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20e Episode : La captive
#7
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'ÉMERAUDE

Sasuke prit son temps avant de relever les yeux de ses papiers. Yatsume attendait front à terre.
- Alors, qu'es-tu venue me demander ? dit le conseiller.
Il replia un parchemin dans un tube.
- Je suis venue humblement vous demander de me mettre à votre service.
- Tu n'as pourtant pas mis longtemps à repartir quand nous sommes venus te chercher dans les Sables Brûlants.
- Je suis partie chercher ma fille, Sasuke-sama.
- Tu l'as trouvée ?
- Oui, nous sommes installées dans une petite maison.
- Près du quartier des etas, oui je l'ai entendu. Il y a aussi cet étranger...
- Il vient des Royaumes d'Ivoire.

Sasuke fit sentir à la rônin que sa situation n'était pas bien reluisante. Elle vivait avec la lie du peuple, quasiment dans la misère. On la sentait toutefois changée depuis qu'elle avait retrouvé sa fille. Elle était moins la lionne furieuse à qui on veut prendre sa petite. Elle avait rentré les griffes.
- Dans les Sables Brûlants, dit Sasuke, il y avait ce Kokamoru...
- Je sais, seigneur...
- Vous vous connaissez, nous pouvons en témoigner. Tu as voulu le protéger quand nous l'avons poursuivi dans ce temple. Seul Mamoru a pu t'en empêcher...
- C'est à propos de ma fille, seigneur... Il savait où elle était...
Sasuke sentait que ce n'était pas entièrement vrai. Elle devait mentir par omission. Cependant, il ne fit pas de remarque et dit :
- Tu as revu Kokamoru depuis ?
Yatsume se troubla. Elle essaya de répondre non, rougit.
- Oui, oui je l'ai revu.
- Bien, je m'en serais douté. As-tu idée de la magie qu'il emploie ?
- Non, seigneur.
- Un peu quand même... Tu as vu ce qu'il a fait dans les Sables Brûlants... Il utilise la magie des ombres... Je n'en connaissais pas l'existence avant, mais c'est de cela dont il s'agit. Je ne crois pas que ce soit lié à la souillure de l'Outremonde. En un sens, c'est peut-être pire...
"Quelque chose comme le pouvoir du néant, murmura le shugenja pour finir.
- Seigneur, je sais qu'il est dangereux. Aujourd'hui, j'ai ma fille, je n'ai pas d'attachement envers ce Kokamoru. Je suis prête à le tuer si je le retrouve !
- Sais-tu où il est ?
- Non.
- Alors tu as trouvé du travail.
Yatsume, surprise, releva la tête.
- Pardon ?
- Retrouve-le.

Sasuke n'eut rien à ajouter. Il lui conseilla simplement de voir Yojiro, qui était dans la "maison" depuis un certain temps.
- Il te guidera. En plus, il connaît bien la capitale.

Yatsume sortit. Elle attendit dans un couloir car Yojiro était justement en conversation avec Mitsurugi.


Samurai


- Elle réside depuis deux jours dans l'enceinte impériale. Elle a une chambre non loin de celle de l'Impératrice.
- Que d'honneurs on lui fait, dit Mitsurugi, plus circonspect qu'admiratif.
- Elle travaille comme élève de l'artiste-peintre, Doji Shuzuka. C'est la plus réputée à la cour du Gozoku en ce moment, d'après ce que j'ai entendu.
Mitsurugi avait entendu parler de ce senseï. C'était un honneur de plus fait à Ikue.
- Elle est donc bien entourée. Entre l'Impératrice et cette peintre...
- A mon avis, c'est aussi une prison dorée.
On comptait généralement sur Yojiro pour ses avis officieux, en prise sur les réalités de la rue et marqués du sceau du bon sens. Ce bon sens que les règles de l'étiquette et de la diplomatie faisaient parfois perdre.
- Pourquoi une prison ?
- Elle n'en est pas sorti depuis deux jours. Je veux bien qu'elle y réside à plein temps. Cependant, même son père n'a pu la voir. Les domestiques sont formels sur la question.
Mitsurugi n'avait pas trop envie de savoir comment Yojiro obtenait ses informations.
- Bon, c'est bien, conclut-il. Continue ta surveillance et préviens-moi s'il y a quoi que ce soit.

