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16e Episode : L'ennemi de mon ennemi
#4
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

La réception de Mitsurugi au palais des Crabes fut dans l’ensemble plaisante et gaillardement animée, mais marquée de plusieurs incidents qui augurèrent mal de cette cour d’hiver. C’était la première fois que Mitsurugi était invité. De par sa naissance, il n’aurait jamais eu le droit de s’y rendre. Il aurait dû rester le chef de la garde de la petite Cité de l’Or Bleu, et partager son temps entre l’organisation des rondes, une famille, la taverne et la pêche.

Au lieu de cela, il fut accueilli avec des honneurs des plus chaleureux et des plus sincères – double honneur en quelque sorte, car on ne rendait pas seulement ce qui lui était dû comme ambassadeur, homme de parole, mais à ce que la famille Hida lui devait pour ses nuits de combat sur la Muraille.D’autres dignitaires, qui avaient été accueillis formellement, le sentirent ausstôt. Grues, Phénix, Scorpions virent aussitôt combien l’ambassadeur des Lions comptait d’amis dans la place. Le capitaine Kaiu Koga, qui avait éte le supérieur de nos héros sur la Muraille salua particulièrement le héros du jour en trinquant en son honneur.

L’Empereur n’était pas là, non plus que les dirigeants du Gozoku ni le daimyo du clan du Crabe. En revanche, Mitsurugi reconnut plusieurs têtes dont il s’efforça d’éviter le regard.
Otomo Jukeï était là. Le chien de chasse du Gozoku, le tueur de rônins, avait eu son entrée. Il avait vu Mitsurugi, et il flairait toujours en lui Manji le loup, dont il rêvait d’accrocher la tête au bout d’une pique comme exemple. Et dans les mouvements permanents des étoffes et des couleurs des courtisans, notre héros reconnut le juge qui l’avait condamné à déchoir de son titre de samuraï Shiba. Otomo Kempô… Mitsurugi retint ce nom qu’il apprit auprès du capitaine Koga. Il y avait le juge, mais ça ne suffisait pas. Le jour de ce faux procès ignominieux, il y avait un Scorpion de la famille Soshuro. C’était lui qu’il fallait retrouver car il était trop évident qu’Otomo Kempô avait été le jouet de ce Scorpion…

Peu avant qu’on passe à table, le géneral Matsu Kokatsu vit son entrée dans cette salle aux murs de pierre si dures à chauffer. Le silence se fit devant cet éminent vainqueur de la Cité des Apparences. Certains Grues, déjà rouges de colère à l’arrivée de Mitsurugi, tournèrent au cramoisi. Notre héros vint s’agenouiller devant son maître, qui eut un geste protecteur et reconnaissant envers lui, en lui mettant un moment la main sur l’épaule.

Samurai

Le repas fut vraiment bon enfant. Les plats de fruits de mer copieux, les rasades de saké généreuses, firent oublier ce début assez frais de réception et la dureté des conditions de vie près de la Muraille : le froid cassant qui s’insinue entre les murs, les plaintes du vent qui semblent venir de loin dans l’Outremonde, et la menace permanente d’une invasion. Les Crabes étaient bien les hôtes les plus francs et amicaux de l’Empire. Ce n’était pas du goût, bien évidemment, des gens du Gozoku, ni des quelques Dragons qui étaient là, mais il fallait faire avec.
Les Lions étaient partagés, Akodo et Ikoma trouvant que les Hida étaient vraiment trop rustres. Ceux qui s’amusaient franchement étaient les Matsu autour du seigneur Kokatsu et de Mitsurugi. En fin de repas, le général remporta un franc succès en gardant des baguettes en équilibre sur ses doigts ; c’était une coutume dont les sérieux Phénix se seraient bien passés, celle de faire des petits jeux d’adresses en fin de repas. Il fallait se prêter au jeu pourtant. Tout le monde s’y mettait à peu près, quand un nouveau personnage, et non des moindres, fit son entrée dans la salle.
- Ah, misère ! Une salle entière de nobles seigneurs s’amuse sans moi ! Mais à quoi sers-je alors ?... Dieux, voulez-vous me condamner à être ignorés des grands de ce monde ?
Des grimaces, une démarche ridicule, des contorsions ; un vilain visage et une grosse bosse dans le dos : c’était Yoriku, le bouffon impérial !

