30-06-2009, 05:16 PM
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CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Le groupe de l'Inquisiteur entra dans la nécropole par le haut. Ils arrivaient sur des remparts et virent les créatures se tournaient vers eux. Et celles qui arpentaient les chemins de ronde, prévenus par l'instinct du groupe, crièrent et se mirent à affluer vers nos héros.
Tadao s'avança et récita un sort : ses mains se mirent à brûler de flammes couleur de jade ; et quand il eut une dizaine de ces monstres prêts à lui sauter dessus, il lança son attaque. Les traits partirent comme des éclairs et frappèrent de plein fouet les créatures ; celles-ci, brûlées jusqu'à la moelle, tombèrent des remparts en hurlant et s'écrasèrent au sol carbonisées. Tadao recula alors que d'autres arrivaient : Mamoru et Yojiro prirent le relais, sabres en main et affrontèrent vaillamment leurs opposants. Ils en charcutèrent un groupe, soutenus par Hida Goemon ; à eux trois, ils en lacérèrent une quinzaine. Maya en reçut quelques-uns et les jeta dans le vide.
Tadao fit signe de courir dans une tour de garde.
En bas, Yatsume entendit les corps s'abattre et s'écraser dans des bruits affreux. Il en pleuvait !
Nobuyoshi lui indiqua un escalier par où ils pourraient accéder aux remparts. Ils grimpèrent les marches quatre à quatre. Yatsume remarqua que les créatures ne les approchaient pas. Ils coururent sur le chemin et approchèrent d'un énorme donjon qui se dressait au centre de la nécropole. Pendant ce temps, Tadao et sa suite grimpaient les étages, harcelés par les créatures. L'Inquisiteur invoqua un nouveau sort : un éclair de jade partit en ligne brisée sur les ennemis et déchira mortellement leurs chairs.
Le donjon rougeoyant dégageait une aura effrayante d'énergie ; de l'intérieur sortait des palpitations énormes qui auraient fait penser au cÅ“ur d'un démon.
Les deux groupes firent leur jonction sur les hauteurs. Les créatures s'étaient repliés. Elles n'osaient plus s'approcher. Un troisième groupe entra à ce moment dans la nécropole, plusieurs rônins qu'on croyait perdus. Les samuraï escaladèrent un dernier muret pour se retrouver en haut, à quelques mètres en-dessous de la surface : une ouverture dans le sol laissait percer la lumière. Cinq hommes envoyèrent des grappins et les arrimèrent fermement. Pendant que les rônins commençaient à monter vers la surface, nos héros gardaient l'accès. En effet, à ce moment, les créatures s'étaient ressaisies et il en arrivait des nuées ! Elles sautaient, grimpaient, couraient, pour se précipiter en masse sur les intrus. Kuni Tadao fit encore appel aux énergies de la Terre et leur lança une énorme pluie de jade ; des dizaines de créatures empalées s'abattirent au sol, pendant que nos héros tranchaient à vif dans les plus chanceux qui avaient réussi à s'approcher. Il y eut une mêlée intense et nos héros purent ensuite s'accrocher aux cordes ; du haut, les rônins qui avaient réussi à sortir les hissèrent.
Ils s'agrippèrent à la terre ferme, et respirèrent le bon air des montagnes, sous les cieux éclairés par dame Amaterasu, alors que les habitants de la nécropole grouillaient en-dessous d'eux.
D'abord aveuglés par la lumière, les samuraï coururent en désordre dans la plaine, puis se ressaisirent ; jamais il n'avait été si bon de se sentir vivant !
Tout le monde s'éloigna de la mince ouverture au-dessus de la nécropole. Il restait environ la moitié des hommes du début. A quelques lis se trouvait un village. Il était épargné par la contamination maléfique. Nos samuraï purent y passer la nuit.

La fin d'après-midi était fort chaude à la Cité de la Pieuvre. Le soleil était énorme, sanguin et incendiait toute la ville de ses traits brûlants.
