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Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe
#16
DOSSIER #3<!--sizec--><!--/sizec-->


Portzamparc resta au bistrot, où il se fit servir un demi de bière.
Il comprenait de moins en moins. Que cet homme ait des capacités physiques exceptionnelles, pourquoi pas. Avec un régime intensif, on peut obtenir beaucoup de son corps. Mais de là à entrer et sortir à sa guise d’un hôtel surveillé comme le Novö-Art !…
Bien sûr, on pouvait penser à des complicités à l’intérieur de l’équipe de l’hôtel. MAis qui couvrirait les agissements d’un tel personnage, en sachant que cela va déclencher une enquête approfondie de SÛRETE. Ou peut-être le complice était-il victime d’un chantage…
Portzamparc retournait ces idées dans sa tête, quand il vit entrer trois de ses collègues. Mais ils ne venaient pas de Croule-Pierre : avec leurs beaux imperméable, leurs feutres et leurs gros godillots, ils sortaient d’un des bureaux du quai des Oiseleurs !
- La police judiciaire, murmura Portzamparc.
- Hé oui, détective. Cette affaire concerne la sécurité de toute la Lune. Horo n’est pas un petit rigolo.
Sous-entendu : il n’était plus possible de laisser cette affaire aux commissariats de quartier. Portzamparc leur aurait volontiers répondu d’aller se faire voir chez les Lektres, mais il préféra commander un autre demi. Il raconta ce qui s’était passé aux hommes du divisionnaire Ménard, puis téléphona à son commissariat, où il eut Maréchal.
- Ce type traverse les murs !
Déjà, cette phrase avait faire sourire les inspecteurs de la PJ.
- Vous devez être un peu fatigué, dit Maréchal, qui savait de quoi il parlait.
- Écoutez ! Les murs étaient incurvés au second. Ils le sont au troisième, chez le type qui a failli se faire tuer, et dans l’appartement voisin ! Autrement dit, ils sont déformés partout où Horo est passé -s’il s’agit bien de Horo !
- Oui, enfin l’agresseur de l’hôtel, disons.
- Voilà. Et ce n’est pas un vice de conception ! Personne n’aurait idée d’incurver les murs comme ça !
- Bon, bon… Qui est le dernier type a qui Horo s’en est pris ?
- Je ne sais pas, un petit gros. Je n’ai pas eu le temps de lui parler. De toute façon, la PJ occupe le terrain.
- Pas trop tôt, d’ailleurs.
- Ce type est dingue ! Il s’en prend au chauve, à un chien, à un autre client…
- Je mettrais le chauve à part, dit l’inspecteur. J’en ai appris sur lui, je vous raconterai. Donc ce dingue a peut-être plus de logique qu’on ne croirait…

Portzamparc était à bout de nerfs. Maréchal, lui, était trop fatigué pour avoir encore des nerfs. Il rentra chez lui, respirer quelques heures un air différent de celui du commissariat, et revint tard le soir, à une heure où Portzamparc était parti retrouver sa femme. L’inspecteur avait pris le rythme de nuit.
Maréchal avait senti que le détective en avait gros sur le cœur. Un dangereux comme Horo, pour commencer sa carrière, c’était peut-être beaucoup. Pourtant, il ne manquait pas de cran, ce détective, à lui cavaler après, deux fois de suite, arme à la main !
L’inspecteur se remit à son rapport, tapant à deux doigts sur son vieux chromatographe de l’année 190, aux touches usées par des centaines d’heures de frappe. Pour rien au monde, Maréchal n’en aurait changé !
Vers minuit, l’un des deux hommes de la police scientifique était de retour au commissariat. Il n’en revenait pas, de ce qu’ils avaient vu !
- Inspecteur, on peut dire qu’on s’en est donné à cœur joie ! C’est incroyable le matériel logé dans une si petite pièce !
- J’ai vu les chromatos, le siège…
- Vous n’avez presque rien vu ! Vous lirez notre rapport, c’est incroyable !
Ils étaient émerveillés d’être allé là-bas. Pour eux, c’était la caverne au trésor. Ils n’auraient pas souvent l’occasion de retrouver pareille occasion.
- Et en deux mots, dit Maréchal, ils servent à quoi ces appareils ?
- Ils balancent des ondes.
- Des ondes ?
- Je ne sais pas encore quels effets elles produisent, mais il y a de quoi en envoyer une sacrée quantité, croyez-moi… Il y a des amplificateurs d’un calibre incroyable, et aussi des modulateurs de fréquence. Mais ce n’est pas une station de radiophonie là-bas, vous pouvez me croire. Quand ce Herbert asseyait les gens sur son siège, ce n’était pas pour leur faire écouter de l’opéra !
- Bizarre, quand même, cette installation, vous ne trouvez pas ? fit Maréchal avec une moue suspicieuse. On dirait des trucs de Scientistes…
L’autre, excité de ses découvertes, finit son café et dit qu’il avait son rapport à taper. Il était émoustillée comme une jeune fille au bal des débutantes.
Maréchal bâilla. Son rapport était bien avancé. Il alla s’accorder une petite pause hamac.
Vilnius, alias Herbert, avait réintégré sa cellule, et il avait tourné d’un cran vers la zone « suspect ».
- Toujours rien à me dire ?
- Je veux dormir…
Maréchal, las, s’étira :
- Vous êtes vraiment le plus mauvais coupable que j’ai connu depuis longtemps…
- Comment ça, coupable ?
- Inutile de nier, Herbert. Vous avez envoyé vos ondes de cinglé sur des tas de gens, sur des gosses de rue, et pour finir, sur ce type appelé Horo. C’est dégueulasse. C’est votre faute, j’en suis sûr, s’il est devenu tueur à gages ! Vous l’avez rendu dingue, avec vos expériences…
- Vous n’avez aucune preuve !
- Profitez bien de cette cellule. C’est la dernière nuit que vous y passez. Et c’est un palace par rapport à où vous logerez ensuite…