Le rônin salua et sortit.
On continuait à se demander pourquoi il avait refusé de rejoindre le clan du Lion, lorsque Kokatsu l'avait offert. Etait-ce par fidélité au clan du Crabe ? Espérait-il y revenir un jour, ou bien appréciait-il la marge de liberté des rônins ?
Quand il fut sorti, Mitsurugi fit venir son conseiller qui, pour le faire enrager, jouait les importants et mettait du temps à venir. Il y avait longtemps que l'ambassadeur ne croyait plus à ces prières et ces méditations profondes. Sasuke était trop bien adapté au clan du Lion : ce n'était pas la lecture du Tao ni les prières aux esprits qui lui prenaient trop de temps !
- J'ai une mission à te confier... Une mission un peu délicate.
- Allons donc.
- C'est politique, dit Mitsurugi.
- Je ne sais pas si c'est pour moi alors.
- Tu vas trouver le conseiller Tangen. Bayushi Tangen. Tu vas lui demander quel est aujourd'hui son arbitrage sur mon mariage. J'ai besoin d'une réponse claire. Comme je connais les Scorpions, je crains qu'il manœuvre pour se ranger à l'avis de mes adversaires. Ce qu'il n'a pas fait après mon duel.
- Bien, je vais demander à le rencontrer.
- "Ils" ont un repaire attitré, m'a-t-on dit. Le parfum céleste, un établissement qui fait restaurant et maison de thés. Les courtisans qui mendient les faveurs des dignitaires du Gozoku se retrouvent tous là-bas.
- Un sacré nid de serpents...
- Tu vas mettre les deux pieds dedans. On m'a dit que Bayushi Tangen s'y trouve tous les midis.
- Il va falloir que je trouve un prétexte. Je vais lui écrire...
- Fais au mieux, dit Mitsurugi, qui cachait mal son impatience.


Samurai


Sasuke fit comme Mitsurugi lui avait dit : il sollicita un entretien avec le puissant Bayushi Tangen, gouverneur de la Cité des Mensonges, conseiller du maître des Scorpions. Ce dernier reçut le message, le lut et le replia, amusé. Son propre bras droit, Bayushi Renshun se tenait à ses côtés.
- Tiens, lis...
- Bien, seigneur.
Bayushi Renshun représentait l'excellence du samuraï. Il avait trahi son ancien maître, Bayushi Natsu -alias Tange Sazen- pour apporter au clan le secret de la technique du Scorpion d'Obsidienne. Il avait combattu en duel plusieurs opposants du ralliement au Gozoku. Il avait plusieurs fois aidé le shinsen-gumi à traquer des rônins qui infestaient les terres du clan. Il avait mis son sabre, toutes ses forces et son âme au service de sa famille, et plus largement du Gozoku.
Il semblait qu'il n'en attendait pas de récompense particulière. C'était pour lui comme une épreuve, un dévouement. Cette abnégation faisait froid dans le dos, même dans son clan, comme si voir soudain la vertu Bayushi incarnée était effrayant. Un homme capable de se vouer entièrement à être une âme damnée pour le bien des siens...
Ce n'était pas une surprise si Renshun avait fini comme proche conseiller du conseiller Tangen. Il fallait être ce dernier pour prendre auprès de lui un tel fanatique.
Pendant que Renshun lisait, Tangen se rappelait le jour où il en avait fait son bras armé.
- Tu as trahi ton maître sans hésiter. Tu m'amènes son secret. Pourquoi fais-tu cela ?
- Je sers mon clan.
- C'est une réponse de Kakita.
- Seigneur, je ne demande qu'à vous servir.
Tangen avait insisté :
- Quel serpent niche au fond de ton coeur ? Si tu veux me servir, tu dois être transparent.
- Mon coeur est vide, seigneur. Vide de tout secret.
- Alors tu n'appartient pas aux vivants, tu es déjà un spectre.
- Je ne demande qu'à mourir chaque jour complètement.
Quels sentiments Tangen avait-il éprouvé à cet instant ? De la tristesse devant cet homme mortifié ? De l'admiration devant le samuraï parfait qu'il cherchait ? De la peur face à une crapule pire que lui ?
- Qu'est-ce qui est mort en toi, Renshun ? Qu'est-ce qui est mort pour que tu trahisses ton maître ?
- Pour que les héros existent, il faut des salauds.
Tangen n'avait rien, avait tressailli.
- Tu l'aimais donc ?
Renshun n'avait rien dit. Il avait baissé la tête, comme un chien soumis.
Tangen n'avait eu d'autre choix que de le prendre, puisqu'il apportait sa propre chaîne.

