de généalogies prestigieuses.
Ayame hochait la tête, qu'elle avait lourde. Elle baîlla et se rallongea. Ikky voyait bien qu'il n'était pas possible de distraire la shugenja de ses malheurs actuels. Alros la yojimbo l'exhorta encore à se défaire de la drogue, à lutter contre ce poison insidieux qu'elle s'inoculait volontairement.
- Vous êtes en guerre contre vous-mêmes, Ayame.
- Je te suis très reconnaissante de ton aide, Ikky.
- Peut-être que nous sommes trop proches l'une de l'autre, qui sait...
Ayame crut comprendre ce que la yojimbo voulait dire :
- Tu retrouveras le chemin de l'honneur, j'en suis certaine.
- Vous aussi, Ayame.

[Image: ninja3.gif]

Ryu bénéficia des soins d'Iuchi Sadako, la pipelette Licorne. Elle eut vite la cheville en place, grâce à l'application des mains de la shugenja, qui venait aux nouvelles. Hélas, nul moins que Ryu ne répandait de ragots et la shugenja repartit bredouille, sans avoir d'eau pour faire tourner son moulin à ragots.
Un coursier s'était présenté au palais, venu du village de la Pierre Rouge. Le samurai retrouvé mort au fond de l'étang était un petit Bayushi insignifiant, envoyé dans ce lieu perdu à la suite d'une faute de sa famille.
Hiruya était consterné par cette déconfiture. Des meurtres minables, des Magistrats désemparés... L'hiver s'annonçait rude.
Dans sa chambre, Ryu s'efforçait de marcher normalement en posant son pied endolori par terre. On vint lui apporter une enveloppe sur laquelle était inscrit son nom. A l'intérieur, un papier grossier, avec des caractères réguliers : "Content d'avoir pu vous aider à retrouver le chemin du village."

Pour le coup, elle fit un faux mouvement et de sa cheville remonta une douleur qui la fit grimacer. Elle sautilla plusieurs fois et se rassit, relut la lettre. Pour de la provocation !...
Elle sut ce qu'elle allait faire aujourd'hui. Elle chercha dans les archives du palais des mentions de ce Ninja, dont elle avait entendu parler au début de son séjour dans la Cité. Il avait été accusé de s'en prendre à des marchands en ville. Depuis, il n'avait pas été vu dans les rues de Ryoko Owari.

Au temple, au réveil d'une longue sieste, Ayame crut avoir la berlue : les inscriptions sur le mur étaient plus longue ! La liste s'était allongée !
Bien sûr, quand elle dormait, on pouvait entrer dans sa chambre. Mais imaginer que quelqu'un venait griffonner au mur !...
Par la fenêtre, elle vit passer Yogo Jinnai.
Yogo Jinnai qui était historien. Ses réflexes d'enquêtrice se remirent en marche. Et si c'était lui qui ?...
Mais c'était grotesque !... Ou bien ce Jinnai était un peu obsédé par les dates.
Cette fois, les inscriptions étaient plus floues. Ayame ne pouvait déterminer jusqu'à quand elles remontaient. Elle se frotta les yeux : non, pas d'erreur, on avait allongé la liste.
Ayame se dit qu'elle ferait semblant de dormir la prochaine fois.

