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11e Episode : Tengoku to Jigoku
#18
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE


2ème partie : Les routes brûlantes<!--sizec--><!--/sizec-->


Sasuke passa la fin de journée à se reposer et à prier les Esprits. S'il n'avait pas gagné, il avait montré de quoi il était capable ! Il se coucha tôt, non sans avoir fait dire à Yatsume qu'ils partiraient le lendemain très tôt avec Yojiro.

Matsu Kokatsu s'installa au palais d'Ivoire. Il n'indiqua pas les raisons de sa venue. Il ne venait pas reprendre en main l'ambassade du Lion. Non, il s'installa dans une chambre à l'écart et laissa les ambassadeurs vaquer à leurs occupations. Fatigué par son voyage, il ne fit même pas de remarques à Mitsurugi sur ses nouvelles fréquentations.
D'ailleurs, dans les jours qui suivirent, il ne se fit pas spécialement remarquer, ce qui était surprenant quand on connaissait le personnage, qui avait l'habitude de s'imposer partout où il passait.

Mitsurugi reçut un message de Doji Onegano qui l'invitait à venir prendre le thé après le repas du soir. Notre ambassadeur avait quitté poliment Ikue et sa famille après le duel. Il n'avait pas joué les fanfarons face aux autres Grues, il n'avait pas eu une attitude inconvenante. Il n'avait sûrement pas commis de faute d'étiquette -sinon Kokatsu lui aurait fait remarquer, n'est-ce pas !
C'est donc serein qu'il se rendit à la maison de thé, comprenant que l'heure était venue d'avoir une discussion avec "beau-papa" !
Doji Onegano était arrivé avant lui. Il se faisait servir une tisane avec des petits gâteaux : il invita aimablement Mitsurugi à s'asseoir.
- Le duel a été au-delà de tout ce qu'on pouvait attendre...
Il fit des compliments sur les deux combattants, et les deux hommes échangèrent des politesses et des considérations sur la vie comme elle va, sur l'ambiance dans la Cité et sur l'annonce étonnante que la cour d'hiver se tiendrait cette année chez les Crabes.
Puis Onegano dirigea la conversation sur la soirée de la veille chez Hanteï Norio :
- Nous avons passé un excellent dîner en votre compagnie. Vous avez remarqué que vous avez fait forte impression sur mon fils Suzume. J'espère que son impatience ne vous a pas exaspérés...
- Du tout, voyons ! Il est encore jeune, c'est bien normal ! J'étais pareil à son âge !...
- Oui, nous en sommes tous passés par là... Sauf que, comme je vous l'avais dit, mes enfants ont eu une vie très protégée, contrairement à moi, qui suis parti jeune à la guerre, avant de rejoindre le corps de nos ambassadeurs.
Il raconta combien il regrettait de n'avoir pas aguerri plus tôt ses enfants.
- Nous ne savions pas que la cour d'hiver aurait lieu chez les Crabes, en partant. De ce fait, nous resterons plus longtemps que prévu... Nous venions ici pour prier des Ancêtres à nous, qui ont combattu jadis aux côtés du clan du Crabe. Nous voudrions leur rendre hommage, et en même temps, découvrir l'Empire...
Mitsurugi dit qu'il en était ravi !
- Seulement, dit Doji Onegano, je n'aimerais pas qu'il y ait des malentendus entre nous, Mitsurugi-san.
Notre héros serra les dents.
- Voilà, en tant que père, je suis bien sûr flatté qu'un samuraï honorable comme vous se trouve, disons, charmé par ma fille -on peut le dire comme cela ?
- Oui, fit Mitsurugi, qui souriait jaune.
- Bien, je préfère prendre les devants, car il serait mauvais que je me taise, et que je vous permette de nourrir de faux espoirs... Voilà, car cela tient en deux mots : ma fille... Doji Ikue... est déjà promise à un autre.
Mitsurugi fit un effort violent pour rester stoïque et finir sa tasse.
- Ce mariage a été prévu peu après sa naissance, afin d'unir ma famille à une maison prestigieuse qui, depuis, n'a cessé de faire montre de son excellence.
- Quel honneur pour votre fille... et pour votre famille ! articula Mitsurugi, qui aurait préféré en ce moment discuter poésie lyrique avec un maho-tsukaï plutôt que d'écouter Onegano.
- Oui, mon futur gendre se nomme Kakita Yagyu. Il est encore jeune, mais il a obtenu l'autorisation d'ouvrir son propre dojo... Figurez-vous que c'est un virtuose du sabre, dans la grande tradition de sa famille. Il est promis à un avenir glorieux.
- Oui, fit notre héros, qui perdait peu à peu contenance, les Kakita... assurément... sont les duellistes les plus réputés de l'Empire...
Il s'écoutait parler, comme s'il n'était plus qu'un fantôme détaché de ce monde.
- Doji Ikue est consciente de la chance qui lui est faite. Elle le sait depuis qu'elle est toute petite... Par ailleurs, je dois dire qu'elle vous apprécie. Et à ce sujet, j'ajoute que mon invitation tient toujours. Si vous désirez venir, l'été prochain, chez nous, vous serez le bienvenu.

