22-08-2009, 12:33 PM
(This post was last modified: 24-08-2009, 06:37 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Le soir venu, Goemon se présenta au palais d'Ivoire et demanda à être reçu par le conseiller de l'ambassadeur Mitsurugi.
Dans les rues de la ville commençait une fête populaire, la célébration de la Fortune des Moissons, qu'on priait une première fois, environ un mois avant les récoltes. La fête commençait par le carnaval. Les commerçants tiraient des feux d'artifices. Des troupes de bateleurs, de jongleurs et de comédiens envahissaient les rues. Les enfants restaient dehors plus tard que d'habitude. Le dragon en papier était de sorti, ainsi que des effigies à toutes sortes de fortunes domestiques.
La liesse populaire s'accompagnait de la parade très populaire des taverniers, qui distribuaient du saké et de la bière dans les rues. Les samuraï Yasuki se mêlaient à la fête, de même que de nombreux bushi Hida permissionnaires. Les autres clans se tenaient à l'écart de ce genre de ripailles vulgaires -à l'exception d'agents Scorpions qui en profitaient pour faire boire les gens et récolter des informations !
- Tu me dis que tu as vu ce samuraï avec la femme de ce dignitaire Grue ?...
- Comme je vous vois !
- Bien, prends cette pièce et amuse-toi... Et oublie que tu m'as parlé.
- L'alcool s'en chargera !
Mamoru déambulait dans les rues de la ville en compagnie de Yojiro. Les deux rônins ne voulaient pas se priver de ses réjouissances.
- Ho, puissant guerrier !
C'était un petit homme maquillé qui alpaguait Mamoru depuis sa roulotte.
- Viens, viens... Viens découvrir l'avenir...
Yojiro bâilla :
- Vas-y si tu veux, moi ces charlatans m'ennuient. Je t'attends à la taverne d'en face.
Il y régnait une joyeuse ambiance : on se racontait encore les aventures de l'Ize-Zumi qui cherche un nuage !
Mamoru s'approcha de la roulotte et le petit homme se pliait en deux et le priait de rentrer.
- Mon spectacle va te charmer, noble samuraï !
Le rônin entra dans le petit théâtre. Par la roulotte, il venait d'entrer dans une petite bâtisse contiguë. Il y avait une dizaine de tatamis disposés au sol devant une scène. Le rideau était levé et la scène était vide.
Il s'assit au premier rang et attendit. Il sentit soudain une présence derrière lui. Il se retourna et eut le souffle coupé.
Il y avait quatre personnages derrière lui, d'aspects fantomatiques, entourés d'une aura verdâtre.
- Salutation, Yasashiro...
C'était son nom quand il était encore samuraï. Et celui qui venait de s'adresser à lui était l'ancien chef de sa troupe ! Et les autres étaient là aussi.
Ceux qu'il avait rencontrés au sortir de la vallée des Soshi !
C'était Hida Eizan qui lui parlait, son chef...
- Ne t'inquiète pas, Yasashiro, nous venons seulement te parler.
Il y avait le moine, l'ingénieur, l'éclaireur et la shugenja, qui n'étaient plus que des spectres.
- Que voulez-vous ? dit Mamoru.
- Nous sommes devenus amis avec un important personnage qui veut te parler...
Les spectres fermaient les yeux. Ils étaient entre notre héros et la sortie. Un autre personnage arriva sur scène : de taille moyenne, fort maigre, avec de longs cheveux noirs, il avait la peau blême et des canines qui dépassaient sur ses lèvres incarnat. Il portait une robe aux motifs maléfiques.
- Salutation, samuraï. Mon nom est Yumi Iro. Tes amis m'ont dit que tu étais quelqu'un de fiable...
Mamoru, de rage, ne desserrait pas les dents.
- Je voudrais que tu portes un message pour moi. Un message pour Yatsume. Matsu Yatsume, je crois qu'elle se nomme ainsi, désormais.
"Dis-lui que je l'attendrai après demain soir, au temple de la fortune du nord-est. Je veux lui parler du passé. Je crains qu'il n'y ait, entre elle et moi, un malentendu, que je voudrais dissiper.
Les spectres disparurent, Yumi Iro aussi.
Mamoru se précipita dehors. Des pétards explosaient, des ribambelles d'enfants passaient en riant.
Yojiro était à la taverne et riait avec plusieurs rônins.
Mamoru courut le voir :
- Il faut prévenir l'Inquisiteur Tadao !
- Qu'est-ce que tu racontes ?
Mamoru lui raconta en quelques mots sa rencontre macabre.
- Je vais surveiller cette roulotte, dit Yojiro. Cours chercher l'Inquisiteur.