- Qui t’a laissé sortir de ta cage à singes, toi ? tonna Kaiu Koga (c’était un petit jeu convenu entre eux)
- Mais les singes eux-mêmes monseigneur ! Ils me trouvaient trop pouilleux ! Ils n’en venaient plus à bout !
- Tu es dégoûtant !
- Vous flattez, monseigneur ! Vous ai-je dit qu’une guenon me faisait de l’œil ? Les autres mâles étaient jaloux…
- Et je suppose, ajouta Koga, que tu vas venir ici nous raconter tes sornettes ?
- J’ai honte ! J’ai honte ! Je dérange une assemblée qui s’amusait bien sans moi…

Il manque de se casser la figure, renifle le plat d’un Dragon, pioche dans l’assiette d’un Grue, et sort d’une manche une gamelle pour chiens :
- Sentez ce fumet, messeigneurs ! C’est le plat de Flair, le chien du capitaine Koga. Et à sentir vos plats, ce que je redoutais est bien arrivé : le cuisinier a réservé le meilleur pour le chien !... Si vous désirez, je vais vous chercher des gamelle !
- Si tu n’as plus rien d’autre à dire, retourne donc dans ta niche !
- Ah mais si, pardon !... J’aperçois là le puissant seigneur Otomo Jukeï…

A ces mots, une bonne partie de l’assemblée se glace. Là, le gros bouffon pousse le bouchon loin. Il s’attaque à l’un des hommes les moins doués d’humour de l’Empire… Mitsurugi attend. Il n’a jamais vu ce bouffon, mais son intérêt a été piqué. Sans doute parce que notre héros aiment ceux qui savent jusqu’où aller trop loin !
- Monseigneur Otomo Jukeï, nul n’ignore que vous êtes ici en qualité de percepteur ! Vous allez inspecter les comptes de chacun et chacune… Comme je suis un homme d’honneur… Quoi ? Qui en doute ici ?... Bref, je paye mes dettes… Je vous ai apporté mes livres de compte, pour que vous puissiez dire devant tout le monde que je suis en règle.
Jukeï a à peine un sourire aux lèvres quand il répond :
- Passe me voir demain, que je découvre combien on te paye pour être drôle…
- Attendez, j’ai là mes papiers…
Et il tire de sa manche une culotte rouge.
- Oups ! pardon ! Petit souvenir de ma nuit dernière ! Ne riez pas !... J’ai les noms de ceux qui sont ressortis avec la même culotte dans la poche, à une heure où les gens honnêtes dorment !...
On craint un moment que le Bouffon ose suggérer que Jukeï fait partie du nombre, on voit déjà du sang d’obèse bossu sur les murs, mais Yoriku fait quelques grimaces et s’en tire par une pirouette :
- Que les femmes qui se sentent bafouées et qui veulent des noms -me rejoignent ce soir dans ma chambre !
Rires gras des Crabes.
- Tiens, en parlant de femmes…

Yoriku fait semblant de chercher dans l’assemblée.
- En parlant de femmes, j’aperçois, hasard des rencontres, l’honorable Matsu Mitsurugi, qui pourra nous en dire plus à ce sujet…
Les Crabes autour de notre héros se mettent à scander :
- La culotte, on veut voir -la culotte !...
Et là, Mitsurugi bénit le ciel que sa future belle-famille ne soit pas encore arrivée à la cour d’hiver ! C’est son tour de se faire mettre en boîte.
- Vous négociez comment avec ces dames ? Un diplomate comme vous !
- Tiens ta langue, Bouffon, tu parles à un héros de la Muraille ! lance un Crabe.
- Un héros, un héros… Un ambassadeur sur la Muraille qui n’a pas encore négocié la reddition de l’Outremonde, je n’appelle pas ça un héros !... A ce sujet, les habitants du Puits Suppurant sont-ils assujettis à l’impôt impérial, seigneur Jukeï ?
Avec une assurance parfaite, l’intéressé lance :
- Seuls les barbares, les démons et les samuraï déchus sont exemptés d’impôts… Ceux-là, on peut les abattre à vue, sans que personne d’honorable n’y trouve à redire... Pour les amuseurs publics, je dois consulter les règlements, je n'ai pas affaire souvent à vous...

