01-09-2007, 02:33 PM
(This post was last modified: 01-09-2007, 02:37 PM by Darth Nico.)
DOSSIER #3<!--sizec--><!--/sizec-->
Maréchal ne s’était pas trompé. La rumeur, selon laquelle SÛRETE avait mis la main sur Herbert et son laboratoire, avait fait le tour du quartier.
- Ce salaud de Herbert, vous pensez si on le connaissait ! Derrière ces airs de petit horloger, on savait qu’il trafiquait des trucs pas clairs. Il avait besoin de monde pour son « siège ». Alors il proposait à ceux qui avaient des soucis d’argent de rembourser, en échange d’une petite séance dans son « arrière-boutique ». Il fallait qu’il ait accumulé un trésor de guerre, pour éponger les dettes de tant de gens !
- Que subissaient ses « patients » ?
- Ils devaient s’asseoir sur le siège, à ce que j’ai entendu. Alors il allumait ses instruments, et les gens recevaient des radiations, des ondes, quelque chose de ce genre…
- Et que leur faisait ces ondes ?
- On ne sait pas. Les séances duraient quelques heures. Au début, les gens avaient peur. Après, ils voyaient que ça craignait rien, et que ça payait pas mal. Alors plusieurs se sont proposés… N’empêche que Herbert avait une sale réputation, avec ces instruments.
- Vous connaissez les gens qui se sont portés volontaires ?
- Quelques-uns. Ils proposaient aussi aux gosses qui vivent dans la rue. Eux, ils leur payait un repas, et c’était déjà énorme pour eux. Pensez, une journée sans bouffer du rat ou du fond de poubelle !
Maréchal avait appris l’essentiel. Il comprit que retrouver les « invités » de Herbert serait plus long. Il rangea son carnet, et remercia l’épicier qui l’avait informé.
- Vous auriez quand même dû informer ADMINISTRATION plus tôt, vous ne croyez pas ?…
Rentré au commissariat, l’inspecteur s’attela à son rapport.
« La suite des interrogatoires m’apprit que le suspect sus-nommé avait vécu pendant six ans révolus dans l’impasse Vilnius. Voici cinq jours, il a reçu la visite, selon quatre témoins, d’un homme chauve lui aussi, grand de près de deux mètres, portant la barbe. Les témoins affirment qu’une forte altercation a eu lieu chez l’horloger, qui a dégénéré en lutte à mains nues, avec bris de verre et d’objets de l’appartement. Herbert serait alors sorti en courant de l’impasse, blessé à la tête. Les commerçants sont restés chez eux, tandis que Herbert prenait la fuite…»
C’était assez pour aujourd’hui. Car la description du visiteur de l’impasse correspondait bien avec celle de l’agresseur de l’hôtel. Maréchal allongea ses jambes sur son bureau, et décida de finir sa nuit.
*
Portzamparc sortait de table. Il avait annoncé à sa femme qu’il reprenait sa surveillance dans l’hôtel. Celle-ci était retournée dans leur petite chambre, en le conjurant de prendre un moment, avant la prochaine rencontre, pour se reposer. Le détective avait promis.
Il se rendit au troisième, où logeait le petit gros à casquette. Il fit le tour du couloir et s’assit sur le palier, face au grand escalier du Novö-Art, sur un siège dessiné par un styliste à la mode ; sur une table basse en marbre, des revues de mode pour hommes et pour femmes.
Portzamparc savait qu’il faudrait attendre.
Il feuilletait depuis une demi-heure, négligemment, les pages en beau papier sur les costumes de soirée, quand le petit gros se jeta hors de la chambre et tomba sur le tapis.
Portzamparc s’était levé et courut, l’arme à la main. L’autre referma la porte, le cœur battant.
- Il est à l’intérieur… Je l’ai vu !
- Qui ?
- Le tueur… il venait de la salle de bains ! Il devait s’être caché dans la baignoire !
Portzamparc colla son oreille à la porte : pas de bruit.
- Éloignez-vous.
Le policier rouvrit la porte et entra dans l’appartement, son arme braquée devant lui.
Le séjour était vide ; de même la chambre. En face du coin cuisine, restait la salle d’eau. Portzamparc s’approcha doucement, nerveux. Il allait retrouver le tueur qui lui avait tiré dessus, et l’avait raté de peu.
- Sortez de là ! Ça vaut mieux pour vous !… Sortez immédiatement !…
Pas de réponse.
- Vous m’entendez ? Sortez…
Le petit gros n’en menait pas large. Il tremblait pour Portzamparc et il réalisait en même temps qu’il lui avait servi d’appât…
Le détective entra dans la salle de bains. Sa vue se troubla un instant, face au rideau de douche, qu’il écarta d’un coup sec.
Personne.
Une petite fenêtre était restée ouverte. Elle donnait sur l’arrière-cour.
- Venez, il n’y a personne…
- Vous êtes sûr ?
L’appartement était sur le même modèle que celui du deuxième, où l’agresseur du vigile avait logé.
- Il n’a pas pu passer par cette fenêtre, dit le petit gros.
- Non, non, maugréa le détective, qui comprenait de moins en moins. Vous dites qu’il est sorti de cette salle de bains ?
- J’en suis sûr. Je l’ai vu arriver par le miroir du salon. En voyant son reflet, je me suis précipité dehors.
- Vous avez bien vu le reflet ? Ce n’était pas une illusion ?
- Sûr que non ! J’ai bien vu cette silhouette, massive ; crâne chauve, barbe longue, taillée au carré… Une tête d’égorgeur !