Yojiro s'essuya la bouche et sortit de la taverne, pendant que Mamoru partait ventre à terre.
Le petit homme maquillé trembla en voyant arriver sur lui le robuste rônin ; Yojiro l'attrapa par le col :
- Qu'y a-t-il dans ta roulotte, saltimbanque ?
Yojiro entra, sabre en main, et découvrit la petite pièce vide.
- Rien, seigneur ! Rien !... Le spectacle n'a pas encore commencé !
- Ah oui, et c'est quoi ton spectacle ?
Le rônin fouilla la pièce, sans rien trouver.
- Nous allons attendre ici que mon ami revienne. Tu vas attendre avec moi à l'intérieur.
Yojiro ne voulait pas créer de panique, et préférait attendre que l'Inquisiteur arrive.
Hida Goemon ressortait du palais d'Ivoire, où il avait demandé à rencontrer Matsu Sasuke. On lui avait répondu que celui-ci ne serait disponible que le lendemain. La vérité était que Sasuke et Mitsurugi étaient déjà partis s'amuser dans une maison de geishas, en compagnie d'Ikoma Noyuki, l'ambassadeur Lion auprès des Yasuki.
Goemon rentrait donc au palais de son maître, quand il vit ce dernier sortir précipitamment, accompagné de Mamoru.
- Goemon, suis-moi, ordonna l'Inquisiteur.
Tadao avait pris sa besace à parchemins. On ne partait donc pas voir le feu d'artifices !
- Mamoru vient de me prévenir d'un intrusion de démons en ville.
Les trois hommes arrivèrent à la roulotte, où Yojiro tenait toujours le bateleur en garde. Plus personne n'osait s'approcher.
- Goemon, va fouiller l'intérieur.
Le gros garde du corps rentra dans la roulotte et retourna tout, comme Yojiro l'avait fait avant lui.
- As-tu trouvé quelque chose ? demanda l'Inquisiteur à Yojiro.
- Seigneur, j'ai vu des dessins tracés sur la scène, mais à moitié effacés.
Goemon les inspectait en ce moment ; Tadao les inspecta aussi.
- Des traces d'un rituel d'invocation ! De la magie interdite !
A ces mots, Goemon ressortit et prit à la volée une torche à un comédien qui passait en riant avec sa troupe.
- Donne-moi ça, toi !
Le Crabe mit le feu aux rideaux, à la scène, aux murs et jeta la torche sur les tatamis en sortant. La roulotte se mit à flamber rapidement.
Tout le monde recula, les gens s'enfuyant, affolés. Une troupe de gardes Yasuki s'approcha de l'Inquisiteur ; ils échangèrent quelques mots et emmenèrent le petit homme maquillé.
- Cet imbécile ne sait sûrement rien ; tant pis pour lui, il a pu être touché par la flétrissure maudite.
"Rentrons ! Mamoru, je vais entendre tes explications !
Au palais des Kuni, l'Inquisiteur fit asseoir les deux rônins dans sa salle de réception.
- Je vous écoute.
Mamoru raconta ce qu'il avait vu et dit :
- Ils m'ont confié un message pour Matsu Yatsume !
- Ces démons ?
- Oui, seigneur !
- Par les esprits des Ancêtres, que fricote cette samuraï avec eux ?
- Je l'ignore, mais ce que je sais, c'est qu'ils lui donnent rendez-vous pour après-demain soir au temple de la fortune du nord-est.
- Il faut que nous soyons à ce rendez-vous, dit Tadao, pour la surprendre avec ces démons. Nous ne savons pas encore si elle est de mèche avec eux. Nous capturerons ce Yumi Iro. Ce doit être quelque adepte du sang... Donc, demain, Mamoru, tu iras porter le message comme prévu. Et toi, Goemon, tu rencontreras Matsu Sasuke. Quant à toi, Yojiro, pas un mot sur cette affaire pour le moment. Matsu Mitsurugi est ton maître mais je le tiendrai au courant dès qu'il le faudra. Cette affaire concerne une intrusion de l'Outremonde, j'entends donc mener l'enquête comme il le faudra.
Les trois hommes s'inclinèrent devant l'Inquisiteur et chacun rejoignit ses quartiers.

Tôt le lendemain matin, Sasuke, Mitsurugi et Ikoma Noyuki rentraient au palais d'Ivoire et hoquetaient encore de tout le saké avalé dans la soirée. Les rayons bienfaisants de dame Soleil réchauffaient les ruelles du quartier réservé et nos héros goûtaient l'air frais comme un nectar. Noyuki se tenait encore les côtes :
- Il y a bien longtemps que je n'avais passé une telle soirée.
