10-08-2010, 10:53 PM
Rentrés au Central ils apprirent la découverte de leurs collègues et oublièrent vite cet incident. Les trois lieutenant des groupes présents à cette heure réunirent leurs équipes. C'est Hawkins qui pris la parole pour donner les grandes lignes des jours à venir. Presser les indics, battre le pavé, et surtout, ne rien dire à la presse. Pour ne pas faire naitre de rumeur et pour continuer à assurer le service, la moitié de chaque groupe continuerait les enquêtes prioritaires en cours. Jen prit la parole pour répartir les rôles au sein de son groupe. Charlie et Shimazu continuaient sur la piste du peacemaker car l'affaire avait un grand retentissement dans les médias. Jet et William faisaient eux naturellement parti de l'équipe dévolue à cette nouvelle affaire. Il était déjà tard quand la réunion se termina et la relève commençait à arriver. Ceux qui avaient été de service l'après midi leur laissèrent la place de bonne grâce et quittèrent le bâtiment en ordre dispersé, certains rentraient chez eux voir leur famille déjà couchée, d'autres s'arrêtaient dans des bars crasseux ou bien allaient oublier leur anxiété dans les boites d'Hollywood. Cependant deux d'entre eux avaient ce soir des rendez-vous plus professionnels.
Le coupé à la ligne racée avançait au pas sur la route qui longeait la plage de Santa Monica. Charlie aimait l'endroit pour sa vue magnifique sur l'océan et parce qu'il pouvait passer inaperçu tant les voitures de luxe était la norme dans ce quartier. Il était un peu en avance sur l'horaire fixé. Il s'arrêta et coupa le moteur ne laissant plus que le son de la radio qui jouait un vieux rock parlant de compassion pour le Diable. A 23h30 précises une berline noire silencieuse fit son apparition au carrefour devant lui et tourna dans sa direction. Elle ralentit puis s'immobilisa à sa hauteur. La vitre teintée descendit dans un murmure mécanique. La jolie jeune femme au volant se tourna vers lui et lui tendit une enveloppe kraft.
- C'est un dossier brulant Charlie, fais bien attention.
- Comment le bureau prend l'affaire ?
- C'est l'effervescence, je n'arrive pas à y voir clair. C'est pour ça que tu dois faire gaffe, je ne suis pas sûr que tout le monde tire dans le même sens.
- C'est noté, de toute façon je vous laisse en dehors de ça, le lieutenant me fait assez confiance pour ne pas chercher à savoir d'où vient l'info.
- Très bien. Je te laisse je suis encore de service cette nuit.
- Tu vas me manquer.
- Sale baratineur.
Ils échangèrent un sourire de connivence puis la vitre de la berline remonta et le véhicule reprit sa route dans un bruissement feutré. Charlie resta un moment perdu dans ses pensées puis baissa la tête vers les papiers qu'il avait extrait de l'enveloppe. Des photos, des papiers marqués confidentiels, et partout le tampon de la CISA.
Jen n'eut pas à aller jusqu'à la côte pour rejoindre son rendez-vous nocturne, Patricia Rimbauldt avait réservée une table au Mélisse un restaurant chic de downtown qui se trouvait à seulement quelques blocs du Central. La conseillère en communication de la mairie lui avait indiqué au téléphone que la maire souhaitait lui parler sans donner plus de détails. Jen avait accepté du bout des lèvres, elle gardait une rancune pour la mort de son agent et se promit de bien le faire sentir à Lane pendant le diner. L'endroit méritait sa réputation, dehors un voiturier s'avança pour offrir ses services et à l'intérieur un maître d'hôtel en livrée l'accompagna à la table isolée où se trouvaient déjà, outre la maire et Mlle Rimbauldt, un autre conseiller de la mairie que Jen avait vu dans les campagnes électorales des Compagnons. Tous se levèrent poliment pour saluer la dernière arrivée.
- Bonsoir, j'espère que je ne vous ai pas fait trop attendre.
- Non nous venons d'arriver, répondit Lane. Permettez-moi de vous présenter Mlle Rimbauldt que vous connaissez déjà et M. Patterson notre responsable à la politique sociale, qui s'occupe également des associations de quartier.
- Enchantée, fit Jen en se demandant ce que ce M. Patterson pouvait bien faire ici.