*

Maréchal s’endormit peu après. Il grogna quand une sonnerie insista suffisamment pour le réveiller. C’était le signal de son chromatographe, relayé dans le dortoir.
L’inspecteur marcha comme un zombie jusqu’à son bureau. Il décrocha le combiné de son appareil, en s’allumant une cigarette, vautré dans son fauteuil.
- Inspecteur Maréchal ?
- Lui-même.
Il avait bien envie d’envoyer bouler son interlocuteur. Mais il remarqua que son chromatographe n’affichait pas le numéro de l’autre ligne.
« Un système de brouillage... »
Or, ce genre d’équipement ne se trouvait pas chez la première concierge venue. Plutôt chez les militaires, dans les corpoles ou dans les échelons élevés d’ADMINISTRATION.
- Inspecteur, je désirais vous parler d’une affaire qui vous occupe en ce moment.
- Laquelle ?
- Celle de M. Vilnius.
- Que pouvez-vous me dire ?
- Je peux vous proposer un marché à ce sujet.
L’inspecteur s’attendait davantage à une dénonciation anonyme.
- Un marché ? Pour le moment, ce monsieur Vilnius a gagné un aller simple pour le Château.
- Justement…
- Comment ça, « justement » ?
- Etes-vous certain de la culpabilité de cet homme ?
- La police scientifique a fouillé son atelier d’horloger. Bientôt, elle va rendre ses conclusions : elle va dire qu’elle a trouvé ses empreintes là-bas, dans chaque pièce. J’ai bien dit chaque pièce.
- Croyez-vous que la police va rendre ces conclusions ?
Au même moment, Maréchal recevait sur son chromato le rapport de la police scientifique qui, à la demande de Portzamparc, avait examiné les chambres du Novö-Art. Ils affirmaient y avoir enregistré la même fréquence d’onde que celles produites par les machines de Herbert.
- Oui j’ai bien l’impression que la police va rendre ces conclusions, affirma Maréchal.
- Donc Vilnius sera accusé. A moins qu’on découvre, finalement, que rien ne permet d’affirmer que cet homme a vécu dans l’atelier d’horlogerie…
- Peut-être bien, oui, mais il y a aussi les témoignages des voisins ainsi que…
L’interlocuteur de Maréchal avait raccroché.

*

L’inspecteur sortit de son bureau au petit matin, après un mauvais sommeil. Les deux hommes de la « scientifique » avaient fini leur rapport dans la nuit. Maréchal le feuilleta, impatient d’en finir avec le cas Vilnius. Il faillit s’étrangler quand il lut, noir sur blanc : « Les empreintes trouvées dans l’atelier, appartenant à l’amnésique, ne permettent pas d’établir avec certitude qu’il a vécu dans ce lieu, car lesdites empreintes ont pu être déposées lors de la visite de l’amnésique en compagnie de SÛRETE et se confondent avec celles des autres visiteurs du lieu… »
Tout juste si Maréchal n’était pas accusé d’avoir laissé traîner ses gros doigts partout ! Pour le coup, il serait bien allé descendre les deux policiers de leurs hamacs. Il avait droit à quelques explications !

Il les vit entrer, dans la cuisine, défraîchis, honteux. Ils sortaient du bureau de Novembre. Ils n’osèrent pas croiser le regard de Maréchal.
- Et voilà, disaient-ils à la cantonade. Encore une enquête qui se termine. Ah, elle nous a demandé du boulot. Mais pour si peu de résultats, quel dommage…
Leurs yeux fuyants, leurs mines ternes, leur attitude lâche… Maréchal en fut révulsé, lui qui pourtant appartenait à la catégorie des gens blasés. Les deux hommes de la scientifique n’en menaient pas large en buvant leur café.

