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Dossier #16 : Le client de chez Emma
#3
DOSSIER #16<!--/sizec-->


LE CLIENT DE CHEZ EMMA<!--/sizec-->


SHC 2 - RUS 6 - IEI 6 - ATL 5


- Je croyais que vous faisiez une allergie...
Maréchal ne répondit pas. Il avait trop froid. A cette hauteur, pas assez de fumée d'usine pour avoir chaud.
Morand tenait son chapeau haut-de-forme, qui s'était envolé au coin de la rue.
- Notez, ajouta le Scientiste, que je suis fier de pouvoir visiter ce lieu d'excellence.
Les bâtiments de l'école militaire se dressaient, charmants comme une potence aux yeux de Maréchal, derrière le grand mur d'enceinte, gardé par des plantons immobiles dans le vent.
Maréchal avançait tête baissée.
- Lieu d'excellence... Tu parles ! Une usine à formater les esprits, oui... Lobotomie de groupe !
Maréchal décida que c'en était trop. Il dévia de sa route pour entrer dans une brasserie.
- Un demi.
- Croyez-vous que ce soit le moment ? demanda Morand.
- Regardez, détective...
Il montra la bouteille de bière Maréchal qu'on venait de lui servir :
- Voilà une bière patriote, détective. Buvez pour la Cité !
Le Scientiste commanda une menthe à l'eau.
- J'ignorais que vous aviez de la famille dans les spiritueux.
- Uniquement la bière, détective. La famille Maréchal sait où il faut investir.
L'inspecteur but à la santé de son cousin Gérald.
Il y avait beaucoup de monde. La présence de Morand créait toutefois un vide sanitaire autour des policiers.
- Je sais bien que Faivre est venu hier, expliqua l'inspecteur, mais pour rencontrer les dirigeants de l'Ecole, il faut être soi-même gradé... Et encore, nous n'avons rendez-vous qu'avec le directeur-adjoint.
- C'est déjà un grand honneur.
- Non, c'est le problème de ces galonnés : c'est qu'ils croient qu'il y a des grades et des breloques partout comme chez eux. Ils doivent s'imaginer que parce que je fais office de commissaire, je suis une sorte d'amiral trois étoiles... Ce qui me ferait mal.
- Je ne comprends pas votre rancÅ“ur vis-à-vis de nos troupes, qui ont conquis en Autrelles...
- Laissez-moi rire...
Maréchal avait vu ce que c'était, l'armée exiléenne !

Ils se présentèrent à l'entrée.
La veille, Faivre avait pu visiter les lieux, obtenir une photo d'Antisthène Phonos. Ce n'était pas assez. Maréchal sut à ce moment qu'il devrait faire le déplacement.
Ils passèrent dans les couloirs aux murs ornés de médailles, d'armes et de tableaux d'officiers. Morand était impressionné. Maréchal passait le plus vite possible.
Ils furent reçus par le colonel Kotentin.
- On ne peut certes pas dire que le 2e classe Antisthène Phonos ait fait honneur à notre école.
- Pour quelle raison a-t-il été renvoyé finalement ?
- Pour plusieurs raisons, inspecteur. Pour son indiscipline, pour ses bagarres, pour ses négligences...
- Était-il content de partir ?
- Je dirais que oui.
Maréchal s'était fait apporter le dossier d'Antisthène.
- Puis-je vous demander pourquoi la police s'intéresse à lui ?
- Oh, pour son propre bien, dit Maréchal, les yeux dans le dossier. Pour le protéger, avant tout.
- Je ne crois pas qu'il ait pu bien tourner, dit le colonel. Il a un esprit d'aventurier, de voyou...
- Il avait des camarades ici ?
- Disons qu'il avait entraîné une fois un camarade à faire le mur avec lui, ainsi que quelques autres accrocs à la discipline. Le caporal Valakotsky. Qui a repris le droit chemin une fois Phonos parti.

Maréchal regardait les quelques chromatos de ce Phonos. Pouvait-il bien être Antiphon, le Prince Paon ?
Il reposa le dossier, remercia le colonel.
- Nous allons essayer de retrouver le caporal Valakotsky. Savez-vous où il se trouve ?
- Demandez à ma secrétaire, elle le retrouvera.
Ils passèrent la voir. Elle ressemblait à Clarine. Une Clarine qui n'aurait pas encore été mise en contact avec des fonctionnaires de SÛRETÉ.
- Si Clarine ne veut pas de Faivre, nous suggérons à l'inspecteur de venir tenter sa chance avec elle.
- Voilà que vous jouez les entremetteurs à présent...
Maréchal secoua la tête : aucun humour, ces Scientistes. Déjà, à l'époque, Herbert n'appréciait pas ses plaisanteries.
Ils avaient la garnison de Valakotsky : il était en poste sur une île septentrionale. Il faudrait des semaines avant de le faire revenir.

