06-08-2010, 01:22 AM
(This post was last modified: 06-08-2010, 01:23 AM by Darth Nico.)
EXIL #11<!--sizec--><!--/sizec-->
Avec l’avancement des travaux, Maréchal put se mettre au travail sérieusement. La brigade prenait vie. Linus et Corben avaient une chambre dans le quartier. Ils avaient l’air très contents de travailler pour cette branche pas comme les autres de SÛRETÉ. Maréchal s’était installé dans le bureau du commissaire Ballin, qui n’y viendrait peut-être jamais. Il venait de passer première classe, et Portzamparc avait reçu le grade d’inspecteur.
- D’abord, nous allons retrouver Herbert. C’est notre piste pour retrouver Heindrich.
Premier trajet en note de frais avec Corben ! Pour arriver dans le quartier biscornu et presque désert où vivait le petit chauve.
- Coucou, c’est nous…
Herbert faisait la tête sur le seuil de sa bicoque.
- Nous n’avons pas de mandat de perquisition, nous venons seulement prendre un verre…
Herbert les fit s’asseoir autour d’une vilaine table. Il faisait humide chez lui.
- Vous n’ouvrez pas les fenêtres parfois ?
- Vous travaillez à SANITATION maintenant ?
Les deux policiers allumèrent une cigarette :
- Où est le professeur Heindrich ?
Maréchal n’avait pas pu cacher une haine rentrée contre cet homme qui l’avait séquestré. (Dans ces moments, il avait une certaine sympathie pour le Somnambule…)
- Je ne sais pas… Il a dû m’injecter un produit qui vous détraque la mémoire… Ca a dû se passer le soir où nous nous sommes vus pour la première fois…
- Dans le tramway, oui… [Voir dossier #2] Et depuis ?
- Depuis, aucune nouvelle…
- Vous faisiez quoi exactement, Herbert, pour le professeur ?
Les deux policiers étaient durs et tendus. Le petit chauve n’avait pas intérêt à tricher :
- J’étais… assistant, Maréchal… Forcé…
- Vous étiez là, Herbert, il y a treize ans ?... Vers 194 ? Vous étiez déjà à son service ?
- Non. Croyez-moi, non.
- Vous savez pourquoi je vous demande pour cette date ?
- Le professeur m’en a parlé… Je m’en suis souvenu.
Le sens de ces quelques phrases échappa à Portzamparc. Il sentit Maréchal plus mauvais, plus cassant que jamais.
- La mémoire a intérêt à continuer à vous revenir… Comment êtes-vous entré au service de Heindrich ?
- Je voulais faire partie de la Caste…
- Des Scientistes vous voulez dire ?
D’autres fois, Maréchal l’avait dit en plaisantant –petit jeu pour agacer Herbert. Cette fois, il ne riait pas. Herbert répondit, aussi sinistre :
- Ne prononcez pas trop ce mot, Maréchal. « Ils » ne l’apprécieront pas.
- Parce qu’ils nous écoutent en ce moment ? Alors, qu’ils sachent que je demande qu’à rencontrer Heindrich ! Et vous, répondez !
- Je voulais entrer dans leur Caste… On m’a dit oui, si j’acceptais de servir ce professeur réputé très dur. Je n’en sais pas plus. Je devais être en train de « travailler » sur le Passe-Muraille quand j’ai perdu la mémoire… [voir dossier #3]
- Pourquoi Heindrich vous aurait-il fait perdre la mémoire ?
- Je l’ignore… Pour disparaître ?
- Un jour, j’arriverai à voir clair dans vos mensonges, Herbert… Soyez prêt pour être bavard ce jour-là, ou bien courir très vite !
- Je vous ai fait parvenir la montre ! J’ai voulu vous aider !
- Je me demande si ce n’est pas Heindrich lui-même qui voulait que je l’obtienne… [voir dossier #3] Vous n’avez rien d’autre à me dire ?
- Si… A propos de mémoire… Je me suis souvenu où Heindrich stockait ses informations… Dans la Cité de la Mémoire.
Maréchal ralluma une cigarette :
- Racontez-nous…
- C’est une bibliothèque réservée de fait à des citoyens très riches. On ne peut en devenir membre que par cooptation. Cela permet de sauver sur des fiches des informations importantes, la voix d’un parent, des choses de ce genre. Les gens de bonne famille viennent là pour retrouver leurs disparus, disons… Pour remonter leur généalogie…
- Bon, et Heindrich là-dedans ?
- Il y a quarante ans, quand il avait le commissaire Weid aux trousses, il a préféré disparaître pour longtemps, le temps qu'on l'oublie. Il s’est plongé dans un bain très froid, dans une espèce de sarcophage qui l’a maintenu en hibernation. Il a attendu presque trente ans pour en ressortir. A présent, il ne peut plus récupérer ses données dans cette Cité. Elles y sont accessibles seulement par des autorités agréées. Autant dire : d’autres membres supérieurs de la Caste.
- Il doit pourtant encore être chez les Scientistes, non ? Puisqu’il vous a recruté ?
- Je ne sais pas… Ce n’est pas le genre de choses qu’on demande quand on est un novice…
Il avait perdu son air d’idiot, Herbert…
- Bon, que contiennent ces données ?
- Des choses en rapport avec votre montre… Notamment, des plans pour des machines capables de terroriser Exil.