Le lendemain, Hiruya, qui se sentait menacé par l'ennui, ordonna à Ryu et Shigeru de le suivre au village de la pierre rouge. On allait approfondir l'enquête !
On interrogea de nouveau les paysans. D'abord les meurtres dans la fôret, puis le cadavre dans les champs et enfin celui près du village. Manifestement, le Ninja se rapprochait de la Cité.
- Quelqu'un, demanda Hiruya au chef du village, est-il connu pour avoir une tare ? ou pour être un peu à part ? ou bien "spécial", ou quelque chose de ce genre ?...
- Je vois ce que vous voulez dire, honorable Magistrat. Il ya bien le vieux Hotori, qui ne fréquente pas grand'monde.
Le chef aurait été bien content que ce soit le Hotori en question qui soit coupable ! Qu'on trouve le meurtrier vite et bien !
- En quoi est-il donc spécial ?
- Par Ebisu, il fait des cauchemars qui le réveillent plusieurs fois par nuit, le vieux Hotori. Il n'ose jamais sortir à la pleine lune. Depuis que sa femme et ses enfants sont morts, il est comme sauvage...
Ca suffisait pour Hiruya. Suivi de ses deux assistants, il alla parler à ce Hotori.
Il vivait dans sa masure, au sortir du village. Il restait propre sur lui mais ses mains étaient agitées de tremblement. Il devait boire sans compter.
- Je suis hanté par ma famille, honorable Magistrat... Ils ressortent du lac, dans des habits de deuils immaculés et ils viennent m'enserrer pour m'emmener avec eux. Ils sont morts de froid, il y a quatre hivers et ils me disent que je suis coupable d'avoir survécu, que j'aurais dû partager leur sort... Que je dois rejoindre le monde des zombies à mon tour ! Je ne sors pas à la pleine lune, par peur qu'ils viennent me chercher et que le village entier soit touché par la poisse ! Voilà pourquoi je me tiens à l'écart !
- Et qu'est-ce qui pourrait te forcer à sortir ?
- Rien, s'écria le malheureux.
"Si sa maison brûle, pensa Hiruya, il faudra bien qu'il sorte."
Il ordonna à quatre soldats de garder sa maison et d'être très attentifs à la prochaine pleine lune.
Nos samurai passèrent la nuit au village.
Au beau milieu de son sommeil, Shigeru fut réveillé par un choc à côté de lui. Une pierre venait de rouler dans la pièce, avec un papier attaché autour.
A la lumière des étoiles, il le lut : "Le samuraï a été tué par les CREATURES DE L'OMBRE !!"

Le papier sonnait comme un reproche adressé au Crabe. A propos des morts de l'étang, Shigeru avait émis l'idée que le gardien de chêvre qui posait des collets était le complice du Ninja. Et le Crabe eut l'intuition que c'était le Ninja qui venait d'écrire ce billet.
Ce Ninja qui avait aidé les deux samuraï à sortir de la forêt, alors qu'il aurait pu les attaquer si facilement dans ces bois sombres. Le Ninja cherchait-il donc à aider la Magistrature ?... peut-être pas quand même !
Le lendemain matin, Hiruya lut le billet et fit la grimace. C'est alors qu'un yoriki arriva, affolé, avec une autre pierre et un billet. Notre Grue lui arracha des mains, agacé et le lut sans tarder : "A l'honorable Magistrat : le paysan en deuil est touché PAR L'OMBRE ! Il doit mourir !"
Hiruya froissa le billet et ordonna qu'on double la garde.
Puis il prit le chemin du retour avec Ryu et Shigeru. Il détestait cette sale campagne où il devait se donner du mal pour la vie de quelques malheureux hères !
Dans un autre village, plus proche des murs de la Cité, il apprit qu'il ne s'y était jamais rien passé !
Retour maussade à la Cité.
Au temple, Ayame, toujours malade, rendait une partie de son bouillon de midi.

[Image: ninja3.gif]

Le lendemain, Ryu demanda l'autorisation d'enquêter sur l'ile de la Larme. Elle avait l'intention de prouver qu'on avait aidé Ayame à prendre trop d'opium.
- Entendu, fit Hiruya, de guerre lasse dès le matin, mais interdiction d'importuner des samuraï à ce sujet !
Comme notre Grue s'y attendait, l'enquête ne donna aucun résultat.
Hiruya rendit visite au temple, où Ayame était toujours aussi mal en point.
- Le poison est dur à expulser, Hiruya-sama...

Il lui apprit l'existence du Ninja et sa lutte supposée contre les créatures de l'Ombre.
- D'autres que moi veulent agir aussi...
- Nous nous inquiétons de savoir qui sera la prochaine victime. Elle pourrait être dans la Cité...
Ayame toussa et se força à tousser encore, pour masquer sa gêne.
- Il y a beaucoup de gens dans la Cité, on ne peut pas savoir...
- Quelque chose d'anormal, Ayame ?
Elle lui désigna les inscriptions au mur :
- Quelqu'un vient griffonner pendant mon sommeil...
- Quoi ? quelqu'un peut-il s'en prendre à toi ici ?
Sincérement, Ayame répondit : non.

A suivre... [Image: ninja3.gif]
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20e Episode : Trois contes d'hiver - by sdm - 20-06-2006, 10:19 PM
20e Episode : Trois contes d'hiver - by sdm - 22-06-2006, 10:37 PM
20e Episode : Trois contes d'hiver - by sdm - 22-06-2006, 11:07 PM
20e Episode : Trois contes d'hiver - by Darth Nico - 21-08-2006, 12:01 PM
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