Renshun referma le parchemin et le rendit à son maître.
- Mitsurugi veut s'attaquer à nous, seigneur. Il envoie son conseiller, mais bientôt, il viendra en personne vous défier.
- Jusqu'où peut-il aller, à ton avis ?
- Ce sera une guerre à mort, seigneur. Je ne vous apprends rien.
- Penses-tu, Renshun, qu'il y aurait un moyen d'amadouer ces Lions un peu trop féroces ?
- Non. Lui, vous ne l’achèterez pas. Vous négocierez une trêve, vous reculerez le moment de l'affrontement.
- Pourtant, ce Mitsurugi n'est pas un fanatique de l'honneur. Il ne se prend pas pour un saint. Il boit, fréquente les femmes, fait la guerre... Ce n'est pas non plus une franche crapule. Malgré son passé de rônin, il n'a pas oublié les vertus du samuraï. Il a tenu bon face aux épreuves. Il a enduré, et s'en est toujours sorti avec une chance insolente. Il n'est pas comme toi, mort en lui-même...
Tangen se leva et passa sur la terrasse :
- Lui, il vit pleinement, il s'amuse, il bataille... Tout lui réussit.
Tangen était amusé. Vraiment amusé, presque content pour Mitsurugi.
- Il n'est pas de taille face à vous, seigneur, dit Renshun, qui était resté à l'intérieur. Malgré toute sa chance et son insolence. Ce sont des biens trop précaires. Un petit mouvement de la roue du destin, et il retombera dans la crotte dont il n'aurait pas dû sortir.

Les deux Scorpions allèrent, le lendemain, comme chaque jour, manger au Parfum céleste. Ils avaient l'alcôve avec le sol surélevé, un peu en retrait, la meilleure place du restaurant. D'autres Scorpions étaient admis à leur table, et ce bon juge Kempô, ce brave imbécile, bien plus amusant que le Bouffon, parce que lui se prenait au sérieux.
Ni Tangen ni Renshun n'avaient bien sûr prévenu qui que ce soit de l'arrivée de Sasuke. Un silence pesant tomba dans la salle quand le conseiller Lion, alerte, l'air dégagé, bien nourri, entra et se fit asseoir à une table. Tangen continuait à parler, comme si de rien n'était, comme s'il ne s'apercevait de rien, tandis que la colère, la méfiance ou parfois la peur se peignaient sur les visages des invités.

