18-05-2009, 10:35 PM
(This post was last modified: 18-05-2009, 10:37 PM by Darth Nico.)
Vampire 2006 - #8
Résumé : Pendant que Latréaumont et Anatole ensanglantent les nuits des mauvais quartiers de Beijing, Graziella, Loren et Tuang-Loc séjournent à Hong-Kong et cherchent à faire appel à la secte de la Porte Azurée...
Tuang-Loc amena les deux Caïnites dans le centre-ville, à un club de jazz, le Hard-Boiled.
- Nous avons des amis sûrs, ici…
Loren s’abstint de dire que s’ils étaient aussi sûrs qu’à la maison de thé… Graziella était prête à dire la même chose.:ahah:
Il n’y avait que quelques clients, assis au comptoir, pendant qu’un groupe répétait sur scène. Le clarinettiste arrêta de jouer, et se mit une aspirine effervescente dans un verre d’eau. Il fuma une cigarette en attendant.
- Je ne suis pas en forme pour jouer, mon vieux, dit-il au contrebassiste.
- Je te croyais pourtant plus dur à cuire que ça…
- Je te jure, ce soir, c’est mission impossible… J'ai trop mal. J'ai l'impression qu'on m'a tiré une balle dans la tête...
- On a réservé la salle ce soir, on ne peut pas faire volte-face comme ça. Surtout que toi, à la clarinette, tu es un tueur.
Tuang-Loc serra la main au barman, qui lui fit signe qu’ils pouvaient aller vers la porte du fond. Elle était matelassée. Derrière, sans surprise, une petite pièce sombre où cinq personnes jouaient au poker.
L’un d’eux, costume gris rayé de noir, une balafre en travers du visage, écrasa une cigarette après avoir recraché un épais nuage de fumée :
- Tiens, qui voilà ?...
- Nous revenons de la maison de thé. Vous n’y étiez pas, dit Loc. Par contre, les gens de la Fraternité ont failli nous y laisser.
Les cinq personnages s’arrêtèrent de jouer. L’un alluma une cigarette, l’autre se versa un whisky.
- On ne savait pas, désolé pour toi, mon vieux…
- Je vous avais prévenu, pourtant. Vous auriez dû me dire que vous étiez ici.
Manifestement, personne ne se réjouissait de voir Loc et les deux Européens dans le club.
- Ecoute, on ne savait pas. Mais puisque tu as le temps, joins-toi à la partie.
En retrait, Loren et Graziella ne comprenaient ce qui se disait mais devinaient la teneur de la conversation. Surtout la froideur des soi-disant « amis très sûrs »...
- Non merci. Par contre, je vais avoir besoin de vous maintenant. C’est Lum-Khan qui m’envoie…
Un autre joueur, en t-shirt rouge sans manche, gras, de vilaines moustaches, dit qu’il y avait bien longtemps qu’on n’avait pas eu de nouvelles du vieux sage.
- Lum-Khan est loin, ajouta le balafré.
- Il saura immédiatement si vous refusez de m’aider, dit Loc.
Les autres ricanèrent. L’un d’eux distribua les cartes et on fit un tour de table.
- Deux cartes…
- Une.
- Deux.
- Servi…
Nos deux héros se demandaient combien de temps ce manège allait durer.
- On ne va pas te retenir plus que ça, mon ami, dit le gras moustachu. Tu sais que tu peux compter sur nous dès que tu voudras…
- Mais pas ce soir ?
Ils haussèrent les épaules.
- J’ouvre à deux cents.
- Tes deux cents, et je relance de cinquante.
- Je suis. Deux-cents cinquante, et je remets cent…
- Trop gros pour moi, je me couche…
- J’ai l’impression, dit Loc, qu’il n’y a pas que toi qui te couches ce soir…
Les autres fixèrent le Cathéen :
- Répète un peu pour voir…
- Un Tigre-Diable n’a pas à se répéter, fit Tuang-Loc.