Pour tenir la chandelle à Ikue et son mari, bien sûr !
Mitsurugi sentait qu'il aurait pu, en cet instant, s'effondrer.
- Je vous... remercie, pour votre franchise, Onegano-sama. Et pour l'invitation aussi... Je vous ferai savoir...
Il ne savait plus quoi dire pour s'en tirer dignement. Si des etas avaient voulu le traîner dans la boue, il n'aurait peut-être pas vu la différence. Il remercia encore pour le thé et dit qu'il était tard.
Onegano le regardait d'un air qui signifiait que, sans s'apitoyer sur lui, il comprenait le mal qu'il lui faisait. Mais Ikue n'était pas promise à un ambassadeur Lion, si brillant soit-il, mais à la crème de l'élite des Kakita !
Notre héros s'en alla sans savoir s'il allait tenir debout.
Il arriva au palais, blême et monta les marches, écoutant chacun de ses pas comme si ce n'était plus les siens.

Il n'était plus rien ! Rien !...
Et surtout, quel imbécile, mais quel imbécile il avait été ! Quelles illusions !...
En si peu de temps ! Il s'y voyait déjà !... Il s'était monté la tête comme un gamin !
Même Doji Suzume aurait pu rire de sa naïveté !
Il voyait les gens autour de lui, du samurai au mendiant, et il était sûr qu'ils se moquaient de lui sous cape ! Oh oui, comme ils devaient rire !... Accablé, honteux, abattu, il s'était enfermé dans sa chambre, pas sûr de pouvoir encore se regarder dans un miroir ou de croiser le regard de quiconque !... Kokatsu pourrait se rassurer ! Finie la romance, adieu !...
Il remua pendant des heures dans son lit. C'était trop... Il y avait tellement cru, et plus dure était la chute ! Il était aussi imbécile de s'être raconté des histoires qu'il était stupide maintenant d'en souffrir autant !... Il avait deux fois tort ! Pour le coup, il était prêt à se punir en invitant tout le clan du Scorpion à rire, mais à rire de lui tant qu'ils voudraient !

Et ce Kakita Yagyu ! Il le détestait déjà ! Il rageait d'impuissance ! Socialement, Mitsurugi lui était inférieur, et au sabre, il n'aurait pas une chance contre un duelliste virtuose !... Si jamais les dieux l'accablaient en l'obligeant à rencontrer ce bellâtre, il n'aurait qu'à s'aplatir devant lui en lui faisant des compliments sur ses talents de bretteur et sur sa magnifique future femme !

Le coup de grâce décoché par Onegano avait été la nouvelle suivante :
- Nous célébrerons bientôt les fiançailles d'Ikue. Comme nous restons pour l'hiver, c'est Kakita Yagyu qui fera le déplacement. La cérémonie aura lieu non loin d'ici, au temple de Megumi, la Fortune qui guide les héros...
Avait suivi une explication dont Mitsurugi n'avait suivi un traître mot.

