26-09-2007, 10:52 AM
(This post was last modified: 08-10-2007, 12:04 PM by Darth Nico.)
DOSSIER #2<!--sizec--><!--/sizec-->
Résumé : Tandis que Maréchal et Rampoix reviennent de l'exécution de Sobotka, la police de Mägott Platz se lance à la poursuite du tueur Horo...
*
Les policiers s'étaient postés à l'entrée des Galeries Dédale.
Des passages commerçants, sous de grandes verrières. Dans ces lieux, on ne savait si on était au-dehors ou au-dedans. Les badauds étaient protégés du vent et de la pluie, du brouillard, mais la nuit donnait à plein au travers des toits transparents. Des petites boutiques charmantes, mystérieuses, attirantes, certaines très honnêtes, d'autres plus interlopes, se cachaient dans ces rues entre les rues. On se perdait un peu dans cet endroit, qui était un quartier enclavé au cœur du quartier de Mägott Platz. C'était un endroit qui avait quelque chose de féerique. La magie des marchandises, des troquets, d'une boutique de masques, d'antiquaires, d'échoppes qu'on ne trouverait pas ailleurs.
Ces passages passaient entre les artères du bloc citadin. Ils constituaient autant de raccourcis pour passer rapidement de la Zentral Station à la Plätz, pour arriver dans la Cité dortoir rapidement des entrelacs de canaux.
Dans l'atmosphère épaisse de brume, les policiers avançaient en ordre. Portzamparc avait été envoyé sur le toit, où Boncousin était déjà en planque. Adossé à une cheminée, il avait une vue imprenable sur les enfilades de rues. Les toits, les vides, les toits, les gouttières, les passerelles entre les toits…
A la jumelle, il observait un groupe de petits hôtels borgnes. Il voyait les filles entrer et sortir des chambres et retrouver leur souteneur, dans une impasse humide, pas loin d'un vilain théâtre pour adultes.
A deux pas, un immeuble de rapports. A côté, l'hôtel particulier d'un gros responsable de la banque Pham'Velker, en face d'un immeuble anonyme, plein de petits employés de la mairie. Tout ce petit monde vivait serré, les uns contre les autres, comme si l'on avait forcé ces bâtiments si différents à s'écraser sur un espace réduit.
Boncousin fit signe à Portzamparc d'approcher et lui passa les jumelles. Le détective put se faire une idée de la situation. En bas, les Pandore prenaient position, dirigés par Novembre. Les autres agents de SÛRETÉ trouvaient un abri sur les toits. Le quartier dormait, qui ne se doutait pas de la menace logée en son sein.
Un coup de sifflet retentit. C'était Sampieri. Boncousin et Portzamparc se précipitèrent. L'autre policier lançait des signaux avec sa lampe-tempête : « un homme… à l'est… galeries… »
Les deux policiers coururent sur les toits, montant et descendant tous les dix pas, pour se retrouver au-dessus du passage des Etourneaux. Un autre coup de sifflet. Des Pandores arrivaient en courant, emmenés par leur sergent. Portzamparc vit nettement une large silhouette prendre la fuite. L'homme en question était taillé comme un bûcheron Kargarlien : une vraie force de la nature.
Boncousin fit signe à son collègue de le suivre. Par les hauteurs, ils ne mirent qu'une minute à se retrouver au-dessus du passage des Meules. Logiquement, l'homme devrait y passer d'un instant à l'autre. En quelques gestes, les deux policiers mirent au point une tactique de diversion.
Boncousin se mit à l'entrée du passage. Il vit l'homme passer sous lui. Il tira au révolver sur la verrière, qui explosa en une pluie brillante et tranchante. A l'autre bout, Portzamparc sautait, arrivait sur une corniche de statues. Il eut juste le temps de tirer, avant de voir la cible disparaître. Boncousin lançait d'autres coups de sifflets.
Hâtivement, Portzamparc descendit dans la galerie, où il fut rejoint par les Pandores. Son arme à la main, il se mit à courir en tête. Les prétoriens se divisèrnet pour ne rater aucun couloir des galeries. Boncousin mettait Novembre, qui arrivait passage de la Meule, au courant de la situation. L'inspecteur en chef lança plusieurs coups de sifflets.
