28-03-2009, 12:02 AM
(This post was last modified: 28-03-2009, 10:56 AM by Darth Nico.)
Il faisait complètement noir et ça secouait. Des chocs sur la paroi métallique, et une sensation de chute. A l'extérieur, un grondement continu.
Graziella était recroquevillée, mains et chevilles ligotées, dans ce qui devait être une caisse ou un container, et qui était emporté à grande vitesse. Des coups en tous sens, puis un choc plus fort, qui aurait pu faire éclater la chose dans laquelle la Lasombra était enfermée.
Elle sentit que dehors, il faisait jour. Elle était à moitié en torpeur, mais une peur de plus en plus vive la sortait de son sommeil artificiel. Maintenant, c'était stable. Toujours le grondement continu.
Que s'était-il passé depuis cette soirée dans Rangoon ?... C'était forcément ce traître de Haqim !...
Graziella se tourna. Ses yeux s'habituant à l'obscurité, elle vit qu'elle était dans un gros bidon métallique. Elle écouta plus attentivement : le grondement était celui d'un fleuve. Elle avait été entraînée par des rapides, et le choc contre des pierres avait cabossé son abri.
Les coups reprirent. On tapait ! Quelqu'un tapait comme un sourd. Graziella banda ses muscles : elle parvint à user ses liens mais ils ne craquaient pas tout à fait. Des hurlements maintenant, des cris d'hystérie.
Elle reconnut alors que c'était des cris d'animaux, des chimpanzés ou quelque primate comme ça ! On l'avait balancée sur un fleuve ! Dans un vulgaire bidon !
Où étaient Loren et Anatole ?...
Les coups reprenaient. Les saletés de singe devaient trépigner sur le dessus du container. Soudain, elle sentit que les primates commençaient à dévisser le couvercle. Ils frappaient dessus, ils allaient le déceler avant peu ! Ils allaient la rôtir ! Et elle allait finir, elle une noble de pur sang italien, sur un fleuve quelque part en Birmanie !
La chaleur moite rentrait, avec un timide rayon de lumière. Elle vit une patte de singe rentrer et lui attraper le mollet ! Elle commença à se débattre, prise de peur panique face au soleil...
...

Vampire 2006
#8 : Bienvenue en Birmanie !<!--sizec--><!--/sizec-->
C'était Lucinius, bien sûr, en sa qualité de Sénéchal, qui avait signé les autorisations de quitter le territoire de la Camarilla française.
Il recevait Loren dans son bureau. Les deux notables n'avaient échangé que quelques mots de politesse convenue. Ils savaient tous les deux ce que signifiaient ces papiers. C'était un visa pour l'enfer de la jungle birmane. L'aller-simple pour les territoires des Kuei-Jin, où un Caïnite faisait partie des espèces en danger. Un endroit où seuls les tueurs les plus aguerris du Sabbat avaient une chance de survivre.
- Donc je signe pour vous, dit Lucinius, pour Graziella de Valori, pour Anatole alias "Lapin de Garenne"... Ce sera tout ?...
- Oui, soupira Loren, mal-aimable, je pense que ce sera déjà beaucoup...
C'est au Ventrue que revenait la charge de diriger cette improbable expédition, regroupant les maudits !
Graziella, condamnée pour son association avec Sire Cosimo Santi dans un projet terroriste contre la Mascarade ! Anatole, de même, pour son association avec des ennemis de la Camarilla !
Cosimo Santi condamné pour longtemps au cachot, de même que Camille.
La Justice du Préfet Jérémie avait fait son œuvre. Le complot Lasombra était démontré, et leur alliance avec le terroriste "virtuel" Shrek était établie. Pour ne rien arranger, l'identité de Shrek, grâce aux patientes recherches de Loren, avait été découverte : Bernard de Latréaumont, aventurier Malkavien, qui avait par sa folie, contaminé Paris. Les services de renseignements Nosferatu avaient localisé Latréaumont dans un pénitencier birman, où il était retenu depuis des décennies. Indirectement, Latréaumont avait transmis ses dérangements mentaux, par plusieurs passeurs, et la contagion était remontée jusqu'à la capitale française.