Maréchal entra dans la même brasserie. Il but encore deux bières, au grand dam de Morand.
- Comment pouvez-vous apprécier tout cet alcool ?
Le Scientiste avait une eau gazeuse, vraiment pour faire plaisir, parce qu'il trouvait absurde de s'arrêter ainsi pour boire.
Maréchal consulta son carnet :
- Nous continuons dans le beau linge, détective. Nous allons voir les Phonos.

C'était à deux pas du quartier de Leclos-Villers, un ghetto pour aristocrates richissimes. Un domestique astiquait les roues de la voiture de famille. Les chevaux remuaient dans leur box.
Le père Phonos rappela vivement à Maréchal feu le comte de Whispermoor. Un homme opposé à la modernité, détestant l'agitation, la vie bruissante de la Cité. Un idéaliste à sa façon.
Il vivait dans un environnement sombre, dans un bâtiment aux formes dures et torturées comme les aiment les Obre-Ignisses.
Maréchal s'assit dans un fauteuil bien moelleux, tandis que leur hôte était sur une chaise dure. Morand, très respectueux, restait le dos bien droit, tandis que Maréchal aurait bien fait une petite sieste. Il ne refusa pas un bon cigare et une petite liqueur qui vous mettait le feu aux joues.
- Mon fils...
Le vieux Lothar Phonos avait de la peine à commencer. Il prononçait des mots pratiquement enterrés.
- Mon fils n'a jamais été l'honneur de cette maison.
- J'ai entendu la même chose à l'Ecole militaire.
- Mon fils n'a jamais supporté la discipline. Il était rebelle, indiscipliné... Je crains de ne pouvoir vous aider, car je ne l'ai pas vu depuis sept ans.
- Depuis son renvoi de l'armée ?
- Oui... Croyez bien que j'ai fait ce que j'ai pu pour l'éduquer. J'ai pris des mesures très dures.
- D'où lui vient cette aversion pour l'ordre ?
- Je ne sais pas, inspecteur... En fait, j'ai bien peur de comprendre. Je crois que mon fils était fou.
Il n'était pas fier de prononcer ces mots.
- Fou ? Que voulez-vous dire ?
- Je veux dire ce que je veux dire... Ne faut-il pas être fou pour détester ainsi sa famille ?... Oh, je sais bien que les jeunes gens ont besoin de jeter leur gourme, de faire la bringue. Mais cela n'a qu'un temps... Pas avec Antisthène.
Il était pressé de voir les policiers s'en aller.
Maréchal écrasa son mégot de cigare.
- Pourrions-voir sa mère ? Peut-être qu'elle...
Le père Phonos le coupa :
- Si vous voulez.
Il agita sa clochette. Le domestique entra :
- Allez chercher ma femme, voulez-vous ? Ces messieurs désirent s'entretenir avec elle.
Lothar Phonos meubla la conversation comme il put :
- Dans quel régiment étiez-vous ?
- 34e régiment, dit Maréchal.
- Il était important de montrer à ces orgueilleux Autrellois qui est le maître. Nous sommes encore bien généreux de leur accorder des dédommagements de guerre... Il y a encore trente ans, nous n'aurions pas eu à nous excuser de venir les soumettre.
Le domestique rouvrit la porte : la mère d'Antisthène entra. Son mari fit les présentations et dit qu'il avait du travail.
Elle ne s'assit pas sur la chaise de son mari. Elle en prit une autre. Elle était très digne, comme une veuve.
- Vous savez je pense le but de notre visite, madame, dit Maréchal.
- Oui... Notre fils.
- C'est cela.
Autant Maréchal avait eu instinctivement l'envie de "rentrer" dans le père, autant la mère lui inspirait des sentiments plus respectueux.
- Votre mari nous a dit ce qu'il savait, c'est à dire peu de choses. Néanmoins, je me suis dit que souvent, les mères sont plus proches de leur fils...
Elle eut un sourire triste. Elle ne nia pas.
- Comment votre mari a-t-il élevé votre fils ?
- S'il vous l'a dit, je pense qu'il ne vous a pas menti. Mon mari l'a élevé dans les règles. Il avait la main lourde, oh ça oui...
- Madame, je dois vous poser la question directement, parce que c'est mon métier. Avez-vous gardé contact avec votre fils ?
Elle hésita, ce qui était déjà une réponse. Elle le savait.
- Oui...
- Vous l'avez aidé ?
- Je lui ai trouvé une place comme marin... Il m'a dit que tel était son rêve... Voyager... Alors pourquoi pas.
- Le nom du navire ?
- Le Chevauche-Cyclone. Ce navire, inspecteur, a coulé peu après... C'était il y a cinq ans.
Elle était assez forte pour ne pas pleurer. Elle était devenue terne, grise, dans cette maison sombre, inhospitalière.
- Votre fils a-t-il survécu ?
- Oui... Vous le saviez ?
- Qu'est devenu votre fils ?
- Je ne sais pas bien...
- Madame, a-t-il fait partie d'une secte ?
- Je ne comprends pas...
- Une secte, précisa Morand, dont le gourou a été condamné pour atteinte à la pudeur...
Etait-ce la voix sans amabilité du détective ? L'idée de son fils complice d'un pédophile ? Elle sortit un mouchoir.
- Oui, dit-elle en écrasant une larme. Il n'a pas dû rester longtemps chez ces gens horribles, car ce pervers a été emprisonné quelques mois après que le navire a coulé... Il n'a pas dû s'écouler plus de cinq mois.
- Je m'excuse encore, madame, mais je ne comprends pas bien la rébellion de votre fils. Tout de même, les chiens ne font pas des chats... Pourquoi rejetait-il autant sa famille ?
- Il voulait être artiste, voyageur, explorateur, que sais-je... Que des rêves inconsistants, des situations impossibles... Mon mari lui disait : soldat, tu seras tout cela. Mais il ne supportait pas la discipline. Mon mari était effrayé par cette anarchie en lui. Il a décidé de briser ces espoirs délirants...
- Votre mari croyait son fils fou...
- Oui, et mon mari ne croit pas du tout à la médecine, sinon aux chirurgiens, et encore...
- Ce qui est bien dommage, intervint Morand le psychologue, car des progrès ces derniers temps...
Maréchal lui fit signe de se taire.

