01-11-2003, 01:50 PM
![[Image: caribou.gif]](http://membres.lycos.fr/wilhelm2051/Smileys/caribou.gif)
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Nuits du 21 au 24 avril.
CROIX DE BOIS, PIEU DE FER, SANS MENTIR, J'IRAI EN ENFER !
Ces trois paires de lueurs écarlates, l’odeur de la terre humide dans ces forêts glacés, et mon corps attaché à cette croix… pauvre spectacle pour une piteuse crucifixion, en haut de cette colline au milieu de nulle part.
Je m’étais endormi dans mon cercueil, grièvement brûlé, et j’avais senti, grâce aux soins des goules de Tropovitch, le sang affluer à nouveau en moi, apaisant la douleur lancinante de mes blessures. J’avais sombré dans un lourd sommeil, de sang et de feu. Je délirais dans mes rêves, ma vie et ma non-vie affluaient comme des chars tirés par des bœufs emballés, comme des trains de marchandise déraillés, et tout se renversait. Des tremblements me parcouraient, je partais dans des voyages déglingués, puis je m’endormais à nouveau profondément.
Maintenant, je suis habillé pour aller au café de Flore, des barbelés, qui m’attachent par les poignets et les chevilles à cette lourde croix, me rentrent dans la peau. Les six yeux continuent à me regarder depuis la profondeur de la forêt. Mes efforts pour me libérer me tirent des gémissements de douleur. L’air n’est pas parisien ; il ne ressemble pas non plus au bois de Vincennes, ou Fontainebleau. Je dois être à la montagne, comme me l’indiquent les pins alentours. Le vent déploie sa force formidable non loin au-dessus de moi ; l’horizon finit de noircir, le faîte des arbres oscille lentement.
Cette croix ne doit pas être très solide. Je tente de dégager mon bras droit, mais je m’écorche encore plus. Je tente de forcer encore des bras et des jambes, pour briser le bois. Les yeux se sont rapprochés : j’aperçois maintenant des formes humanoïdes recouvertes de fourrures.
Si ce sont des lupins, je finirai dévoré avant peu. Les créatures se rapprochent : des femelles à en juger par leur poitrine. Elles avancent à quatre pattes, prudemment. Elles me regardent avec méfiance, me reniflent. A leur odeur, je sens qu’elles sont Caïnites.
Je tente de leur parler, de les amadouer. Elles n’ont pas l’air affamés.
- Aidez-moi ! Je ne vous veux pas de mal ! J’ignore comment je suis là… j’ignore où je suis, et regardez, je n’ai pas les moyens d’être dangereux. Je suis habillé comme pour aller à une réception de l’ambassadeur.
Je les regarde d’un regard pénétrant, ce regard magique qui sert à exercer la fascination chez autrui.
L’une d’elle semble me comprendre. Elle grignote les barbelés. Mes jambes, libérées, pèsent maintenant leur poids. Tiré vers le sol, je sens mes bras se dérober peu à peu aux barbelés. Mais ceux-ci me rentrent dans les poignets. La douleur est atroce. Elle provoque une montée d’adrénaline, je me balance comme un possédé, je gigote pour déloger la croix du sol. Les trois femelles ont fait quelques pas en arrière.
Je m’écrase soudain à terre : la croix de bois humide, a cassé, et m’a entraîné dans sa chute. Je tombe dans de la terre grasse et froide. Mon costume est en piteux état.
L’une des créatures, celle qui m’a libéré, s’approche de moi. Elle lèche le sang qui coule de mon poignet. Que fait-elle ! Encore deux gorgées de mon sang, et elle me sera liée comme… comme ce ver de terre de Felias !
Je retire mon bras. Elle veut maintenant m’entraîner avec elle dans un coin. Elle exsude des phéromones, elle respire l’amour, son regard est teinté de rut. Effrayé par l’idée d’une telle copulation, je résiste à sa prise. Les deux autres se sont rapprochées ; l’une d’elle a sorti ses griffes.
Damnation ! Ce sont des Gangrels ! C’est dans ces moments-là que je me dis que Corso est décidément un allié précieux – et quelqu’un d’excessivement urbain ! Sans compter qu’il me truciderait s’il m’entendait penser à de telles sarcasmes !
Elle a sorti ses griffes. Ramenée sur elle-même, elle est un fauve prêt à bondir.
En ne la quittant pas du regard, je parle avec celle qui est attirée par moi –la pin-up des montagnes !
Elle grogne et baragouine. Ses gestes et ses paroles grossières me permettent de comprendre qu’elles vivent dans cette forêt, qu’elles ignorent comment je suis arrivé là, qu’aucune ville n’est à proximité. Puis elles m’amènent vers leur repaire. Je ne discute pas, j’ai besoin de sang et d’un abri pour le jour.
L’entrée de leur repaire est creusée dans un bourrelet de terre. On s’enfonce ensuite de plusieurs mètres sous le sol, en rampant dans un boyau, avant d’arriver dans une « salle » dégagée. L’obscurité est presque complète. Un feu de camp conserve au lieu un rougeoiement ténu.
Elles vont et viennent dans les lieux, tournent, comme pour m’y accueillir. Dans un coin de la pièce, un cerf mort. Belle pièce de chasse ! L’animal est un beau spécimen. A terre, leurs cercueils. Du marbre !