Sasuke était en bibliothèque, obligé de s'éponger le front régulièrement. Il continuait ses recherches sur les mystères de l'Å’il de l'Oni. Il consultait des parchemins relatifs à la vie de la fortune du tonnerre, Osano-Wo qui, de son vivant, avait trouvé cet Å’il avec ses guerriers. Notre shugenja se sentit alors troublé, et sentit qu'une puissante magie vibrait autour de lui. Il déposa son parchemin et se concentra intensément. Il fit appel en pensée aux éléments et sentit des forces de la terre très présentes autour de lui. Il touchait le bois de sa table et entrait en communication avec l'ensemble des énergies qui circulaient dans la matière. Il sentit que le sort s'apaisait peu à peu ; les Fortunes invoquées pour venir autour de lui allaient s'enfuir.
Sasuke ne voulut pas perdre cette piste et se précipita dehors, à la poursuite de ces esprits, qui allaient retourner là où on les avait envoyés.
Pendant ce temps, Mitsurugi prenait un bon bain et se faisait masser, pour supporter cette chaleur accablante. Par la fenêtre de la salle des bains, il vit son fidèle conseiller courir comme un perdu dans la cour bouillante du palais et sauter sur un poney, puis partir à brides abattues, cheveux aux vents, à l'heure où la Cité entière somnolait.
Mitsurugi secoua la tête, persuadé que dame Amaterasu avait cogné pour de bon sur la tête du shugenja. Il se renfonça voluptueusement dans son bain et demanda à sa masseuse de lui frotter encore le dos.
Sasuke suivait le reflux des fortunes de la Terre, ce qui le conduisit hors de la Cité, sur la route de l'est, à un solide temple en pierre de tailles. La torpeur accablait ce coin de campagne : dans le village que traversait Sasuke, tout le monde dormait ; un vaste ronflement couvrait la ville. Le shugenja passa sans s'arrêter et se présenta à la porte du temple, où les deux moines de garde jouaient aux dés. Il demanda s'il était possible de voir le supérieur de la communauté. L'un des gardes bailla à s'en rompre la mâchoire et répondit, avec un fort accent du sud-ouest rokugani :
- Mais vous êteuh pas un peu fous, non, vous les Liôns ?... Courir et vous agiter avé cette châleur qu'on se croirait dans un four à paing ?
Sasuke dit qu'il était vraiment désolé mais que c'était urgent.
- Voilâ, voilâ, on y va !... Mais il va pas aimer, le père supérieur, si je le réveille avant la fin de sa sieste, hein... Main'tenant, les gens ne prennent plus le temps de vivreuh... Côurir, toujôurs côurir...
Le moine se leva, perclus de paresse et revint peu après pour dire que c'était d'accord. Puis il se rassit et reprit la partie de dés en maugréant contre ces gens du nord qui...
Sasuke entra dans le temple, qui était dédié aux fortunes de la Terre. Le père supérieur se faisait servir son thé à l'ombre bienfaisante de la grande salle de prière.
- Asseyez-vous, dit le vieil homme. Vous arrivez juste après notre temps de méditation...
Le maître du thé servit à Sasuke un thé vert brûlant.
- Qu'est-ce qui vous amène parmi nous ?
Le shugenja dit qu'il s'était senti appelé par les Fortunes de la Terre et qu'il éprouvait le besoin de venir méditer avec elles.
- Vous êtes le bienvenu parmi pour le temps que vous voudrez. Seulement, il faudra vous plier aux règles de notre communauté : par exemple, ne pas vous agiter si furieusement alors qu'il fait si chaud.
Le père sourit et lui resservit du thé. Sasuke rit et s'excusa encore de son arrivée fracassante.
- Ce n'est rien... A ce propos, sachez qu'un autre samuraï est ici, du clan du Phénix. Il médite devant la grande statue de la pierre éternelle.
- Je vais aller le retrouver dans ce cas.