Tous s'installèrent et un serveur vint prendre les commandes. Une fois celui-ci reparti, Lane se tourna vers Jen et pendant un instant le lieutenant fut subjugué par la force qui émanait de son regard. Elle l'avait déjà rencontré régulièrement bien sûr mais jamais dans un cadre informel, presque en tête à tête comme ce soir. Et malgré ses réticences et ses interrogations à son sujet, Jen ne pouvait s'empêcher de respecter la carrière de cette femme qui s'imposait presque seule dans un univers politique encore marqué par la misogynie. Lane rompit le silence qui menaçait de s'installer :
- Tout d'abord laissez-moi vous exprimer une nouvelle fois toute ma tristesse pour la mort de votre homme lors de la visite de la clinique à Watts. La mort d'un policier en service est toujours un drame qui nous confronte à notre place dans la société et à ce que nous sommes prêts à sacrifier pour elle. Je comprends tout à fait que vous jugiez cette opération inconsidérée, c'est là votre rôle de policier et je sais qu'il vous tient particulièrement à coeur, je vous demande juste de croire qu'elle ne l'était pas de mon point du vue.
- Je... j'imagine que vous aviez vos raisons, répondit Jen qui sentait se déployer toute l'efficacité de la rhétorique politicienne pour émousser la colère.
- J'ai appris également qu'une autre membre de COPS, Mlle Garcia a été grièvement blessée ce jour là, j'espère qu'elle s'en remettra rapidement.
- Nous l'espérons tous, fit-elle en se demandant si la maire connaissait leur relation.
- Comme vous le savez j'ai énormément de respect pour le LAPD et pour le COPS en particulier. Je crois que cette unité est une chance pour la ville et un modèle à suivre pour les autres municipalités. Et c'est précisément parce que j'ai confiance dans le COPS, et en votre sens de la justice en particulier Lieutenant, que je viens faire appel à vous ce soir, fit Lane en la fixant droit dans les yeux.
Jen avait beau voir s'activer les rouages du discours, elle n'avait aucun moyen de s'opposer au tour que prenait la conversation sans être ridiculement grossière.
- Merci de votre confiance, mais je ne vois pas bien ce que...
- Prendre les militaires de vitesse, voilà ce que j'attends de vous.
Jen sourit, c'était une corde sensible tant elle ne portait pas Trump et ses hommes dans son coeur.
- Je vous écoute.
- Bien, j'ai appris que l'homme que vous soupçonnez d'être le peacemaker se faisait appeler Léon Toper.
- Les nouvelles vont vites.
- Je vais vous faire gagner un temps précieux lieutenant, avant de faire des recherches et demander des mandats, jetez un oeil sur ce papier.
Patterson lui tendit une feuille qu'il venait de sortir de sa sacoche et prit la parole :
- C'est un formulaire de demande d'aide à une des associations de quartier que nous supervisons. Celle-ci se trouve dans le quartier de Watts et sert à fournir un toit temporaire à des gens qui sont à la rue. Mais regardez le nom de bénéficiaire, il vous intéressera j'en suis sûr.
Jen avait écouté d'une oreille distraite l'explication, elle avait compris au premier coup d'oeil qu'elle tenait là l'adresse de Léon Toper alias peut-être Ali Ben Ouassali alias le peacemaker. Lane reprit la parole :
- Comme vous le savez, depuis hier le quartier est sous loi martiale, les militaires vont se comporter en terrain conquis et exiger d'être présents si vous passez par les canaux habituels. Alors allez là-bas vous même et trouvez ce qu'il y a à trouver.
Jen n'hésita pas longtemps, la proposition n'offrait que des avantages, faire avancer l'enquête, rendre un service à la maire et se jouer des militaires.
- Très bien, c'est d'accord, je m'en occupe personnellement dès demain.
- J'étais sûr que nous étions faites pour nous entendre lieutenant Yu, fit Lane dans un sourire.
Les affaires réglées, le repas prit un tour plus conventionnel. Les discussions culturelles s'enchainaient naturellement et Jen qui ne détestait pas à l'occasion briller en société y participait avec élégance.
Elle était donc de bonne humeur et légèrement grisée par le champagne dans sa voiture sur le chemin du retour à une heure avancée de la nuit. Elle entendit à un moment la voix du détective Swagger à la radio et elle monta le son « … oui nous avons arrêté le suspect Ali Ben Ouassali après qu'il a tenté de se soustraite à nos injonctions et qu'il... » elle en avait assez entendu et coupa la radio. Elle savait pertinemment qu'elle allait recevoir demain dès son arrivée au bureau une réprimande de la hiérarchie pour cette déclaration largement prématurée...