Il était déjà en train de retourner dans sa tête des plans dérisoires pour empêcher ces fiançailles : demander à Sasuke de brûler le temple, puis finir comme rônin et aller se pendre ?... Prier pour que Yagyu attrape la petite vérole ?... Se contenter de devenir l'amant de Ikue, donc la déshonorer, se déshonorer et se suicider avec elle ?
Il y avait tant de solutions, toutes plus reluisantes les unes que les autres !

Non, raisonnablement, c'était sans issue.

Mitsurugi finit par s'endormir, en espérant qu'à son réveil, il aurait tout oublié !

Samurai

L'aube était à peine là quand Sasuke, Yatsume et Yojiro quittèrent la Cité de la Pieuvre par la porte du sud-est. Ils traversèrent plusieurs hameaux dispersés dans la campagne, où Yojiro retrouva des informateurs. Ils finirent par trouver le lieu où le clan du Loup avait établi son refuge. Ils étaient dans un village perché sur une colline, à l'entrée d'une étroite vallée dans laquelle aucun chemin ne menait. De ce village, ils pouvaient voir venir au loin et pouvaient s'éclipser rapidement sans laisser de traces.
C'était une région sauvage, rocailleuse, à la végétation rare. Pas de cours d'eau, des terrains valonnés, arides. Même des bandits ne pouvaient y trouver refuge.

Ce qu'ils ignoraient, c'est que Mamoru, tenace, était toujours à la recherche de Yatsume. Dans la matinée, il eut vent du départ du groupe de Sasuke et se lança sur le chemin du sud-est.

Le soir tombait sur la colline quand le guetteur des Loups signala l'approche de trois samuraï. Le chef, Juro, que nos héros avait connu à la Cité du Cri Perdu, reconnut sans peine Sasuke.
- J'ignore ce qu'ils nous veulent. Laissons-les approcher.
Nos trois samuraï entrèrent dans le village, surveillés par une dizaine de rônins aux mines farouches. Juro les attendait de pied ferme, au milieu de la route :
- Que nous vaut le plaisir, Sasuke-sama ?
Il s'inclina brièvement devant lui.
- Nous venons pour Yatsume, dit notre héros.
- Où sont passés ses insignes de clan ?
Yatsume s'avança :
- J'ai été déchue pour mon acte de trahison envers vous.
- Ce n'est là que justice, affirma Juro. Je vois que Matsu Mitsurugi a encore de la considération pour nous.
Il paraissait loin maintenant, à nos héros, le temps où ils erraient sur les routes comme de véritables rônins.
- Heureusement qu'il y a encore des samuraï comme vous, dit Juro. Car le chien de chasse du Gozoku, le capitaine Otomo Jukeï, n'a pas renoncé à voir un jour nos têtes au bout d'une pique !... Mais ne restons pas ici, entrez...
C'était un petit village, où ne vivaient qu'une dizaine de familles. Il y avait un puits, un peu de gibier dans les environs, et plusieurs potagers, entretenus à grand'peine. Les Loups avaient fortifié le village et découragé une bande de pillards de venir accabler les paysans. Un des hommes de Juro préparait une grosse marmite de soupe pour tout le monde. On s'assit autour du feu et on passa une écuelle à nos héros :
- Vous ne devez plus être habitués à ce genre de nourriture.
- Nous nous en contenterons, dit Sasuke. Je vois que tu as recruté du monde...
Lorsque les Loups avaient quitté la Cité du Cri Perdu, ils ne devaient pas être plus d'une vingtaine. Le combat contre le Lotus Noir et le Lotus Blanc avait décimé leurs troupes. Puis, quand le Gozoku les avait retrouvés du fait de la trahison de Yatsume, ils avaient encore perdu des hommes.
- Depuis que nous avons quitté l'île, dit Juro, nous avons longé les terres de la Grue. Nous sommes passés près d'Otosan-Uchi, et nous y avons vécu quelques semaines.
Otosan-Uchi n'était plus la capitale de l'Empire. Depuis l'avènement du Gozoku, une autre ville avait été mise en chantier : la Cité de Bakufu. C'était un projet gigantesque, de faire sortir de terre une capitale à partir de rien. Le triumvirat ne reculait devant rien pour montrer sa puissance et magnificence.
Otosan-Uchi était donc devenue une Cité de bien moindre importance, quoique l'Empereur y vécût toujours, dans la Cité Interdite.
- Là, nous avons vu beaucoup de samuraï sans clan se joindre à nous. Nous avons continué à suivre les exigences de Manji : je ne recrute que des hommes honorables. Je ne veux pas de crapules plus sales que des chiens. Je veux des guerriers qui croient encore à des mots comme la droiture, la compassion, le dévouement...
- Alors pourquoi m'acceptes-tu parmi les tiens ?
Celui qui avait parlé venait d'entrer dans la pièce ; et c'était Tange Sazen !
Yatsume eut un frisson dans la nuque. Le vieux senseï borgne et manchot n'avait pas perdu son entrain. Il s'assit parmi les convives et se servit généreusement.
- Figurez-vous que Juro me prend pour l'autorité morale de son groupe ! Allez savoir pourquoi ! Avec le passé que je traîne derrière moi, comme un chien traîne ses casseroles !
- Parce que je préfère, dit Juro, un homme d'honneur qui essaie de passer pour une canaille, que le contraire.
Sazen sourit :
- Bien répondu.
Et il se resservit !