Il bénissait le ciel de lui avoir envoyé deux fêtards comme Mitsurugi et Sasuke -deux hommes qui tenaient l'alcool et qui savaient parler aux femmes. L'alcool, c'était surtout Sasuke et les femmes, Mitsurugi. A eux deux, ils faisaient la paire et Noyuki avait du mal à suivre !
Les trois hommes se saluèrent, épuisés et heureux, rentrèrent dans leur chambre et s'effondrèrent sur leurs couchettes.
Ils dormirent une partie de la mâtinée et se réveillèrent avec un mal de crâne carabiné. Ils prirent chacun un bain glacé pour se réveiller et burent un solide thé noir avant les exercices du matin. Il faisait déjà chaud.
Mitsurugi baillait à s'en décrocher la mâchoire en entrant dans son bureau, où ses secrétaires l'attendaient, affairés. Il consulta, les paupières lourdes, les requêtes du jour. Il vit une liste de noms de personnages sans grande importance qui requéraient une audience et ordonna à ses deux adjoints de les recevoir eux-mêmes. Puis il retourna faire une petite sieste. Il somnola délicieusement, en repensant à cette nuit débridée. Ils avaient bu, chanté, ri comme des soudards de permissionnaires, avec une dizaine de geishas franchement délurées. Les Crabes avaient des créatures de rêve à offrir. Bien sûr, ces filles n'avaient pas la prestance et le maintien des grandes dames de compagnie du clan du Phénix. Le dicton proverbial disait que la geisha doit avoir la délicatesse de la fleur et la robustesse du saule. Mitsurugi aurait davantage parlé, pour celles-ci, de la rudesse du bambou ! Il est vrai qu'elles se distinguaient moins nettement que chez les Phénix de prostituées de luxe, et se donnaient bien plus facilement à leurs clients, les Crabes n'ayant guère le loisir de faire longtemps la cour à la femme de leurs rêves...
Mitsurugi ronfla paisiblement, alors qu'un bienveillant petit vent frais, qui bruissait dans les arbres, venait le titiller.
Et dans son rêve, notre ambassadeur revit Ikoma Noyuki, qui avait eu un moment de déprime pendant la soirée, et qui avait raconté sa vie :
- Misère... Si je ne m'étais pas pris de passion pour cette femme de la famille Asahina... Je lui écrivais des poèmes, jeune rhéteur que j'étais à l'époque... Je sortais à peine de l'académie Ikoma et je rêvais de grandes odes épiques et d'intrigues... Jusqu'à ce que la famille de la donzelle s'en aperçoivent... J'ai failli déclencher une guerre. J'ai été disgracie et envoyé comme ambassadeur ici. Depuis, j'ai bien compris comment m'y prendre avec les femmes. Ne jamais s'attacher à elle ! Autant aller dans la cage d'un tigre !... Un jour, je voudrais bien écrire un roman pour raconter cette aventure, mais je n'en ai pas trop le courage, voyez-vous, pas trop...
Il avait les yeux rougis, lourds. Sasuke et Mitsurugi l'avaient consolé, aidés par les filles et il avait retrouvé son entrain.
Mitsurugi s'étira et se releva, alors que l'après-midi était déjà avancée. Il avala un bol de riz en écoutant ses assistants le mettre aux dernières nouvelles. Il apprit que Sasuke s'était relevé avant lui et qu'il était en ce moment en entretien... avec Hida Goemon !
- C'est original, dit Mitsurugi.
Il s'habilla un peu plus correctement et alla retrouver son fidèle ami et conseiller dans son conseiller. Il ouvrit doucement le panneau et trouva Goemon incliné respectueusement devant Sasuke. Ce dernier lisait un message frappé du sceau de la famille Kuni.
- C'est un message de l'inquisiteur Tadao, dit le shugenja. Il me reparle de la nécropole et de la folie d'Isawa Ichibei. Il me fait poliment remarquer l'attitude offensante qu'il a eue envers nous... Il suggère que nous ne devrions pas laisser cela impuni... C'est un peu retors, dit-il à Goemon. Pourquoi ton Inquisiteur ne va pas défier Ichibei lui-même ?...
- Je pense, dit Mitsurugi en s'asseyant, que nos amis du Crabe ne peuvent pas ainsi défier des hôtes prestigieux. Est-ce que je me trompe, Goemon ?
Goemon ne répondit rien.
C'est alors que l'esprit de son Ancêtre, qui le harcelait presque quotidiennement, vint lui frapper dans la caboche :
- Réponds quelque chose, idiot ! Tu veux vraiment passer pour un demeuré, ma parole !
