Thread Rating:
  • 0 Vote(s) - 0 Average
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Dossier #14 : Le sortilège du paon
#14
DOSSIER #14<!--sizec--><!--/sizec-->

Les deux policiers étaient bien réchauffés. Ils sentaient venir un délicieux assoupissement digestif. Ils riaient pour rien en remontant l'escalier de fer. Maréchal ouvrait la porte en pouffant parce que Faivre lui rappelait une anecdote du Stalag. Ils s'arrêtèrent net quand ils virent les deux visiteurs, assis sur le banc, se lever.
Leurs longs manteaux noirs serrés, leur peau d'une pâleur inquiétante, leurs visages sans poils, sans sourcils ; leurs chapeaux hauts de forme qu'ils enlevaient. Ces cannes à pommeau en sélénium. Les deux policiers eurent un petit hoquet.
Des Scientistes.

La caste la plus secrète d'Exil. Des scientifiques organisés en une secte très fermée, aux moeurs inconnues, ne rendant des comptes qu'aux autorités les plus hautes d'ADMINISTRATION.

Le plus petit des deux, qui était quand même d'une taille supérieure à la normale, enleva son gant blanc et serra la main de Maréchal :
- Professeur Ivanov Vinsler, de la branche Psi. Honoré de vous rencontrer.
- Moi, moi de même, articula Maréchal. Voici, l'inspecteur Faivre...
- Enchanté...
- Enchanté, messieurs. Je vous présente mon fils, Morand.
L'autre était un peu plus grand que son père. Il fallait être attentif pour découvrir chez lui des traits plus jeunes. Il serra aussi la main des deux inspecteurs. Leur peau n'était pas froide mais très sèche.
On apprenait ainsi que les Scientistes avaient des enfants, ce dont les inspecteurs n'étaient pas sûrs il y a encore une minute. La secrétaire tapait à la machine dans sa pièce.

- Allons, Morand, nous sommes venus pour vous...
- Oui, père.
Le jeune homme sortit de sa chemise une lettre administrative frappée du sceau de TRIBUNAL :
- J'ai l'honneur de vous informer que je suis affecté à la Brigade d'Investigation Spéciale, à compter de ce jour, en qualité de détective stagiaire.

Maréchal se sentit flotter un moment, hypnotisé par la situation. Il dut retrouver une contenance pour répondre :
- Bien. Bien, parfait. Enchanté, détective... Nous attendions bien un nouveau collègue...

Le père remit son chapeau sur son crâne chauve :
- Bien, je suppose que ma présence n'est pas utile plus longtemps. Aussi, je vous laisse Morand. Nous comptons sur vous pour faire du bon travail.
- Merci, père, au revoir.

Le professeur partit. Il traversa le quai comme une ombre et disparut à un coin de rue.
Maréchal s'aperçut que lui et Faivre, ainsi que Morand, étaient restés à regarder Vinsler partir, en silence. Ils avaient les bras ballants, ils clignaient des yeux, ébahis, sans quoi on les aurait pris pour des statues de cire.

- Bon, passons dans mon bureau... Faire les présentations.
Maréchal se frotta les yeux. Il alluma une cigarette pour se reprendre contact avec la réalité. Faivre fit de même. Morand refusa poliment, sans masquer son dégoût du tabac.

Maréchal se laissa le temps de feuilleter l'ordre d'affectation. Il croyait encore au miracle d'une erreur -tragi-comique- d'ADMINISTRATION.
- Bien, je vois que tous vos papiers sont en règle, dit Maréchal, en cachant son regret. Vous êtes affecté chez nous. Détective Morand Vinsler, donc. Bon, bien, l'inspecteur Faivre va vous montrer votre bureau... Vous avez vu où c'est, inspecteur.
- Oui bien sûr, dit Faivre, contrit.

Déléguer les corvées, le principe même du travail du chef.


¤


Morand s'installa dans le bureau des détectives, où il ne serait pas trop serré. Il sortit des documents de sa chemise et se mit à les disposer méthodiquement. Puis il organisa son bureau comme un bon écolier.

Maréchal s'était allongé dans son bureau. Après la stupeur, un début de haine. Ce n'était pas de la faute de Morand. Mais comme tous les Scientistes avaient pour l'inspecteur la même tête, Morand était comme le retour de la face diabolique du professeur Heindrich. Le policier ne pourrait jamais s'empêcher de voir l'un par l'autre. Il ne pouvait déjà plus voir Morand en image... Il ne pouvait pas sentir les Scientistes !
Il n'aurait pas été surpris que le jeune homme soit une réincarnation du tortionnaire de sa jeunesse ! Heindrich avait bien échappé à la mort une première fois, en se plongeant en hibernation !
C'était un cauchemar...