Samurai

- Pourquoi venez-vous donc visiter notre belle région ?
- Nous sommes en chasse, dit Sasuke.
- Vous traquez du gros gibier ?
- On peut dire ça, oui, dit le shugenja en soufflant sur sa soupe.
- C'est un maho-tsukaï, dit Yatsume.
- Vous croyez qu'il est parmi nous
? dit Sazen.
Yatsume répondit simplement :
- Je connais sa tête. Je l'aurais déjà reconnu.
- Ah, si c'est une vieille connaissance à vous.
Yatsume s'inclina devant le vieux samuraï et répéta les ordres donnés par Mitsurugi. Elle avait pour Sazen un véritable respect, auquel s'ajoutait une culpabilité non feinte.
- Mitsurugi a dit que je devais décider de ton sort ?... Tu me prends de court, là, jeune fille. A mon âge, on n'a plus les idées aussi vives que le noble ambassadeur Mitsurugi !
- Si c'est elle qui nous a vendus, maugréa un rônin, le châtiment est tout trouvé.
Juro lui intima l'ordre de se taire.
- Yatsume est venue nous voir de son propre chef aujourd'hui, dit Sazen. Rien ne l'empêche de repasser plus tard. Quand sa chasse sera finie... Nous pouvons attendre, pas un maho-tsukaï.
- Vous n'avez pas entendu parler de lui ? demanda Yojiro.
- S'il traîne dans la région, répliqua Juro, nous mettrons la main sur lui. Demain, deux de mes éclaireurs partiront avec vous. Nous avons des contacts dans les villages voisins...
- Sois-en remercié, dit Sasuke.
- Hé bien les enfants, dit Sazen, ce n'est pas que je m'ennuie avec vous mais je vais aller me coucher !
Les autres ne tardèrent pas à l'imiter, y compris nos héros, qui préféraient prendre des forces pour le lendemain.

Samurai

Ils étaient en route avant le lever du soleil. La campagne était encore perlée de rosée et gris bleu.
- Ça va encore être le cagnard aujourd'hui, dit un des éclaireurs.
Ils passèrent la journée à écumer la campagne à l'est de la Cité de la Pieuvre. Ils passèrent interroger les gens dans une dizaine de villages. Ils durent faire une pause aux heures les plus chaudes car c'était vraiment intenable. On aurait pu cuire du riz sur les rochers ! Ils se remirent en route alors que le sol était encore chaud sous les semelles.
La végétation était racornie. Quelques insectes osaient sortir de terre pour braver le soleil.
Ils s'arrêtèrent dans un village pour y refaire leurs provisions d'eau. Ils entrèrent dans la taverne où les habitants, après une journée aux champs, aimaient se retrouver.

