14-07-2007, 06:37 PM
(This post was last modified: 22-07-2007, 01:57 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
Résumé : Nos héros séjournent à la Cité du Repos Confiant, ville natale d'Ayame. Celle-ci a promis à Hiruya de cesser ses enquêtes sur les sombres secrets de Rokugan. Quant à Riobe, il se renseigne auprès de Bokkai pour retrouver Shosuro Emmon...<!--sizec--><!--/sizec-->

Le lendemain, Ayame passa de longues heures à reconstituer ses textes perdus. Elle se hâtait de jeter sur le parchemin ce dont elle se souvenait, sachant que plus les heures passaient, plus sa mémoire pouvait la trahir.
Et une question ne cessait de la tarauder : pourquoi avait-elle survécu à sa descente dans la bibliothèque ? Pourquoi l’Ombre ne l’avait-elle pas purement et simplement supprimée, alors qu’elle la tenait littéralement à la gorge ?
De son côté, Hiruya rédigeait pour Miya Katsu un rapport exhaustif sur leurs enquêtes à la Cité des Mensonges. Il mettait à plat ce qu’ils avaient appris, même les réalités les plus sombres. Ensuite, ce serait à Katsu-sama de savoir ce qu’il en dirait au champion d’Emeraude.
Au dojo, Bokkaï pratiquait quelques exercices, quand il vit arriver à lui Mirumoto Ryu. Visiblement, elle voulait lui parler. Le Scorpion laissa faire, feignant de n’avoir pas compris. Cette samuraï ne laissait pas de réserver des surprises : par exemple, là, elle avait quelque chose sur le coeur, mais Bokkaï ignorait comment elle allait s’y prendre pour lui parler. De fait, elle n’y alla pas par quatre chemins :
- Bokkaï-san, je vous en ai déjà parlé et vous m’aviez dit que vous pourriez m’aider. Je dois retrouver Bayushi Kishidayu, l’assassin de mon mari.
- Je vois, fit Bokkaï.
Il termina ses mouvements de décontraction et ses respirations. En s’épongeant d’une serviette, il dit :
- Iuchi Shizuka, comme vous savez, s’est rendue il y a peu à la Cité de la Grenouille Riche. Selon elle, le samuraï que vous cherchez, Bayushi Kishidayu a rencontré la vieille Shosuro Kitabakate.
- Bokkaï-san, nous avons fait de grandes choses ensemble, dit Ryu. Mais je vais devoir quitter le service de Kakita Hiruya-sama. Je ne peux plus attendre pour venger l’honneur de ma famille. Mais avant, je voudrais savoir s’il vaut bien la peine d’aller chercher ce Kishidayu. Et cela est lié au coup d’Etat de votre clan.
- Quel rapport ?
- Des membres de ma famille avaient été mis au courant de ce qui se préparait. C’est Bayushi Kishidayu qui a été envoyé pour les tuer avant qu’ils ne parlent. Mon père et mon mari ont été tués. Reste mon oncle, le seul à avoir survécu à cette attaque. C’est lui qui m’a parlé de Kishidayu.
- Je ne sais quoi vous dire. Convoquez votre oncle, il doit en savoir plus que moi.
- Je crois que c’est ce que je vais faire.
Ryu salua et partit.
« Il faut bien être un Dragon, se dit Bokkaï, pour faire confiance à un Scorpion ! »

Le senseï de la calligraphie, Shiba Rosanjin caressait sa longue barbe en relisant certains passages du rapport de Hiruya (les moins chargés en révélation).
- Oui, l’écriture me semble acceptable, honorable Magistrat. Le Champion d’Emeraude pourra être satisfait.
En réalité, le senseï avait raturé les trois quarts du passage relu, mais avec un de ses élèves, il l’aurait plutôt mis au feu sans attendre, avant d’ordonner de tout reprendre !
- Je vous remercie, senseï.
Rosanjin, en sortant, croisa Ryu, très soucieuse, qui le salua rapidement, trop pressée d’avoir voir le magistrat.
- Hiruya-sama, je souhaiterais convoquer mon oncle. C’est pour une affaire très importante, qui concerne l’honneur de ma famille.
