01-04-2009, 03:59 PM
(This post was last modified: 02-04-2009, 05:58 PM by Darth Nico.)
Vampire 2006 - #8
Graziella passa un moment dans le café. Elle garda à l'œil les gros touristes américains qui venaient se détendre après leur journée de travail. Ils avaient des allures de cadres supérieurs. Leur sang d'Occidentaux bien nourris serait un régal.
Graziella en suça deux goulûment. Leur sang avait quand même le goût vulgaire du commerce... Notre Lasombra ressortit des toilettes où elle laissait ses deux victimes ronfler tranquillement.
Elle vit alors entrer trois jeunes Asiatiques en combinaison de motards, cigarettes à la bouche et Ray-ban (imitation) sur le nez.
En fait, ce n'étaient pas des humains. Ils sentaient le Cathéen !
Graziella ne connaissait rien aux races et aux clans des immortels d'Est mais elle préférait largement ne pas avoir à leur parler. Seulement, son odeur de fille de Caïn imprégnait abondamment la pièce, et ils la regardaient, amusés. Dans la lumière rouge, ils avancèrent vers elle. Notre Lasombra recula et sauta derrière le comptoir. Elle se changea aussitôt en ombre et sortit du café. Elle reprit forme dans la rue, pendant que les affreux Asiatiques se précipitaient derrière elle. Elle arrivait sur une grande avenue, pleine de trafic. Graziella traversa et se fit copieusement klaxonner. Elle en vit sortir d'autres, des Cathéens ! Des autres bâtiments ! C'était l'image parfaitement raciste de la fourmilière qui s'agite. Il en venait de partout !
A un feu rouge, elle se précipita sur un jeune motard et le jeta par terre. Elle bondit sur l'engin et démarra plein gaz. Faire de la moto sans casque dans Rangoon ! Si on lui avait dit un jour que...
Au fait, combien de fois s'était-elle dit cela : "si un jour, on m'avait dit que..." Trop de fois depuis son arrivée à Paris !
Elle partit droit devant elle, prise en chasse par un escadron de Cathéens sur les mêmes Yamaha que celles des ravisseurs de Loren. Elle vit en un éclair un panneau : "University Avenue", puis elle bifurqua à droite, en plein carrefour, klaxonnée par des dizaines de chauffeurs. Derrière elle, le gros nuage de motards suivait !
On voyait facilement le parti-pris que la firme aurait pu en tirer, pour une gigantesque campagne d'affichage : "Pour votre chasse au vampire, choisissez Yahama !"
Graziella longeait maintenant un grand lac, montré deux jours plus tôt par Haqim, l'Inya. Des coups de feu partirent ; son rétroviseur éclata. Les autres se rapprochaient. Elle distingua un panneau indiquant l'aéroport, 5 kilomètres !
C'était de la folie, jamais elle n'y arriverait... Et quand bien même ?... L'avion de Loren n'y était plus... Pas le choix, elle prit cette direction. D'autres tirs d'Uzis la frôlèrent et touchèrent bientôt la roue arrière. Elle dérapa, et partit en vrille sur la route. Elle fit plusieurs tonneaux, glissa longtemps, et termina contre un arbre. Les gens hurlèrent en voyant pareille cascade ! "Si un jour !..."
Elle se releva et courut dans le parc, talonnée par les Cathéens qui rentraient carrément avec leurs véhicules. Elle entendait les moteurs vrombir. Elle se retourna et fit face au premier. Elle sentait son sang battre partout, non seulement dans ses tempes mais de la tête au pied. Désarmée, elle se jeta sur le côté pour éviter la puissante moto.
Elle se releva alors qu'un autre arrivait. Il lui fallait une arme, n'importe quoi !... Il n'y avait que quelques brindilles ridicules... Soudain, prise par la fureur de la Bête, elle sauta sur son assaillant, qui arrivait l'Uzi pointé sur elle, et l'empala sur une lame !
Elle retomba et vit le Cathéen empalé allait s'écraser sur un arbre. Graziella se remit à courir... Elle lui avait planté une lame... Mais elle n'avait pas d'épée sur elle !