Elle sourit devant l'enthousiasme du Scientiste. Elle devenait plus vive, s'animait. Cela ne devait pas arriver souvent.
- Et vous, dit Maréchal en souriant, vous êtes allée voir un médecin ?
- Oui, dit-elle avec un début de sourire qu'elle dut regretter. J'ai consulté un spécialiste, un psychiatre...
- Vous avez son nom ?
C'était à tout hasard, pour demander un jour à Heims ce qu'il en pensait.

Et elle ! Quelle masse de vie elle avait dû enfouir pour se plier à son mari !
Il fallait que ce soit la police qui vienne s'intéresser à elle !
- Que vous a dit ce médecin ?
- Il n'a pu étudier directement mon fils. Cependant, avec ce que je lui ai dit, il m'a dit qu'il pensait à une schizophrénie. Je n'ai pas retenu les termes exacts. J'ai au moins compris que pour se protéger de son père, de la discipline des Obre-Ignisses, tout en essayant de les respecter, mon fils s'est créé une deuxième personnalité. Cela n'a pu durer longtemps. Il a fini par... par "craquer", vous voyez... On ne peut être deux personnes.
- Naturellement.
Maréchal disait cela par politesse. Parce que des gens menant une double vie, il en connaissait suffisamment pour écrire un annuaire !
- Pourrions-nous visiter sa chambre ?
- Si vous le désirez. Le domestique va vous mener.

La chambre était celle d'un étudiant. Des rayons de livres bien serrés. Rien n'avait dû changer depuis le départ d'Antisthène, il y a plus de sept ans. La mère était montée aussi.
- Il faudra que je vous montre des cartes postales...
- Il vous a écrit ?
- Oui, un peu au début... Son père n'est pas au courant.
- Je veux bien voir ces cartes. Je dirais même que je vais devoir vous les prendre...
- Nous allons vous en faire un carton.
Le domestique comprit l'ordre. Il sortit de la pièce. Maréchal fureta dans les rayons. Des classiques de la littérature lunaire. Morand regardait avec lui : ils ne voyaient rien d'intéressant. Maréchal eut l'idée de regarder dans les livres pour enfants, en bas.
- Bingo !
Il sortit un petit volume de contes : Le prince des paons.
Maréchal le parcourut : l'exemple d'un vilain oiseau, moqué par tous, qui reçoit la faveur d'une déesse et qui, paré de ses plumes, devient le plus merveilleux des princes des cieux... Les illustrations avaient quelque chose de fascinant, dans le regard flamboyant du paon, le détail de ses plumes, tous ces yeux... Maréchal imaginait facilement le jeune Antisthène regardant pendant des heures, chaque jour, les images.
- A quoi tient le sentiment du destin...