Yoriku sent que Jukeï aurait vite fait de lui refroidir la salle. Il décide d’éviter le terrain toujours glissant de l’économie et de la politique, et il décide d’enchaîner avec des histoires paillardes. Les Crabes n’en demandent pas plus, et au moins, il ne fâchera personne.
La soirée reprend son petit bonhomme de chemin, tandis que le bouffon passe de table en table raconter ses histoires. Les conversations reprennent.
- Ce Yoriku est l’un des meilleurs personnages de la cour, dit l’ambassadeur Ikoma Noyuki. Je l’ai déjà vu à une autre cour, il y a trois ans. C’est le Bouffon préféré de l’Empereur. Alors qu'l y en a beaucoup dans l’Empire... Les Grues ont une école dédiée à cet art…
- Les Grues, ricane grassement Kokatsu, n’ont pas besoin d’école pour ça…
Rires des Crabes.
- Mais lui, continue Noyuki en sirotant son verre, nul ne sait où il a appris… Il parle beaucoup, sauf de son passé. Et il se fait même désirer de l’Empereur…
- Il ne manque pas de culot lui, gronde le général Kokatsu…
- Sous ses airs idiots, il est très habile. Je l’ai entendu répliquer un jour à un Phénix, qui lui disait qu’on ne refuse rien au Fils du Ciel : « Ce sont les hommes qui ont appris aux dieux à rire… » Shinsei n’aurait pas mieux dit. Le Bouffon qui en remontre à l'Empereur...
- Mouais, fait Kokatsu. Et quel est son rang exact ?... Porte-t-il un sabre quand il ne fait pas le pitre ?
- Je ne sais pas. Ce qui se dit, c’est qu’il est aussi à l’aise à la cour impériale que chez les plus bas etas. Ceux d’ici l’ont nommé leur Empereur… L’Empereur des pestiférés, des galeux, des tanneurs de cuir et des fossoyeurs…
- Je ne fais pas rire les morts, monseigneur, annonce Yoriku, qui avait entendu et s’est approché d’un coup, mais je fais se plier en quatre croque-morts et nettoyeurs de cadavres ! N’est-ce-pas une façon comme une autre de purifier un kharma bien mauvais ?
Et il l’a dit avec fierté ! L’ambassadeur Noyuki, qui avait cru parler suffisamment bas, est mouché. Le Bouffon fait un petit clan d’œil à la table et s’en va vers une table de Dragons, cinq samuraï qui n’ont pas eu un sourire de la soirée. Un affront pour un artiste comme Yoriku.

- Tiens, fait Kokatsu assez éméché, bah s’il parvient à amuser ces cinq-là qui ont un piquet de palissade dans le derrière, je l’invite à la Cité des Apparences au printemps prochain !
Les Lions et leurs hôtes Crabes acceptent de servir des témoins ; ils baissent d’un ton, se resservent à boire comme des conspirateurs, et regardent du coin de l’œil Yoriku essayer de dérider les sévères samuraï des montagnes éternelles.
Pendant un moment, il ne se passe rien. Kokatsu regarde ses témoins, sûr d’avoir raison.

Il y en a d’abord un qui sourit. Kokatsu grimace.

Un second qui pouffe, alors que Yoriku leur parle seulement à voix basse ; un troisième a un petit rire, et soudain, les cinq éclatent de rire et ne peuvent plus s’arrêter... Le fou rire ! Ils applaudissent comme des enfants et en pleurent !...
Kokatu écarquille des yeux ronds et ses voisins de table rient à leur tour.
Les Dragons applaudissent encore, en redemandent !... Yoriku salue, s’incline et s’en va, grand seigneur. Toute la salle a noté l’exploit !
Et bien sûr, il ne peut s’empêcher de faire un pas de côté :
- Seigneur Kokatsu, envoyez votre invitation à mon domicile, à la maison de plaisir où nous nous sommes vus hier soir !


A suivre...Samurai
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16e Episode : L'ennemi de mon ennemi - by sdm - 07-05-2010, 06:38 PM
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