Sasuke pénétra dans une petite salle de prière où se trouvait, assis en tailleur, un shugenja de la famille Isawa. Il était chauve et d'une taille supérieure à la moyenne. Il avait retroussé ses manches et avait les mains paume contre paume juste devant son visage ; ses bras étaient puissamment musclés et son visage était entièrement immobile.
Sasuke reconnut sans peine Isawa Ichibei, le tensaï de la Terre, le dernier membre de la "bande des quatre". C'était celui qui était le plus pieux ; il était connu pour passer des journées entières à méditer. C'est leur maître qui lui imposait ces méditations prolongées pour qu'il parvienne à canaliser les énergies telluriques avec lesquelles il était en communication, et qui pouvaient se révéler destructrices, car elles sont omniprésentes. Pour Sasuke, il ne faisait aucun doute que c'est lui qui venait de l'espionner. Lui seul avait le pouvoir d'invoquer des Fortunes pour les envoyer aussi loin écouter quelqu'un. Notre héros s'assit et pria un moment, avant de saluer son ami. Ichibei, comme à son habitude, ne fut pas très bavard. Il dit qu'il avait passé l'après-midi à se recueillir ici. Sasuke ne put rien en tirer ; il était muet comme les pierres... Il partit néanmoins en sachant à quoi s'en tenir.
Le shugenja rentra au palais d'Ivoire, où il apprit que Maya attendait d'avoir une audience avec l'ambassadeur.

La petite armée de Kuni Tadao dormit une première nuit au village près de la nécropole. Le lendemain soir, les renforts arrivaient : à leur tête, Mitsurugi et Sasuke.
Ceux-ci avaient été prévenus la veille par Maya, et avaient levé une troupe composée de samuraï du clan du Crabe et du Lion, ainsi que de rônins. L'Inquisiteur remercia ceux qui venaient l'aider. A la lumière de la bougie, il expliqua ce qui s'était passé la veille. Il dit qu'il fallait retourner en nombre dans la nécropole pour la détruire définitivement.
Le soir, Yatsume eut des cauchemars. Elle repensait de plus en plus à son mari et elle se revit dans la nécropole, en compagnie d'Isawa Nobuyoshi, quand ils passaient près du grand donjon ; elle ne sut pas alors distinctement si c'était le rêve ou la réalité mais elle entendait, de l'intérieur du donjon, la voix de son mari qui l'implorait. Yatsume se réveilla, étreinte par une peur glacée. Comme si l'esprit de son mari était proche d'elle.
Le village dormait encore. L'aube n'était pas venue. Elle repensa autant qu'elle put à ce passage dans la nécropole et elle sentit qu'elle n'avait pas rêvé : son mari était bien dans le donjon !
Elle fut la première debout et, alors que tout le monde se préparait encore, elle se mettait déjà en marche. C'est Mitsurugi qui la vit sortir du village, et lui cria de s'arrêter.
Yatsume ne se retourna pas. Mitsurugi courut à la sortie du village, mais son assistante s'éloignait vite ; l'ambassadeur appela Yojiro et lui ordonna de l'arrêter. Le rônin courut derrière Yatsume et se mit en travers de son chemin.
Au village, l'incident n'avait échappé à personne ; Mitsurugi était en train de perdre la face devant tout le monde ! Furieux, il se précipita vers Yatsume, que Yojiro n'osait pas arrêter vraiment.
- Yatsume, ça suffit !
Elle s'arrêta enfin.
Il soufflait un grand vent du matin sur la plaine ; Yojiro s'éloigna et, au village, on fit semblant de ne pas voir Mitsurugi engueuler vertement son assistante.
- Tu es folle à la fin ! Cela suffit ! Comment oses-tu désobéir !...
- Je m'excuse, sama, mais mon mari est là-dedans... Il m'appelle...
Elle baissait la tête mais sa résolution ne faiblissait pas.
- C'est donc ton mari, hein...
Yatsume trembla.
- Oui, je comprends, vociférait Mitsurugi.
Il était hors de lui.
- Je comprends mieux pour quel motif tu as renseigné les Scorpions sur le clan du Loup !
