21-12-2007, 05:43 PM
(This post was last modified: 21-12-2007, 07:50 PM by Darth Nico.)
DOSSIER #6<!--/sizec-->
ELEGIE POUR UN RAT DE CAVE<!--/sizec-->
SHC 3 - RUS 3 - IEI 0
ELEGIE POUR UN RAT DE CAVE<!--/sizec-->
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Les cinq hommes avancèrent dans la lumière crue de la pièce et s’alignèrent, certains las, certains encore sarcastiques, en tenant leurs panneau à la main.
- Bien, dit l’inspecteur Velmer, maintenant vous allez répéter l’un après l’autre la phrase suivante…
Soupir parmi les cinq personnages.
- Vous allez me dire : « File-moi les clefs du coffre, sale fils de pute ou je t’éclate la tête ! »
L’un pouffa de rire. Un autre soupira de plus belle. Deux autres regardaient ailleurs et le dernier se répétait mentalement la phrase.
- Tu me files ces clefs, sale pute, ou bien je t’éclate le coffre !
- Non, mauvais, cria Velmer, on recommence !
Ce fut long. Les cinq invités du commissariat de la Jointure y mirent de la mauvaise volonté.
Le chromatographeur arrivait et passait la tête sous son drap noir.
- Attention, on ne bouge plus !
Flash au phosphore.
- C’est parfait, merci…
Velmer alluma une cigarette.
- Les clefs, ou je te coffre, sale tête de pute !
- Non, c’est bon, on a fini, merci…
Un Pandore entra dans la pièce et fit sortir les cinq truands.
- Alors, qu’en pensez-vous ? dit Velmer en se tournant vers Portzamparc et Maréchal.
- Ma foi, dit l’inspecteur, comme ça…
- Les suspects habituels, fit Velmer.
*
Maréchal finit son café en fixant les cinq personnages.
- Bon, on va rentrer se coucher les filles, cria Velmer aux affreux !... Non, pas toi, le Notaire, on a deux mots à te dire.
L’homme en question, l’un des plus fatigués, poussa un juron. Le Pandore l’emmena dans la petite salle du fond.
Menotté, il attendit à une table, en fumant, entre les quatre murs verts hideux.
Les policiers entrèrent, des chaises à la main, et les disposèrent autour du « Notaire ». Portzamparc s’assit devant lui, à califourchon sur la chaise. Maréchal, derrière, sur la table. Velmer restait debout. Il dit :
- Enguerrand Malois, alias le Notaire. Parce que ce monsieur a une raison sociale, voyez-vous…
- Ça se voit au premier coup d’œil, plaisanta le Pandore.
Il pouvait avoir la cinquantaine. L’air las de celui qui a perpétuellement des soucis et qui ne conçoit les relations avec le monde que comme des contraintes.
- Alors, reprenons du début, dit de Portzamparc…
- Ecoutez, j’ai déjà tout raconté à ces messieurs…
- Ah mais nous, on n’était pas là. On ne sait pas encore… Donc il va falloir tout nous expliquer.
- Et puis le problème, dit Maréchal, c’est qu’un flic, c’est parfois très bête. Donc il faut bien prendre le temps pour qu’il comprenne.
- Mais on est aussi très patients, ajouta Portzamparc. Et on vit la nuit.
- Bon, ça va, ça va…
Il soupira encore plus fort.
- Je peux avoir une cigarette ?
Velmer lui en tendit une et l’alluma.
- Moi, je me contentais de vendre les mèches, commença-t-il.
- Les mèches ?
- Des mèches pour les banques, oui…
- Pour un casse, tu veux dire…
- Entre autres. Mais ça ne me regarde pas…
- Chaque corpole fait ses propres choix en matière de blindage, dit Velmer. Et la mèche du dernier casse était particulièrement adaptée pour les coffres de la Pham’Velker… Le Notaire a bien fait son travail.
- C’est à cela qu’on reconnaît l’orfèvre, dit Maréchal. Donc tu étais de la bande à Gibal ?
