21-08-2009, 06:19 PM
(This post was last modified: 29-08-2009, 08:10 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 11ème Episode</span><!--/sizec-->
Chêvre 402
Tengoku to Jigoku
<span style="font-size:14pt;line-height:100%">(Le ciel et l'enfer)<!--/sizec--><!--/sizec--></span>

1ère partie : Billets et parchemins<!--/sizec-->
<span style="color:orange">Les 5 Rônins : 11ème Episode</span><!--/sizec-->
Chêvre 402
Tengoku to Jigoku
<span style="font-size:14pt;line-height:100%">(Le ciel et l'enfer)<!--/sizec--><!--/sizec--></span>

1ère partie : Billets et parchemins<!--/sizec-->
Il s'était passé un mois depuis la destruction de la Nécropole.
C'était le plein été, période de torpeur pendant laquelle Rokugan vivait au ralenti. Les samuraï prenaient deux bains froids par jour pour rester toniques, et encore, cela ne suffisait pas à combattre la paresse. La Cité de la Pieuvre avait très chaud, située qu'elle était dans le sud de l'Empire. Il n'était pas possible de s'aventurer en ville dans les heures de l'après-midi, même à l'ombre des petites rues en pierre qui menaient du quartier noble au quartier réservé. A tuer le temps et à dormir beaucoup, c'est à peine si on vit passer le mois du Cheval. En ce début de mois de la Chêvre, il faisait encore très chaud. Les samuraï qui revenaient de leur service sur la Muraille racontaient que c'était infernal, à tous les sens du terme. Des groupes de l'Outremonde harassaient les défenseurs presque continuelle. C'était à se demander comme les troupes de gobelins arrivaient jusqu'au Mur sans être cuits comme des homards. Les samuraï accablés dans leurs armures devaient pourtant se battre, heure après heure, pour repousser ces attaques agaçantes, pas assez importantes pour affoler, pas assez maigres pour qu'on les néglige.
Maya avait séjourné au nord-ouest de la Cité des Yasuki, au Temple de la Fortune du Pardon. Elle était toujours en compagnie de Togashi Ojoshi, cet Ize-Zumi matérialiste venu des terres du clan pour la ramener sur le droit chemin. Elle s'était astreinte à une rude discipline. De plus, elle avait supporté pendant plusieurs jours la couture d'un nouveau tatouage dans son dos. Le procédé était douloureux. C'était le troisième que Maya recevait et, chaque fois, la douleur était insupportable. Cela prenait des heures, il fallait s'arrêter pour que Maya aille prendre un bain et se passe de la pommade.
Quand Ojoshi eut enfin terminé de coudre le Campanule sur sa coreligionnaire, ce fut un soulagement pour eux deux, car l'Ize-Zumi n'aimait pas plus infliger de la souffrance que Maya n'aimait la subir !
- Puisse l'esprit de Togashi s'imprégner davantage en vous, pria Ojoshi.
- J'essaierai de m'en montrer digne, dit Maya.
Ojoshi avait entendu parler de quelques-unes des frasques de Maya, et il savait qu'elle serait longue la route pour rejoindre le chemin de la rédemption... Il ne désespérait toutefois pas, car il savait que son temple ne l'aurait pas envoyé si Maya avait été irrécupérable.
Le matin suivant, après la prière, Ojoshi proposa à Maya de l'aider à repartir d'un bon pied, en allant voir une vieille oracle.
- Nous verrons peut-être ce que les dieux vous réservent.
- Je l'espère, fit Maya.
C'était une vieille villageoise, aux longs cheveux filasses, à moitié sourde et aveugle, la doyenne de son village. Elle restait dans son fauteuil à fumer sa pipe. Elle avait une famille nombreuse, des fils qui travaillaient aux champs, des petits-enfants qui lui couraient dans les jambes et un premier arrière-petit-fils.
- Je ne lis pas l'avenir, nobles moines, dit-elle de sa voix revêche. Je ne fais que lire les runes. Hoji, va me les chercher.
L'un des gamins arrêta de jouer avec sa carriole en bois et alla prendre une vieille boîte dans le coffre près du lit. La vieille femme continua à fumer, sans tellement faire attention à ses visiteurs.
Le gamin rapporta respectueusement la boîte et la tendit à sa grand-mère. D'un signe de tête, elle dit qu'il ne fallait pas la donner à elle mais aux moines.
Maya prit les runes et les jeta sur un cercle dessiné par terre devant la cheminée.
La vieille geignit et se pencha en avant. Elle bourra à nouveau sa pipe et fronça les sourcils.
- Alors, que disent-elles ? demanda Ojoshi.
La vieille femme grogna et cracha dans le pot à côté de sa chaise.
- Cela partle d'un nuage et d'un serpent. Le message n'est pas clair... Tu dois sûrement te méfier de ces deux choses, ma petite... Attends. Rejette les runes. Elles le demandent.
Maya reprit les pierres et les rejeta.
La vieille se pencha, encore plus circonspecte. Elle se grattait son menton poilu.
- C'est confus là aussi. Il est que quelqu'un que tu connais va perdre la vie et l'honneur.
- C'est plus clair comme message ! s'écria Ojoshi. Qui ? Et quand ?...
- Les runes n'en disent pas plus, je regrette.
La vieille se recala dans le dossier de son fauteuil.
Les deux Dragons ressortirent.
- Bien, dit Ojoshi, nous devrions aller en ville. Nous trouverons peut-être plus d'indices là-bas. Le moins qu'on puisse dire est que nous ne sommes pas très renseignés...
- Nous verrons, dit Maya.
- Il faudra poser habilement des questions aux gens, pour obtenir des informations sans qu'ils se doutent de quelque chose.