Yatsume devint pâle.
- Oui, j'ai appris ta trahison !...
Mitsurugi fit un lourd effort pour se calmer. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas pris un tel coup de sang.
- Je déciderai rapidement de ton sort ! En attendant, nous partirons groupés ! Compris, Yatsume ?
Elle ne dit rien et suivit son chef. Mitsurugi fit de son mieux pour avoir l'air maître de lui au village. Il ordonna sèchement le départ et prit la tête de la troupe.
- Ça barde, murmura Yojiro.
Kuni Tadao n'osa pas intervenir pour proposer d'attendre les renforts du clan du Phénix. Il avait en effet envoyé une demande à ceux-ci. L'Inquisiteur n'était pas bien placé pour contrarier Mitsurugi après lui avoir demandé de venir...
Les samuraï arrivèrent à l'entrée de la nécropole. Mitsurugi avait besoin de passer sa colère. Il se sentait trahi, et quand il était trahi, il se sentait violence !!
Il fut le premier à descendre à la corde dans cette saloperie de nécropole qu'il allait abattre si nécessaire pierre par pierre !
Les créatures remontaient en poussant des cris et des sifflements stridents mais nos samuraï avaient déjà pris pied sur les remparts et les hachèrent menus en moins de temps qu'il n'en faut pour en parler. Ils descendirent les étages en terminant de massacrer les autres humanoïdes téméraires qui s'interposaient sur leur chemin, et arrivèrent au pied du bâtiment.
Mitsurugi enleva son casque et dit :
- C'est tout ?
- Non, dit Kuni Tadao. Je pense qu'un terrible démon niche dans ces sous-sols. C'est lui qui a infesté la région de ces malédictions. C'est un démon vampirique qu'on appelle un gaki : il se nourrit des âmes de plusieurs hommes et gagne en puissance chaque fois. Son pouvoir est donc en droit infini car sa soif est insatiable.
- Nous allons l'attirer, cria Sasuke.
Lui et son compère Isawa Nobuyoshi se placèrent à l'entrée de la nécropole, devant les grottes et se mirent à concentrer leurs pouvoirs en commun : des vents hurlants commencèrent à tourbillonner autour de Nobuyoshi et une aura enflammée apparut autour de Sasuke. La violence conjuguée des deux éléments fit trembler la nécropole. Un cri monstrueux retentit, sorti des profondeurs les plus insondables des souterrains ; les samuraï se mirent en garde devant l'entrée du tunnel où résonnait ce hurlement indescriptible.
Les deux tensaï intensifièrent leur invocation et une monstrueuse silhouette, haute comme trois hommes et large comme quatre, apparut au fond du tunnel et arriva dans un trépignement qui fit trembler le sol. Les samuraï ne la virent que brièvement, monstruosité composée de cinquante corps différents agglutinés au hasard, avec des membres, des yeux, des gueules et des viscères en tous sens !
Mitsurugi cria le nom de sa fortune protectrice, Bishamon, et courut sur la bête, et lui asséna un coup magistrale en plein dans ce qui ressemblait à sa tête ! Les autres samuraï foncèrent sur elle mais beaucoup furent renversés par la charge du gaki, puissant comme dix buffles enragés ! Mitsurugi avait réussi à s'esquiver sur le côté. Transpercé de dizaines de lames, le gaki poursuivit sa course aveugle : il fonçait sur les deux tensaï ; ceux-ci, au dernier moment, déchaînèrent le pouvoir accumulé et envoyèrent une tempête enflammée sur le démon ; il fut stoppé net dans sa course, enserré dans l'étau du vent qui le broya, et carbonisé littéralement par les flammes impitoyables. Dans un dernier hurlement, il agonisa et s'effondra, au pied des deux tensaï.
Les samuraï se précipitèrent sur la carcasse et lui infligèrent encore de nombreux coups.