Il était dans les usages de la Camarilla de bannir certains sujets dangereux, mais tout de même pas en Asie, chez les Kuei-Jin. Même ça, c'était trop.
C'était pourtant ce qui arrivait à "l'expédition Loren", comme on l'appelait déjà dans les salons de l'Elysium, en hommage aux expéditions coloniales. On ajoutait à l'imagerie tropicale et coloniale des visions de films de guerre sur le Vietnam ou de voyages extrêmes vers le bout de l'enfer et des ténèbres. Cela amusait beaucoup, et effrayait en même. Excellent sujet de ragots, donc !
Loren, lui, s'était vu confier cette tâche délicate. Jérémie avait demandé si gentiment !...
Lucinius faisait une petite mine en apposant son dernier cachet au bas des papiers de voyage de son ami. Il aurait aussi bien pu lui signifier son arrêt de mort. Il n'osa pas demander qu'on lui envoie une carte postale, ni ne conseilla d'emporter une moustiquaire.
Pour Graziella et Anatole, c'était une chance qu'on leur laissait, de racheter leurs fautes, mais on ne leur laissait pas le choix. Qu'ils aillent se faire dévorer chez les Asiatiques, et à titre posthume, on célébrerait leurs mérites !
Et s'ils en revenaient pas trop exsangues, ils auraient le droit de se tenir à carreau pour les prochains siècles.
- J'espère, avait dit Jérémie, en visitant Graziella dans sa cellule, que vous goûtez la générosité de notre Justice.
Il n'était pas exclu que Montano soit intervenu en faveur de cette solution. Loren avait entendu quelque chose de ce goût-là. ll enrageait sur ce satané Roméo de Montaigu, dont il cherchait l'identité depuis si longtemps, sans savoir que c'était le fondateur des Antitribus Lasombra.
Graziella avait reçu la nouvelle stoïquement.
Depuis que, quelques semaines plus tôt, Cosimo Santi lui avait appris la vérité sur son clan, elle se sentait investie d'une énergie nouvelle. La véritable histoire des Antitribus... L'épreuve lancée à travers les siècles par Lasombra en personne pour reconnaître les fidèles d'entre les siens.
Graziella était au bout de cette lignée d'élite. Et maintenant, elle allait prouver en Birmanie ce que c'était d'avoir le sang de la Nuit dans les veines !
Quant à l'ignoble Anatole, il avait accepté après avoir été passé à la Question plusieurs fois. Son clan avait tenu à ce qu'il paye pour son infamie et les interrogateurs Brujah de Sergio s'étaient fait un plaisir de satisfaire leurs amis Nosferatu.
Le conseil Primogène avait approuvé l'idée de l'expédition.
Cette nuit-là, un jet d'affaire avançait sur la piste d'Orly, et trois passagers approchaient, bagages en main. Loren marchait en tête. Il n'avait même pas voulu que son majordome l'accompagne.
- Ce sera entre vous et la grande jungle birmane ! avait déclaré Jérémie dans un moment de lyrisme.
Car le pénitencier où était enfermé Latréaumont était un camp de travail mis en place par la junte, dans une région atroce.
Loren ne voulait pas qu'on lui parle. Point.
Il aurait égorgé le premier qui aurait osé. Surtout Anatole. Cet ignoble personnage.
Ou même Graziella, avec son complot minable.
Oui, le lamentable complot de ces Lasombra qui avaient cru... qui avaient cru quoi ?... Qu'ils renverseraient la Camarilla à l'aide d'un terroriste psychopathe !...
Bref, il ne fallait pas lui parler. Il avait son couteau en poche, prêt à dégainer, au moindre emmerdeur !
Lucinius avait dit à Loren que Paris n'avait aucune relation diplomatique avec Rangoon. Il ne fallait pas espérer un consulat de l'Elysium, une cellule de rapatriement ou quoi que ce soit. Il fallait trouver Latréaumont, le ramener en France et si ce n'était pas possible, le détruire.