Mamoru était au comptoir.
Il les attendait. Il les avait vus arriver.
- Que fais-tu là ? demanda Sasuke.
Mamoru salua le shugenja, ainsi que Yojiro et Yatsume, mais sans amabilité.
- Nous devrions sortir pour en parler.
Ils allèrent à la sortie du village. Sasuke dit juste :
- Nous t'écoutons.
- Je suis envoyé par l'Inquisiteur Tadao pour retrouver Yatsume.
- C'est fait. Et je t'annonce qu'elle est pour le moment sous mes ordres.
- C'est une affaire grave, Sasuke-sama.
- Tiens donc...
- L'Inquisiteur pense que le sorcier n'est pas mort, Yatsume ! Il veut te voir pour en parler ! Et pour savoir ce que tu avais de si urgent à lui dire à ce sorcier !
- Silence, Mamoru, répliqua Sasuke. Mesure tes paroles, car si tu insultes un de mes rônins, tu m'insultes indirectement... Toi ou l'Inquisiteur êtes-vous prêts à cela ? Je ne crois pas.
"Bien. Parlons la tête un peu plus froide. Je te certifie personnellement que Yatsume a tué ce maho-tsukaï. Ma parole suffira-t-elle ? Oui ? Bien. Il se trouve que nous sommes en campagne parce le sorcier n'était pas seul. Il a au moins un complice, que nous voulons retrouver. Puisque l'Inquisiteur a le devoir de trouver ce genre de créatures, je pense qu'il ne verrait pas d'inconvénient à ce que tu nous accompagnes dans notre chasse !
Calmé, Mamoru s'inclina et accepta.
- C'est parfait. Alors, pour fêter nos retrouvailles, je paye ma tournée !
Mamoru partit devant et Sasuke fit un petit signe affirmé de la tête, qui signifiait "Et tout ça en improvisation !"
Cette rencontre aigre-douce fut vite oubliée après deux bières et c'est avec un rônin en plus que le groupe de Sasuke repartit en direction du prochain village.

Samurai

Le soleil tombait à nouveau sur Rokugan. Les ombres s'allongeaient et la terre refroidissait lentement. Quelques chiens sauvages osaient sortir de leurs terriers. Les six samuraï du groupe de Sasuke entrèrent dans un village dit "des pierres rouges", en raison des falaises d'ocre à proximité. La terre était elle-même rousse aux abords des maisons. C'était une bourgade un peu plus grosse. Les travailleurs extrayaient de gros blocs de pierre qui seraient réduits en poudre pour faire de la teinture.
Des soldats Yasuki surveillaient la carrière d'ocre. Des paysans menaient de gros troupeaux de bovins à l'étang et une vingtaine de familles se courbaient pour travailler à la rizière. Nos héros montèrent dans les rues étroites de cette cité construite sur une colline et s'arrêtèrent pour dîner dans une auberge.
C'était encore Sasuke qui régalait.