Elle courait, traquée à nouveau, et arrivait au bord du lac. Des tirs partaient, plusieurs rafales, qui tapaient dans le sable. Elle voulut plonger dans l'eau mais les motards arrivaient et ouvrirent le feu en même temps. Il y eut des dizaines d'éclairs, des centaines de balles la frappèrent et l'envoyèrent dans l'eau du lac Inya.
Remplie de plomb, elle ne pouvait plus bouger. Elle vit ses poursuivants s'approcher, narquois, en rechargeant leurs armes. Ils prirent le temps d'allumer une cigarette et de ricaner de leur exploit. Ils se tapaient dans les mains et s'échangèrent des billets. Graziella fit quelques mouvements, gémit, mais comprit qu'un Lasombra ne s'abaisserait pas à ramper devant le Jaune ! Les autres avaient fini de remettre des chargeurs et la pointèrent tous ensemble.
Quand elle se réveilla, après un temps indéterminé, ce fut déjà donc une surprise pour elle de se réveiller tout court. Elle était dans un container, jetée sur un fleuve, et des saletés de chimpanzés étaient en train d'ouvrir son abri comme une boîte de conserve.
Elle ne comprenait pas comment elle avait pu survivre au lac Inya, mais elle n'avait pas le temps de se le demander. Elle sentait la brûlure du soleil. Si c'était une farce des Cathéens, ce n'était pas drôle... C'était juste encore plus humiliant de mourir à cause de saletés de primates ! Si c'était ça la farce, c'était réussi...
Deux chimpanzés sautaient, enragés, sur le container, d'autres donnaient des coups de bâtons. Graziella, rendue à moitié folle par la peur, donna un grand coup de poing sur le couvercle, qui sauta d'un coup !
Elle hurla et se jeta dehors, en plein soleil, dans la belle jungle birmane ! Elle était dans l'eau, impitoyablement ravagée par les rayons de la lumière. Les chimpanzés se précipitèrent après cette créature qui prenait feu comme une torche, ivre de fureur. Graziella, rôtie au troisième degré, presque dépecée entièrement, s'effondra dans les sous-bois, où la lumière était moins vive. Elle pissait le sang par tous les pores de la peau. Elle aurait eu ses entrées dans un bal de Samedi tant elle était défigurée ! Semblable plutôt à ses Succubes des légendes ou à une démone japonaise, elle sentait sa Bête qui ressortait en hurlant de ses entrailles. C'est là que les chimpanzés, tout enragés qu'ils étaient, hésitèrent un instant face à ce monstre de sang et d'ombre !
De l'ombre, il en coulait aussi plein autour d'elle, à flot même. Graziella n'avait jamais fait ça et néanmoins, cela lui paraissait naturel. Les alentours devenaient de plus en plus sombre, comme une éclipse dans les sous-bois. Les primates durent avoir un aperçu de ce que peut être la terreur mystique et partirent en hurlant.
Bientôt, ils étaient poursuivis par une épaisse coulée d'ombre, comme de la lave noire, qui se jeta sur eux et d'où émergea la silhouette difforme de Graziella ! Elle avait des griffes comme des couteaux et deux fois plus de dents qu'à l'habitude, et des dizaines de pseudopodes frétillants qui attrapaient les saletés de singes ! Ils ressemblaient maintenant à de gentils ouistitis à côté d'elle ! Elle les égorgea proprement et pompa leur sang jusqu'à la dernière goutte, puis elle s'enfuit dans la jungle et trouva un abri au creux d'un arbre.
Quand elle reprit conscience, il faisait nuit. Graziella avait retrouvé forme humaine. Elle avait un vague souvenir de ce qui s'était passé, comme si elle avait fait un coma éthylique. Le fait est qu'elle avait la gueule de bois, comme si elle s'était saoulée au vin de table. En l'occurrence, c'était au sang de chimpanzé et ce n'était pas mieux.