C’était ridicule, évidemment, car il n’y a pas de tête prédestinée pour devenir égorgeur. Mais l’homme avait eu la peur de sa vie…
- Depuis combien de temps était-il là ?
- Je n’en sais rien !
- Vous êtes resté combien de temps d’affilée dans votre chambre ?
- Au moins deux heures.
- Il n’a pas attendu deux heures dans la baignoire ! Vous êtes allé dans la salle de bains ?
- Oui, je crois… J’en suis même presque sûr. Pour me laver les mains, tout simplement.
- Tout simplement, oui…
Portzamparc laissa un blanc, avant d’ajouter :
- Et vous n’êtes pas allé dans la baignoire ?
- Non je n’ai pas pris de bain.
- Donc, logiquement, il était déjà dans la baignoire au moment où vous vous laviez les mains au lavabo.
L’homme devint blanc.
- Or, il aurait aussi bien pu vous sauter dessus immédiatement. Pourquoi attendre ?
- Mais je ne sais pas !
- Vous êtes sûr d’avoir bien vu… Vous étiez à cran. Vous avez pu imaginer…
- Non, je vous jure !
Le détective aurait fini par ne plus y croire, s’il n’avait remarqué, sur le mur carrelé de la baignoire, des déformations, les mêmes que dans l’appartement au deuxième. Les mêmes incurvations, comme si on avait frappé à la massue sur le mur.
- Dites, vous n’avez pas touché à ces carreaux ?
- Mais enfin non !
Portzamparc appela la réception et ordonna qu’on envoie les vigiles et le Pandore de service.
- Vous allez me fouiller tout, j’ai bien dit : TOUT ! Il y avait vraisemblablement un tueur ici, il y a encore quelques minutes ! Il n’a pas pu aller loin !…
Les policiers, décontenancés, se mirent à pied d’œuvre.
- Et on va commencer par fouiller l’appartement voisin, dit le détective. Car il a pu y passer, par la fenêtre de la salle de bains. Il y a une corniche qui doit permettre d’accéder, depuis cet appartement à la terrasse voisine. Il suffit d’un peu d’acrobatie. Au travail !
Les policiers entrèrent avec fracas dans l’appartement. Son occupant n’était heureusement pas présent. Et il n’y avait personne d’autre.
Portzamparc enrageait. Il vit alors les mêmes incurvations, au mur du salon. Il réfléchit :
- Derrière, c’est le mur de la baignoire de votre appartement, n’est-ce pas ?
- Oui…
Le détective s’assit et s’épongea le front. Le tueur avait encore disparu.
- Ce n’est pas possible, ce type passe à travers les murs, ou quoi ?
- Venez voir, dit un vigile, qui examinait la salle de bains. La fenêtre est fermée, mais voyez un peu.
Portzamparc comprit :
- Le conduit de tuyauterie. Le même, car nous sommes juste au-dessus de l’appartement du 2e où… Allez, venez !
Portzamparc courut au sous-sol, épaulé par le vigile. Là, ils trouvèrent une femme de chambre assommée, juste devant la porte de la salle où aboutissait le conduit. Ce maudit sous-sol avait été construit pour servir aux fuites, ou quoi ?
Les deux policiers coururent vers l’impasse : la porte était ouverte. Ils se précipitèrent dans la rue et virent un vieil homme, plaqué dos au mur, la main sur le cœur. Il pointait du doigt une direction. C’était celle du quartier Croule-Pierre, celui des entrepôts de matières premières pour le bâtiment. Les deux policiers s’engagèrent dans les rues en pente, au cœur d’un petit dédale qui, de temps à autre, bifurquait et frôlait un vide de presque trente mètres.
En sortant, après deux bonnes minutes de course, on arrivait sur une petite place, avec une station de ballon-taxi, une grande statue de créature ailée, en face d’un des entrepôts.
Portzamparc repoussa violemment le Pandore dans la ruelle, et s’y jeta avec lui. Une détonation claqua. Une balle vint s’écraser sur le trottoir. Les deux hommes, à bout de souffle, avaient juste eu le temps de voir le tireur, au milieu d’un escalier.
Furieux, Portzamparc reprit sa course, révolver en main. Il arriva au pied de l’escalier au moment où le tueur partait dans la rue au-dessus. Le détective lui cria de s’arrêter, sans résultat. Il monta les marches quatre à quatre. Arrivé en haut, il vit le tueur, à trente mètres, qui escaladait un mur.
- Arrêtez !
L’homme continuait à grimper, comme un chat, malgré sa carrure de cavalier des steppes de Forge.
Portzamparc tremblait après cette course. Il se mit fermement sur ses jambes, visa et tira. L’homme plongeait à ce moment derrière le mur au bout de l’impasse. La balle fissura la brique rouge. Et on entendit les pas de course s’éloigner.
Le détective essuya les gouttes de sueur qui lui tombait sur les cils, puis redescendit les marches. Mais dans ces rues en tous sens, avoir passé ce mur donnait une avance considérable au fuyard. Le vigile arrivait, suivi de deux Pandores. Portzamparc organisa la fouille dans le quartier, mais c’était trop tard.
- Et voilà en plus le brouillard qui se lève…
Il entra dans le premier bistrot venu, alla au parlophone alerter le commissariat du coin. Puis il appela Magött Platz, pour faire venir l’équipe de la police scientifique, la seule à plusieurs blocs à la ronde.
A suivre...