Les cinq se levèrent. Loren et Graziella s’approchèrent mais Loc leur fit signe de ne pas s’en mêler. Le petit gras pointa un révolver sous le menton de Tuang-Loc :
- Tu viens ici, dans notre club, nous faire la leçon, mon ami ?
- Je m’attendais à trouver des guerriers. Des gens prêts à se battre contre la Fraternité. Des gens de la Porte Azurée, en somme.
- Tu prétends savoir mieux que nous ce que c’est que d’être un guerrier ?
Les autres avaient la main sur le révolver de leur poche intérieure.
- J’irai chercher ailleurs la réponse, fit Tuang-Loc.
- Je crois que c’est mieux pour toi, en effet, mon frère…
Loc recula et fit signe à nos deux héros qu’on partait.
Il poussa un juron en ouvrant la porte. Dehors, il bruinait toujours. Plusieurs voitures passèrent en éclaboussant le trottoir. Nos deux héros ne dirent rien, pour laisser Loc digérer sa honte et sa déception.
- Allez, dit quand même le Ventrue, ça peut arriver à tout le monde de se faire lâcher par ses amis… Regardez, moi, j’en sais quelque chose…

Graziella ne releva pas. Elle regardait ailleurs…
- Ce sont des mauviettes, dit Loc. Des fillettes…
- Comme quoi, il y en a aussi par chez vous.
- Jamais on ne m’a humilié à ce point.
- Pourquoi refusent-ils de venir ?
- Ils pensent sûrement que la Fraternité Pourpre est trop forte pour eux. Il n’est pas impossible qu’ils aient passé un accord avec eux en sous-main.
- Je croyais que la Porte Azurée était l’ennemi jurée de…
- Oui, dit Loc, gêné, mais face à des étrangers d’Europe, il n’y a plus de rivalités qui tiennent…
- Et la volonté de Lum-Khan alors ? Vous avez bien dit « Lum-Khan » à un moment…
- Oui, oui… Mais Lum-Khan est pour eux un sage dans les montagnes, quelqu’un de lointain…
Graziella n’osait pas croire ce qu’elle entendait. Elles étaient dans un bel état, les traditions d’obéissances et de piété envers les anciens ! Où étaient passés les principes de Confucius ?
Les voitures continuaient à passer, à un rythme monotone, dans la lumière mouillée.
- C’est incroyable, dit Loren. Si je comprends bien, la Porte et la Fraternité se sont liguées contre nous…
- Remarquez, toussota Graziella, unir des ennemis contre des étrangers, nous aussi à Paris, on saurait le faire...
De l’orage au loin. La pluie redoublait. Un camion de pompiers passa, suivi de plusieurs voitures de police.
Nos héros s’abritèrent sous un vieux porche traditionnel, incongru au milieu du décor contemporain.
- Si je comprends bien, dit Loren, je vais devoir prendre les choses en main…
Loc rougissait de honte et de colère : devoir se fier à un étranger !
- Ne vous inquiétez pas, dit le Ventrue, j’ai l’habitude. On en revient nécessairement là… C’est cyclique !…
Graziella, derrière Loren, hochait la tête, stupéfaite d’un tel orgueil. Loren élaborait déjà un plan. Il réfléchit une minute, puis dit :
- Voilà, je sais ce que nous allons faire. Où sont les bâtiments de la Fraternité ? Et ceux de la Porte ?
- Attendez… La Porte… Ils ont des bâtiments, voyons…
- Vous hésitez à me le dire, hein… Vous pensez encore que la Porte va nous aider…
- Écoutez, Loren…
- Écoutez, Loc… C’est à vous de choisir. Votre fidélité à la Porte Azurée, ou votre fidélité à Lum-Khan. Nous aider ou ne pas nous aider… Par contre, veuillez choisir rapidement, car je ne vais pas m’éterniser ici…
Tuang-Loc alluma une cigarette, mortifié.