Deux hommes continuèrent avec le détective de Portzamparc. A un détour de couloir, juste avant un escalier étroit qui remontait des galeries, ils aperçurent le tueur supposé. Le temps de se précipiter dans les marches, et on entendait ses pas s'éloigner sur le pont métallique d'une passerelle.
*
Maréchal rouvrit les yeux. Il était vaseux. Il se sentait en eaux troubles. A ses côtés, Rampoix ne valait guère mieux. Les policiers consultèrent l'horloge de la station : encore une petite demi-heure de transport. Le tramway fit retentir sa cloche et se remit en marche.
Il ne restait plus dans le wagon qu'un petit homme à lorgnons qui lisait son journal consciencieusement, un ouvrier en bleu de travail qui chiquait, et un petit homme chauve. Ce dernier était maigre. Ses os de visage ressortaient. Son crâne brillait des teintes glauques de la Cité. Il était serré dans un costume noir étriqué, avec un faux-col très haut. Il y avait dans ses yeux une bonne partie de la misère du monde, de la fatigue consternée des employés en fin de journée. Il avait d'ailleurs le regard vitreux.
Maréchal, par instinct, regardait ces passagers du coin de l'œil. Puis il referma les yeux. Il sentait qu'il n'allait pas se rendormir.
Deux stations après, l'employé s'apprêtait à descendre. Tenu à la main courante, il continuait sa lecture, scrupuleusement, à la page des chroniques boursières. Le petit chauve allait et venait dans la rame.
Les deux policiers l'entendirent alors nettement bredouiller, à côté de l'employé :
- Tu… tu ne vas quand même pas m'assassiner ici !
Etonné, l'autre fixa le petit chauve, qui regardait ailleurs. L'ouvrier aussi avait entendu, et cessa de mâcher sa chique.
- Pardon ?...
L'autre ne répondit rien.
Maréchal et Rampoix se regardèrent, soupirèrent et se levèrent. Professionnels, ils avancèrent au coude à coude vers les deux hommes. Inquiet, l'employé de bureau avait replié son journal.
- Bonsoir, messieurs. SÛRETÉ. Petit contrôle de routine.
- Je ne connais pas cet homme…
- Vous avez vos papiers, monsieur, s'il vous plaît ?
Rampoix vérifia ceux de l'employé, tandis que Maréchal visait ceux du chauve.
- Je vous assure que…
- Vous n'avez jamais vu cet homme ?
- Jamais !
- Ses papiers sont en règle, dit-il à Maréchal.
Le chauve avait tendu son porte-feuille, toujours éberlué. Maréchal jeta un œil distrait à sa pièce d'identité, intrigué par cet homme.
- Qu'avez-vous dit à ce monsieur ?
- Moi ? Mais rien, rien de rien…
Les deux policiers n'avaient pas du tout le cœur à faire du zèle.
- Vous m'affirmez n'avoir jamais croisé ce monsieur ?
- Non, non…
Le chauve avait l'air d'être tombé de Forge.
- Et vous, monsieur ?...
- Jamais ! Je suis un honnête employé…
Le tramway s'arrêta.
- C'est ici que je descends.
Les deux hommes le laissèrent partir. Le chauve descendit aussi, mais partit dans la direction opposée. Pas rassuré, l'employé s'éloigna en vitesse, tandis que l'autre partait errer dans les rues.
- Quelle journée, bâilla Rampoix. Un pendu et un tordu !
Trois stations plus loin, le tramway E atteignait son terminus, Mägott Zentral.
- J'en ai plein les bottes. Bonne nuit, Antonin !
- Bonne nuit !
*
Portzamparc finit de gravir quatre à quatre les marches de l'escalier. Il avait distancé les Pandores. Il courut sur la passerelle, qui trembla et rendit un bruit d'enfer, l'écho des pas du détective vibrant dans l'épaisse masse brumeuse.
Après la passerelle, un petit bloc d'immeuble, perché entre deux gouffres, et à nouveau une passerelle. Portzamparc dut s'arrêter pour reprendre son souffle. Les Pandores arrivaient, avec Novembre juste derrière, et Sampieri. Un mitier arriva en courant vers eux, affolé.