Maréchal partit dès quinze heures. Faivre resta avec le jeune détective, pour lui expliquer quelques ficelles du métier. L'inspecteur jouait à l'éducateur pour se cacher sa peur face à cet être pâle. Il le fit même boire.
- C'est comme ça, Morand, quand on est un homme, on boit !... Bienvenu dans la police !
Le détective ne put refuser, et Faivre ne le laissa pas partir avant qu'il n'ait bu ses cinq verres avec lui. Morand partit tard, un peu vert, et Faivre l'entendit vomir dans l'allée. Morand avait eu son bizutage à l'alcool, façon pour Faivre de se venger de son bizutage au Scientiste !


¤


Le lendemain, Faivre prit son début de matinée pour passer récupérer ses affaires à la Brigade des Rues. Il reprenait pied avec le monde réel, l'agitation, les voyous ordinaires, les avocats outrés... Comme ils avaient de la chance, ces gens-là, d'avoir des occupations banales et répétitives ! De baigner dans une saine et indécollable médiocrité ! Faivre s'aperçut, au milieu du brouhaha, qu'il ignorait quel était l'objectif de cette Brigade Spéciale, minuscule et isolée.
Il voulut en parler à Lanvin, qui était bien trop occupé. A peine si on salua Faivre pendant qu'il emballait ses cartons. L'affaire Winclaz trouvait de nouveaux rebondissements. Des notables mouillés, une enquête qui s'entremêlait avec des vengeances politiques venues du sommet de la Cité... La brigade urbaine n'avait plus seulement les truands face à elle : elle avait les juges, les magistrats et les groupes de pression sur les épaules. Or, Lanvin et les autres étaient en quelque sorte "drogués" à l'action, à la confrontation avec la rue. Par contre, la politique, la plupart détestaient cela. Recevoir des leçons, des conseils et des instructions de gens sortis de leurs bureaux au parquet ciré, il fallait vraiment serrer les dents pour le supporter.
- Laisse-moi te dire que tu es parti au bon moment, dit un collègue à Faivre. Parce que ça commence drôlement à sentir le moisi par ici... Sales histoires, ouais !
Le policier désignait d'un signe de tête trois avocats et un cadre de corpole qui entraient, sombres et déterminés.

Faivre partit avec ses cartons dans les bras. L'heure de pointe était passée. Il descendit en funiculaire, traversa le quai, chargé comme une bête de somme. Il posa, soulagé, ses dossiers dans son bureau. La secrétaire fumait à la fenêtre :
- Vous auriez dû attendre, je vous aurais offert une cigarette, dit Faivre, joli coeur.
- Je vous remercie, mais des cigarettes, j'en ai plein, par ma belle-soeur. Elle travaille dedans.
- Vous arrivez toujours tôt, vous partez la dernière. Vous devez habiter près d'ici... Je vous raccompagnerai le soir, si vous voulez.
- Merci, inspecteur, c'est fort aimable à vous, mais je suis vraiment à deux pas d'ici et le quartier est calme.
"J'ai fait du café, si vous en voulez...
- Ah oui, volontiers.
- La casserole est encore sur le feu. Les tasses sont dans le placard au-dessus.

Faivre tourna les talons, refroidi, et alla se servir. Elle n'était pas avenante, celle-là. Bien sûr, elle avait un ruban noir de veuve à la poitrine, mais enfin, la guerre était finie, la vie continuait !...
Faivre s'installa avec son journal. Morand entrait, distant. Il passa devant le bureau de Faivre sans regarder, espérant attendre son propre bureau sans être interpellé.
- Ah, mon petit Morand, un instant...
Il était visible que le Scientiste lui en voulait encore pour la beuverie d'hier.
- Vous aurez un peu le temps ce soir, pour que nous continuions votre formation...
- Hum, impossible, dit le Scientiste, vraiment désolé, mais je dois assister à une réunion de ma Fondation ce soir, et c'est...
- Une réunion d'étudiants ? Vous allez boire au café, quoi.
- Non, non pas du tout, il s'agit de discussions très...
- Vous êtes excusé pour ce soir alors, mais une prochaine fois, vous n'y couperez pas, hein...
Il se montrait paternaliste. Il fallait tenir en bride ce jeune homme pas comme les autres, qui ne montrait rien de lui sinon l'image inquiétante que tout le monde se fait de sa caste.