Sasuke prenait un petit verre. Il était l'ambassadeur de l'ambassadeur Mitsurugi, donc il devait se comporter comme lui -il ne forçait en rien sa nature en faisant cela !
Il dégustait son vin, regardait le menu en amateur de bonne chère, prenait ses aises. Puis, négligemment, il faisait venir la serveuse pour porter un mot à Bayushi Tangen. Celui arrivait, prosterné déjà bien avant d'arriver à dix pas du conseiller. Celui-ci mettait les formes pour lire le message.
Tout cela prenait du temps, et c'était le spectacle du jour. On regardait à la dérobée ce manège. En fait, c'était Tangen et Sasuke qui étaient les seuls à s'amuser dans la salle !
La réponse revenait à Sasuke, qui patientait avec un bon plat de poisson. Quand il avait fini, il se dirigeait vers l'alcôve. A ce moment, Tangen recommandait une bouteille de vin.
- On me dit que vous désirez me voir, dit le conseiller, très détaché.
Cela se jouait entre eux deux, avec Renshun comme témoin privilégié, mais silencieux. Les autres étaient éclipsés. Mentalement, ils s'écartaient, comme on recule quand un duel va avoir lieu.
- La vie fait bien les choses, dit Sasuke, car j'ai lu il y a peu ce recueil de pensées, Mensonges. Et j'ai la chance de résider pour quelques temps dans la même ville qu'un descendant du prestigieux Bayushi Tangen.
Ledit descendant le laissait aller, trousser son petit compliment, puis il répliqua, on ne peut plus mondain :
- Il ne se passe pas une semaine sans que je relise les pensées de mon aïeul, c'est vrai. J'ai d'ailleurs la vanité d'anoter son ouvrage, d'y adjoindre quelques-unes de mes pensées, qui ne se comparent pas aux siennes.
La vie de Bayushi Tangen faisait partie de la légende dorée du clan. C'était un conseiller scrupuleux, dévoué, redoutablement intelligent. Il s'était rendu célèbre avec ce recueil, Mensonges, qui traitait de l'art de la cour, de la subtilité politique, en un mot de l'art d'arriver à ses fins. On l'avait un jour accusé publiquement d'avoir écrit un tissu de faussetés.
- C'est faux, avait répliqué le conseiller avec hauteur, mon oeuvre ne contient pas un seul mensonge.
Et il avait été pris d'une violente douleur au bras, s'était raidi, était tombé mort.

- La lecture de cet ouvrage, poursuivait Sasuke, m'a été recommandée par un courtisan de votre clan, Bayushi Kokamoru.
Tangen approuva, en masquant parfaitement qu'il voyait un peu où Sasuke voulait en venir. Kokamoru, ce petit courtisan qui avait disparu depuis des semaines ! Que savait Sasuke sur lui ?
- Je sais que vous êtes un homme sage, instruit par une longue expérience du gouvernement, seigneur Tangen. C'est pourquoi je profite de pouvoir vous rencontrer pour solliciter votre avis.
- Nous n'allons pas parler le ventre vide, dit le conseiller. Qu'on amène à manger pour notre invité Lion !
Les autres Scorpions mangeaient en silence. Certains soulevaient un peu leurs masques pour avaler les nouilles.
- Vous avez rendu un arbitrage décisif lors du duel de mon maître, Matsu Mitsurugi.
- Je manque à toute politesse en oubliant de vous demander de ses nouvelles.
- Il se porte à merveille. Il ne manque à sa tranquillité qu'un avis de votre part.
- En ce qui concerne ce duel, j'ai rendu mon avis, et il n'a pas changé. Le voici : Matsu Mitsurugi s'est attaqué à un samuraï qu'il jugeait deshonorable, Kakita Yagyu. Le sort des armes lui a donné raison -sur la question de l'honneur. Il semble en plus que Mitsurugi ait certaines vues sur la fiancée de feu Yagyu -la belle Doji Ikue, qui serait, en cette affaire, comme une prise de guerre.
"Très bien, mais le duel portait sur une question d'honneur, pas de mariage. Aussi, il me paraît raisonnable que votre maître attende la fin de la cour d'hiver avant de demander la main de Doji Ikue.
C'était on ne peut plus clair. Le Gozoku voulait se laisser du temps. Si Mitsurugi devait un jour épouser Ikue, il devrait suivre la tradition des Matsu selon laquelle c'est l'homme Matsu qui rejoint la famille de son épouse.
Mitsurugi s'était préparé à cet avenir dans la famille Doji, famille qui ne pouvait pas moins lui convenir !
- Si cela doit arriver, disait volontiers Mitsurugi, tant pis. Je me devrai juste de reprendre la Cité des Apparences au général Kokatsu.

Le conseiller Tangen avait dit ce qu'il avait à dire. Sasuke prit le temps de finir son plat en discutant de la pluie et du beau temps. Il rentra, ni déçu ni satisfait. Tangen avait eu une réponse trop raisonnable, trop incontestable. On attendait mieux -ou pire- de lui ! A d'autres les opinions sages, les arbitrages mesurés !

Quand le shugenja rentra au palais, on lui dit que Mitsurugi était en visite chez Doji Onegano, le père d'Ikue.


A suivre...Samurai
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