24-11-2009, 02:54 PM
(This post was last modified: 24-11-2009, 06:10 PM by Darth Nico.)
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE
Maya partit vers les Temples, où elle demanderait l'abri pour la nuit. Elle ne retournerait pas dans sa maison près de la rivière, où les conspirateurs étaient déjà allés fouiller et où ils l'attendraient à coup sûr.
Dans les rues, elle évita une patrouille qui veillait au couvre-feu. Alors qu'elle voyait le mur d'enceinte du quartier religieux, elle sut qu'elle était de nouveau suivie. Trois silhouettes en habits noirs serrés avançaient sur les toits, du fil dans la main et des poignards à la ceinture. Ils étaient presque à sa hauteur. L'un d'eux allait lui tomber dessus, les deux autres arriveraient, l'immobiliseraient et l'étrangleraient proprement. Maya avançait en essayant d'entendre le bruit de ses suiveurs. Elle accéléra. Son cœur battait bien trop fort. L'un des tueurs silencieux avait pris de l'avance sur les autres, sauta d'un toit à l'autre, devança Maya et attacha la corde qu'il avait à la cheville à une cheminée, prêt à plonger la tête la première pour saisir l'Ize-Zumi.
Les deux autres, occupés à surveiller leur complice et Maya, n'avaient pas entendu venir une silhouette derrière eux, qui venait de passer l'arête du toit et descendait sur eux. Les deux ninjas tiraient leur couteau, sans perdre Maya des yeux. Ils entendirent une tuile se détacher derrière eux. Ils se retournèrent pour voir une large silhouette leur cacher soudain la lune. Dans un cri bref, l'un des tueurs fut jeté du haut du toit. Il se cassa la nuque en atterrissant. L'autre se débattit et finit un poignard dans la gorge sur le toit. Le troisième, qui allait sauter, ne voyait pas venir ses soutiens. Il fit un signe à un quatrième larron, sur le toit d'en face, de venir en renfort, pour assaillir l'Ize-Zumi à deux.
Ils sautèrent derrière Maya, avancèrent en silence grâce à leurs semelles de crêpe, du fil à la main. Ils allaient sauter sur leur victime au moment où celle-ci passait dans un vilain coupe-gorge, quand ils furent saisis par une poigne irrésistible, et jetés à terre comme des paquets de vieux linges. Maya se retourna et vit juste un puissant guerrier assommer de deux coups de poings dans le nez deux ninjas qui gesticulaient à terre.
- Qui êtes-vous ?
Maya essaya de le reconnaître derrière son masque bleu nuit et sa tenue noire.
- Faites plus attention la nuit...
Et il disparut dans le soulèvement de son manteau !
Elle le vit juste bondir sur le toit et s'en aller en quelques enjambées.
A terre, il y avait quatre assassins nocturnes. Non, trois... Maya vit que son sauveur en traînait un par le col.
Le pauvre tueur, qui avait pris le plus gros poing en pleine figure de sa carrière, avait le nez cassé et tressautait sur les tuiles. Après s'être fait traîner, il se fit jeter contre un mur, et saisir à la gorge. Il vit un homme grand et fort, masqué, qui gronda :
- Tu as des choses à me dire...
- Qui êtes-vous ?...
- C'est moi qui pose les questions.
Il avait une voix sombre et étouffée.
- Où sont tes complices ? Qui t'envoie ?
- Je ne suis qu'un mercenaire...
- Où as-tu été payé pour ton sale boulot ?...
Le "ninja" refusa de répondre. Il se fit jeter par terre et tordre le bras dans le dos. Il implora pitié :
- Dans la rue du Saphir... Une maison au bout de la rue... Mais ils n'y seront pas ce soir... Ils reviennent dans deux jours...
Le tueur sentit qu'on le relâchait et s'assit, épuisé. La silhouette avait déjà disparu...

Au matin, Tadao trouva Mamoru dans sa chambre, qui dormait à poings fermés.
- Debout, paresseux, il est déjà tard !... Regarde-toi, on dirait que tu as la gueule de bois !...
- C'est tout comme...
Mamoru avait une enclume dans la tête... La Fortune du Secret l'avait prévenu qu'il ne serait bon à rien dans la journée après avoir invoqué son pouvoir.
- Tu vas te reposer aujourd'hui et ce soir, dit l'Inquisiteur.
- Ils se réunissent après-demain... Je les surprendrai, dit Mamoru.
- J'y compte bien !
L'Inquisiteur sortit en se frottant les mains. Il tenait l'instrument de sa vengeance contre les conspirateurs !