Des coups à la porte. La secrétaire alla ouvrir :
- Pardon, mademoiselle, ce sont bien les locaux de la brigade spéciale ?

Un homme entra, très las.
Il était dans la force de l'âge. Un costume de corpolitain corpulent. Il tenait, traînait plutôt, un gros porte-documents. Sa chemise était mal boutonnée, sa cravate défaite. Il sentait le vin, et tout son corps s'affaissait, cherchait à rejoindre la terre. Avant qu'on le lui propose, il se laissa tomber sur le banc du couloir. La secrétaire eut pitié de lui :
- Vous vous sentez bien ?
Elle crut qu'il était cardiaque. Il ne répondit pas tout de suite. La secrétaire alla dans la cuisine et lui apporta un remontant. Il saisit le verre, faillit le porter à sa bouche, et puis le rendit. Il en avait gros sur le coeur, il s'écoeurait lui-même.

- Vous venez porter plainte ?
Une larme, très lourde, coula. Il renifla, finit de réunir ses forces et dit :
- Non, je viens me dénoncer. Entre avant-hier et hier, j'ai tué deux hommes.
C'en était trop, il s'effondra en sanglots.

Faivre et Morand étaient sortis dans le couloir, ils avaient entendu.
- Je lui passe les menottes ? demanda le détective.
Faivre prit sur lui de ne pas fusiller (du regard) le Scientiste. Il répondit juste :
- Non, accompagnez-le dans mon bureau.


¤


L'homme n'osait plus regarder les gens en face. Il ne sortait plus la tête de ses mains. Faivre enroula une feuille dans la machine, tapa quelques informations factuelles puis passa la machine à Morand.

C'était extraordinaire. On était comme à la Crim', sauf que le détective était un Scientiste affecté ici on ne sait comment, qu'il n'y avait pas de commissaire, que le coupables venait se dénoncer seul et qu'au bout du compte, Faivre ignorait la mission précise de cette brigade !

- Si vous commenciez par me dire votre nom.
Morand fit signe qu'il avait pris les papiers d'identité de l'homme et qu'il tapait les informations à la machine. Faivre l'ignora et attendit.
- Evrard Jespe Thècle Mélian... Evrard est mon prénom usuel... Jespe c'est mon grand-père, Thècle mon oncle...
- Quelle profession exercez-vous, monsieur Mélian ?
- Je suis cadre dans les services commerciaux Aussame-Nerbois.
- Dans quel secteur exactement ?
- Les systèmes de chauffage industriels.
- Depuis combien de temps travaillez-vous chez les Aussame-Nerbois ?
- Depuis que je suis sorti de l'Ecole des Voies et Passerelles, il y a bientôt 27 ans.
- Vous êtes marié ?
- Oui. Nous avons deux enfants.
- Avez-vous des ennemis, monsieur Mélian ?
- Des concurrents.
- Et parmi vos collègues ?
- Des rivaux. Plusieurs personnes qui veulent mon poste.
- Vous gagnez bien votre vie, je suppose.
- Oui. Je touche un salaire en rapport avec mes responsabilités.
- Naturellement.
Morand notait scrupuleusement à la machine.
Faivre proposa du tabac au suspect, qui accepta et se roula une cigarette.
L'inspecteur frotta une allumette et lui tendit.
- Bien, venons-en aux faits. Qu'avez-vous fait avant de venir ici ?
L'horloge indiquait neuf heures.
- J'ai bu. Trois verres.
- Où ?
- Sur les boulevards, pas loin du quai des Oiseleurs.
- Pourquoi n'êtes-vous pas allé là-bas ?
- Parce que c'est ma femme qui a... Comment dire ?
- Elle vous a donné notre adresse ?
- Oui c'est ça. Elle est férue de spiritisme, voyez-vous. Elle a vu votre adresse dans une de ses revues. Elle m'a affirmé que vous étiez un service de police sérieux...
- Nous sommes rattachés au quai des Oiseleurs, oui. A la brigade criminelle, même, se hasarda Faivre.
- Tant mieux... Ma femme, voyez-vous, n'a pas les pieds tout à fait sur terre, concernant certaines choses... Elle aurait été capable de m'envoyer chez une chiromancienne.
- Vous avez bu avant de venir ici, entendu. Et avant cela ?
- Cela remonte à hier. A avant-hier d'ailleurs...
- Commençons par avant-hier.