Maréchal connaissait deux sigles sur trois de sa montre. SHC pour le syndrome d’hypersensibilité chronique et IEI pour intrusion extra-lunaire insolite. Il ignorait encore le sens de celui du milieu, RUS. Il avait perdu ces dernières semaines la manie de consulter sa montre. Voilà que l’envie le démangeait à nouveau.
- Ce que je sais, c’est que Heindrich avait plusieurs gardiens de sa mémoire. Ainsi qu’un homme quil nommait le Passeur. Celui qui pourrait accéder à tous ses secrets et rentrer dans son repaire souterrain.
- Qui est ce Passeur ?
- Je ne sais pas.
- Vous êtes sûr que les dossiers de Heindrich sont encore dans la Cité de la Mémoire ?
- Oui. On dit que certains de la Caste peuvent transférer sur des fiches spéciales leurs souvenirs, directement, par des implants cérébraux. Ils stockent leur mémoire cérébrale…
Portzamparc intervint :
- Je reviens à votre engagement chez les Scientistes. Vous avez cru de bonne fois entrer chez eux. Mais vous avez rencontré ce professeur, qui est en fait un hors-caste à présent.
- Comment je pouvais savoir que ce type sortait de trente d’ans d’hibernation ! Savoir qui il était vraiment !
- Bon, ça on va vite le savoir, dit Maréchal. Dès qu'on aura mis la main sur Heindrich. Et comment entre-t-on dans la Cité ?
- On n’y entre pas. Même vous…
- Si j’ai un mandat du juge…
- Non, non… Même si vous aviez un mandat, ceux de la Caste l’apprendraient, et ils auraient le temps de faire disparaître les données. Il faut les prendre par surprise.
- Pourquoi l’apprendraient-ils ?
- Vous ignorez à quel point ils sont introduits dans certains milieux…
- C’est une conspiration qui dirige la Cité dans l’ombre ?
- Je n’ai pas dit ça… J’ai dit qu’ils ont les moyens de protéger les secrets de leur Caste.
- Alors comment entre-t-on dans cette Cité ?
- Je ne sais pas.
Maréchal écrasa son mégot entre ses doigts :
- Vous allez venir avec nous à Névise, Herbert. Qu’on reprenne tout ça tranquillement. Et qu’on étudie comment entrer dans cette Cité.
Herbert baissa les yeux, pour cacher sa colère.
Ils remontèrent en ballon-taxi.
Maréchal dit à Linus de se renseigner sur la Cité.
- C’est du gros boulot, ça… C’est le rêve des gens comme moi d’y entrer. C’est un lieu tellement mythique…
- Chez nous, les rêves deviennent réalité, lança Portzamparc. Alors tu vas nous trouver une porte d’entrée !
*
Le pirate travailla toute la nuit. Herbert eut droit à une cellule, pas verrouillée, pour réfléchir.
Maréchal arriva dans le petit matin froid. La première vraie journée de la Brigade. La secrétaire avait préparé un bon café. Jamais on n’en buvait du comme ça au Quai !
Linus avait les traits tirés :
- C’est pas possible de rentrer là-dedans par des moyens normaux, inspecteur...
- Aucun accès par les entrées du personnel ?
- Non, non… Je me suis bien renseigné. C’est aussi gardé qu’une caserne. Rien à faire. Et c’est vrai que si vous demandez un mandat du juge, « ils » auront le temps de détruire les données. J’ai lu des témoignages, il y a eu des précédents.
Son chromatographe avait dû bien chauffer !
- Tu ne vois pas d’autre solution ?
- Passer par en-dessous.
- Quoi ?
- Par les égoûts.
- Une intrusion tu veux dire ?
- C’est le seul moyen… Vous m’avez demandé…
- Oui, oui, bien sûr.
- Seulement, je n’ai pas de plan d’accès par en-dessous. Je sais que ça existe, mais ces plans ne sont pas disponibles sur les réseaux. Ils n’existent encore que sur le papier.
- Qui détient ces plans ?
- Les bureaux d’étude de VOIRIE par exemple. Les ingénieurs qui travaillent au remodelage urbain.
- Eux ils pourraient nous fournir ces plans ?
- Si eux ne les ont pas, je ne vois pas qui les auraient…
- Les Scientistes, soupira Maréchal
Il ne voulait pas penser à cette solution extrême… Aller frapper à leur porte...
- Restons-en à ces ingénieurs. Nous allons les appeler. Le mieux serait même d’en embaucher un dans la brigade… Tu vas te renseigner sur eux, Linus, fouiller les dossiers et nous dire qui serait susceptible de nous aider…
- C’est dangereux… Si les Intelligences-Mécaniques remontent à moi…
- Tu leur barreras la route avec d’autres IM, c’est ton domaine de compétence, non ?... Je veux une entrée dans cette saloperie de Cité à Scientistes !
- Compris, inspecteur !
Maréchal alla s’allonger dans le hamac de son bureau. Il parcourut le journal. La date du procès du Somnambule venait d’être fixée, dans dix jours.
Des phénomènes étranges étaient signalés dans la Cité. Un quartier entier envahi par des plantes grimpantes dorées, les « cheveux d’ange ». Des morts retrouvés avec des insectes lumineux, les Brûlesprits, nichant dans leurs narines. Du travail potentiel pour la Brigade Spéciale.
Seulement, pour Maréchal, il y avait plus urgent. Il y avait la colère sourde contre le tortionnaire de son enfance, qu’il trainerait devant la justice ou ferait sortir de son repaire les pieds devant…