"On n'est que ce qu'on boit", affirmait le dicton ancestral. A l'heure qu'il était, elle en était à se demander si elle n'allait pas se transformer en Cheetah !
Elle chassa cette vision d'horreur, se concentra sur les soirées mondaines, les gondoles vénitiennes, les intrigues d'alcôve. Elle repensa à cette pimbêche de chanteuse dont Lucinius s'était amouraché depuis quelques mois. Elle se jura, rien que pour ça, de revenir à Paris pour détruire sa réputation !

Le sort de Loren n'était pas plus enviable. Il évoluait lui aussi au milieu d'une épaisse végétation, traqué.
Au pénitencier, il avait eu une seconde visite de Latréaumont qui lui conseillait d'accepter son offre.
- C'est à vous d'accepter mon offre, avait dit Loren. Rentrez avec moi à Paris et vous serez jugé.
Il le disait sur son ton habituel de celui qui ne doute de rien.
- Savez-vous bien ce que vous dites, mon cher Loren ?... J'en doute !
Latréaumont tournait dans la pièce, exalté.
- Figurez-vous que les gens qui sont prêts à vous dévorer ou vous mettre à mort de mille autres façons sont ici fort nombreux. Et vous êtes un mets de choix. Je leur ai dit ce que vous étiez : un puissant Ventrue, qui a déjà dévoré plusieurs personnes de qualité ; en particulier, cette bonne comtesse Bathory, n'est-il pas ?
- Puisque vous savez tout...
- Tout ! Tout, c'est le mot. Nous sommes comme cela, nous autres Malkaviens. Pas besoin de renseignement comme les Nosfératu. Nous lisons dans les esprits, nous y voyons clair comme dans de l'eau de roche.
- Alors lisez dans mon esprit et dites-moi si j'ai tort.
- Ha pardon ! Je vous arrête !...
Loren était las de ces discours. Il perdait son temps.
- Savez-vous, cher Loren, qu'en plus d'éminents membres du Sabbat, nous avons dans les parages la crème des assassins Cathéens en tous genres... Des fils de l'Est assoiffés de sang occidental !
- Je ne suis pas un morceau de choix, Latréaumont. Je suis difficile à digérer.
- Ha, merveilleux ! Merveilleux esprit parisien !... Mais vous savez ce qui vous attend...
- Finissons-en sur le champ !
Latréaumont était peut-être fou mais il n'avait pas idée de l'obstination dont savait faire preuve Loren.
Le lendemain, au crépuscule, Loren était conduit aux portes du pénitencier, sans armes.
- Vous avez une heure d'avance, susurra Latréaumont. Ensuite, vous aurez sur vos traces les assoiffés de sang les plus redoutables du pays.
- Trop d'honneur...
- Vous devriez partir. Le compte à rebours a déjà commencé.
Loren fit quelques pas en avant, et se retourna pour lancer au Malkavien :
- Pour vous aussi, Latréaumont, le compte à rebours a commencé. Profitez bien du temps qu'il vous reste avant que je ne revienne vous chercher...
Latréaumont éclata de rire et le Ventrue partit dans la jungle.
Quelques heures après, il était encore de ce monde. Il entendait des hélicoptères qui patrouillaient à sa recherche. Il y avait plusieurs pisteurs qui le suivaient dans les taillis. Loren avançait droit devant lui, sans aucun moyen de se repérer.
Sans le savoir, Graziella n'était pas si loin de lui. Elle avançait à la recherche d'un village, d'une ville, de n'importe quoi... Elle entendait des rafales de tirs. Par endroit, des arbres prenaient feu. Elle entendait aussi les hélicoptères. Des bombes tombaient. Elle ignorait que ce déploiement de force avait Loren pour cible.
Elle vit enfin un village. Il était envahi de créatures en treillis. Graziella reconnut une odeur familière : le Sabbat. Ils puaient le Lasombra à plein nez. Il y avait aussi ces Caïnites de la race des Frères de Sang, dont la force croît selon le nombre qu'ils sont.