- J’ai lu votre rapport.
- Hé bien, vous voyez, ce n’était sûrement pas les empreintes de ce Vilnius.
Maréchal sortit en trombe et alla frappa au bureau de Novembre, avec la ferme intention d’entrer. - Tu as pu te tromper, fit Novembre. Tu as de l’intuition, Maréchal, je te l’ai toujours dit.
- Intuition qui me trompe rarement.
- Rarement, tu l’as dit. Mais l’intuition n’est pas infaillible, hein, sinon ce serait de la divination…
Même Novembre avait un air contrit, résigné, que Maréchal ne lui connaissait guère. Sauf les jours où il devait s’adresser à un supérieur hiérarchique haut placé. Et sur ce point, Maréchal savait que son intuition ne le trompait pas : « on » était intervenu durant la nuit. Son interlocuteur au chromato n’avait pas dû fermer l’œil pour obtenir un tel rapport de la « scientifique » !
Si même Novembre devait plier…
- Tiens, et si on utilisait quelques condamnés à la peine capitale sur le siège de Herbert ? Juste pour voir les effets…
- Oh, c’est pas de notre ressort, répondit Novembre, qui aurait bien aimé tourner la conversation à la plaisanterie.

Maréchal sortit prendre l’air.

*

Face au plateau, Portzamparc fit craquer ses doigts et respira à fond. C’était la demi-finale.
- Détective, quelques mots pour la Passerelle ?
Ficelin était déjà sur le pied de guerre.
- Rien de nouveau. Je suis en forme et confiant, comme les autres jours.
- Savez-vous que la première demi-finale vient de se terminer ? Et c’est Janas Prso qui a gagné.
- Ma foi, je serai heureux de le retrouver en finale.
L’arbitre arriva, précédé de peu du second joueur. Le détective s’était renseigné sur lui : Octave Grinberg, professeur de mathématiques. Un vétéran des tournois de Manigance, récompensé de nombreuses fois. Un érudit de ce jeu, connu pour étudier à fond les parties célèbres ; connu aussi pour sa capacité à calculer des dizaines de coups possibles en quelques secondes.
Or, c’était aujourd’hui que Portzamparc devait récupérer le pion pour son réseau. Son adversaire était-il au courant ? Comment le pion s’était-il retrouvé dans son jeu ? Portzamparc l’ignorait, mais il lui faudrait coûte que coûte s’en emparer.
Grinbert écarta d’un geste impatient Ficelin et observa le jeu attentivement. Comme s’il cherchait déjà comment Portzamparc ouvrirait le jeu. C’est en effet le détective qui eut à choisir, et il prit les blancs.
Cette fois, il décida de jouer avec rigueur dès le début. Il surprit sa femme, qui se demanda si ce n’était pas un bluff au deuxième degré !
Grinbert devait être au courant des ouvertures déroutantes de Portzamparc. Donc le détective le surprenait en jouant comme un bon élève de l’École militaire. Le professeur de maths, sa bosse des calculs en surchauffe, tenta une tactique inhabituelle, mais cela ne lui réussit guère.
Portzamparc continua sur sa lancée, avec des coups éprouvés, et il fit flancher son adversaire. Le temps que celui-ci se reprenne, et c’était la pause.

Le chromato de Maréchal se mit à sonner. L’inspecteur rentrait juste, apportant avec lui le froid de la rue.
- Allô ?
- Alors, inspecteur, avez-vous réfléchi ?
- J’ai l’impression que notre ami redevient un simple témoin, qui profite du confort de notre commissariat.
- Très bien. Dans ce cas, sachez que je serai heureux de parler à monsieur Vilnius.
- Un instant. Nous devons encore prendre sa déposition. Et attendre que son amnésie soit guérie. Autrement dit, nous risquons de le garder encore quelques temps.
L’interlocuteur au bout du fil toussota, gêné.
- C’est-à-dire que je souhaite rencontrer monsieur Vilnius, rapidement. Je pense qu’il voudra bien me suivre.
- Si vous nous le ramenez rapidement, je n’ai aucune raison de-
- C’est-à-dire, inspecteur, que monsieur Vilnius n’aura ensuite plus le loisir de revenir vous parler. Sachez que monsieur Novembre est en partie au courant de ce que je vous dis.
Maréchal baissa la tête, vaincu. L’homme dut le sentir car il dit :
- Je pense que notre marché est conclu.
- Oui. Mais que me donnez-vous en échange ?
- Une indication : gare de Magött Platz, consigne n°43. Code : 45-87.
La communication coupa. L’inspecteur restait avec son combiné en main, et le sentiment d’être la marionnette de l’inconnu.


A suivre...
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Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 18-08-2007, 12:54 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 18-08-2007, 12:56 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 18-08-2007, 12:56 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 23-08-2007, 04:26 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 25-08-2007, 05:58 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 01-09-2007, 02:33 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 08-09-2007, 04:00 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 17-09-2007, 04:57 PM
Dossier #3 : Hôtel Manigance - Dépôt Labyrinthe - by Guest - 23-09-2007, 07:27 PM

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