10-10-2007, 11:14 AM
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DOSSIER #4<!--/sizec-->
L'INCONNU DANS LE MANOIR<!--/sizec-->
SHC 5 - RUS 3 - IEI 3
L'INCONNU DANS LE MANOIR<!--/sizec-->
SHC 5 - RUS 3 - IEI 3
Le détective heurta la poubelle, qui se renversa et fit un beau vacarme.
Maréchal le regarda et lui cria silencieusement de faire attention. Portzamparc fit signe que cette fichue poubelle était en plein milieu du chemin !
L’inspecteur ordonna d’un geste aux Pandores de se répartir dans les rues alentours. On entendit le bruit de leurs lourdes bottes battre le pavé. Au bout de la rue, de la lumière s’alluma au sixième étage, et une porte claqua.
- Trop tard, fit Maréchal.
Portzamparc courut ventre à terre jusqu’au petit immeuble, et fit enfoncer la porte par le Pandore qui le suivait. Maréchal fit le tour du bâtiment. Le détective et le prétorien se ruèrent dans l’escalier. Ils avaient à peine le temps de respirer, à chaque étroit palier, tandis qu’ils réveillaient l’immeuble en faisant grincer affreusement le parquet. La petite cage d’escalier tournait follement. Quand ils arrivèrent au sixième, c’était trop tard : l’échelle d’accès au toit était descendue et la trappe ouverte. La porte de l’appartement était béante.
Portzamparc se hissa à l’échelle. Le vent soufflait, agressif, dans la nuit. Le Pandore approcha sa lanterne tempête. On voyait une petite silhouette détaler sur un autre toit et se laisser glisser le long d’une gouttière. Les deux policiers étaient distancés.
En bas, Maréchal et les autres brigadiers finissaient de contourner l’immeuble, mais ils avaient pris du retard.
- Il va vers le quartier des canaux, dit Portzamparc à son Pandore, avant de se laisser descendre à son tour par la gouttière.
Il se reçut sur le pavé mouillé, et reprit sa course. Il entendait distinctement son prédécesseur cavaler dans les petites rues. Les canaux.
Portzamparc eut juste le temps de le voir sauter sur une péniche bâchée, et bondir sur l’autre rive. Du coup, l’embarcation tanguait et le policier dut courir sur sa rive, pour atteindre le pont, un peu plus loin.
L’autre avait pris de l’avance, mais les Pandore arrivaient par une rue perpendiculaire. Le détective tourna à angle droit, et vit son homme, un gros sac sur l’épaule. Ce dernier trébucha sur un mauvais pavé, se releva, se retourna. Portzamparc était presque sur lui. Mais l’homme jeta son sac dans l’eau noire.
- Ne bouge plus !
Portzamparc le braquait maintenant.
- Mains au mur !
Des lumières s’allumaient dans le voisinage. Les Pandore arrivaient, et Maréchal, bon dernier.
- Arrêter un honnête citoyen comme moi !
- Tais-toi, Gibal ! Tu as fini de courir. Tu vas pouvoir te reposer chez nous.
Portzamparc s’approcha et lui passa les menottes.
- Je n’ai rien à me reprocher !
- Et le sac que tu as jeté ?
- Quel sac ?
- Tu ne savais pas, dit Maréchal, qu’il y a une amende pour ceux qui jettent leurs détritus dans les canaux ?
- Va nous repêcher ça, dit Portzamparc à un des Pandores.
Le malheureux prétorien descendit les marches et tendit le bras. Non, il n’y arrivait pas. Il dut se jeter à l’eau.
Gibal éclata de rire, mais un autre brigadier lui mit une claque.
- C’est lui qui aurait dû aller le chercher !
- Il aurait été fichu de s’enfuir à la nage !
Maréchal reprenait son souffle. « Arrêter la cigarette, arrêter la cigarette… »
- Détective, vous le ramenez à la maison. Je vais aller fouiller chez lui.
- C’est de la violation de domicile !
C’est vrai que Gibal était un de ces truands qui, surtout dans les pires situations, ne manquent pas d’humour !
*
- Je peux avoir une cigarette, au moins ?
Portzamparc s’était assis, face à lui, à califourchon sur une chaise. Derrière, un Pandore se tenait immobile.
- Tu peux. Si ça te rend bavard…
Un Pandore lui tendit du tabac et du papier.
- Pas facile de rouler, avec ces menottes…
Le détective craqua une allumette et lui approcha.
- Alors, ce sac, Gibal ? C’était ton argent, peut-être ?
- Ce n’est pas un crime de garder son argent chez soi ! Vous savez, les banques ne sont pas sûres de nos jours !
Il se cachait à peine de rire en disant cela. Perdu pour perdu…
- Sacré Gibal, tiens ! tu penses que la SÛRETÉ ne fait pas bien son travail ?