Graziella s'approcha doucement. Elle ne savait pas si les serviteurs du Sabbat seraient capable de déceler son odeur. Elle repensait au lac Inya, au motard qu'elle avait empalé. Elle comprenait un peu mieux. Bien que désarmée, elle avait réussi à l'empaler....
Comment ?
C'était simple en fait, très simple, très Lasombra. Elle avait saisi un morceau d'ombre et l'avait planté dans la poitrine du Cathéen. Sur le moment, elle avait obtenu une arme grossière, comme un pieu, pas bien taillé. Accroupi, elle saisit une ombre et le prit entre ses mains. Elle coulait, visqueuse. Patiemment, Graziella la modela, poussant des petits ricanements méchants de plus en plus irrépressibles. C'était trop jouissif... Elle affûta une lame, forma un manche... Puis elle attrapa une grande fougère et enveloppa son arme dedans, et l'attacha dans son dos grâce à une solide liane. C'était rustique mais c'était dans l'ambiance...

Elle s'approcha encore de quelques pas. Ils ne pourraient plus longtemps ignorer sa présence. Notre Lasombra s'enroba d'un manteau d'obscurité où brillaient ses yeux rouges. Elle fit craquer quelques branches et entra dans le village.
Les soldats virent sa silhouette. Ils prirent leurs armes et la visèrent. Graziella laissait faire...

Ils ouvrirent le feu. Trop tard, elle avait déjà disparu derrière un bâtiment.
Les imbéciles de Frères de Sang, qui additionnaient leurs forces mais devaient diviser leur intelligence, coururent la chercher. Les autres Lasombra s'enveloppèrent d'ombres, plus méfiants.
- Ça sent l'un des nôtres, dit l'un d'eux.
Les Frères de Sang serraient leurs AK-47, fébriles. Ils entendaient des petits ricanements... C'était indistinct, quelque part autour d'eux. L'un d'eux entra brusquement dans une des paillotes où il avait vu quelqu'un rentrer. A l'intérieur, une misérable pièce. Les paysans avaient été réunis dans la grande maison du chef où les Sabbatiques les avaient vidés de leur sang jusqu'à la mort.
Le Frère de Sang avança sur le parquet qui grinçait. Il ne voyait pas, derrière lui, une coulée d'ombre qui remontait entre les lattes depuis le sol et formait une silhouette féminine. Deux autres entrèrent en lui chuchotant de faire attention.
- Mais je fais attention, gémit l'autre.
Soudain, une lame lui passa au travers du visage, le tranchant en deux au niveau de la mâchoire. Le haut partit dans les airs et le bas, de la mâchoire inférieure aux pieds, s'effondra. Les deux autres braquèrent leurs armes mais ils subirent un sort identique. Tranchés avec force et précision, ils tombèrent dans des geysers de sang.
Prise d'un ricanement nerveux, Graziella sortit doucement de la paillote, son arme à la main. Elle ne s'était pas forgée une claymore de barbare Brujah, ni un épée pour Toréador escrimeurs de salons. Elle avait trouvé mieux : le katana !
Un beau katana à la lame noir de jais reluisante dans la nuit !
Elle avança dans le village désert, pas à pas. Deux Frères de Sang surgirent derrière elle et firent feu. Elle bondit en l'air, en un beau salto arrière, retomba derrière eux et mit fin à leur incompétence congénitale par deux coups précis dans la gorge. Puis elle avança vers le centre du village, d'où elle aperçut les cadavres des villageois, entassés dans la grande maison. Elle savait que ses ennemis jurés étaient là. Les fidèles de Gratiano l'observaient, cachés... Le sabre de Graziella dégoulinait encore de sang. Notre héroïne fit le tour du village. Elle sentait la rage qui devait animer ses ennemis, qui n'y tenaient plus de leur envie de la dévorer, elle la suivante de Montano.
Mais ce soir-là, ils n'osèrent pas passer à l'attaque. La peur au ventre, ils partirent. Graziella le sentit et partit de son côté, son arme enrobée dans la fougère sur son dos.
A suivre...