Les hublots furent scellés et les passagers s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, le pilote, une goule de Sergio, leur signala qu'ils survolaient le golfe du Bengale. C'était juste une grande mare sombre, avec quelques lumières.
Loren était d'une humeur exécrable. L'avion se posa sur un aérodrome. Il avait à peine fini de rouler qu'on venait toquer à la porte. Le pilote ouvrit. Un aimable grand personnage, qu'on aurait pris pour une vedette de Bollywood, très grand sourire brillant, costume crème, gros turban, entra et salua Loren d'une ferme poignée de mains :
- Bienvenue à vous. Je me nomme Haqim, je serai votre conseiller culturel au Myanmar. Aussi je vous souhaite la bienvenue à Rangoon, monsieur Loren.
Il parlait faux, souriait faux. Mais c'était comme ça. Ils respiraient l'air asiatique. La moitié des Kuei-Jin du pays avait déjà dû sentir la présence de ces Caïnites, ils devaient s'en pourlécher les babines.
C'est une phrase qui resta, "bienvenue à Rangoon, monsieur Loren", car le "bienvenue" ne pouvait pas être plus faux.
Très prévenant, Haqim signala qu'il avait retenu une suite dans le meilleur hôtel de la ville.

Il fallut suivre pendant des heures, dans une jeep, une mauvaise piste. Il n'aurait pas été possible d'atterrir à l'aéroport de la capitale. Nos héros auraient certainement fini dans l'incinérateur à bagages suspects...
C'est ce que disait Haqim en riant de ses belles dents blanches. Il avait un chauffeur pour sa jeep, habillé avec la veste kakis pleine de poches et un chapeau de parfait braconnier. A la place du mort, Haqim bavardait de tout et de rien. A l'arrière, les trois Caïnites devaient subir son bavardage.
- Vous auriez attendu rien qu'un an de plus, continuait le beau prince Hindou, et vous auriez pu arriver à Yangon directement. Figurez-vous que les maîtres du pays vont migrer vers Naypyidaw ! Du coup, ils emmènent le troupeau de la junte avec eux. Mais c'est flatteur de savoir que vous étiez pressés de visiter notre beau pays... Dès que j'ai eu le mot de votre... comment vous dites ?... oui, votre Sénéchal, je me suis empressé d'organiser votre arrivée !
Les trois Parisiens enrageaient encore davantage : on pouvait compter sur Lucinius pour dégotter le plus insupportable des "attachés culturels" ! Cet idiot devait être un Toréador en disgrâce, qui avait trouvé refuge chez les Cathéens. Caïn sait comment, il avait réussi à se faire accepter d'eux. Il disait "Yangon" au lieu de "Rangoon", il insistait pour dire "Myanmar" au lieu de "Birmanie", il était dans les petits papiers de la junte...
- Vous verrez, je vous ai trouvé un petit hôtel, très calme, au bord du lac Kandawgyi. Un des plus beaux sites de la capitale.
Anatole connaissait bien ses classiques, et il se faisait l'effet de Tintin et Haddock, poliment emmenés dans leurs chambres d'hôtels par les deux hommes de la police politique de Plekszy-Gladz !
C'était Haqim et son chauffeur, une brute de Philippin ou quelque chose comme ça, qui officiaient et qui conduisaient nos héros dans leur cage dorée.
- La chambre de mademoiselle de Valori est ici, celle de monsieur Loren est à côté, celle de monsieur Anatole au bout du couloir.
Sur la vingtaine de chambres de l'hôtel, on en imaginait facilement dix occupés par des équipes, le casque à l'oreille, espionnant les dix autres !
Dans un dernier sourire "Colgate blancheur", Haqim souhaita une bonne journée à ses invités.
- Demain, nous irons visiter le palais Karaweik, vous verrez : une merveille !
"Vous verrez : une merveille !"
No héros l'entendirent plusieurs fois par jour, cette exclamation, dans la semaine qui suivit.
