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12e Episode : "Plus jamais ça..."
#12
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Pendant que ces dramatiques événements se déroulaients dans les secrets de la Cité de la Pieuvre, Matsu Mitsurugi était en retraite au temple d'Osano-Wo, afin de méditer sur son attaque contre Kakita Yagyu.
Notre fringant ambassadeur avait redouté un morne séjour, d'ennuis et de prières, parmi des moines qui lui feraient la morale ; quel ne fut pas sa surprise de découvrir que le temple, consacré à la Fortune du tonnerre, protectrice des bushis, était l'un des plus grands dojos de l'Empire !
Des samuraï de tous les clans s'y entraînaient durement et s'y affrontaient avec non moins de vigueur ! Mitsurugi comprit vite qu'à toute heure du jour, des passes d'armes avaient lieu, des combats de jiujutsu et divers défis à la lance, au katana, à l'arc, à la course !
C'était une joute permanente ! Un avant-goût du paradis des guerriers !
- Nul ne peut espérer atteindre la sagesse en cette vie s'il n'est pas prêt à se battre à tout moment, et à mourir dans l'honneur.
Voilà ce que lui avait déclaré le père supérieur du temple à son arrivée !
Cette voie de sagesse-là, Mitsurugi pouvait la suivre en courant !

On entendait les cris, les gémissements des lutteurs et les chants martiaux des samuraï qui s'entraînaient en groupe. Et en tant qu'ambassadeurs, les fiers guerriers Matsu ou Akodo s'inclinaient bien bas devant lui !
Les larmes aux yeux, notre héros alla faire une prière à Osano-Wo, pour qu'il foudroie de ses éclairs tous les ennemis de son généreux supérieur, le noble général Matsu Kokatsu !
Puis notre héros prit un bokken et alla défier le premier petit Doji venu, pour se mettre en jambes !

Il passa quatre jours splendides : rien que de l'entraînement, de l'exercice et des repas dans les prés, à l'extérieur du temple, où on mangeait l'excellente nourriture préparée par les moines, pendant lesquels on parlait très fort, avant d'aller rouler des muscles en passant devant le pavillon des Kakita.aime
Un solide capitaine Akodo, vétéran fier de ses nombreuses cicatrices, animait les repas par ses anecdotes de corps de garde :
- Et alors, j'y dis : baisse ton froc, Bayushi-san, ce sera moins deshonorant pour toi !
Tout le monde éclatait de rire.
Mitsurugi raconta plusieurs fois sa bataille (SA bataille !wink de la Cité des Apparences et lança des commentaires ironiques et mordants sur la diplomatie. Il était à la fête.
Il en oubliait ses vices : plus envie d'alcool, plus de désir brûlant de femmes. En fin de journée, il avait une pensée émue pour Ikue, et il se sentait tout fragile et faible, alors qu'il avait passé la journée à fanfaronner à qui mieux mieux !
Le soir, il dormait comme une souche ; il rêvait de grandes batailles où il menait ses troupes à l'assaut du château des Kakita. Les malheureux Grues s'enfuyaient ou imploraient sa pitié et Mitsurugi ricanait en plantant son drapeau chez eux.

Bref, il fut bien triste de repartir. Et il n'avait pas réfléchi encore à ce qu'il allait dire devant Hanteï Norio, pour sa défense. Déjà, il se voyait raconter qu'il avait beaucoup médité pendant sa retraite spirituelle, qu'il avait trouvé la voie de la paix intérieure... On fit un repas en son honneur le dernier soir, dans une grande auberge à la campagne, et il dut retenir ses larmes quand toute la tablée chanta :
- Ce n'est qu'un au revoir, Mitsu ! Ce n'est qu'un au revoir !...
Tant de fraternité, de bonheur partagé...

Au petit matin, on vint l'éveiller, et notre héros finit son paquetage, apaisé et heureux. La cour du temple était encore vide. Il la traversa, contemplant une dernière fois les solides bâtiments. Les premiers samuraï les plus matinaux sortaient pour leur bain glacé du matin.
Deux moines attendaient Mitsurugi à la sortie, avec son poney. Notre héros monta en selle après avoir demandé aux moines de transmettre ses plus vifs remerciements au père supérieur. Il songeait à faire un don somptueux pour les bonnes oeuvres d'Osano-Wo. Il avait connu la piste du Loup, la faim, le dénuement, alors il connaissait la valeur de l'argent.
Il ne voulait pas avoir de regrets : il regardait devant lui, pensait qu'il allait revoir Ikue et manger tout cru les Grues qui seraient là pour l'accuser. Il s'était éloigné de quelques centaines de pas du temple quand il vit un rônin assis sur un rocher au bord de la route. Sazen !
Tange Sazen !