Je n’arrive pas à savoir où elles se sont procurées ces bières luxueuses.
La Gangrel qui me fait les yeux doux m’apporte soudain une fille morte ! Je recule, horrifié de cette apparition. Elle ressemble à une poupée mutilée ! Assoiffé, je prends ma dose de sang.
Où suis-je donc ?
Je visite une petite pièce adjacente. Une bibliothèque. Décidément, cette forêt recèle des surprises. Les rayons soutiennent des livres de littérature et de philosophie. Qui a pu entreposer ici près de deux cents volumes !
Un meuble sert de bureau. Où ont-elles volé tout ça ? Est-ce que cet endroit serait un repaire de chasseurs ? Elles ont alors investi les lieux. Je fouille le bureau. Je fais des découvertes précieuses. Des cartes d’état-major, vieilles de près de deux siècles. Quelques-unes plus récentes : elles datent de 1998. Elles sont écrites en français ou en anglais.
Dans les tiroirs, des passeports. Des passeports canadiens !
Je comprends pourquoi l’air pollué de Paris m’a semblé loin ! Me voilà dans le grand nord canadien ! Si je suis au Saskatchewan, je pourrai même aller visiter l’Alaska ? plutôt que de parcourir des milliers de kilomètres pour rejoindre Montréal !
La tête me tourne. Je trouve un sac de randonneur. Il faut que je parte d’ici. Il doit y avoir une route pas loin. Ceux qui m’ont amené là n’ont pas marché des jours loin de toute route pour me crucifier. Et on a pas pu me larguer par hélicoptère… Non, je suis certain qu’une route m’attend en bas de la colline.
Je reviens dans l’autre pièce. Les Gangrels, repus de sang, se sont endormies. Je leur fausse compagnie. Je retourne au pied de la croix, puis je descends la colline au pas de course.
Soudain, j’aperçois une silhouette humaine en contrebas. Que faire ? Caïnite, pas caïnite ?
Trop tard, il m’a vu. Je ne sens pas d’odeur de vampire. Je vais utiliser mes pouvoirs pour me donner une apparence humaine normale.
Non, je n’aurai pas le temps de discuter. L’homme saisit dans son dos un fusil à pompe, l’empoigne à deux mains, et m’envoie une décharge. Je me suis jeté à terre à temps. La déflagration provoque un écho tonitruant alentour, et manque de briser un arbre. D’affreux craquements, digne d’un édifice en ruine, parcourt tous les pins alentours, accompagnés des ululements du vent. Je roule sur quelques mètres, je m’arrête, me relève brusquement, et je saute sur le tueur. J’ouvre grand les yeux, les colore de liquides flammes vertes qui provoquent la terreur. Fasciné, il hésite un instant. Je lui arrache son arme, le frappe, et le braque avec ce fusil.
Au milieu des plaintes venteuses, je lui crie de me dire qui il est, ce qu’il me veut. La voix lourde de haine, il déclare qu’il est prêt à tout pour exterminer les buveurs de sang de ma sorte. Plus de doute : un agent de l’inquisition.
J’aurais pu le laisser en vie. Il m’a forcé à le tuer. Je l’écoutais, mais il a sorti un pieu en fer de sa veste. J’ai déchargé l’arme sur son bras. La détonation est terrifiante. Il a l’épaule arrachée, il a été projeté à terre. Je me suis approché de lui : il est plus mort qu’une pierre.
Le sang chaud qui coulait à bouillon fume. Craquements derrière moi : les trois Gangrels femelles surgissent, prédateurs attirés par le sang. Je m’écarte instinctivement, elles se jettent sur le tueur et le dévore jusqu’aux os, puis elles me regardent, tiède de toute cette viande saignante.
Je fouille les vêtements : des clefs de voiture, des euros, des dollars canadiens, des vêtements de rechange, des papiers, un téléphone portable. Aucun émetteur dissimulé dans les habits. Je vais pouvoir appeler Corso à la rescousse, mais il faudra que je détruise le téléphone après.
Le véhicule est en contrebas sur la route : un Range Rover. Je le fouille de fond en comble. Dans le coffre, des armes à feu (fusil, pistolets, revolvers), une faux à double lame, des couteaux. Rien sous les sièges, le moteur n’a pas l’air piégé. Je suis en train de faire une dernière vérification des pneus, quand je vois la Gangrel qui m’aimait monter et s’asseoir à la place du passager. Les deux autres ont disparu, mais elle est attachée à moi !
Moi, je ne sais pas conduire, mais elle me fait signe qu’elle le peut ! Je réfléchis et me dis que je n’ai pas le choix. Nous allons former un beau couple ! J’ai revêtu les habits du chasseur. Moi comme serial-killer, elle comme psychopathe échappée d’un pénitencier pour criminels irrécupérables, et nous deux dans un 4x4 bourrée d’armes sans permis… pourvu que la police montée ne sonne pas la charge !
Elle boit encore de mon sang, elle démarre l’engin. Dans la boîte à gant, une carte à plus grande échelle. Nous croisons plus loin un panneau indicateur. Montréal est à deux cents cinquante kilomètres (et non pas 200, comme le fait remarquer le MJ-Sadique !

A suivre...