Au palais d'Ivoire, Mitsurugi venait de recevoir une invitation à une partie de chasse. La famille Hida priait le valeureux ambassadeur de se joindre à eux pour la dernière chasse avant l'hiver.
- Sûrement notre dernière excursion avant la cour d'hiver, dit Mitsurugi.
- C'est vrai, dit Sasuke, songeur. Il va falloir en profiter.
Le shugenja avait une idée en tête. Il avait oublié... Elle lui revint :
- Ah oui, il faut que je vois Yojiro...
Il ordonna à un serviteur de lui amener.
Le rônin buvait à la taverne près du palais. Il se morfondait sans Mamoru, dont il n'avait pas de nouvelles depuis quelques jours.
- Entre, Yojiro, j'ai une mission à te confier.
Le rônin s'agenouilla.
- Sais-tu retrouver le clan du Loup ?
- Oui bien sûr, Sasuke-sama. Je sais où loge un des éclaireurs de Juro, qui fait souvent l'aller-retour entre la Cité et leur repaire.
- Alors il faut que tu ailles les rejoindre... Nous savons qu'Akuma s'est échappé de sa pyramide dans les Royaumes d'Ivoire. Vraisemblablement, il n'est plus là-bas. Il veut revenir se venger. Nous devons le trouver avant qu'il ne nous trouve. Il faut battre la campagne et découvrir la moindre trace de son passage. Et pour cela, rien ne vaut les éclaireurs comme toi et ceux du Loup. Tu vas prendre cette bourse, avec une belle somme pour Juro et ses hommes. Je veux que vous fassiez le tour de la région et que vous m'informiez d'une présence démoniaque.
Yojiro s'inclina, prit l'argent et partit en fin de journée vers l'est, dans la campagne déserte, en direction du nid d'aigle où les Loups s'étaient établis.
Le surlendemain matin, Mitsurugi et Sasuke partaient à la chasse avec leurs amis Crabes. C'était une grande cérémonie, avec nombre de dignitaires de la Cité. L'Inquisiteur Tadao et Goemon accompagnèrent les deux Lions. Les groupes tirèrent au sort leur zone de chasse. Nos héros eurent droit à une parcelle en bordure de la forêt.
- Je connais bien ces lieux, dit Tadao, nous trouverons du bon gibier.
- Pour sûr, dit Goemon.
C'était le petit matin, encore frais et brumeux. Les groupes de chasseurs découvraient leur terrain. La mâtinée commença avec quelques lièvres, que Goemon tira à l'arc.
- Bon début de journée, dit le yojimbo. C'est bon signe. Je suis sûr que nous aurons bien mieux cette après-midi...
Les quatre samuraï mangèrent assis sur des rochers, dans les bois très frais, et se dépêchèrent de se remettre en chasse avant d'être transis. Leurs haleines formaient ces épais nuages qui allaient se disperser entre les branches nues et crispées.
L'après-midi, après de longues heures de recherches, Goemon fit signe qu'il venait de voir un sanglier. Nos héros se mirent après lui, et ne le lâchèrent pas pendant une heure entière. L'Inquisiteur Tadao décréta qu'il avait passé l'âge de galoper comme une biche. Il s'assit sur son rocher, fuma sa pipe en attendant le retour des courageux chasseurs. Ceux-ci revinrent alors que le soleil descendait lentement, ternissant déjà la campagne blanche. Goemon et Mitsurugi portaient une belle bête, un sanglier dans la force de l'âge. Mitsurugi l'avait entaillé à la gorge.
- Il est dodu celui-là, dit Goemon, bien nourri aux bonnes truffes ! Regardez comme il est gras ! Sa tête fera un trophée magnifique !
Des serviteurs accouraient pour décharger les samuraï et leur permettre de se nettoyer.
- Emmenez cette bête à notre campement, dit Tadao. Et dites-leur que nous rentrons très vite...
- Nous avons vu une autre bête pas loin, dit Goemon. Nous avons pensé aller la chercher avant la tombée de la nuit.
- D'accord mais dépêchez-vous !
Mitsurugi et Goemon partirent en premier, pendant que Sasuke restait à discuter avec l'Inquisiteur. Ils entendirent Goemon pousser un juron et accélérèrent. Le yojimbo et l'ambassadeur s'étaient mis en garde, alors qu'un ours, furieux, avançait sur eux, dressé sur ses pattes arrières !
L'Inquisiteur sortit un parchemin de sort de sa besace. L'ours allait charger : Sasuke fut plus rapide et lui envoya une boule de feu dans le museau ! La grosse bête s'étala par terre, Mitsurugi et Goemon coururent lui trancher la gorge !
Ils la décapitèrent prestement et reculèrent.