Le vieux senseï était là. Il machouillait un brin d'herbe en profitant du soleil du matin. Mitsurugi s'arrêta à sa hauteur. En sa qualité d'ambassadeur, il ne pouvait descendre de monture devant un simple rônin, celui-ci eût-il été son senseï, mais le coeur y était.
- Alors, monsieur l'ambassadeur, vous voilà plus radieux que jamais...
- En bonne partie grâce à vous, senseï, vous le savez...
- Tu m'as donné une bonne leçon, ambassadeur. J'ai manqué de jugement. Je ne te croyais pas capable de réussir face à ce Yagyu.
- Vous faisiez exprès d'être sévère pour me faire enrager et me pousser à me dépasser.
Sazen ne répondit pas et cracha son brin d'herbe.
- Et vous, senseï, réglerez-vous bientôt votre dette d'honneur contre Otomo Jukeï ?
La vérité, c'est que Mitsurugi ne souhaitait pas se trouver là le jour venu, car Matsu Kokatsu étant impliqué, il serait obligé de le défendre.
- Bientôt oui, dit Sazen. Je n'attendrai pas un hiver de plus... Mais il faut savoir frapper au bon moment.
Sazen cueillit un autre grand brin d'herbe :
- "Seul le fou dégaine son sabre sans réfléchir..."
- "... car il ignore que le monde repose sur le fil de lame." Mirumoto.
Les deux hommes sourirent.
- Bonne journée, senseï.
- Bonne journée, ambassadeur.

Mitsurugi poussa sa monture ; il vit le soleil monter alors qu'il chevauchait dans la grande plaine au pied des montagnes du Crabe ; et il fut de retour à la Cité de la Pieuvre le lendemain soir.

Samurai

Yatsume avait réussi à fuir la Cité des Mensonges. Elle mit très vite de la distance entre elle et la capitale. Elle savait que les Scorpions ne la croiraient pas déjà sortie des murs de la ville, mais quand ils se lanceraient sur ses traces, elle ne leur échapperait pas longtemps.
Elle partit au temple où sa fille, il y a six ans, avait été emmenée ; elle traversa un petit bois angoissant, étroit, inquiétant, où l'on se sentait épié par des esprits qui ricanaient dans les sous-bois. Notre héroïne le traversa et arriva au temple de la Fortune de la Charité.
Elle dut glisser la pièce au portier pour rentrer, et obtenir des informations.
- Une fille, il y a six ans ? Mais nous en recevons tant, rônin... Comment veux-tu que je me souvienne précisément d'une de ces fois ?...
- Qui étaient ceux qui vous l'ont amenée ?
- Des rabatteurs... Enfin, des paysans... Bien braves... Ils faisaient les tours des villes, ils nous amenaient les orphelins.
- Où sont-ils ?
Yatsume ne tenait plus.
- Je crois que nous n'avons plus aujourd'hui les mêmes qu'à l'époque, voilà...
Le moine s'agaçait.
- Que sont devenis les autres ?
- Ils sont morts pendant un hiver... C'était d'ailleurs peut-être bien l'hiver d'il y a six ans...
- D'où revenaient-ils ?
- Je ne sais plus, rônin... Tu m'ennuies.
Yatsume lui glissa la pièce.
- Je crois bien qu'ils revenaient de la Cité des Mensonges. Ils ont dû mourir sur la route. Peut-être attaqués par des bandits... On ne les a plus revus.
- Ils avaient une fille avec eux ?
- Comment pourrais-je bien le savoir !
- Où sont-ils morts ? Réponds au moins à cette question !
- Tu devrais aller voir au village voisin. Ils sauront te dire car je crois que nos deux paysans venaient de là-bas. Ils ont dû y être brûlés.
Yatsume tourna les talons et alla au village immédiatement. Elle était au supplice ! Sa fille avait dû passer par là... Elle ne pouvait pas croire qu'elle serait morte avec les deux paysans lors d'une attaque de brigands... Non, ce n'était pas possible ! Si son mari, dans le mort des morts, l'avait prévenue, c'est que sa fille était encore en vie !

Elle entra dans le village et demanda à parler à l'aîné. Comme partout ailleurs, c'était le chef. Il devait approcher la cinquantaine. Yatsume n'hésita pas à s'incliner devant lui pour obtenir son aide.
- Oui, rônin. Je vois de qui tu veux parler. Les deux hommes étaient des cousins à moi. Ils travaillaient pour le temple des orphelins, hein...
- Oui. J'ai des raisons de croire qu'ils avaient ma fille avec eux...
- Ils sont morts, probablement attaqués sur la route.
- Je veux savoir si c'était le soir où ils emmenaient ma fille au temple.
- Les dieux seuls le savent.
- Où sont-ils morts ?
- Par là-bas...
Le vieux était gêné d'en parler.
- Là-bas où ?
- Dans le petit bois... Personne n'y va. Il y a plein d'esprits...
C'était bois par où Yatsume était passée.
- N'y va pas, rônin !
Notre héroïne aurait bien aimé voir qu'on l'en empêche !

