04-10-2008, 02:39 PM
(This post was last modified: 07-10-2008, 10:12 AM by Darth Nico.)
DOSSIER #7<!--sizec--><!--/sizec-->
Il était 14h passées quand Maréchal quitta le bureau, après son échange avec Herbert. Il repassa chez lui se changer et à 15h00, il était devant l'entrée du Novö-Art. Gérald et sa famille arrivèrent, propres comme des sous neufs.
Il y avait déjà foule sur la Platz, car les queues pour l'ascenseur urbain s'allongeaient considérablement. Les marchands ambulants passaient. Des ondées trempèrent régulièrement les gens. On voyait de soudaines levées de parapluies, et tous se baissaient ensuite dans un bel ensemble.
Serrés comme des sardines, les platzo-magottiens se pressaient au guichet pour prendre leur ticket. Dans la grande plateforme, pleine à craquer, la famille Maréchal se serra dans un coin ; Antonin aperçu Portzamparc qui montait de son côté, accompagné de sa femme. Il lui fit un petit signe.
La grande cabine, chargée de plus de cent personnes monta dans sa cage en fer ouvragé, dans un bruit infernal. Les enfants se collaient le nez à la vitre, malgré les interdictions du pilote de la cabine, pour apercevoir la vue qui se dégageait sur tout le quartier puis sur les autres blocs urbains environnants.
- Regarde, maman, disait un des fils de Gérald, on est plus haut que le grand château !
Il parlait du manoir Whispermoor.
La cabine se stabilisa à la hauteur de la plateforme et soudain, rvomit d'un coup son flot de passagers.
- Tiens-moi la main, sinon tu vas te perdre !
Les mères s'affolaient, les pères se bousculaient, les enfants voulaient courir vers les stands. L'air était empli d'odeurs sucrés. C'était les attractions affolantes, les kermesses de charité, les échoppes de bonbons, c'était les clowns et les animaux qui passaient en démonstration. C'était la cohue festive.
Du coup, le couple Portzamparc fut séparé de Maréchal, et ne chercha pas à le retrouver. Le détective fit un petit signe aux vigiles à l'entrée du cirque, qui lui répondirent d'un clin d'oeil : Madame aurait une bonne place. Sinon, on irait vérifier d'un peu près ce qu'ils transportaient dans leur roulotte, les forains !
Portzamparc embrassa sa femme, qui s'amusait beaucoup. Elle venait de retrouver une amie et s'achetait une barbe à papa. Le policier consulta sa montre : il était presque 18 heures. A l'approche du chapiteau, l'odeur des fauves se mêlait à celles des sucreries.
Il fit le tour de la plateforme et salua les Pandores qui faisaient les plantons. Il les connaissait bien et savait se faire apprécier d'eux : parce qu'il avait commencé comme eux, contrairement à Maréchal, par exemple, qui était entré directement à SÛRETÉ.
Il fit le tour du cirque et repéra le stand du Félynx bleu. Puis, par une entrée discrète, il vit une belle voiture attelée à quatre chevaux, gardée par trois militaires.
Portzamparc s'en approcha en montrant sa carte.
- Bonsoir, messieurs.
Un officier s'approcha, qui portait beau la moustache et son sabre.
- Détective de Portzamparc.
L'autre le regarda, circonspect, sans répondre. Pour ce militaire, il n'était rien !
- Lieutenant de Loclas.
- Je viens vous dire que c'est moi qui représente SÛRETÉ ce soir. Nous sommes au courant de votre visite. Si jamais vous avez besoin de mes services, ou de ceux de PANDORE.
- Nous n'aurons pas besoin vraisemblablement des services de la maréchaussée [le mépris qu'il mettait dans ce mot !], mais nous vous préviendrons en partant.
- Entendu.
Ce Loclas faisait son fier-à-bras. Quelques années en arrière, Portzamparc était bien comme lui.
Il repartit vers le centre des attractions et vit la famille Maréchal qui déambulait entre les stands. Ils n'étaient pas pressés de faire la queue, car il y avait forcément des places de réservées spécialement pour l'inspecteur et sa famille.