- Quel monstre ! C'est un grizzli ! Il vient des montagnes ! dit Goemon. J'en ai déjà vu des comme lui, mais pas ici !... Il a fait du voyage, c'est moi qui vous le dit !
- Il n'y a pas de montagnes dans la région ? demanda Mitsurugi.
- Non, c'est pour ça que je ne comprends pas ce qu'il fait là, celui-là...
Comme nos samuraï s'interrogeaient, silencieux, ils entendirent deux grognements. Ils se retournèrent et virent deux autres grizzli, tout aussi féroces, approcher, dressés eux aussi, la gueule grande ouverte !
- C'est une migration, ce n'est pas possible...
Sasuke invoqua son katana de feu et se mit en garde. Goemon prit son arc et décocha une flèche, qui atteignit l'un des ours à la patte. L'autre fonça mais nos héros purent s'écarter à temps, et la bête rentra dans un arbre, qu'il ébranla sérieusement. Étourdi, il tourna sur lui-même, oscilla ; Mitsurugi et Sasuke foncèrent et l'abattirent, pendant que Goemon avait rencoché une flèche et achevé l'autre animal.
- C'est de la sorcellerie, dit Goemon.
- Revenons au camp, il est grand temps !
Les samuraï prirent le chemin ; après avoir marché plusieurs centaines de pas, ils ne voyaient pas la sortie de la forêt, alors qu'ils auraient dû être dans les champs depuis longtemps.
- Tu parlais de sorcellerie, grommela Tadao.
La nuit tombait. Ils n'entendaient plus les autres groupes.
- Ils vont lancer des gens à notre recherche, dit l'Inquisiteur. Allons par là ! Le chemin doit mener au temple du Repos de Shinseï...
Là encore, ils se perdirent. La forêt n'en finissait pas... Les arbres se ressemblaient et s'alignaient en des rangées infinies.
- Un sort d'illusions...
- Comment le briser ? demanda Sasuke.
- Il faut attendre qu'il se dissipe...
- Les ours étaient des illusions aussi ? dit Goemon.
- Non, je ne crois pas... Avançons par là, il y a une clairière normalement.
Les samuraï se mirent en route, tandis que l'obscurité s'épaississait. Sasuke alluma des torches. Ils n'entendaient personne. Le silence surnaturel du bois devenait angoissant.
- Celui qui a lancé un tel sort est très puissant, dit Tadao.
Personne n'osa prononcer le mot, mais le nom de "Nuage" était sur les lèvres.
- Nous devons sortir d'ici...
Ils ne pourraient pas passer la nuit dans un bois gelé.
- Nous allons déjà prendre du petit bois, dit l'Inquisiteur. Nous allons attendre une heure devant un bon feu, repérer les alentours, et nous verrons bien si cette illusion continue à nous tromper longtemps.
L'horizon noir de la forêt semblait avancer par moment sur nos héros, et à d'autres moments, reculer comme s'il s'enfuyait.
Mitsurugi était parti de son côté ramasser du bois. Il entendit une branche craquer à quelques pas de lui. Il crut que c'était un de ses amis.
Non. Un homme se tenait immobile, masqué, avec un kimono bleu nuit ressemblant à celui d'un Grue. Mitsurugi frissonna. Il lâcha les fagots de bois qu'il avait ramassés et se planta sur ses deux pieds.
- La Grue Noire, hein...
Mitsurugi connaissait le personnage par la BEC : Yojiro l'avait affronté une fois le soir de la substitution, et, avec Mamoru, une seconde fois plus récemment. Il savait à quel genre d'adversaire il se mesurait... De réputation, c'était le meilleur assassin des terres du Crabe. Lui aussi avait dû arriver avec les Yasuki...
L'autre ne dit rien et se mit en garde. Il avança de quelques pas. Mitsurugi avait aussi la main sur le katana. Il avait froid aux mains, ses intérieurs tremblaient de froid et sa vue se troublait par moments. La Grue Noire n'était plus qu'à cinq pas de lui. Mitsurugi avait le souffle court.
La Grue Noire s'arrêta un bref instant, puis se jeta sur notre héros, dégainant son sabre dans le même mouvement. Mitsurugi crut mettre une éternité à sortir son sabre. Il reçut un coup dans l'épaule au moment où il dégainait. Notre héros recula, et entendit son adversaire, qui l'avait déjà dépassé, sauter sur un rocher et partir. Mitsurugi rengaina et voulut courir après l'assassin. Il trouva un message planté à un arbre :
- Ceci était le dernier avertissement. Ne vous mettez plus en travers de notre chemin.