D'abord, comme promis, le palais Karaweik, puis quelques bâtiments de l'époque anglaise et la pagode Sule (qui servirait, lors des émeutes de l'année suivante, de lieu de rendez-vous aux manifestants, moines bouddhistes et autres). Le lendemain, excursion le long des fleuves, puis, les deux jours suivants, visite des temples de Pagan, dans la brume.
Anatole trouvait ça joli, mais il piaffait d'impatience d'aller mordre quelqu'un. Loren regardait poliment. Une autre fois, il se serait intéressé à l'histoire mais là, il ne pensait qu'à Latréaumont. Quant à Graziella, elle trouvait ce style birman vraiment trop tape à l'oeil. Des gros bâtiments, du doré partout. Pour une habitante de la Sérénissime, cet art était barbare. Au mieux, les temples de Pagan était une Venise dans la jungle...
Bref, ce fut une semaine de perdue. Nos invités parisiens n'osaient pas réagir. Ils se sentaient en petite forme. Anatole avait une petite mine en plus de sa sale gueule. Graziella se sentait lasse et Loren en avait marre. C'était sûrement dû au mauvais sang qu'on leur donnait.
Ils n'avaient que Haqim et son chauffeur pour le moment. Aucune autorité. On ne servait pas à Loren le sang qu'il lui fallait. Et pendant que nos héros essayaient de se sortir de leur abattement, les visites touristiques continuaient. Haqim pouvait leur faire visiter le pays entier. Il avait même parlé d'une excursion à Bangkok puis Phnom Penh !
On pouvait faire toute l'Asie du Sud-Est à ce train là.
- J'ai un ami très cher qui a un petit appareil de tourisme. Ho, certainement pas un bel engin comme l'appareil avec lequel vous êtes venus, bien sûr...
Dame, c'était le Falcon du clan Ventrue, quand même ! Affrété spécialement sur demande de Jérémie.
Graziella tapait Loren du coude :
- Demandez-lui donc s'il n'a pas un petit pénitencier touristique à nous faire visiter...:baton:
C'est le huitième soir que Loren, qui reprenait du poil de la bête, parvint à poser la question directement :
- Monsieur Haqim, avez-vous entendu parler d'un Caïnite nommé Bernard de Latréaumont ?
A suivre...
Graziella était recroquevillée, mains et chevilles ligotées, dans ce qui devait être une caisse ou un container, et qui était emporté à grande vitesse. Des coups en tous sens, puis un choc plus fort, qui aurait pu faire éclater la chose dans laquelle la Lasombra était enfermée.
Elle sentit que dehors, il faisait jour. Elle était à moitié en torpeur, mais une peur de plus en plus vive la sortait de son sommeil artificiel. Maintenant, c'était stable. Toujours le grondement continu.
Que s'était-il passé depuis cette soirée dans Rangoon ?... C'était forcément ce traître de Haqim !...
Graziella se tourna. Ses yeux s'habituant à l'obscurité, elle vit qu'elle était dans un gros bidon métallique. Elle écouta plus attentivement : le grondement était celui d'un fleuve. Elle avait été entraînée par des rapides, et le choc contre des pierres avait cabossé son abri.
Les coups reprirent. On tapait ! Quelqu'un tapait comme un sourd. Graziella banda ses muscles : elle parvint à user ses liens mais ils ne craquaient pas tout à fait. Des hurlements maintenant, des cris d'hystérie.
Elle reconnut alors que c'était des cris d'animaux, des chimpanzés ou quelque primate comme ça ! On l'avait balancée sur un fleuve ! Dans un vulgaire bidon !
Où étaient Loren et Anatole ?...
Les coups reprenaient. Les saletés de singe devaient trépigner sur le dessus du container. Soudain, elle sentit que les primates commençaient à dévisser le couvercle. Ils frappaient dessus, ils allaient le déceler avant peu ! Ils allaient la rôtir ! Et elle allait finir, elle une noble de pur sang italien, sur un fleuve quelque part en Birmanie !
La chaleur moite rentrait, avec un timide rayon de lumière. Elle vit une patte de singe rentrer et lui attraper le mollet ! Elle commença à se débattre, prise de peur panique face au soleil...