- Faites donc, Ryu-san, faites donc.
La Dragon n’était pas dans son état normal –pour autant qu’elle ait jamais eu un état normal !
Hiruya termina une première version de son rapport, qui donnait surtout des indications quant à ce qu’il fallait dire et ne pas dire ; il renonçait à l’écrire en entier. Il le fit porter à Isawa Ayame, à charge pour elle de le rédiger entièrement !
C’était bien une guigne qui tombait sur notre shugenja, qui mourait d’envie de reproduire ses parchemins perdus ! Elle prit des mains du serviteur le rapport et le congédia. Enervée, elle se mit à l’écrire, la tête ailleurs. Elle se hâta d’en rédiger de larges passages, puis se remit à ses parchemins. Quand un serviteur, envoyé par Hiruya, venait voir, l’air de rien où elle en était, elle s’y remettait d’arrache-pied, prétendant ne pas aller trop vite pour ne pas rendre un torchon. Et le serviteur n’avait pas plus tôt tourné le dos qu’elle ressortait ses propres pages !
Elle n’en dormirait pas de la nuit s’il le fallait, mais elle expédierait en vitesse cette corvée !
Le soir, le vieux senseï Kanera vint rendre visite à la shugenja, toujours à sa tâche.
- On vous dit très occupée par le rapport.
- Oui, Hiruya-sama m’a fait l’honneur de me confier cette tâche.
Elle se serait avalé la langue plutôt que d’avoir à redire une telle phrase !
- Le senseï Isawa Ujina m’a parlé de votre expédition dans la Forêt des Ombres. Vous y avez, tous autant que vous êtes, apporté une fin heureuse.
- Oui, c’est vrai, dit Ayame, qui lâchait sa plume et ne pensait déjà plus à son rapport. Mais cette Nahoko était l’incarnation du pouvoir de cette Ninube... Je ne sais pas s’il était bon de trop en apprendre sur cette dame Doji dévorée par les ombres...
- Méfiez-vous, dit sentencieusement Kanera, car après avoir détruit les ombres de votre ennemi, vous devez prêter attention à l’ombre qui se tapit en vous...
Ayame ne dit rien. Elle ne voulait pas trop entendre ce genre de conseils...
- Nahoko, dit-elle, avait été corrompue par des gens, sur les terres du Dragon. Nous avons d’abord pensé à la corruption de l’Outremonde, quand elle a essayé de m’en accuser pour gagner du temps. Mais il s’est avéré que c’était pire. Et cette nuit dans la Forêt des Ombres a permis de nous en convaincre. Maintenant, Nahoko est belle et bien détruite, son âme dévorée par Ninube, et Ninube emprisonnée à jamais dans la prison cristalline d’Isawa Ujina.
- Que savez-vous d’autre ?
- Peu. C'est-à-dire que Nahoko n’était pas seule. Elle s’était alliée à un samuraï sans clan, qui portait un nom de légende : la Grue Noire. Cet homme n’est pas le premier à porter ce nom. Mes recherches m’ont appris qu’à l’époque du Gozoku, un rebellle à l’autorité de l’Empereur s’était affublé de ce nom. Il tuait les samuraï au nom du peuple. Il a fini par être pris et décapité. Depuis, son nom est synonyme de terreur. En reprenant ce sobriquet, le complice de Nahoko ne s’est pas trompée, car ce nom fait encore trembler les gens du peuple, alors que les samuraï ne paraissent pas le connaître. Ce sont les plus basses couches de la société qui ont, semble t-il, les meilleures informations à ce sujet.
« Mais cette Grue Noire n’est pas seule. Seule, elle n’aurait pu faire évader Nahoko des terres du Dragon. Seule, elle n’aurait pu venir à la Cité des Mensonges, comme elle l’a fait. Elle venait éliminer un chef de famille, corrompu par l’Outremonde, Soshi Seiryoku. Seulement, c’est Kakita Hiruya-sama qui l’a tuée avant lui. Mais cet assassin l’aurait fait quand même.
Ayame parlait avec empressement. Elle ne tenait plus. Elle avait quelqu’un devant qui elle pouvait déballer son sac à secret. Ses lèvres ne contenaient plus ces vérités qui l’obsédaient.