Mitsurugi aurait pu ricaner si cela ne lui avait pas fait si mal... La Grue Noire venait de le défier et il espérait que lui, Matsu Mitsurugi allait abandonner !
Notre héros retrouva ses amis et leur annonça ce qui venait de se passer !
- Venez près du feu, dit Goemon. Venez, je vais examiner cette entaille...
Le yojimbo aida Mitsurugi à retirer sa manche :
- La blessure n'a pas l'air trop profonde, pas d'inquiétude...
Les samuraï s'assirent autour du feu allumé par Sasuke et profitèrent de cette chaleur.
- Même un shugenja puissant ne peut maintenir ce sort d'illusion indéfiniment, dit Tadao. Ils ont voulu nous effrayer et ma foi, c'est raté !... Nous n'aurons pas à passer la nuit ici... Les esprits de l'air qui maintiennent le sort vont se disperser et nous rentrerons...
Des battues étaient déjà parties pour rechercher les disparus. Des groupes de Hiruma ratissaient la forêt et revenaient régulièrement signaler qu'ils n'avaient trouvé âme qui vive. Les autres samuraï étaient rentrés à la Cité de la Pieuvre. Doji Onegano et son fils Suzume arrivaient au palais et allaient devoir annoncer à Ikue que Mitsurugi rentrerait plus tard que prévu. Ils la trouvèrent en pleurs : son petit chat adoré avait encore fugué !
L'Inquisiteur marchait pour se réchauffer.
- Allons, remettons-nous en route, il est temps.
Les samuraï ramassèrent leurs affaires. Ils entendirent du monde courir.
De sa grosse voix, Goemon appela à l'aide.
- Hé par là ! Par ici !
Ce n'étaient pas des éclaireurs Hiruma, c'était... Mamoru ! et... Maya ! Et ils étaient précédés par le bakeneko !
- Que faites-vous là ?
- C'est toute une histoire, ambassadeur !
Mamoru expliqua en deux mots qu'il avait trouvé le chat à la Cité, qui lui avait dit qu'il fallait le suivre. Yojiro étant absent, il était allé chercher Maya.
En fait, le rônin arrangeait la vérité : ce soir-là, il avait prié la Fortune du Secret et, déguisé en justicier nocturne, il était allé espionner la rue des conspirateurs rue du Saphir. Il les avait entendus parler de la partie de chasse et du piège tendu au groupe de Mitsurugi. Mamoru était alors rentré en vitesse à la Carapace, où l'attendait le chat. Et il avait raconté à Maya qu'il fallait partir à la forêt. Ils avaient couru puis, guidé par le bakeneko, avaient pu déjouer le sort d'illusion.
Le chat tourna autour des samuraï et leur parla par télépathie :
"Nous ne pouvons pas rentrer... J'ai senti la présence d'Akuma... Il n'est pas ici mais pas loin non plus. Il est dans un lieu qui se nomme les Limbes. il va y chercher des pouvoirs maudits pour exercer sa vengeance contre cet Empire. Nous devons partir sur-le-champ l'en empêcher !"
- Tu sauras ouvrir un passage vers là-bas ? demanda l'Inquisiteur.
Le chat cracha (car le chat apprécie peu l'ironie quand elle est dirigée contre lui) et fit signe de le suivre.
Nos héros partirent encore plus profondément dans la forêt. Les Hiruma, de leur côté, arrêtaient les recherches. Ikue fondait en larmes de plus belle quand elle apprit que Mitsurugi était perdu. Yojiro arrivait au camp des Loups, au sud-est de la Cité et requérait leur aide.
Le groupe du bakeneko marcha pendant une heure dans la forêt et arriva dans un terrain marécageux. Le jour était presque levé, gris et brumeux une fois de plus. Ils sortirent de la forêt, et Mamoru reconnu aussitôt le bout de la grande route pavée des Limbes, avec le temple de Hanteï Ojime à une centaine de pas de là. Il fit comme s'il ne comprenait pas plus que les autres.
- Nous sommes dans les Limbes ? demanda-t-il.
Le chat miaula. Il tourna la tête, soudain en alerte :
"Là-bas !"
Le bakeneko désignait un grand tourbillon au bord de l'eau, d'où sortaient de grandes créatures ailées, des vouivres noires, rouges ou vertes, qui montaient dans le ciel en hurlant.
- Je connais ce genre de monstres, dit l'Inquisiteurs, ce sont des prédateurs de l'Outremonde ! S'ils sont arrivés ici, c'est qu'Akuma n'est pas loin !
Les vouivres fonçaient comme un seul monstre sur nos héros en poussant des cris déchirants. Sasuke fit une courte invocation aux esprits du Feu et leur envoya quatre crépitantes boules de feu !