- Vous l'avez vu ? cria l'inspecteur chef.
- Par là ! Une grande brute ! Il a assommé mon collègue, alors que je redescendais du toit du-
- Et ensuite ?
- Il a pris son équipement ! Il est descendu !
Les policiers coururent sur la passerelle. Un grappin était encore accroché à la rambarde. Impossible de distinguer la silhouette du fuyard dans la purée de poix.
- Il ne manque pas de cran, le salopard !
- J'y vais, déclara Portzamparc. Je réquisitionne votre équipement !
Le mitier s'exécuta et défit son harnais. Il se hâta de le passer au détective, pendant qu'un de ses collègues faisait de même avec un des Pandores. Novembre, en l'occurrence, ne pouvait refuser ce zèle.
- Soyez prudent les enfants ! Si c'est bien Horo, il tue de sang-froid ! Il n'aura aucune hésitation.
Portzamparc écoutait à peine.
- Vous y êtes ?
- Oui, monsieur, voilà…
Le mitier resserra la boucle de ceinturon et fixa le grappin. Le détective et le Pandore passèrent à cheval par-dessus la rambarde, les jambes tendues sur la plateforme. Et ils se laissèrent descendre. A leur tour de disparaître dans le nuage gris informe.
*
Il y eut une quarantaine de mètres à descendre, avant d'arriver sur une passerelle similaire. Entre ces deux appuis métalliques, les policiers n'avaient rien perçu que de flou, de proche, de cotonneux. Portzamparc décrocha son filin en vitesse et se mit à courir, pendant que le Pandore s'empêtrait dans ses attaches.
Le détective arrivait à la limite de son quartier. Après, c'était la Jointure, autre quartier souvent en hibernation. Il fallut courir sur trois rues, avec deux coudes, puis un escalier, un pont par-dessus un canal plein d'ordures, et soudain, à l'autre bout d'une passerelle au-dessus d'un gros container à déchets, Portzamparc aperçut la silhouette du tueur, sous la phosphorescence lunaire d'un réverbère, avec sa grande ombre mangeant le mur voisin.
- Horo ! Arrête-toi !
Portzamparc eut juste le temps de voir l'homme, maintenant dans l'obscurité, se retourner, une arme à la main. Le détective sortit son arme. Il n'eut pas le temps de tirer. Une balle lui érafla l'épaule et il chuta, pour atterrir sur un pavé noir. Portzamparc sentit un craquement dans son bras, et une déchirure à la jambe.
Il était à l'arrière-cour d'un restaurant, où des chatons dévoraient des restes de viande. Ça sentait l'urine. Le Pandore arriva à ce moment, pendant que le détective se relevait. Il avait chuté de presque trois mètres. Il s'en sortait plutôt bien. C'est dans quelques heures qu'il commencerait vraiment à souffrir !
*
- A vingt centimètres, dit Novembre, et ta femme rejoignait le club des veuves de la police !
- Aucun danger, inspecteur…
- Inconscient ! Ce type vise juste !
Novembre ne parvenait pas à lui en vouloir. Le détective avait fait preuve de bravoure. Et si Horo était à la hauteur de sa réputation, c'est ce qu'il fallait contre lui. Les hommes de SANITATION aidaient le policier à s'allonger sur la civière.
- Finies les acrobaties pour un moment !
- J'avais besoin de vacances.
- C'est ça, dit Novembre, goguenard. Mes hommages à Madame !
Madame de Portzamparc qui, prévenue par Rampoix, accourut à l'hôpital, morte d'angoisse. Elle avait les larmes aux yeux en entrant dans la chambre de son mari qui, au fond de son lit, ne parvint pas à jouer les bravaches. Elle avait envie de le gronder, comme un enfant qui est tombé de l'arbre pour avoir voulu y voler des fruits.
- Tout va bien, je t'assure !
- Oh, tu aurais pu mourir !
- Mais non, voyons…
Portzmparc avait reçu une bonne injection de morphine, mais il sentait que la nuit serait dure.
- Je ne sais pas ce qu'ils font à manger ici. Heureusement que je t'ai apporté de la soupe comme tu aimes, tiens…
Que ferait-il sans elle ?...
A suivre...