- Si je vous suis bien, dit le senseï, non seulement la Grue Noire n’a pas corrompu Nahoko à la souillure, mais ce tueur était prêt à abattre une samuraï corrompue.
- Oui. Et la Grue Noire n’est pas seule, nous l’avons appris incidemment, par un des serviteurs de Soshi Seiryoku. La Grue Noire n’est pas non plus, je le crois, membre d’un cercle de yakuzas, ou de rebelles du bas peuple. Au contraire... Je crois qu’elle est protégée par une organisation très puissante, qui compte parmi elle des personnages importants. Or, ni les heimin ni les eta ne pourraient mettre sur pied une telle organisation occulte, si bien renseignée sur les dessous ignobles de notre Empire...
- Pourquoi chercher ces gens-là ? Croyez-vous qu’ils soient une menace ? La menace ne vient-elle pas d’abord des Crabes ?
- Si bien sûr. Et ces gens ne peuvent pas, de toute façon, représenter un plus danger que ne l’était l’Ombre. Mais...
Ayame ne put terminer sa phrase. Le senseï se releva en soupirant.
- Je crois être maintenant trop vieux pour penser à cela... Mais cela me pose toutefois une question, qui vous concerne. Il semblait, à entendre le moine Tadakune, que vous Ayame, et les autres samuraï présents dans la Forêt des Ombres, étiez désignés par les dieux pour détruire Ninube, comme si vie servait à l’accomplissement de cette mission. Seulement, maintenant que vous avez réussi, qu’attendent encore les dieux de vous ? Quel est votre dharma ? Que fait un samuraï quand il a accompli son destin ?...
Sur ces paroles, qui n’appelaient pas de réponse, le senseï s’en alla.

Ayame s’accorda quelques heures de sommeil. Au matin, elle alla se laver, prendre le repas en commun puis se remit à la tâche. Elle reçut la visite d’Iuchi Shizuka, qui, selon la vertu de compassion, lui proposa de l’aider. Ayame accepta de bon coeur. Plusieurs fois, la Licorne s’aperçut que la Phénix piquait du nez.
- Vous devriez vous reposer, Ayame-san. Si vous le permettez, je vais continuer seule. Je ferai en sorte d’écrire comme vous, et Hiruya-sama n’aura pas à se plaindre.
- Je vous remercie sincèrement, Shizuka-san.
Oui, que cela faisait du bien, de temps en temps, d’être sincère !
- Mais vous savez, poursuivit la shugenja Phénix, ces rapports officiels sont ennuyeux. On y élimine ce qui ne convient pas, ce qui n’est pas assez honorable pour rester la mémoire de nos descendants.
- Du moment que l’honneur l’exige.
Ayame salua et se dit que ce qui l’exigeait, c’était surtout l’honneur de Hiruya-sama !
En fin de journée, ledit Hiruya-sama relut la copie et l’approuva. Il apposa sa signature. Grâce à Shizuka, Ayame avait gagné une bonne demi-journée. San sattendre, elle s’était remise à ses travaux personnels...

Ryu avait mis en marche ses recherches. Elle reparla avec Bokkaï.
- Ecoutez, lui dit le Scorpion, si Kishidayu est bien l’élève de Kitabakate-senseï, cela signifie que c’est elle qui a ordonné à Kishidayu d’aller, comment dire, « à la rencontre » de votre famille. Alors je vous mets en garde, Ryu-san. Vous savez comme moi l’importance du senseï dans mon clan, et ses moyens d’actions, qui sont grands. Les gens de la famille Shosuro sont peut-être déjà au courant de vos intentions, alors je vous recommande la prudence ! En tant que magistrat, je suis tenu à la réserve sur nos enquêtes, mais cela n’empêchera pas mon clan d’apprendre ce qu’il doit apprendre !