Portzamparc fit un petit signe à son collègue et rejoignit deux Pandores qui lui faisaient signe : une altercation un peu plus loin. Deux forains qui se traitaient de voleur. Le gniouf ne resterait pas vide ce soir.
*
Les cinq enfants Maréchal léchaient leurs gourmandises, des sucres d'orge aussi gros qu'eux. Tante Myrtille ne comprenait pas qu'on gâte ainsi les enfants. Elle n'avait pas élevé son fils comme ça !
Comme ils passaient devant un stand de tir à pipes, Gérald donna du coude à son cousin :
- Dis donc, il paraît que tu es un as du pistolet, non ?
- Oh, tu exagères !
- Qui veut voir tonton Antonin montrer comme il est fort !
Les enfants crièrent tous en chœur, sauf l'aînée, qui trouvait ça assez inconvenant.
- Bon, pas de fausse modestie, mon cousin !
- Entendu.
Madame Maréchal et la gouvernante gloussait de plaisir. Maréchal tomba la veste :
- Tiens-moi ça, Gérald.
Il fit craquer ses articulations et rabattit son chapeau en arrière.
- Dix pipes et c'est le gros lot, dit le forain. Des récompenses à partir de cinq.
Maréchal prit le pistolet à plombs, ferma un œil. Il tira six fois et abattit autant de pipes.
- Recharge.
Quelques curieux s'étaient arrêtés, certains qui l'avaient reconnu. Applaudissements.
Le forain s'approcha et murmura au policier :
- Je vous ai reconnu. Ce n'est pas juste pour moi, vous êtes un professionnel. C'est pas valide !
- Et ta licence, elle est valide ?
L'autre rougit. Maréchal rechargea et abattit les quatre dernières pipes.
Portzamparc et deux Pandores séparaient deux forains. Le détective remit sa veste droite et rendit à une famille le sac qu'on venait de leur voler.
16h30. Il refit un tour près du cirque. La famille Maréchal faisait la queue. L'inspecteur portait un énorme nounours en peluche et les gamins jouaient à tirer sur les gens. La gouvernante leur disait que c'était très vilain.
Les clowns annonçaient le début imminent du spectacle. La foule rentra d'un coup dans le chapiteau, qui allait être plein comme un œuf. Tout d'un coup, la plateforme parut presque vide. Portzamparc allait pouvoir souffler.
Il acheta des friandises et alla à l'entrée du cirque. Il montra sa carte, entra et vérifia que sa femme était bien assise. Il lui fit un petit signe au moment où on éteignait les lumières.
Le grand orchestre faisait résonner ses cuivres. Monsieur Loyal entrait en piste. Il était 17 heures.
Assis dans les gradins, Maréchal observait la salle. Un Pandore examinait les coulisses. Il y avait Portzamparc qui observait les sorties arrières. Les policiers avaient repéré, dans les hauts des gradins, les places réservées aux militaires. Il y avait des sièges vides autour d'eux. Les militaires surveillaient les allées. On distinguait le général de Villers-Leclos, entouré de ses petits-enfants, qui leur passait ses jumelles et leur montrait les animaux.
Portzamparc s'assit sur un coin d'estrade et resta attentif. Les numéros s'enchaînaient. Les félynx, les fureuils dressés. L'évasion spectaculaire. La femme coupée en deux et l'homme-canon. Les quintuplés jongleurs, la femme à barbe, le travesti glabre, les lanceurs de nain.... La compagnie Fantazia était connue pour son bestiaire inépuisable et grotesque, ce qui leur permettait de ne pas refaire toujours le même spectacle.
Les deux policiers se laissaient prendre au jeu, comme des grands enfants. Ils n'oubliaient pas non plus leur montre.
19h : le spectacle se terminait. La troupe venait saluer sous les ovations. Portzamparc s'apprêtait à sortir. Maréchal se levait et rejoignait l'allée. Les deux hommes regardèrent du côté des militaires. Les cymbales et trompettes lançaient les dernières notes de la grande fanfare. Portzamparc vit alors le lieutenant de Loclas se lever et sortir son pistolet d'ordonnance. Deux détonations partirent, inaudibles pour le public.
L'officier avait visé à l'autre bout du cirque.