Sur les remparts, Yatsume avait assisté à distance à ce massacre. Elle n'y tenait plus : elle s'était approchée du grand donjon, dont l'intérieur était empli de lueurs écarlates et de gémissements insistants. Elle était sûre que c'était la voix de son mari. Elle colla son oreille à la paroi, pour l'entendre, et mit ses mains sur la pierre, comme si elle voulait le toucher. Elle vit une meurtrière et se dit qu'elle allait oser un simple coup d'Å“il. Elle avait plus peur que jamais. Elle approcha peu à peu de l'ouverture, prit sa respiration et regarda.
Elle tomba à la renverse, les poils dressés, un cri muet coincé dans la gorge. Le souffle coupé, elle ne put se relever tout de suite.
Les samuraï en avaient fini avec le gaki et la virent à terre. Mitsurugi, Sasuke et Nobuyoshi remontèrent et s'approchèrent d'elle. Ils l'aidèrent à se relever.
- Mon mari... mon mari...
Elle montrait du doigt le donjon.
- Quoi ? tu veux aller là-dedans à présent ? dit Mitsurugi.
Il voyait qu'elle perdait la raison. Mais c'était une affaire d'honneur, il le sentait.
- C'est de la folie d'y aller, dit Nobuyoshi. L'Inquisiteur pourra vous confirmer que ce donjon conduit certainement au monde du massacre ! Là où des âmes sont condamnées à se battre pour l'éternité pour expier leur mort déshonorante !
La terre se remit à trembler. C'était le plafond de la caverne qui tremblait et menaçait de s'effondrer. Le sol allait crouler entièrement !
- Dehors, tous ! cria l'inquisiteur.
Les samuraï remontèrent à toutes jambes la nécropole ; plusieurs se firent attraper au passage par les créatures et finirent dévorés, mais beaucoup arrivèrent en haut ; Sasuke était de ceux-là. La terre tremblait de plus en plus fort. Notre héros vit alors que ce tremblement avait été provoqué : il y avait en effet Isawa Ichibei, le tensaï de la terre, juste au-dessus, à la surface, qui invoquait les esprits pour faire tout tomber sur la nécropole !
- Arrête ! arrête ! cria Sasuke.
De gros morceaux de terres tombaient ; l'édifice de la nécropole tremblait et des fissures apparaissaient.
En bas, Mitsurugi avait essayé de convaincre Yatsume de revenir avec lui. Elle dit qu'elle devait y aller. L'ambassadeur n'insista pas et la laissa à son sort. Les samuraï avaient compris qu'ils ne pourraient partir par le haut. Ils coururent alors à l'entrée la plus proche, et passèrent la porte de bronze. Ils se retrouvèrent dans les grottes, avec quelques lanternes seulement.
L'Inquisiteur prit la tête de la troupe qui s'enfonça dans le dédale des boyaux aux parois difformes. Ils se perdirent pendant de longues heures dans les ténèbres et désespérèrent de revoir jamais la lumière du soleil. Tadao invoqua les fortunes de la Terre pour creuser un conduit vers la surface ; il eut beaucoup de mal car Isawa Ichibei avait déjà bouleversé l'équilibre cosmique de la terre en la faisant trembler ; mais au bout de longues heures à creuser à la main, un samuraï agrippa une motte d'herbe et cria victoire. Les courageux guerriers se précipitèrent dehors, et tombèrent à genoux, bénissant Amaterasu de la revoir.
A la place de l'entrée de la nécropole, il y avait un grand cratère : on pouvait supposer que tout avait été englouti en dessous. Nos héros ressortaient vivant de cet épouvantable endroit, dont, comme l'avait souhaité Mitsurugi, il ne restait plus pierre sur pierre.
Il ne manquait à l'appel que Yatsume. Elle avait sauté dans le donjon, Nobuyoshi le confirma : il était resté le dernier avec elle pour la dissuader, et il l'avait vue sauter dans le donjon par une porte dérobée qui était apparu quand la nécropole s'effondrait.
Épuise, assis dans l'herbe, Nobuyoshi dit seulement :
- Je n'ai rien pu faire pour l'empêcher.