...

Vampire 2006
#8 : Bienvenue en Birmanie !<!--sizec--><!--/sizec-->
C'était Lucinius, bien sûr, en sa qualité de Sénéchal, qui avait signé les autorisations de quitter le territoire de la Camarilla française.
Il recevait Loren dans son bureau. Les deux notables n'avaient échangé que quelques mots de politesse convenue. Ils savaient tous les deux ce que signifiaient ces papiers. C'était un visa pour l'enfer de la jungle birmane. L'aller-simple pour les territoires des Kuei-Jin, où un Caïnite faisait partie des espèces en danger. Un endroit où seuls les tueurs les plus aguerris du Sabbat avaient une chance de survivre.
- Donc je signe pour vous, dit Lucinius, pour Graziella de Valori, pour Anatole alias "Lapin de Garenne"... Ce sera tout ?...
- Oui, soupira Loren, mal-aimable, je pense que ce sera déjà beaucoup...
C'est au Ventrue que revenait la charge de diriger cette improbable expédition, regroupant les maudits !
Graziella, condamnée pour son association avec Sire Cosimo Santi dans un projet terroriste contre la Mascarade ! Anatole, de même, pour son association avec des ennemis de la Camarilla !
Cosimo Santi condamné pour longtemps au cachot, de même que Camille.
La Justice du Préfet Jérémie avait fait son œuvre. Le complot Lasombra était démontré, et leur alliance avec le terroriste "virtuel" Shrek était établie. Pour ne rien arranger, l'identité de Shrek, grâce aux patientes recherches de Loren, avait été découverte : Bernard de Latréaumont, aventurier Malkavien, qui avait par sa folie, contaminé Paris. Les services de renseignements Nosferatu avaient localisé Latréaumont dans un pénitencier birman, où il était retenu depuis des décennies. Indirectement, Latréaumont avait transmis ses dérangements mentaux, par plusieurs passeurs, et la contagion était remontée jusqu'à la capitale française.
Il était dans les usages de la Camarilla de bannir certains sujets dangereux, mais tout de même pas en Asie, chez les Kuei-Jin. Même ça, c'était trop.
C'était pourtant ce qui arrivait à "l'expédition Loren", comme on l'appelait déjà dans les salons de l'Elysium, en hommage aux expéditions coloniales. On ajoutait à l'imagerie tropicale et coloniale des visions de films de guerre sur le Vietnam ou de voyages extrêmes vers le bout de l'enfer et des ténèbres. Cela amusait beaucoup, et effrayait en même. Excellent sujet de ragots, donc !
Loren, lui, s'était vu confier cette tâche délicate. Jérémie avait demandé si gentiment !...
Lucinius faisait une petite mine en apposant son dernier cachet au bas des papiers de voyage de son ami. Il aurait aussi bien pu lui signifier son arrêt de mort. Il n'osa pas demander qu'on lui envoie une carte postale, ni ne conseilla d'emporter une moustiquaire.
Pour Graziella et Anatole, c'était une chance qu'on leur laissait, de racheter leurs fautes, mais on ne leur laissait pas le choix. Qu'ils aillent se faire dévorer chez les Asiatiques, et à titre posthume, on célébrerait leurs mérites !
Et s'ils en revenaient pas trop exsangues, ils auraient le droit de se tenir à carreau pour les prochains siècles.
- J'espère, avait dit Jérémie, en visitant Graziella dans sa cellule, que vous goûtez la générosité de notre Justice.
Il n'était pas exclu que Montano soit intervenu en faveur de cette solution. Loren avait entendu quelque chose de ce goût-là. ll enrageait sur ce satané Roméo de Montaigu, dont il cherchait l'identité depuis si longtemps, sans savoir que c'était le fondateur des Antitribus Lasombra.
Graziella avait reçu la nouvelle stoïquement.
Depuis que, quelques semaines plus tôt, Cosimo Santi lui avait appris la vérité sur son clan, elle se sentait investie d'une énergie nouvelle. La véritable histoire des Antitribus... L'épreuve lancée à travers les siècles par Lasombra en personne pour reconnaître les fidèles d'entre les siens.
