15-01-2009, 02:44 PM
Chapitre 3 : La réception du Gouverneur<!--/sizec-->
Le Scorpion d’Obsidienne, comprenant que ses ennemis se vengeaient de lui, se résignait déjà à se raser la tête et à partir méditer sur sa prochaine vie dans un temple isolé.
- Voilà qui risque de me changer, disat-il, ironique et amusé, devant ses disciples.
- Il serait peut-être bon d’adopter cette solution, senseï. Vous avez bien profité de la vie, et après tout, il y a un âge pour chaque chose…
- Vous avez raison mes amis, dit Natsu, à moitié convaincu.
Il décida de s’accorder une nuit pour réfléchir.
- L’heure est venu de faire le point sur ta vie, Natsu, se dit-il en silence. Tu as bientôt quarante ans. Autant dire que tu seras bientôt un vieillard. Pourquoi ne pas ranger maintenant le sabre au fourreau et passer à autre chose ?...
Plus il se le disait, et plus il sentait qu’il ne pourrait s’y résoudre. Il se connaissait bien : la preuve en est que dans les mois qui suivirent, il tua sans doute plus de monde que pendant les cinq années précédentes !
Au matin, il s’endormit d’un sommeil presque euphorique. Quand il se réveilla, il s’habilla, pria, se prépara, longuement.
Otomo Jukeï et ses assistants passaient maintenant leurs journées dans son dojo, à interroger chacun. A peine s’ils ne se servaient pas directement dans ses meubles et tapisseries pour se dédommager !
Le soir, Natsu se regarda encore dans la glace, nu des pieds à la tête, avant d’aller prendre son bain. Ensuite, il prit sa plus belle plume et écrivit une invitation aux meilleurs dignitaires de la ville. Une réception à son dojo.
Il invita aussi les Yogo, dont il savait pertinemment qu’ils conspiraient à sa chute. Telle que sa lettre était formulée, on pensait qu’il s’agissait d’une dernière réception avant sa retraite dans un monastère. Sa soirée d’adieu.
- Son dernier baroud d’honneur ! ricanèrent les Yogo.
Ce fut une réception somptueuse. Natsu y engagea ce qui lui restait d’argent. Ses disciples y mirent aussi du leur, pour aider une dernière fois leur vieux maître.
Les Baysuhi arrivèrent les premiers, sa famille proche et lointaine ; puis les Yogo, obséquieux. Enfin, le capitaine Otomo Jukeï, et son épouse Otomo Ise.
Alors que les serviteurs faisaient passer les invités à table, Natsu se rendit en vitesse aux cuisines, sous prétexte de voir si le repas serait bon. Il s’approcha de sa réserve de saké, en sortit une bouteille, l’ouvrit et s’arrêta.
- Perdu pour perdu, se dit-il. Ce chien du Gozoku ne l’emportera pas au Paradis Céleste !
Natsu sortit une petite fiole et en versa le contenu dans la bouteille.
Il se donnait comme excuse qu’Otomo Jukeï ne servait pas véritablement l’Empereur mais plutôt le Gozoku. Les Scorpions étant l’un des trois clans profitant de ce « Gouvernement du Peuple », Natsu ne se faisait aucune illusion sur sa véritable nature et sa prétendue fidélité au trône d’Emeraude…
Il referma la bouteille et dit à un serviteur :
- Vous veillerez à faire servir ce saké au capitaine.
- Bien, maître.
Il avala ensuite une décoction qui le protégerait des effets de la fiole.
Le soir au repas, devant les invités, il trinqua ostensiblement, et à plusieurs reprises, avec Otomo Jukeï. Pour tous, il était acquis que Bayushi Natsu avait renoncé à ses ambitions. C’était bien son dernier repas en tant que samuraï. On s’attendait même à ce que, devant une si prestigieuse assistance, il annonce son retrait pour la vie monastique.
Dès le milieu du repas, les convives étaient bien égayés. On était si heureux que les choses se passent bien.
- Buvez, mes compères, se disait à part soi notre Scorpion, videz mes réserves, baffrez avec ma nourriture, alors que vous avez précipité ma ruine.