Goemon ne savait plus quoi dire, entre l'embarras de la question de Sasuke et les intrusions de son Ancêtre dans son esprit. Si bien que son silence passa pour une approbation. Mitsurugi et Sasuke se regardaient d'un air entendu.
- Tu te sens prêt à défier en duel Isawa Ichibei ?
- Pourquoi pas, dit Sasuke. Je "brûle" d'envie de me confronter à lui !...
- C'est un duel qui va faire du bruit !... Bien sûr, tu as mon accord.
- Je te remercie. J'irai défier Ichibei très bientôt. Je pense que le senseï Masaakira et ses élèves prendront le thé. Il sera juste l'heure de les secouer après ce moment de méditation !
Sasuke était impatient. Il se sentait plein d'ambitions.
Quand Mitsurugi retourna à son bureau, on vint lui dire que le rônin Mamoru l'y attendait.
- Encore ! Ils n'arrêtent pas, aujourd'hui !
Il allait dire "ces Crabes !..."
Mamoru entra, accompagné de Yojiro. Qu'est-ce que ces deux-là mijotaient encore ?...
- J'ai à te parler d'un sujet grave, dit Mamoru en s'inclinant.
- Allons bon !
Mamoru prit le temps d'expliquer ce qui lui était arrivé la veille, ce qui n'intéressa Mitsurugi que lorsqu'il prononça le nom de Yatsume. L'ambassadeur prit son temps, avant de répondre prudemment :
- Bien, je remercie ton maître l'Inquisiteur Tadao pour cette information.
Les deux rônins ressortirent.
Mitsurugi soupira. Il fit signe à Sasuke de sortir de derrière le paravent, d'où le shugenja avait bien évidemment écouté la conversation.
- Il va falloir surveiller Yatsume de près...
- Oui, dit Mitsurugi. Elle a rendez-vous demain soir dans ce temple. Or, demain soir, nous sommes invités chez Hanteï Norio...
- Je vais m'en occuper, dit Sasuke d'un air entendu.
Comme d'habitude, Mitsurugi voulait des réponses mais ne voulait rien connaître des dessous sales de l'affaire. C'était à Sasuke de s'en occuper.
Est-ce que c'était en rapport avec son retour impensable du donjon de la Nécropole ? Là encore, Mitsurugi ne voulait pas le savoir...

On se souvient en effet que dans la Nécropole, Yatsume avait entendu la voix de son mari qui provenait d'un donjon, dont l'intérieur luisait d'une aura rougeâtre. Yatsume s'était vaillamment jetée dedans, alors que le tensaï Isawa Nobuyoshi l'avait mise en garde : ce donjon menait vraisemblablement vers un autre monde, connu sous le nom de Toshigoku, le Royaume des Massacres.
Alors que tout le monde croyait Yatsume perdue à jamais, prisonnière pour l'éternité de ce monde de batailles titanesques perpétuelles, elle était réapparue, quatre jours plus tard, au pied de la Muraille. Elle était perdue, hagarde, fébrile. Les Crabes l'avaient recueillie et elle avait été convoyée jusqu'à la Cité de la Pieuvre. Elle était très affaiblie et ne se souvenait de rien de ce qui lui était arrivé depuis qu'elle avait passé la porte du donjon de la Nécropole. On lui avait fait passé le test de la glyphe, qui avait révélé qu'elle n'était pas porteuse de la Souillure de l'Outremonde.
Elle avait repris des forces pendant le mois du Cheval. Elle était maintenant rétablie mais ne retrouvait pas la mémoire. L'ordre de Mitsurugi tenait toujours : elle devrait retrouver l'assassin de son mari, puis elle quitterait le mon de la famille et irait se présenter en tant que rônin devant Tange Sazen pour qu'il décide de son sort.
En effet, c'est Yatsume qui, pour obtenir des informations sur l'assassin de son mari, avait "vendu" aux Scorpions l'emplacement du camp des Loups.
Ce soir-là, Mamoru retrouvait Yatsume dans une taverne du quartier marchand. Quand il dit qu'il avait rencontré ce "Yumi Iro", le sang de Yatsume ne fit qu'un tour. La samuraï-ko, déjà fougueuse habituellement, ne tenait plus en place.
Yumi Iro ! Le nom de l'assassin de son mari !
Mamoru transmit le rendez-vous, pour le lendemain soir, au temple de la Fortune du nord-est. Et il ajouta que l'Inquisiteur Kuni Tadao était au courant, et qu'il s'y rendrait en même temps pour arrêter ce Yumi Iro -Mamoru étant certain que ce dernier était bien corrompu par l'Outremonde.