Alors que nos héros avaient le nez dans leur bol de riz, plusieurs personnages entrèrent, salis par la poussière du chemin. Des rônins. Sasuke leur jeta juste un regard, puis reprit des légumes. Yatsume les vit et laissa tomber ses baguettes. L'homme qui la regardait, accoudé au comptoir, et qui enlevait son grand chapeau, n'était autre que Yumi Iro !
C'était le pennagola, dans un nouveau corps ! Notre héroïne fixa le maho-tsukaï, fascinée. Celui-ci but un verre avec ses hommes et repartit.
- C'était lui, Sasuke-sama !
- Quoi ? Le sorcier ? Tu plaisantes !...
- Non, je l'ai reconnu.
Nos héros sortirent de l'auberge : Yumi Iro et ses hommes avaient disparu.
- En tous les cas, tu as bien fait de ne pas te jeter sur eux. Ils auraient pu déclencher un massacre.
Les travailleurs rentraient chez eux, fatigués et une patrouille de yorikis passa près de nos héros.
- Ils ont fait exprès de se signaler à toi, dit Sasuke.
Sasuke emmena les rônins à l'auberge. Ils se couchèrent tôt, avant même le coucher du soleil.
Pkusieurs heures passèrent. Yojiro finit par rouvrir les yeux, agacé. Il lui semblait, dans son sommeil trop léger, qu'il faisait plein jour. Il avait déjà eu cette sensation dans les nuit de pleine lune, quand le ciel est trop clair.
Il n'y avait pas de lumière dans la pièce ; en revanche, à travers le rideau, il vit une lueur laiteuse. Il ouvrit la fenêtre : c'était l'intérieur du bois, tout proche, qui brillait. Yojiro réveilla Sasuke, puis Mamoru. Yatsume était déjà debout. Nos héros s'habillèrent en vitesse et descendirent dans la rue. Ils traversèrent la ville au pas de course et entrèrent dans le bois sans hésiter.
Les rônins tirèrent leurs armes. Ils approchèrent de la lumière lunaire logée dans le bois.

Ils découvrirent d'immenses toiles d'araignées brillantes, qui enserraient tout le bas des arbres. Elles étaient comme d'immenses draps déchirés pendus entre les clairières et les branches. Sasuke fit signe à Mamoru et Yojiro de partir de leur côté trouver l'origine de ces toiles. Lui allait dans la direction opposée, avec Yatsume. Même face au surnaturel, il ne perdait pas le nord...

Mamoru passa en premier : il écartait les toiles d'araignée avec son tetsubo. Il se sentit soudain agrippé à la cheville : une toile s'y était enroulé !
Il fut entraîné en avant, vers une grosse masse blanchâtre qui tremblait déjà de l'engloutir. Yojiro évita l'attaque d'un jet de toile et courut après son camarade. Celui-ci fit ligoté en enserré fermement, prêt à être étouffé ; Yojiro trancha ses liens et l'aida à se débarrasser des derniers morceaux. Une créature sortit des buissons et entra dans le halo de lumière crue qui irradiait la clairière. Il était coiffé d'un grand chapeau blanc, aux bords duquel était attaché un drap blanc qui lui recouvrait tout le corps.
- Salutations, Yasashiro...
Mamoru, appelé par son prénom de samuraï de clan, reconnut alors la voix de l'ancien sergent de son groupe, Hida Eizan ! Il n'apparaissait plus comme un samouraï spectral, entouré d'une aura verdâtre mais sous son vrai jour, sa nouvelle forme depuis qu'il avait succombé à la souillure de l'Outremonde.
- Je m'appelle Pureté... Et toi, soldat, quel sera ton nom quand tu nous rejoindras ?
Mamoru reprit en main son tetsubo et se mit en garde :
- Je ne vous rejoindrai pas ! Tu n'es plus un samuraï mais un monstre que je dois combattre !

Pureté sortit son sabre et se mit en garde. Mamoru savait que son sergent avait toujours été le plus doué du groupe ; un des meilleurs duellistes du clan du Crabe à l'époque.
- Je suis toujours ton supérieur, Yasashiro. L'honneur commande que tu m'obéisses...
C'était abject d'entendre parler cette créature d'honneur. Mamoru brandit son tetsubo et se prépara à charger.

Yojiro entendit derrière lui un entrechoquement, comme celui d'une mâchoire qui claque... Il se retourna et vit un monstrueux humanoïde, obèse et à la tête d'araignée, avec des morceaux d'armures, ce qui en faisait une caricature hideuse de samouraï. Le monstre cracha sur le rônin un jet de toile tranchante comme une lame, mais Yojiro se jeta de côté. Il trancha les toiles qui le gênaient à côté de lui, tandis que son adversaire sautait de tout son poids juste devant Yojiro. Le rônin se mit en garde ; le gros monstre allait l'attraper pour lui sectionner la gorge avec ses mandibules mais le rônin fut plus rapide et trancha dans sa graisse puante. Un geyser de mauvais sang brun en jaillit et le monstre recula en poussant un hurlement déchirant. Il cracha un gros filet, et Yojiro dut reculer. Le monstre en profita pour s'enfuir vers les hauteurs, porté par ses toiles.