- Voilà, si vous voulez…
- Et il y avait qui d’autre dans la bande ?
- Vous les avez vus… Ces messieurs ont leurs noms.
- Et qui dirigeait la bande ?
- Je ne sais pas.
- Vous aviez des moyens importants, dit Velmer. Des truands de bas étage n’auraient pu opérer si efficacement. Qui a payé pour les mèches ?
- Je ne sais pas, je vous l’ai dit. Je ne m’en occupe pas. J’ai juste reçu un coup de parlophone, un jour, et on m’a fait une offre. Je n’avais pas dit oui qu’on m’indiquait déjà où je pourrais trouver une belle avance, pour m’aider à réfléchir…
- Habituellement, de quoi s’occupe son cabinet ? demanda Maréchal.
- Surtout des affaires immobilières. Mais monsieur Malois arrondit ses revenus en proposant de menus services. Comme ces commandes de mèches spéciales. Il connaît des artisans en la matière, qui en fabriquent pour l’industrie. Et lorsque le Notaire les appelle, ils en fabriquent une spéciale, selon certains critères précis.
- Je vois, dit Portzamparc. En sorte que tu te contentais de commander la mèche puis de la transmettre aux acheteurs.
- Voilà, c’est ça…
- On a retrouvé l’endroit d’où le Notaire a été appelé. C’était une petite bicoque, dans un quartier presque déserté.
- Qui a pu payer pour des mèches spéciales, capables de percer l’acier d’une corpole ?
- Vraisemblablement, une autre corpole, dit Velmer. Et c’est aussi pour cela que je vous ai fait venir. Pour faire le lien avec la mort de Boncousin… Là aussi, le Notaire a des choses à nous dire.
- Oh, non…
- Si. Tu vas nous parler des Donasserne.
- Ecoutez, j’ai juste traité quelques affaires pour eux. Seulement des actes tout ce qu’il y a de plus honnêtes…
- Bien sûr.
- Ecoutez, soupira Malois, je sais très bien que vous voulez que je parle d’Albin Jaransand.
Etonné, Portzamparc regarda Velmer.
- Le bruit a couru que vous vouliez lui parler, dit l’inspecteur. C’est Tircelan qui l’a entendu et qui m’en a parlé, quand il a su que nous avions le Notaire chez nous.
C’est vrai que Portzamparc en avait parlé la veille chez les Whispermoor, devant une assemblée mondaine. Tout Exil pouvait être au courant, aujourd’hui, qu’il voulait parler au conseiller de la rue Verte.
- Jaransand, récita le Notaire, a été très lié à la corpole Donasserne. Même encore aujourd’hui, quoi qu’il fasse de son mieux pour le faire oublier. Il a monté pendant des années des opérations de rachat d’immobilier pour la Pan-forgienne d’investissement, la Maison de change appartenant à la corpole. Des opérations très juteuses. Il recevait une partie des gains : souvent en titre de propriétés. Jaransand s’était spécialisé dans le rachat d’immeubles à bas prix. Ensuite, il les faisait rénover et les revendaient.
- Tu parles au passé. Il a arrêté maintenant ?
- Il doit être suffisamment riche. Et il pense plutôt à la politique désormais. Il est déjà conseiller à la rue Verte…
- Jaransand utilisait deux méthodes, qui ne sont pas nouvelles, dit le Notaire, mais il a été le premier à les utiliser à grande échelle. D’une part, il se servait de sociétés anonymes pour ses rachats (pour les dégrèvements de taxes) et ces sociétés disparaissaient peu après. Ensuite, il avait à sa main des hommes dévoués, qui se chargeaient de décider les propriétaires les plus récalcitrants. De véritables brutes, dit le Notaire en se mouchant.
- Il a quitté la Donasserne il y a combien de temps ? dit Portzamparc.
- Bientôt trois ans.
- Et il y est entré quand ?
- Je dirais une vingtaine d’années.
- Et avant, il faisait quoi ?
- Je l’ignore, dit le Notaire. Et à vrai dire, je crois que personne ne le sait.