La samuraï Dragon remercia et retourna voir Hiruya :
- Bokkaï vous a parlé je suppose, Ryu-san. Je savais ce qu’il allait vous dire, et je suis prêt à le reprendre mot pour mot. Donc, plus que jamais, prudence ! Convoquez votre oncle, cela ne pose aucun problème. Les ennuis pourraient arriver après. Quant à ce Kishidayu, il serait bon d’en apprendre plus sur lui. Nous ne pouvons tout attendre de votre oncle, nous devons en savoir assez à ce sujet, il en va de la réputation d’infaillibilité de la Magistrature.
Du coup, Hiruya emmena Ryu raconter son histoire directement devant Miya Katsu. Puisque c’était si important, le Magistrat d’Emeraude devait être mis au courant. Katsu-sama écouta attentivement, les yeux plissés par la curiosité et l’inquiétude.
- Oui, il est important d’interroger votre oncle, dit-il. Et je partage l’avis de Hiruya concernant l’assassin de votre famille. Donc nous devons en apprendre plus sur lui. Si Isawa Ayame a terminé de rédiger son rapport, qu’on lui confie une mission de recherche à ce sujet !
- Bien, firent Hiruya et Ryu.
Miya Katsu n’était pas au courant du « léger » différend qui s’était créé entre Ayame et Ryu, au moment du procès Kumanosuke, lorsque Ryu avait dit à feu l’Inquisiteur Kitsuki Hanbei qu’Ayame était au courant pour l’Ombre... Alors, l’information était revenue à Shosuro Kitabakate, qui pensait qu’Ayame ne divulguerait ces informations à personne. Et voilà que c’était Ryu en personne qui était au courant !
La shugenja Phénix fut convoquée de nouveau par Hiruya. Elle fut surprise de se voir confier une enquête aussi sulfureuse que celle-ci. Finissait-on par reconnaître ses talents hors-pair en ce domaine ?...
- Les recherches de Ryu-san, dit-elle, sont la discrétion même. A faire pâlir d’effroi un Crabe...
- Assez de sarcasmes, coupa Hiruya (qui n’était du reste pas en désaccord avec Ayame). Vous partez à la Cité du Chêne Pâle, et où bon vous semblera, et vous nous ramenez des renseignements complets sur Bayushi Kishidayu !
- S’il en va du bien de l’Empire...
- Vous avez trois jours !
Ayame retourna à sa chambre et ordonna aux serviteurs de préparer ses bagages. Ikky revint du dojo, alors que la chambre était en plein remue-ménage.
- Que se passe t-il ?
- Nous partons en mission, Ikky-san. Nous allons assister Ryu-san dans ses recherches.
La yojimbo faillit éclater de rire, mais Ayame la pressa de se préparer pour le voyage. On n’avait pas de temps à perdre...
Après Rukya élevée au rang de Fortune Mineure du Cristal, Ikky se demanda combien de temps il faudrait patienter avant de voir Ayame sacrée Fortune du Deshonneur... Aider Ryu ! Non mais les kami étaient tombés sur la tête !
- De toute façon, cela ira vite, fit la shugenja. La bibliothèque du Chêne Pâle, j’ai passé un hiver à la fouille ; je la connais par coeur, mieux que les archivistes !
Là-bas, c’était sa chasse gardée !
Les deux Phénix partirent dans l’après-midi. Le soir, on annonçait l’arrivée du Champion d’Emeraude.
- Nous ne perdons pas au change, ricana Bokkaï devant Shigeru. Cette ville va retrouver son atmosphère de sérénité et d’honneur.

Le Champion d’Emeraude, Kakita Toshimoko passa une journée dans la Cité du Repos Confiant. Ce fut une journée de célébrations, de grands discours, de copieux repas. Le Champion lut le rapport de Kakita Hiruya, dans une version soigneusement expurgée.
- Très intéressant, dit-il. Je vais faire copier ce rapport pour nos archives. Par ailleurs, vous pourrez féliciter la personne qui a rédigé ce rapport.
- Isawa Ayame, une de mes assistantes, dit Hiruya, la tête bien basse.
- A voir son écriture, ce doit être une personne fière et droite. Excellent choix.
- Merci, seigneur ! merci...
On se confondait d’admiration devant la clairvoyance du Champion d’Emeraude. Deviner si parfaitement la personnalité d’Ayame, rien qu’à son écriture, du premier coup d’oeil !:ahah:
A suivre...