Graziella était au bout de cette lignée d'élite. Et maintenant, elle allait prouver en Birmanie ce que c'était d'avoir le sang de la Nuit dans les veines !
Quant à l'ignoble Anatole, il avait accepté après avoir été passé à la Question plusieurs fois. Son clan avait tenu à ce qu'il paye pour son infamie et les interrogateurs Brujah de Sergio s'étaient fait un plaisir de satisfaire leurs amis Nosferatu.
Le conseil Primogène avait approuvé l'idée de l'expédition.
Cette nuit-là, un jet d'affaire avançait sur la piste d'Orly, et trois passagers approchaient, bagages en main. Loren marchait en tête. Il n'avait même pas voulu que son majordome l'accompagne.
- Ce sera entre vous et la grande jungle birmane ! avait déclaré Jérémie dans un moment de lyrisme.
Car le pénitencier où était enfermé Latréaumont était un camp de travail mis en place par la junte, dans une région atroce.
Loren ne voulait pas qu'on lui parle. Point.
Il aurait égorgé le premier qui aurait osé. Surtout Anatole. Cet ignoble personnage.
Ou même Graziella, avec son complot minable.
Oui, le lamentable complot de ces Lasombra qui avaient cru... qui avaient cru quoi ?... Qu'ils renverseraient la Camarilla à l'aide d'un terroriste psychopathe !...
Bref, il ne fallait pas lui parler. Il avait son couteau en poche, prêt à dégainer, au moindre emmerdeur !
Lucinius avait dit à Loren que Paris n'avait aucune relation diplomatique avec Rangoon. Il ne fallait pas espérer un consulat de l'Elysium, une cellule de rapatriement ou quoi que ce soit. Il fallait trouver Latréaumont, le ramener en France et si ce n'était pas possible, le détruire.
Les hublots furent scellés et les passagers s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, le pilote, une goule de Sergio, leur signala qu'ils survolaient le golfe du Bengale. C'était juste une grande mare sombre, avec quelques lumières.
Loren était d'une humeur exécrable. L'avion se posa sur un aérodrome. Il avait à peine fini de rouler qu'on venait toquer à la porte. Le pilote ouvrit. Un aimable grand personnage, qu'on aurait pris pour une vedette de Bollywood, très grand sourire brillant, costume crème, gros turban, entra et salua Loren d'une ferme poignée de mains :
- Bienvenue à vous. Je me nomme Haqim, je serai votre conseiller culturel au Myanmar. Aussi je vous souhaite la bienvenue à Rangoon, monsieur Loren.
Il parlait faux, souriait faux. Mais c'était comme ça. Ils respiraient l'air asiatique. La moitié des Kuei-Jin du pays avait déjà dû sentir la présence de ces Caïnites, ils devaient s'en pourlécher les babines.
C'est une phrase qui resta, "bienvenue à Rangoon, monsieur Loren", car le "bienvenue" ne pouvait pas être plus faux.
Très prévenant, Haqim signala qu'il avait retenu une suite dans le meilleur hôtel de la ville.

Il fallut suivre pendant des heures, dans une jeep, une mauvaise piste. Il n'aurait pas été possible d'atterrir à l'aéroport de la capitale. Nos héros auraient certainement fini dans l'incinérateur à bagages suspects...
C'est ce que disait Haqim en riant de ses belles dents blanches. Il avait un chauffeur pour sa jeep, habillé avec la veste kakis pleine de poches et un chapeau de parfait braconnier. A la place du mort, Haqim bavardait de tout et de rien. A l'arrière, les trois Caïnites devaient subir son bavardage.
- Vous auriez attendu rien qu'un an de plus, continuait le beau prince Hindou, et vous auriez pu arriver à Yangon directement. Figurez-vous que les maîtres du pays vont migrer vers Naypyidaw ! Du coup, ils emmènent le troupeau de la junte avec eux. Mais c'est flatteur de savoir que vous étiez pressés de visiter notre beau pays... Dès que j'ai eu le mot de votre... comment vous dites ?... oui, votre Sénéchal, je me suis empressé d'organiser votre arrivée !