- Tiens donc…
Les policiers ressortirent de la petite pièce envahie de fumée. Velmer les invita à passer dans son bureau.
- Vous êtes allés rue Verte ? demanda Velmer.
- C’est Jean-François qui est allé y faire un tour.
- Oui, et ma discussion avec Gaëlien de Saint-Preux, le cadre de la Donasserne, me laisse penser qu’il est surveillé de près. Il m’a adressé un message, me disant que c’est à Jaransand que je dois parler. Admettons que ce soit lui ou la Donasserne qui soient responsables de la mort de la danseuse et de Boncousin. L’inspecteur avait pu découvrir quelque chose sur les magouilles immobilières de Jaransand.
- On l’aurait tué pour cela ? dit Velmer.
- Nous savons que Boncousin avait été invité par la corpole. A un vin d’honneur. On a pu essayer de l’acheter.
- Les rachats d’immeuble par Jaransand, dit Velmer, ne semblent pas illégaux. Quant à prouver qu’il a exercé des pressions et des violences contre les plus réfractaires au rachat… Je ne vois pas comment Boncousin aurait réuni suffisamment de preuves accablantes, sur l’immobilier…
- C’est vrai…
Les policiers burent leur café en réfléchissant.
- Ou bien, il faut remonter dans le passé plus lointain de Jaransand, dit Portzamparc. Le Notaire vient de nous dire que personne ne connaît la vie du conseiller avant son entrée à la Donasserne.
- Oui, c’est plus intéressant, dit Maréchal. Boncousin a pu découvrir quelque chose de vraiment grave, datant de plus de vingt ans.
- Quelque chose de suffisamment grave, dit Velmer, pour qu’il n’y ait pas prescription.
Autrement dit : un meurtre.
- A ce moment, dit Maréchal, oui, cela expliquerait qu’on ait fait tuer Boncousin…
Les deux policiers remercièrent leur collègue pour l’entrevue avec le Notaire.
- On ne se reposera pas, dit Velmer, tant que l’assassin de Boncousin ne se balancera pas au bout de la corde.
*
De retour dans son bureau, Maréchal prit contact avec son ami de la Brigade Financière, l’inspecteur Crimont.
- Pierre-Marie ?
- Tiens, Antonin, comment va ?
- Ecoute…
- Je suis au courant de ce qui vous est arrivé. Dans le temps, j’ai un peu connu Boncousin. C’est vraiment une grande perte pour SÛRETÉ.
- On en est tous conscients… Dis-moi, je t’appelle pour te demander des renseignements sur un nom qui va sûrement te dire quelque chose.
- Je t’écoute.
- Jaransand.
- Oh là, oui !...
- Je vois que tu connais l’animal.
- Tu parles ! Des années qu’on tente de le coincer, ce gros véreux ! Il tripatouille dans l’immobilier, comme un loqueteux dans sla boue ! Mais il a des avocats qui travaillent pour lui jours et nuits. Il est « couvert ». On n’a jamais rien pu prouver sur ses magouilles…
- Je me demandais si Boncousin aurait pu mettre le doigt sur quelque chose ?
- Tu soupçonnes Jaransand ?
- Ou bien les Donasserne.
- Ecoute, je ne sais pas ce que tu as trouvé. Ce que je peux te dire, c’est que nous sommes après Jaransand depuis presque quinze ans, et il le sait. Seulement, il continue à nous défier. Et aujourd’hui, il veut se racheter une virginité, en se lançant en politique, comme défenseur du bien commun !
« Donc, sans vouloir du tout faire de tort à Boncousin, je serais étonné qu’un homme seul ait découvert des preuves suffisantes contre le « promoteur immobilier » Jaransand.
- Je vois. Je ferais donc mieux de chercher plus loin dans le temps. Avant que Jaransand n’entre à la Donasserne.
- Je consulte justement le dossier là. C’est vrai que nous ne cherchons pas avant l’année 187. C’est déjà suffisamment de travail, sans devoir en rajouter !
- Merci, Pierre-Marie.
- De rien et tiens-moi au courant.
- Promis.