Dans les heures qui suivirent, la rumeur se répandit comme une traînée de poudre qu'une femme moine farfelue venue des lointaines terres du Dragon cherchait un nuage.
Les commerçants étaient sortis de leurs boutiques et se tapaient sur les cuisses en se racontant leur après-midi de folie.
- Moi, dit un maçon, je l'ai clairement entendu demander à quelqu'un s'il ne trouvait pas bizarre qu'il y ait des nuages alors qu'on est en été !...
Les autres éclataient de rire et l'un d'eux proposa de payer sa tournée. On retrouvait un autre groupe, déjà accoudé, à se raconter les mêmes anecdotes.
- Et moi, affirmait un charpentier, j'étais sur mon échafaudage dans le quartier des pêcheurs quand je l'ai entendu demander à un marchand d'anguilles si la rivière était droite ! Apparemment, elle cherchait un serpent ou je ne sais quoi !...
Arrivait un autre larron, savetier de son état, qui pleurait de rire et en avait encore une bonne à raconter.
- Vous ne savez pas qui je viens de croiser, les amis...
Il eut droit à son coup, et il y eut des gorges chaudes pendant plusieurs jours.
- Tu as vu, un nuage !
- Hoho, qu'est-ce que les dieux nous préparent ?
- Sûrement une pluie de moines fous !
- Hé les gars, vous avez vu, il paraît que Hu le pêcheur a l'intention de redresser la rivière !
- Ce sera plus simple pour attraper le poisson, remarque !
Les anecdotes se multipliaient, amplifiées, déformées, inventées. Et tout ce temps-là, l'enquête de Maya n'avançait pas...

Par cette même après-midi très chaude, l'Inquisiteur Tadao était entendu par des représentants du conseil de la famille Kuni. Il reparlait de l'expédition du mois dernier à la Nécropole.
- En usant de ses pouvoirs, disait un des Grands Inquisiteurs, ce shugenja Phénix, Isawa Ichibei, a cru détruire ce démon, mais il a surtout mis en danger les honorables membres de votre équipée, Tadao-san. Cet affront ne peut tout de même pas rester impuni.
- J'en suis conscient, dit Tadao, le front bas, mais Isawa Ichibei en question fait partie de l'école des tensaï, l'élite des shugenja du clan du Phénix. Il a pour supérieur Isawa Masaakira en personne, une des personnalités les plus respectées de son clan...
- Nous connaissons bien sûr Masaakira-san, c'est un grand érudit et un maître de méditation. Toutefois, nous craignons que ces recherches sur le Vide ne l'aient quelque peu éloigné des réalités matérielles immédiates. Il paraît évident que ce Ichibei n'est pas en parfaite maîtrise de ses pouvoirs, ce qu'on attendrait au contraire d'un tensaï.
- Seigneur, les Phénix sont nos hôtes. Si nous les accusons, ils pourraient rompre les relations diplomatiques avec nous, ou au moins nous faire sentir leur courroux.
- Il est vrai, dit un des grands inquisiteurs, que nos amis du Phénix sont une aide indispensable dans la lutte contre l'Outremonde. Nous ne pouvons nous fâcher avec eux, malgré cette maladresse de ce shugenja.
- Maladresse, s'étrangla un hiératique Inquisiteur, vous appelez cela maladresse ? La furie de ce Ichibei a coûté la vie à une quinzaine d'hommes ! Plus besoin de démons avec un allié pareil !
- Bien, intervint le doyen du groupe pour ramener tout le monde au calme, il est évident que les Phénix doivent être avertis de cette erreur. Toutefois, comme il serait de la dernière impolitesse de les accuser directement, je propose de passer par l'intermédiaire d'un autre clan.
- Ingénieuse idée, sourit Tadao.
- En effet, dit le doyen, il n'y avait pas que des Phénix avec vous, Inquisiteur... Je pense que vous comprenez ce que je veux dire... Bien, dans ce cas, je vous charge de régler cette petite histoire, que la rancœur n'aille pas empoisonner nos sentiments envers nos amis Phénix.
Tadao s'inclina et sortit. Il retrouva son garde du corps, Hida Goemon, qui lui demanda si la réunion s'était bien passée.
- Oui bien, sourit Tadao. Le doyen est toujours aussi vert et rusé, malgré son grand âge... Par Osano-Wo, qu'il fait chaud ! Quand l'orage va-t-il éclater !... Bon, Goemon, écoute-moi : j'ai besoin que tu ailles porter un message au palais d'Ivoire. A Matsu Sasuke.
- Bien, seigneur.
- Excellent, le voici.
Tadao lui tendit un rouleau de parchemin.
- Et vous, seigneur ?
- Moi ?... Je vais aller boire une bière, par tous les cailloux de la Muraille !