Il regarda passer plusieurs voitures, comme hypnotisé par le bruit de leur passage et des éclaboussures.
- Très bien, Loren. Le quartier général de la Porte Azurée se trouve dans un monastère, à côté de Lhassa…
- Et la Fraternité ?
- Je sais qu’ils ont une base importante dans une île près de Singapour.
- Vous voulez aller les voir les deux ? dit Graziella. Nous n’avons pas fini de crapahuter ! Du Tibet à Singapour !
- On est là pour ça, non ?
Graziella haussa les épaules.
- Alors, pour commencer, dit Loren, vous allez me trouver un ordinateur portable, Loc. Figurez-vous que le mien a brûlé à Rangoon.
- Entendu…
- Ensuite, nous aviserons…
- Attendez, vous comptez vous attaquez à la Porte et à la Fraternité ? dit Loc.
- A l’un des deux seulement, si possible…
- Je préférerais la Fraternité.
- Entendu.
Graziella fit une petite tape sur l’épaule du Cathéen, de soutien et de condescendance à la fois : ce n’était quand même pas glorieux de se faire lâcher par ses amis…

Il ne fut pas difficile de repérer, dans un bar ouvert en permanence, un client qui tapotait sur son ordinateur. Loc s’assit à côté. Graziella passa en lui jetant un regard de femme fatale, qui prit aussitôt le consommateur sous hypnose. Il la suivit aux toilettes, pendant que Loc embarquait la machine. Graziella ressortit des toilettes, un filet de sang à la bouche, et ils retrouvèrent Loren, attablé au bar d’en face.
- Merveilleux, dit le Ventrue.
Il se mit à tapoter, pendant que ses deux alliés jetaient de temps en temps un regard par-dessus son épaule.
Loren entra sur le site du ministère français de la Défense, dans une zone réservée et obtint un réseau depuis un autre satellite. Il passait en connexion sécurisée, évitant ainsi la censure cantonaise. Puis, il entra dans les pages de la Marine et afficha une carte dynamique des positions des bâtiments français. Il zooma sur l’Asie du sud-est, et zooma encore sur la mer de Chine. Plusieurs descriptifs de navire apparurent. Il fit une recherche rapide, en fit défiler plusieurs et arrêta son choix.
- Voilà, c’est parfait, dit-il en français.
- Et oserait-on vous demander ce que vous comptez faire ? fit Graziella. Vous préparez un second Pearl Harbour ?
- Pas tout à fait. Juste une porte d’entrée dans Singapour. Mais s'il fallait...
- Vous claquez des doigts, et la Marine française va accourir, pavillon claquant au vent, pour vous servir ?
- Ne me sous-estimez pas, dit solennellement Loren.
Tuang-Loc ne comprenait pas le français. Il regardait ailleurs, vexé.
- En deux mots, que comptez-vous faire ? dit Graziella.
- Me ménager une porte d’entrée chez la Fraternité. Mais comme ces croiseurs ne sont pas à ma disposition dès que je claque des doigts, cela nous laisse le temps d’aller jusqu’à Lhassa.
- Je pensais que vous vouliez ménager la Porte Azurée ?
- Je n’ai pas dit que nous allions brûler leur monastère ! J’aurai juste besoin d’un minimum de soutien logistique de leur part.
- Nous pourrions les contacter d’ici. Vous avez l’air de vous servir si bien d’Internet.
- Non, non. Je veux traiter avec eux de vive voix. On va leur montrer qui on est. Loc, dit-il en anglais, vous êtes toujours avec nous ?
Loc, hautain, répondit que oui.
- Bien, alors nous allons avoir besoin de trois billets pour Lhassa !
- Pour le Tibet ? s’écria Loc.
- Quoi, fit innocemment Loren, il y aurait des difficultés pour aller là-bas ?...
Et en voyant la mine contrariée du Cathéen, Graziella se retint d’éclater de rire.
A suivre...