- J’aime pas la Pham’Velker, c’est tout…
- Et tu peux nous dire pourquoi tu t’es enfui ?
- J’ai peur des cambrioleurs !
- Tiens, tiens, tu as peur… Pourtant, il faut du cran pour monter un casse, et braquer la Pham’Velker, non ?
- Ce n’est pas un boulot pour moi…
- Non, bien sûr… Tu sais, ce n’est pas compliqué. On va analyser les billets trouvés dans le sac. On appelle la banque. Ils vont nous dire les numéros de ceux qu’on leur a volés. Ce sera vite vu. Et je ne parle pas des empreintes. La Scientifique aura vite fait de les trouver.
- Mais comment vous pouvez croire à ces trucs-là ! Ils ne sont pas devins, vos gars de laboratoire, non ?
Portzamparc sortit et alla dans le bureau de Novembre. L’inspecteur chef avait deux combinés à la main, un pour Rampoix et Sampieri, qui étaient sur les traces d’un autre braqueur, et un avec le commissariat de la Jointure, le quartier voisin.
- Mes hommes sont sur leur trace, oui… Non, Rampoix, tu continues… C’est ça, on vous prévient… Oui, vous me les amenez en bon état… On en tient un. Oui, à très bientôt…
Novembre raccrocha et s’alluma une cigarette.
- Ils sont au moins six ou sept, d’après la banque. Tu en es où avec ta prise ?
- Il s’agit bien de Félix Gibal.
- C’n’est pas un dur, va. Pas le mauvais gars, mais influençable. Il compense en jouant les rigolos.
- J’ai vu.
- Il faut qu’il nous donne le nom de ses amis.
- Entendu.
Portzamparc retourna dans la salle d’interrogatoire. Gibal avait fini sa cigarette.
- Bon, alors, tu n’as rien de plus à dire ? L’inspecteur Maréchal sera bientôt là.
Il entrait justement.
- Bonsoir, tout le monde. Alors, où on en est ?
- Monsieur Gibal n’est pas très bavard.
- Il va falloir que ça change. Parce que je reviens de chez lui. Et j’ai trouvé quelques billets. C’est normal, dans la précipitation, tu n’as pas eu le temps de tout mettre dans le sac.
- J’étais pressé…
- Tu avoues donc que le sac était à toi. Très bien, c’est un début.
- Vous me forcez la main.
Gaston Rainier, l’homme de la Scientifique, entra.
- Excusez-moi de vous déranger. Je viens d’avoir la Pham’Velker. Ils m’ont donné les numéros des billets. En se tenant aux trois derniers chiffres, la série va de 402 à 967. Et les billets dans le sac sont autour de 500, 700.
- 700, c’est entre 400 et 900, non ? demanda Maréchal.
- Maintenant, ajouta Rainier, si monsieur Gibal n’est pas convaincu, nous pouvons aller chez lui, faire des analyses. Et relever les empreintes sur les billets. Mais cela demande du temps, et coûte cher. Je vais encore avoir le service comptable sur le dos…
- Donc, ajouta Maréchal, on gagnerait du temps si tu parlais tout de suite. Sinon, tu risques d’aggraver ton cas, en faisant déplacer la Scientifique.
- Bon, ça va… fit Gibal, rageur.
- Alors, quoi ?
- Alors il faut savoir quand on n’est pas le plus fort.
- A la bonne heure ! On va enregistrer ta déposition.
Maréchal s’alluma une cigarette et fit servir du café à tout le monde.
- Si tu nous parlais de ta bande ? Vous aviez l’air drôlement bien organisés, non ? D’après ce qu’on nous raconte à la Jointure, vous ne veniez pas en amateurs…
- Je ne connais pas tous les noms. On était déjà cagoulés quand on s’est retrouvés. C’est notre chef qui nous a réunis.
- Tu n’as aucune idée de son nom, à ce chef ?
- Non.
- Et les autres ?
La machine à écrire crépita pendant une bonne heure. Gibal avait donné le nom d’un ancien mitier, radié de la fonction publique. Et un bagnard, qui avait déjà un copieux dossier chez SÛRETÉ.
- Intéressant, fit Maréchal. Le détective va en terminer tranquillement avec toi.
De Portzamparc était bon pour le rapport !
Pendant ce temps, l’inspecteur rejoignait son hamac. Rampoix et Sampieri étaient de retour avec un autre des braqueurs. Novembre rappelait le commissariat de la Jointure.
Satisfait, Portzamparc sortait le beau papier tapé.
- Si on allait dormir ? proposa Gibal, qui en avait eu assez pour aujourd’hui.
- Prends des forces avant d’aller casser des cailloux !
Le détective ressortit. La secrétaire lui cria :
- Parlophone pour vous !
- J’arrive.
Il prit le combiné.