Pureté et Mamoru s'étaient toisés un instant : puis les deux hommes avaient chargé l'un sur l'autre. Pureté entailla profondément Mamoru, mais le rônin était tout sauf douillet : excité par la douleur, il fracassa la poitrine de Pureté d'un coup de sa masse à pointe et lui renvoya un second coup en travers du visage, faisant littéralement éclater le corps du monstre. Il avait déchiré l'habit impeccable de son adversaire et découvrit en-dessous un corps atrophié, avec littéralement de la chair sur les os, une chair morte et puante, dont la vue et l'odeur étaient dissimulées par cet habit de mort (le blanc était la couleur de la mort à Rokugan).
Dégoûté, Mamoru fracassa le crâne de son ennemi. Il retrouva Yojiro et les deux rônins sortirent de la clairière.

Samurai

Sasuke et Yatsume étaient partis dans la direction opposée, dans la forêt obscure ; des branches craquèrent et une silhouette apparut derrière nos deux héros. Il avait les yeux qui luisaient comme des émeraudes : Yumi Iro !
Yatsume se mit en garde face à lui :
- Nous allons en finir sur-le-champ !
- Je pensais que tu venais pour discuter...
- Pourquoi discuter avec celui qui a fait de moi une veuve !
- Alors tu n'es pas prête à entendre la vérité...
Sasuke fit signe à Yatsume qu'il valait peut-être mieux qu'elle écoute. Après tout, si ce maho-tsukaï avait voulu la tuer au temple, il l'aurait déjà fait...
- Ton ami est plus raisonnable que toi, fit Yumi Iro, haletant, une bave haineuse aux lèvres.
- Alors crache ton histoire et finissons-en !
Sasuke avait déjà la main droite en feu, prêt à accélérer les confessions du sorcier.
- Tu te méprends sur moi, Yatsume... D'abord tu as raison, c'est moi qui ai appris à ton mari à se servir de la magie du sang. Mais c'est lui qui m'a invoqué ; allais-je refuser de satisfaire les désirs d'un homme curieux et avide de pouvoirs ?
- J'ai dû le tuer, dit Yatsume, les larmes aux yeux, le tuer avant qu'il ne devienne un monstre comme toi... Grâce à moi, son esprit n'a peut-être pas été englouti par le dieu maudit !
- Haha, c'est là que tu te trompes, chère Yatsume !...
La rônin n'y tenait plus : elle rêvait d'empaler pour de bon ce sorcier et de voir Sasuke brûler son corps.
- Tu n'as pas tué ton mari !...
Yatsume faillit laisser tomber son naginata.
- Quoi ?
- Haha, ton diabolique clan te l'a laissé croire car tu étais la coupable idéale. Tu as voulu le tuer, et il s'en est fallu de peu que tu ne le tues ! Mais quelqu'un d'autre est passé à l'acte avant toi !
- C'est faux !
- Faux ? Alors est-ce faux que tu es devenue folle de douleur après sa mort ? Folle au point de croire que tu l'avais vraiment tué ! Les shugenjas de ton clan n'ont guère eu de mal à te suggérer cette idée, tellement tu étais proche de le faire ! Et tu as été envoyée dans un asile ! Je me trompe ?...