Morand corrigeait sa frappe et parut en vouloir au suspect d'hésiter dans ses déclarations.
- Avant-hier, j'ai passé une journée normale au travail. En sortant, je suis allé boire un verre avec un client et ami. Puis je suis rentré chez moi, pas très tard. Ma femme était à une de ses séances de divination ou je ne sais quoi... La rue, j'ai eu d'affreux cauchemars, alors qu'habituellement, je dors très bien. J'ai à peine fermé l'oeil de la nuit. J'ai été malade.
"Le lendemain, donc hier, je suis quand même allé au travail. J'ai fait au mieux pour annuler quelques rendez-vous dispensables, j'ai dit que j'avais beaucoup de travail. En fait, j'ai somnolé une partie de la journée. Des images plus précises de mes rêves sont revenues. Je me suis alors revu... oh, c'est affreux, revu tuer quelqu'un !
"Je suis parti tôt, je suis rentré chez moi. Ma femme était là, inquiète. Elle m'a dit qu'il y avait du sang dans mes draps ! Du sang de la nuit dernière ! Je veux dire du sang qui avait fait des tâches la nuit d'avant, donc il y a deux nuits par rapport à aujourd'hui...
"J'ai alors vu qu'il était tard ! Très tard ! J'étais parti de mon travail depuis près de trois heures !... Alors que je mets habituellement une demi-heure, tout au plus, pour rentrer !
- A quelle avez-vous quitté le travail hier ?
- A quinze heures.
- Quelle heure était-il quand votre femme vous a signalé les taches de sang ?
- J'ai regardé la pendule, il était presque dix-huit heures !
- Que s'est-il passé, à votre avis, pendant ces trois heures ?
- Je ne m'en souviens pas ! Pas du tout ! Un trou complet !
- Vous avez bu ?
- Non, je ne sentais pas l'alcool, je n'avais pas la gueule de bois.
- Vous êtes allé voir quelqu'un ?
- Je n'étais pas chez une maîtresse, si c'est ce que vous insinuez.
- Vous avez marché dans la rue ?
- C'est probable, car je me sentais fatigué physiquement, comme après avoir couru, ou marché longtemps.
- Revenons à hier soir, dix-huit heures...
Faivre jeta un oeil à Morand, pour voir s'il suivait.
- Quand ma femme m'a parlé du sang de la veille, je n'ai rien dit, je suis allé dans la salle d'eau. J'ai alors trouvé un chiffon gorgé de sang dans ma poche ! Et j'ai vu que j'avais des traces de sang séché sur les doigts et des taches sur ma chemise !
- Où sont les draps, et la chemise ?
- Les draps, ma femme les a lavés... La chemise, je l'ai... Je l'ai emmenée avec moi ce matin. En fait, j'ai tout avoué hier soir à ma femme. Disons tôt ce matin. Elle m'a convaincue d'aller me livrer à vous. Elle me croit innocente, donc elle m'a dit que mon geste plaiderait en ma faveur. Mais elle croit trop en moi. Car je me suis souvenu, et je me suis revu assassiner deux personnes. Une hier soir, une avant-hier soir. Les tuer de mon plein gré !
- Qui sont ces deux personnes ?
- Avant-hier, Siméon, le portier de l'hôtel Naundorff-Valéria. Hier, Cléanthe de la Vigière, cadre chez les Margannes.
- Vous êtes sûrs qu'ils sont morts ?
- On a retrouvé ce Siméon hier, et on en a parlé dans les journaux. Je n'y ai pas fait attention. Et on a retrouvé la Vigière ce matin. En voyant son nom, j'ai compris... J'ai compris que c'était moi.