- Ah, c’est toi…
Il baissa d’un ton.
- Non, j’ai fini mon rapport. Oui, je rentre. Non, j’ai mangé. Promis, je me couvre, oui…
La secrétaire trouvait madame de Portzamparc tellement généreuse, et son mari si attendrissant quand il devait écouter ses conseils !
- Bonne nuit, petit, fit Novembre, qui n’en avait pas encore terminé.
Portzamparc salua l’inspecteur, ainsi que Maréchal. Ce dernier grogna bonne nuit, et se retourna dans son filet suspendu.
*
Quand Portzamparc revint le lendemain midi, on sablait le champagne. Tout le commissariat était réuni dans le bureau de Novembre. Les policiers avaient déjà pris des couleurs. Les bulles leur pétillaient dans les yeux.
- Ma foi, disait Novembre, la Pham’Velker fait bien les choses. Une cuvée 195, cela s’apprécie !... Tiens, Jeff, on attendait plus que toi !
« Jeff » ! Ce n’était pas le genre de Novembre de faire des familiarités avec ses hommes !
Celui qui avait apporté le champagne avec un seau plein de glaçons était un homme en costume trois-pièces, avec un petit médaillon de la banque Pham’Velker à la poitrine.
- Détective de Portzamparc, voici monsieur Loki Radik, qui vient nous rafraîchir ce matin !
- Enchanté, dit le détective.
Radik lui serra la main et lui présenta ses remerciements de la part de sa corpole.
- Nous apprécions à sa juste valeur le dévouement des hommes de SÛRETÉ. Nous savons qu’appréhender ces malfaiteurs n’a pas été chose facile.
- Ma foi, dit le détective à qui Sampieri servait une coupe, je n’étais pas seul sur cette affaire, et l’inspecteur Maréchal…
- Regardez-le à jouer les modestes, rigola Novembre. Allons, à la santé de la Pham’Velker !
On porta un toast et Radik lui-même resservait l’assemblée.
Il avait un regard fuyant, un peu fou, une petite bouche qui semblait vivre sa vie propre de grimaces et de rictus, et des manières obséquieuses.
- Vous savez, disait-il, presque contrit, je ne suis qu’un modeste représentant, un petit clerc en quelque sorte.
- Quel est votre poste là-bas ?
- En particulier, je suis chargé du service contentieux, mais dans les faits, mes attributions vont au-delà.
- Livreur de champagne, dit Boncousin qui s’était encore resservi, me paraît un boulot agréable !
Et tous de rire.
C’était la fin de semaine, et seul Sampieri était d’astreinte pour le lendemain. La journée allait se terminer après le déjeuner. La demi-nuit d’Exil semblait aujourd’hui légère. Les policiers, en bras de chemises, n’avaient pas le cœur à traiter leurs dossiers administratifs qui, pourtant, s’accumulaient sur les bureaux.
On termina la bouteille et le serviable monsieur Radik partit en les remerciant encore.
- Allons, dit Novembre en consultant sa montre, le contribuable ne nous paie pas –que – pour siffler des flûtes… alors au travail !
Les policiers firent semblant de râler, encore bien joyeux, en attendant l’heure de partir.
C’était le moment le plus inquiétant, puisque la célèbre LEM (Loi d’Emmerdement Maximum) était censée régir le fonctionnement de la lune, qui mettait souvent des criminels dans les jambes des policiers, juste avant leur départ pour deux jours. Mais la chance leur sourit réellement, ce jour-là, et il n’y eut aucun incident.
- Bonne journée, détective, dit Maréchal à Portzamparc, mes hommages à Madame…
L’inspecteur rentra, presque guilleret. Mais à mesure qu’il s’éloignait du commissariat pour retrouver son domicile, s’il cessait d’être un policier de SÛRETÉ, il retrouvait son statut de simple citoyen et ses soucis habituels.
Plusieurs personnes le saluèrent, ses commerçants habituels, et quelques voisins soucieux d’être, à l’occasion, de précieux auxiliaires de police.
Arrivé chez lui, Maréchal rouvrit le tiroir où il avait mis la montre. Il eut une seconde d’inquiétude.
Non, elle y était bien.
Ronde, plaquée or, avec sa chaîne, et ses trois petits cadrans disposés en triangle. Avec un groupe de trois lettres gravé au-dessus de chacun : SHC, RUS et IEI.
Maréchal avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas la signification de ces mots. Et parmi eux, il n’y avait pas LEM !
Il avait essayé de mettre les aiguilles sur la même position que celles des écrans de chez Vilnius / Herbert, lorsque le passage s’était ouvert : ce qui n’avait rien provoqué.
Il préféra s’allonger et s’endormit bien vite. Sa sieste dura une bonne partie de la journée. Ensuite, il fit du rangement chez lui et s’endormit pour la nuit.
A suivre...