L’excellente nourriture et l’alcool firent, ce soir-là, oublier à tous, y compris aux Yogo, qu’un Scorpion n’est jamais si redoutable que quand il a l’air inoffensif. Ce n’est qu’en fin de repas que Natsu fit apporter la fiole de saké spécial. Il jeta un regard entendu à son serviteur. Il trinqua une dernière fois avec le capitaine et but le premier, une bonne gorgée.
- Kampaï, Jukeï-sama !
- Kampaï, Natsu-san !
- A la gloire du shinsen-gumi… et à la santé de votre charmante épouse !
Otomo Ise fut brusquement tirée du prudent retrait où elle s’était tenue pendant le repas. Elle rougit et remercia son hôte. Il y eut une petite gêne dans l’assistance, mais bien vite, Natsu porta un nouveau toast, au Gozoku et à l’Empereur !
Puis il récita un petit poème sur la confiance et l’amitié. Enfin, il fit signe que le repas était fini.
Otomo Jukeï le remercia et partit avec son épouse. De tout le repas, Natsu n’avait pas quitté celle-ci des yeux, et de plus en plus à mesure qu’il faisait boire ses invités. Ce manège n’avait pas échappé à Ise. Elle était bien plus jeune que son époux, encore follement désirable.
Natsu avait placé à table les Yogo de manière à ce qu’ils ne puissent pas trop le remarquer. Il ignorait en fait que ceux-ci faisaient semblant de ne pas voir…
Ses derniers invités partis, après moult politesses sucrées, Natsu alla respirer dans son dojo, seul.
Maintenant, la drogue n’allait pas tarder à agir. S’il ne faisait rien, le Gouverneur passerait juste la nuit dans un très profond sommeil. Mais il ne voulait plus reculer. Il agissait en mémoire de Bayushi Gensshin, feu son daimyo, qui n’aurait pas toléré une telle intrusion du shinsen-gumi dans les affaires des Bayushi. S’en prendre aux Lions, aux Crabes, oui, mais pas aux Scorpions !
Pendant le repas, Nasu avait fait signe au plus fidèle de ses bushis. C’était un signe convenu, qui voulait dire :
- Tu vas prendre nos dernières réserves de saké, et tu vas les porter maintenant à la résidence du capitaine, à l’intention de ses domestiques et de sa garde.
Alors qu’on sortait de table chez Natsu, le bushi arrivait aux portes de la résidence et offrait le saké, accompagné d’une lettre de son maître au commandant de la garde. Ce dernier la lut et dit à ses hommes :
- Le seigneur Natsu nous offre à boire, pour que nous soyons aussi de la fête.
Le shinsen-gumi ne voyageait jamais sans un spécialiste des poisons, qui s’humecta la lèvre du saké et dit qu’il était bon.
- Tu remercieras ton maître.

Chapitre 4 : La morsure du Scorpion<!--/sizec-->
Quand Otomo Jukeï rentra chez lui, sa femme remarqua qu’on menait joyeuse vie.
- Vos soldats sont dans un état…
- Ma foi, dit le capitaine en baillant, ils avaient eux aussi le droit de s’amuser. D’ailleurs, je suis épuisé, donc je vais aller vite dormir.
Il fut à peine au lit qu’il ronflait. Enivrés, ses hommes ne tardèrent pas à s’endormir aussi. Seule Otomo Ise, qui avait bu avec modération, ne trouvait pas le sommeil. Le regard perçant de Bayushi Natsu ne quittait pas sa mémoire. Elle le voyait, même dans la noirceur de sa chambre. Fatiguée, elle s’endormit à moitié, mais elle rêvait encore de lui.
Elle entendit alors le panneau de sa chambre s’ouvrir. Un serviteur entrait, une chandelle à la main. Elle allait lui faire signe de partir quand, à la lumière de la flamme, elle reconnut les yeux noirs.
Elle s’assit, affolée, et recula. A côté d’elle, son mari ronflait.
Le serviteur s’approcha. C’était bien Bayushi Natsu, comme invoqué directement par le rêve d’Ise !