Faivre respira. Il alluma une autre cigarette, tendit à Mélian de quoi s'en faire une. Morand était prêt à noter la suite.
L'inspecteur se leva, sortit du bureau.
Il avait besoin d'air frais. Maréchal était arrivé. Il se faisait un café à la cuisine. Faivre se doutait que la secrétaire l'avait mis au courant. Maréchal ne fit pas de commentaire.
Faivre passa à la salle d'eau, puis revint dans son bureau. Il y faisait chaud, lourd. Mélian n'avait pas bougé. Il fumait en regardant devant lui. Morand était indifférent.
- Bien, reprenons... Qui a lavé les draps ?
- Ma femme.
- Quand les a-t-elle lavés ?
- Hier...
- En sorte que vous n'avez pas vu le sang sur ces draps ?
- Non. J'ai vu le sang sur ma chemise hier soir.
- Mais pas le sang d'avant-hier ?
- Non.
- Que vous a dit votre femme ?
- Elle a cru que je m'étais blessé. Il faut vous dire qu'elle n'a découvert le sang qu'hier matin, quand j'étais déjà parti au travail. Elle était rentrée tard dans la nuit, donc elle n'avait rien vu à ce moment.
- Et la chemise ?
- La voici.
Il la sortit de son porte-documents, pliée, toute tachée de rouge.
- Votre femme y a touché ?
- Je ne crois pas. Je l'ai montrée ce matin à ma femme, mais j''ai pris soin de la plier moi-même.
- Reprenons sur les victimes. La première, avant-hier, c'est ce portier... Vous fréquentez son hôtel ?
- Parfois. Il m'arrive de rencontrer des clients au bar du Naundorff, qui est assez bien couru. Mais je ne suis pas un habitué.
- Vous le connaissiez ce portier ?
- Non. J'ai appris son nom par les journaux. Je lui ai sûrement donné des pourboires, c'est tout.
- Et la seconde victime ? C'est un concurrent à vous ?
- Oui... Donc voilà le mobile.
- Attendez, vous aviez l'intention de le tuer depuis longtemps ?
- Non, je, c'est à dire... Je n'ai pas voulu le tuer, mais je l'ai tué... C'était un concurrent, mais pas déloyal. Je n'avais pas de haine contre lui. Il faisait le même métier que moi. Je lui ai pris des clients, il m'a volé des marchés, c'est normal.
- Et le portier ?
- Je ne le connaissais pas du tout !
Faivre écrasa son mégot.
- J'en viens à une question plus directe : comment sont-ils morts ?
- Selon les journaux, Siméon a été étranglé. Et La Vigière, poignardé...
En parlant, il avait pris du courage. Il n'en serait que plus effondré après coup, cela se sentait. Faivre regarda les mains de Mélian. Il avait une poigne suffisante pour tuer. Et la force pour poignarder fermement.

- Je vous ai tout dit...
Faivre en doutait. Il fallait du temps pour ce genre d'aveux.
- Bien, détective, accompagnez le prévenu dans sa cellule.
- Un instant, juste une faveur... Puis-je appeler chez moi ?

Il y avait un combiné dans le bureau du commissaire. Faivre en ouvrit la porte, entra dans le bureau pas chauffé, poussiéreux. Il le découvrait pour la première fois. Il fit entrer Mélian, lui dit de s'asseoir au bureau pour appeler, pendant que lui s'asseyait sur le canapé.
La situation était bizarre. On aurait pu prendre Mélian pour le commissaire.
Il fondit en larmes quand il eut sa femme. On devinait que celle-ci lui disait d'être fort, qu'elle viendrait le voir...
Mélian raccrocha.
- Vous comprenez, elle croit à toutes ces superstitions, mais elle me soutient, elle m'aide...
- Je comprends, je comprends, oui, dit Faivre en l'accompagnant à la cellule lui-même.

L'inspecteur passa ensuite dans le bureau de Maréchal. Ils ressortirent au bout de quelques minutes.
- Morand, vous restez ici, dit Maréchal en mettant son manteau, vous revoyez vos notes. Nous, on monte au Naundorff-Valéria se rendre compte sur place.
Faivre était content de sortir de cette ambiance sale et pathétique.
Le sort de Mélian passait entre les mains des policiers.

Les deux hommes traversèrent le quai, empressés. Ils prirent le tramway devant le quai des Oiseleurs, puis un grand funiculaire qui les monta dans le quartier des Célestes, au pied du casino Pandémonium. Le grand hôtel était à deux rues de là.
Maréchal se disait que cette enquête allait être très rapide ou très compliquée.


Reply


Messages In This Thread
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by sdm - 25-09-2010, 04:16 PM
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by sdm - 27-09-2010, 10:15 PM
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by sdm - 28-09-2010, 09:19 PM
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by Darth Nico - 29-09-2010, 03:36 PM
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by sdm - 04-10-2010, 07:46 PM
Dossier #14 : Le sortilège du paon - by sdm - 07-10-2010, 10:23 PM

Forum Jump:


Users browsing this thread: 1 Guest(s)