C'était d'ailleurs ridicule d'aller là-bas, puisque les deux paysans avaient été assaillis il y a six ans. Que pourrait-elle découvrir ? Elle comprenait que sa fille avait sûrement été tuée par les brigands. Ou bien emmenée ?... Des brigands auraient-ils eux le cœur de tuer une fille d'à peine quelques jours ?
Yatsume entra dans le bois, mal à l'aise. Elle en aurait vite fait le tour. D'ailleurs, elle ne pourrait rien y trouver. Six ans...
Avant de partir, Yatsume avait demandé :
- Pourquoi les esprits du bois sont-ils hostiles ?
- Nous ne savons pas. Nous ne les avons pas fâchés.
- Ce ne serait pas à cause de la mort des deux paysans.
- Peut-être bien, oui.

Notre rônin suivit deux ou trois fois le chemin qui traversait le bois. Elle savait que personne ne devait plus venir ici depuis cet ancien hiver. Elle tournait en rond, se rendant compte de l'inutilité de ses recherches.
Elle entendit du bruit derrière et se retourna : elle vit, alors que ça n'y était évidemment pas la seconde d'avant, une charrette sans cheval, et deux hommes morts près de la roue. Elle se précipita, et les regarda effrayée.
Elle entendit un cheval hennir au loin et s'enfuir au galop. Elle avait juste vu une crinière, fugitivement, et des yeux brûlants ! Notre héroïne prit son naginata, prête à se défendre contre ces maléfices. Elle surveilla les buissons, les branches basses. Au loin, elle aperçut des silhouettes dans des robes grises. Elle reconnut les mêmes personnages que ceux qui avaient tué le pennagolan ! Sûrement des assassins envoyés par les Scorpions !

Elle leur courut après mais les silhouettes eurent vite disparu. Bravement, elle fendit dans les branches pour se tailler un chemin... Rien à faire, elle se retrouvait seule dans les bois. Elle entendit deux hommes parler derrière elle :
- On y est, disait l'un. Ici on sera bien.
- Oui, comme les autres fois.
On les entendait descendre de charrette, et l'un d'eux crachait dans ses mains. Yatsume s'approcha. On entendait creuser. Un bébé se mettait à pleurer.
- De toute façon, il y a longtemps qu'ils n'ont plus la place d'accueillir quiconque, dans ce temple...
Yatsume courut à la charrette, mais elle avait disparu, ainsi que les deux corps !
Elle sentait qu'elle devenait folle ! Elle n'avait pas rêvé, tout ça était bien réel, elle le savait parfaitement !
Elle entendit des rires de fillette derrière elle. Elle se retourna et vit une gamine qui s'enfuyait. Elle avait la tête qui lui tournait ; elle trébucha, se releva, lui courut après. Une fillette, elle n'allait pas lui échapper !
Alors qu'elle était sur le point de la rattraper, Yatsume vit d'autres petites filles converger vers elle. Elle se retrouva dans une clairière, entourée d'une dizaine de ces créatures. Yatsume s'arrêta. La fille qu'elle poursuivait lui tournait le dos. Elle était encapuchonnée.
Lentement, Yatsume s'approcha, prudemment. Elle ne voulait pas lui faire de mal, elle voulait juste lui parler... La fille ne s'enfuyait plus. Les autres, encapuchonnées elles aussi, regardaient Yatsume de leurs yeux qui étaient les seuls à apparaître, brillants d'une lueur d'argent sur leurs visages assombris.
Yatsume n'avait que quelques pas à faire. Elle mit sa main sur le capuchon et l'enleva. La fille se retourna brusquement et un sifflement partit d'elle -partit de nulle part, car elle n'avait pas de visage, pas de visage mais juste une surface blanche à peine creusée pour indiquer la naissance des yeux !
Yatume recula, alors que la forêt se renversait, que le ciel passait sous elle, et que les autres filles sans visage partaient en hurlant ! Elle ne vit plus rien un instant, puis un éclair soudain, et elle rouvrit les yeux, pour voir qu'elle était hors du bois, à mi-chemin du village.

Elle ne retourna pas là-bas. Elle partit sans demander son reste, sur la route qui la ramenait à la Cité de la Pieuvre.


Samurai


FIN
DE LA PREMIÈRE PARTIE

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12e Episode : "Plus jamais ça..." - by Darth Nico - 08-10-2009, 03:58 PM

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