- Vous, vous ici… Dans cet accoutrement !
- Silence, murmura Natsu.
Il s’approcha doucement.
- Pour vous, belle Ise, je prendrais tous les risques…
Il lui servit un florilège de ses phrases enjôleuses les mieux tournées, et sa résistance fondit peu à peu. Il s’assit près d’elle.
Elle était prête à se laisser faire mais elle avait encore une petite gêne… Otomo Jukeï ronflait toujours à côté d’eux !
Sans ménagement, Natsu le repoussa sur le côté.
- N’ayez crainte, il ne se réveillera pas…
Effrayée, Ise regarda Natsu prendre son mari par les épaules, et le traîner à l’autre bout de la pièce. Il revint vers elle, et s’allongea. Il étreignit Ise et la déshabilla lentement.
- On croira que le capitaine a retrouvé sa vigueur de jeune homme, dit-elle, amusée.
- Vous avez parfaitement raison, murmura-t-il.
Tout ce temps, Jukeï dormit paisiblement, et n’entendit pas, ensuite, la fenêtre qui s’ouvrait ; Natsu qui enjambait le rebord, laissait descendre une corde, embrassait une dernière fois Ise et partait, en silence.
Au petit matin, le Scorpion rentrait dans sa chambre.
Le matin, il était à son dojo, avec ses fidèles disciples.
Il savait maintenant que le temps lui était compté.
L’après-midi, on venait lui annoncer que le capitaine Otomo Jukeï repartait. Bayushi Natsu et ses disciples vinrent le saluer dans les règles. Aux côtés de son mari, Otomo Ise resta digne, quoiqu’un peu pâle. Natsu la regarda une dernière fois et lui souhaita bon voyage.
Puis il rentra avec ses disciples et leur dit simplement que sa vengeance était accomplie. Ils ne comprirent pas, sur le moment, ce que leur maître avait fait. Natsu n’en dit pas plus.
Deux jours plus tard, des émissaires Yogo vinrent à la rencontre du capitaine Otomo Jukeï et suggérèrent qu’il ferait mieux de se préoccuper rapidement des fréquentations de sa femme… Frappé dans son honneur, le capitaine aurait volontiers abattu sur place ces fielleux émissaires. Dans le doute, il choisit de parler à sa femme. Aussitôt, celle-ci, qui s’était contenue jusque là, fondit en larmes.
Abasourdi, Jukeï balbutia, partagé entre l’étonnement et la rage, que les Yogo avaient donc raison !
Folle de regret et de honte, Otomo Ise, n’y tenant plus, se jetait aux pieds de son mari, implorant son pardon. Elle pleura et elle hurla longtemps avant de lui avouer l’acte ignominieux qu’elle avait commis !
Elle avouait avoir couché avec Bayushi Natsu ! Et le pire de tout pour Jukeï fut bien sûr d’apprendre qu’il était juste à côté du couple au moment où ceux-ci faisaient l’amour dans son lit !
Fou de haine, Jukeï gifla sa femme et la battit, et la battit encore, les yeux injectés de sang. Rossée comme une mule, défigurée, Ise partit en s’arrachant les cheveux.
Mortifié, le capitaine prit la décision de la répudier avant que la rumeur de cet affront ne s’ébruite. Il l’envoya dans un temple, où elle finirait ses jours. Les Yogo promirent de tenir leur langue. Ils avaient ce qu’il voulait. Mystérieusement, dans les années qui suivirent, la famille Yogo ne fut plus visitée par les contrôleurs du shinsen-gumi…
Le capitaine demanda alors une plume et du papier : il écrivit une lettre, sommant les treize maris trompés par Natsu de le rejoindre sans délais. Dix jours après, ils étaient tous réunis autour d’Otomo Jukeï, venus de tous les clans de l’Empire. Celui-ci, laissant sa garde dans son palais, partit à la tête de ces treize samuraï bafoués, excitant leur rage d’autant mieux que leur vengeance recevait maintenant la bénédiction d’un officier du shinsen-gumi ! L’occasion était trop belle !
A suivre...