C'était vrai. Yatsume avait passé presque un an dans le grand asile de la Cité des Mensonges, avant de s'enfuir ; elle avait recouvré peu à peu la raison et elle était devenue rônin, en se jurant de retrouver le sorcier Yumi Iro.
- Ton clan t'a fait porter la responsabilité de sa mort !
- Mais pourquoi ! Et si ce n'est pas moi, qui l'a fait ?... Non, tu mens !
- Je mens, hein ?... Alors tu ne me croiras pas si je te dis que j'ai été capturé par ton clan ! Ils auraient pu me rôtir à la broche mais ils ont préféré me garder en vie ! Tu ne me croiras pas si je te dis que j'ai été emmené dans le château de la famille Yogo où, pendant des mois, j'ai été torturé continuellement pour me faire dégorger tous mes secrets ! Tes sinistres camarades de clan s'y entendent quant aux sévices à infliger pour faire parler, crois-moi !... Et ensuite, tu ne me croiras pas quand je te dirai, enfin, qu'après ces mois chez les Yogo, j'ai été emmené en cage loin de ton clan, à travers tout votre Empire jusqu'à la côte, puis par un navire de contrebandiers, sur une île au large du clan du Phénix !... Haha, je connais bien ma géographie n'est-ce pas !
Sasuke avait frissonné : une île !... Une île !...
- Tu écoutes plus attentivement, shugenja, lui dit aussitôt Yumi Iro, hein... Tu n'as pas tort ! Tu vas sans doute me croire davantage que ton amie !... Écoute plutôt : j'ai été mis entre les mains d'un homme qui se nommait Cristal ! Cristal, retiens bien ce nom !
Nos héros ne le voyaient pas mais des silhouettes noires frôlaient les arbres et s'approchaient silencieusement.
- Ce Cristal s'y connaissait aussi bien que les Yogo pour ce qui est de la torture ! Il m'a fait redire tout ce que j'avais dit aux Yogo !... Mais si toi, Yatsume, tu ne me crois pas, ton ami va me croire, quand je dirai que nous étions dans un fortin sur une île... Un fortin gardé par des samuraï du clan de la Tortue !... Que ce fortin a, un jour, été découvert par une troupe de samuraï Phénix dont Cristal a ordonné aussitôt l'exécution !
- Qui est ce Cristal ? rugit Sasuke.
- Haha, il était masqué... Je ne l'ai jamais su... Par contre, grâce à toi, shugenja, et à tes amis, quand vous êtes arrivés sur l'île et que vous avez mis le feu au fortin, j'ai pu m'enfuir ! Ha ha ! C'était parfait ! j'ai rampé jusque sur la plage et je me suis emparé du corps d'une des victimes, et je me suis caché jusqu'à votre départ !... Qu'en dis-tu !
Yatsume ne comprenait pas... Sasuke en était terrifié.
- Où est Cristal maintenant ?
- Il n'était pas là le jour où vous êtes venus ! Mais il vous connait nécessairement ! Il sait qui vous êtes ! Il vous fait surveiller !
Yatsume s'approcha du sorcier, l'arme en main :
- Pourquoi as-tu été capturé ? Que te voulaient-ils ?
- Ils me voulaient, Yatsume, parce que je suis le seul témoin du meurtre de ton mari... C'est moi qui connais le véritable assassin...
- Qui est-ce ?

Les silhouettes noires se dressèrent d'un coup, à quelques pas derrière le sorcier et lancèrent sur lui trois éclairs obscurs. Yumi Iro fut jeté à terre, et son corps humain brûlé... Il hurla à la mort, brûlé par les flammes noires... Il put s'extraire misérablement avec ses poumons et ses viscères de son enveloppe, déchiré par les éclairs.
- Qui est-ce ? Qui l'a tué ?...
Yumi Iro fit un geste desespéré du menton vers les silhouettes. Mais elles étaient à peine visibles, et Yatsume n'aperçut que des ombres.

Le pennagolan se tordit encore de douleur et expira. Ecoeurés, nos deux héros reculèrent. Ils restèrent sur leurs gardes : mais les tueurs du pennagolan avaient disparu. Ils n'attaqueraient pas ce soir.

- Il en a déjà beaucoup dit.
- Oui, Sasuke-sama, mais pas suffisamment.
- Viens.

Ils repartirent vers l'orée du bois et retrouvèrent les rônins.
- Notre chasse est terminée, dit Sasuke. Nous pouvons rentrer.
Ils rentrèrent en ville. Les bois avaient perdu leur lueur surnaturelle : ils étaient redevenus sombres et paisibles.

Samurai
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