Les trois Parisiens enrageaient encore davantage : on pouvait compter sur Lucinius pour dégotter le plus insupportable des "attachés culturels" ! Cet idiot devait être un Toréador en disgrâce, qui avait trouvé refuge chez les Cathéens. Caïn sait comment, il avait réussi à se faire accepter d'eux. Il disait "Yangon" au lieu de "Rangoon", il insistait pour dire "Myanmar" au lieu de "Birmanie", il était dans les petits papiers de la junte...
- Vous verrez, je vous ai trouvé un petit hôtel, très calme, au bord du lac Kandawgyi. Un des plus beaux sites de la capitale.
Anatole connaissait bien ses classiques, et il se faisait l'effet de Tintin et Haddock, poliment emmenés dans leurs chambres d'hôtels par les deux hommes de la police politique de Plekszy-Gladz !
C'était Haqim et son chauffeur, une brute de Philippin ou quelque chose comme ça, qui officiaient et qui conduisaient nos héros dans leur cage dorée.
- La chambre de mademoiselle de Valori est ici, celle de monsieur Loren est à côté, celle de monsieur Anatole au bout du couloir.
Sur la vingtaine de chambres de l'hôtel, on en imaginait facilement dix occupés par des équipes, le casque à l'oreille, espionnant les dix autres !
Dans un dernier sourire "Colgate blancheur", Haqim souhaita une bonne journée à ses invités.
- Demain, nous irons visiter le palais Karaweik, vous verrez : une merveille !
"Vous verrez : une merveille !"
No héros l'entendirent plusieurs fois par jour, cette exclamation, dans la semaine qui suivit.
D'abord, comme promis, le palais Karaweik, puis quelques bâtiments de l'époque anglaise et la pagode Sule (qui servirait, lors des émeutes de l'année suivante, de lieu de rendez-vous aux manifestants, moines bouddhistes et autres). Le lendemain, excursion le long des fleuves, puis, les deux jours suivants, visite des temples de Pagan, dans la brume.
Anatole trouvait ça joli, mais il piaffait d'impatience d'aller mordre quelqu'un. Loren regardait poliment. Une autre fois, il se serait intéressé à l'histoire mais là, il ne pensait qu'à Latréaumont. Quant à Graziella, elle trouvait ce style birman vraiment trop tape à l'oeil. Des gros bâtiments, du doré partout. Pour une habitante de la Sérénissime, cet art était barbare. Au mieux, les temples de Pagan était une Venise dans la jungle...
Bref, ce fut une semaine de perdue. Nos invités parisiens n'osaient pas réagir. Ils se sentaient en petite forme. Anatole avait une petite mine en plus de sa sale gueule. Graziella se sentait lasse et Loren en avait marre. C'était sûrement dû au mauvais sang qu'on leur donnait.
Ils n'avaient que Haqim et son chauffeur pour le moment. Aucune autorité. On ne servait pas à Loren le sang qu'il lui fallait. Et pendant que nos héros essayaient de se sortir de leur abattement, les visites touristiques continuaient. Haqim pouvait leur faire visiter le pays entier. Il avait même parlé d'une excursion à Bangkok puis Phnom Penh !
On pouvait faire toute l'Asie du Sud-Est à ce train là.
- J'ai un ami très cher qui a un petit appareil de tourisme. Ho, certainement pas un bel engin comme l'appareil avec lequel vous êtes venus, bien sûr...
Dame, c'était le Falcon du clan Ventrue, quand même ! Affrété spécialement sur demande de Jérémie.
Graziella tapait Loren du coude :
- Demandez-lui donc s'il n'a pas un petit pénitencier touristique à nous faire visiter...:baton:
C'est le huitième soir que Loren, qui reprenait du poil de la bête, parvint à poser la question directement :
- Monsieur Haqim, avez-vous entendu parler d'un Caïnite nommé Bernard de Latréaumont ?
A suivre...