Les autres soldats évacuaient en vitesse l'amiral et sa famille. Portzamparc courut vers les militaires. Il les retrouva dehors. L'amiral était en train de monter dans la voiture, cigare à la bouche dans son manteau en fourrure. Le policier ne croisa son regard qu'un instant.
- Halte ! dit de Loclas. Que voulez-vous ?
- Je vous ai vu...
- Occupez-vous plutôt du tireur ! Un clown ! Je l'ai nettement vu, perché sur une solive. Il est descendu par un trapèze ! Je l'ai blessé.
Portzamparc salua et fit le tour du chapiteau. Il avait encore dix minutes. Il croisa Maréchal et le mit au courant.
- L'amiral n'a rien, mais le tireur est blessé... Il est habillé en clown vraisemblablement.
Les Pandores couraient dans le désordre. L'un d'eux entrait dans un café et appelait des renforts. Les autres prétoriens bouclaient les sorties de la plateforme.
- Ça va être un beau foutoir, dit le chef des Pandores. Les gens s'attendaient à rentrer tranquillement chez eux, et on va devoir contrôler leurs papiers ! La cohue que ça va être !
*
Maréchal n'était pas de service mais étant donné la situation... Il s'excusa auprès de tante Myrtille et Gérald et leur dit qu'il les rejoindrait plus tard à l'hôtel.
Portzamparc approchait de la cabane du Félynx bleu. Il avait la main sur son arme. C'était un stand de lancers de cerceaux, qui ne payait pas de mine. Lumière éteinte, porte entrouverte. Le détective sortit son arme. On entendait de l'eau couler à l'intérieur. Au sol, des gouttes de sang.
- Qui est là, sortez !
Bruit de robinet qui grince. Le policier jeta un œil et vit un clown qui se démaquillait dans la petite lumière du coin d'eau. Il était blessé à l'épaule et venait de se faire un bandage.
- Alors c'est vous qu'on envoie, dit l'autre avec un fort accent autrellien, pour me sortir de la mouise ?
Portzamparc baissa son arme, étonné. Le clown finissait de se démaquiller et commençait à se changer.
- Repos, sergent ! rit-il en enfilant sa chemise, malgré son bras douloureux.
- Capitaine... capitaine ?
L'homme agrafait son bandeau comme il pouvait. C'était bien Vaneighem !
- C'était la chasse au gros, ce soir, sergent...
- Venez, vous ne pouvez pas rester là !
Portzamparc avait repéré une passerelle à l'écart. Il y avait un seul Pandore, qu'il écarta en lui disant qu'il avait aperçu le fugitif à l'autre bout de la plateforme. Bientôt, le mot d'ordre fut transmis et les Pandores se dirigèrent à l'opposé. Les militaires suivirent. C'était beau, la discipline de groupe !
Maréchal, qui n'aimait ni les Pandores et encore moins les militaires, les laissa cavaler. Il savait une chose : c'est que le contact de Herbert ne s'était pas trompé ! La vie de l'amiral, c'était secondaire !
Il quitta la plateforme par l'ascenseur, qui fermerait bientôt. Les autres n'auraient qu'à descendre à pied.
Il était 20 heures et deux hommes franchissaient la passerelle sud-ouest de la plateforme. De l'autre côté, après une courte traversée au-dessus d'un gouffre, c'était le quartier Rotor 24, situé à la verticale de la Jointure. Blessé, Vaneighem devait souffler régulièrement.
Il y avait tant de choses que Portzamparc voulait lui demander : quand était-il arrivé ? Ses contacts avec le réseau ? qu'avait-il fait ces dernières années ? Il avait maigri. On ne le sentait plus bon vivant. Il avait, même sans maquillage, le visage du clown lunaire.
Vaneighem ne dit pas un mot, gardant son souffle pour la course. Arrivé de l'autre côté, il dit qu'il continuerait seul. Il avait une planque pas loin de là.
- Rentrez chez vous, vous en avez assez fait. Je vais vous appeler très bientôt.
Les deux soldats se serrèrent la main et Portzamparc repartit dans l'autre sens. Sur la plateforme, Pandores et militaires abandonnaient les recherches.