- C'est elle qui l'a voulu, affirma Mitsurugi. Vous n'aviez pas à l'en dissuader.
La troupe repartit doucement vers la Cité de la Pieuvre. Les Phénix étaient déjà repartis, en emmenant Isawa Ichibei. Sasuke savait qu'il y aurait très bientôt une explication avec eux.

Maya repartit de son côté, perdue dans ses pensées au milieu de la grande plaine venteuse. Alors que le soir tombait et qu'elle ignorait où elle dormirait, elle vit venir à elle un homme tatoué. Un Ize-Zumi comme elle. Il était plutôt bel homme et lui sourit, amicalement, comme s'il était parfaitement normal qu'ils se retrouvent ici, à ce moment. Mais il en va ainsi chez les Ize-Zumi, dont la vie défie bien souvent la logique.
- Konnichi-wa, Maya-san. Salutations de la part de notre clan et de notre bien-aimé daimyo.
Les deux moines se saluèrent selon le rituel et partirent ensemble.
- Vous aviez été avertie de mon arrivée ?
- Oui, dit Maya.
- Notre seigneur désire savoir ce que vous avez appris lors de votre voyage, qui dure depuis déjà bien longtemps.
D'humeur sombre, Maya ne répondit rien. Elle en avait soudain trop gros sur le cÅ“ur.
- Je voudrais que nous allions voir une vieille femme qui lit dans les runes, dit l'Ize-Zumi. Je suis sûr qu'elle nous aidera.
Ils s'arrêtèrent près d'une source qui jaillissait du sol au milieu d'un champ de linaigrettes.
Ils y burent après avoir prié les esprits de l'eau.
- Que retirez-vous donc de ce voyage ? dit le Moine.
Maya serrait les poings et regardait devant elle, comme pour lancer un regard noir à l'horizon.
- J'ai appris, dit-elle, j'ai appris que l'honneur n'est pas toujours une belle chose...
Elle soupira et regarda les linaigrettes qui se dispersaient dans le grand vent. Elle contenait comme elle pouvait ses larmes.
- Non, l'honneur n'est pas toujours bon...
- Ce n'est pas l'honneur qui est mauvais. Ce sont ceux qui ne le suivent pas.
- J'ai connu bien des hommes d'honneur... Et l'honneur n'est pas une belle chose...
- Écoutez, Maya...
Il lui posa la main sur l'épaule.
- Vous avez voyagé, vous avez découvert le monde. Vous vous êtes sans doute égarée, bien plus que vous ne le pensiez en quittant notre monastère et les terres de nos Ancêtres. Mais tout n'est pas perdu. Notre daimyo ne vous oublie pas ; il veille sur chacun d'entre nous. Et l'esprit de Togashi connaît la vie du moindre d'herbe de cet Empire, de chaque être si infime soit-il. Il ne vous abandonne pas. Mais vous devez faire un choix : voulez-vous encore porter ce nom, ou bien vous considérez-vous perdue pour de bon ?...
Ils marchèrent et suivirent le ruisseau qui coulait de la source. Ils aperçurent un village en contrebas, dont les feux s'allumaient alors que le soleil disparaissait derrière les collines.
- Non, je suis une Dragon, dit Maya. Je suis une Togashi.
- Bien, venez...
Ils marchèrent en silence et arrivèrent au village alors que les dernières traces du crépuscule disparaissaient et que la pleine lune était jaune et basse sur les montagnes.

L'armée menée par Kuni Tadao et Matsu Mitsurugi retourna à la Cité de la Pieuvre. Les quelques rônins qui avaient survécu furent grassement payés. Pour sa fidélité, Mamoru fut récompensé en se voyant remettre le titre honorifique de "chasseur de sorcière", qui valait en fait pour toute chasse dans l'Outremonde.
Mitsurugi demanda à Sasuke s'il avait bien vu le tensaï de la Terre provoquer l'effondrement de terre sur la nécropole :
- Oui, c'était lui, dit le shugenja. Je pense que ses pouvoirs l'ont rendu fou, ce n'est pas possible autrement. Il n'a pas mesuré ce qu'il faisait, ce n'est pas possible.