- Avec ou sans vous, dit Mamoru, l'Inquisiteur ira là-bas.
- Bien, bien, qu'il vienne, dit Yatsume. Au contraire, je ne demande qu'à ce que cet homme soit arrêté et mis à mort...
Mamoru quitta là Yatsume et rentra au palais des Kuni. De son côté, Yojiro fut convoqué chez Sasuke.
- Je veux, dit le tensaï, que tu surveilles Yatsume demain soir. Elle ira à ce temple. Tu la suivras de loin et tu me rapporteras ce que tu as vu.
- Bien, dit le rônin en s'inclinant.

La situation devint encore plus retorse ce même soir : Yatsume resta seule à l'auberge après le départ de Mamoru. Quand elle sortit, elle vit deux samuraï du clan du Scorpion qui l'attendaient et qui lui proposèrent aimablement de les suivre.
Ils l'emmenèrent dans une autre auberge, assez discrête, près du palais des ambassadeurs Scorpions, où attendait Bayushi Kokamoru. Celui-ci, en plus d'être l'ambassadeur de sa famille auprès des Yasuki, était, on s'en souvient, l'informateur privilégié de Yatsume. C'est lui qui avait aiguillé la rônin sur la piste d'un certain démon nommé "Yaagoth", et c'est ce qui avait décidé Yatsume à suivre l'expédition à la Nécropole. Seulement, sur place, Yatsume n'avait pas plus trouvé de Yaagoth que de maîtres d'origami dans la famille Hida ! Furieuse, et sermonnée par Sasuke, elle avait donc dit à Kokamoru qu'elle rompait ses relations avec lui.
Voilà qu'elle n'avait d'autre choix que de parler avec lui. Il l'attendait, toujours supérieur et narquois, entouré de ses mêmes gardes du corps qui regardaient la rônin de haut. Furieuse, humiliée, Yatsume dut s'asseoir. Kokamoru buvait négligeamment un petit bol de soupe au calamar.
Il avait cet air assuré du Scorpion qui va vous faire une proposition que vous ne pourrez pas refuser.
- Prends quelque chose à boire, Yatsume... Mange aussi, si tu veux. Cette nourriture n'est pas empoisonnée. Du moins, je crois...
La rônin écarta le bol d'un revers de main. Elle voulait en venir aux faits.
- Bien, puisque tu n'es pas bavarde ni affamée, je passe à l'essentiel.
- Oui.
- J'ai parlé à ma famille de ton mari. Nous comprenons que tu veuilles te venger de celui qui l'a corrompu...
C'était une manière de lui rappeler au passage que c'était quand même bien elle qui l'avait tué, après avoir découvert sa corruption.
- Le clan s'est montré compréhensif. Tu vois, il en est capable... Mais oui.
"Donc nous voulons t'aider à tourner la page. C'est en effet aussi une tâche dans notre honneur. Un sorcier qui a corrompu l'un des nôtres...
- Que voulez-vous ?
- J'ai prévenu la famille Shosuro...
L'affaire prenait un tour encore plus sinistre. Si les Bayushi étaient spécialisés dans les chantages, les extorsions, le renseignement, la famille Shosuro était connue pour s'occuper des besognes les moins avouables du clan. S'il y avait lieu de croire aux "ninjas" à Rokugan, c'était en bonne partie grâce à la famille Shosuro et ses sorties nocturnes... Yatsume l'avait découvert après avoir tué son mari..
- Ils sont prêts à agir pour t'aider, Yatsume.
- Que vont-ils faire ?
- Ils vont demain soir dans un temple à la sortie de la ville. Le temple de la fortune du nord-est.
Yatsume resta interdite. Elle allait protester, questionner.
- Chut, dit Kokamoru, sache juste que nous veillons sur toi. Nous savons, Yatsume. Ce Yumi Iro est trop important. Et les rumeurs courent vite dans cette Cité de marchands, de colporteurs et de délateurs...
- Je ne viendrai pas avec vous. J'y vais avec l'Inquisiteur, vous devez le savoir...
- Nous partirons avant. Et nous repartirons de là-bas avant son arrivée...
- Vous ne pouvez pas faire ça.
Kokamoru la regarda d'un air narquois, et finit son bol de soupe.
- Je voulais te prévenir, c'est tout, ajouta-t-il.
Yatsume se retenait de bondir et de frapper. Elle se contrôla et ressortit de l'auberge. Elle rentra au palais du Lion, alors que Mitsurugi et Sasuke étaient déjà partis s'amuser, et se jeta dans son lit, accablée.
Ce soir-là, elle fit de mauvais rêves.