On fut sans nouvelles de Yatsume pendant plusieurs jours. Certains s'attendaient à ce qu'elle ne revienne plus jamais, perdue dans un autre monde.
Et pourtant, l'ambassadeur Mitsurugi fut prévenu quatre jours plus tard que son assistante avait été retrouvée au bord de la Muraille. Elle errait dans l'Outremonde, hagarde. Elle avait aussitôt été emmenée se faire soigner ; elle avait passé le test de la glyphe de protection : elle avait tendu son bras au-dessus des peintures magiques et n'en avait pas été brûlée -ce qui prouvait qu'elle n'avait pas été touchée par la Souillure. Pour le reste, elle ne se souvenait pas de ce qui lui était arrivé.
Elle fut convoquée seule par Mitsurugi :
- Puisque tu es de retour, il est bon que nous parlions, Yatsume. J'ai réfléchi et j'ai pris ma décision concernant la trahison dont tu t'es rendue coupable contre le clan du Loup. Tu retrouveras celui qui a tué ton mari et quand ta quête sera terminée, tu abandonneras le mon de notre clan, tu iras voir les rônins et c'est eux, alors, qui décideront de ton sort.
"Ce sera tout. Tu peux te retirer.
Yatsume, accablée par son voyage et le remord, resta plusieurs jours au lit. Sasuke lui rendit visite et lui demanda pourquoi elle avait suivi l'expédition à la nécropole. Yatsume répondit que les Scorpions l'avaient mise sur cette piste...
- Les Scorpions sont malins, dit Sasuke. Ils n'ont pas leur pareil pour obtenir ce qu'ils veulent sans presque rien en échange. La plupart des samuraï est persuadé qu'ils savent tout sur tout le monde ; mais ils ne sont pas si forts et ils vous ont abusé : ils vous ont donné une vague information qui pouvait passer pour sérieuse, rien que pour obtenir le moyen d'atteindre le clan du Loup. C'est comme cela qu'ils font : ils jouent sur la réputation qu'on leur prête...
Yatsume accusa le coup : la leçon de Sasuke était rude, mais elle était vraie. Yatsume avait été abusée par cet escroc de Bayushi Kokamoru ! Il avait vaguement parlé de Yaagoth, d'Isawa Nobuyoshi, de l'Inquisiteur !... Rien de sûr !
Dès qu'elle fut sur pied, elle lui demanda un rendez-vous à l'auberge ; elle l'y retrouva, alors qu'il était comme d'habitude entouré de ses gardes du corps.
- Vous m'avez trompé, dit notre héroïne d'emblée.
A peine si elle prit le temps de s'asseoir.
- Vous avez abusé de ma crédulité et de mon désir de venger mon mari...
Sa colère était froide, résolue. Elle ne lui laissait rien à dire.
- Sachez donc qu'à l'avenir, je ne traiterai plus avec vous. Je ne suis pas de votre clan, inutile d'essayer de me proposer un autre accord.
Elle le fixait dans les yeux, et ne demandait aucune réponse.
- Au revoir.
Elle se leva et partit. Elle avait soudain le cÅ“ur libéré d'un énorme poids. Oui, elle se sentait plus légère !
Elle rentra au palais et se retrouva néanmoins seule face à elle-même. Elle avait oublié ce qui s'était passé entre le moment où elle avait sauté dans le donjon et celui où elle était arrivée à la Muraille. Avait-elle retrouvé son mari ? Avait-elle tué le démon qui l'avait corrompu ? Comment avait-elle survécu à un séjour prolongé chez le Dieu Maudit ?...
Elle s'endormit sans trouver la réponse, et ce soir-là dans l'Outremonde, près des ruines du château Hiruma, solitaire sur son rocher, un chat blanc miaulait aux étoiles.
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FORCE ET HONNEUR, SAMURAÏ !
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