Maréchal mit le livre dans sa poche. Le domestique revenait avec les cartes postales. La mère était montée à sa chambre. Morand prit les cartes. Il les lut en vitesse.
- Regardez, inspecteur, celle-ci est datée de 207...
- Il y a trois ans ? Madame Phonos s'est bien gardée de nous que son fils avait écrit si récemment... Qui sait si elle n'en garde d'autres plus récentes.
Comme il restait le domestique, Maréchal lui posa des questions :
- Et vous ? Que pensez-vous de ce fils rebelle ?
- Ma foi, ce n'était pas un méchant garçon, mais il était tout ce que son père ne voulait... Madame était plus compréhensive. Elle ne manquait pourtant pas d'être horrifiée parfois par ses idées.
- Vous savez ce qui a pu provoquer cette rage chez le fils ? Vous le croyez fou ?
- Fou, je ne pense pas. Pas fait pour les Obre-Ignisses, ça oui. Il aurait fallu le laisser être ce qu'il voulait. Pas question de ça ici, dit-il à voix basse, en désignant du menton l'étage d'au-dessus, les chambres des parents.
- Et entre nous, il vient de temps en temps rôder dans le coin... Pauvre garçon. Son père ne veut pas le savoir...
- Quand est-il venu la dernière fois ?
- Il n'y a pas deux semaines.
L'inspecteur sortit sa carte :
- Vous m'appelez si vous le voyez traîner, hein... Discrétion assurée.
- D'accord.

C'est Morand qui dut porter la boîte de cartes postales.
- Vous rendez-vous compte, inspecteur, de la tragédie qui frappe cette famille ?
Maréchal approuva, distrait. Les bières, l'alcool du père Phonos, lui montaient à la tête.
- Vous rentrez à la maison, dit l'inspecteur. Je monte aux Célestes.

Le Scientiste partit au tramway avec son carton sous le bras. Maréchal s'arrêta pour une bière.


¤


Le gardien ouvrit la porte de la cellule de Mélian.
Faivre entra et posa ses affaires sur la table. Le prévenu avait la tête dans ses cheveux broussailleux. A peine s'il osait encore regarder les gens en face.
- La police s'intéresse encore à moi ?
- Nous continuons l'enquête, oui, dit Faivre.
L'inspecteur essayait de ne pas trop montrer sa compassion envers Mélian. Il venait comme policier et comme médecin, double raison de rester professionnel et détaché.
- Je vais avoir besoin d'une prise de sang... Relevez votre manche.
- Si cela peut suffire à prouver mon innocence.
- Peut-être pas...
- Vous y croyez encore, vous inspecteur ?
Faivre ne répondit pas. Il nettoyait le bras de Mélian et vérifiait sa seringue.
- Serrez le poing, voilà...
Il passa un coton à l'alcool et mit un pansement.
- Vous savez, même si je sortais demain, ma vie serait détruite... Qui peut se remettre d'une accusation de deux meurtres ?
- TRIBUNAL fait son travail, monsieur Mélian. Nous aussi nous sommes sur une piste... Déboutonnez votre chemise, je vais vous ausculter. Consultation sans frais, rassurez-vous.
Faivre prit sa tension, écouta sa respiration.
- Je vais faire de mon mieux pour vous aider, Mélian. Je vous demande un peu de patience.
- La patience, c'est tout ce qui me reste ici...
Faivre rangea son matériel.
- Je vous donnerai des nouvelles bientôt.

Si Mélian avait eu idée de l'ampleur que prenait l'enquête... Un lien était fait entre Antiphon et les Obre-Ignisses. De son côté, Turov contactait ses amis de DOUANE pour obtenir de plonger dans les épaves des deux navires de la corpole.
Faivre passa au quai des Oiseleurs pour examiner ses prélèvements de sang. Déjà, un examen superficiel de Mélian n'avait rien révélé de morbide. L'inspecteur mit son échantillon à la centrifugeuse, à côté d'un échantillon de son propre sang. Morand lui avait apporté le mélange des Scientistes pour détecter les unicellulaires.

Turov entrait à ce moment dans le Quai et allait à la Brigade des Rues. Il se présenta à un détective qui l'accueillit sans aucune amabilité. Il mâchouillait un cure-dents.
- Hé, inspecteur ! lança-t-il à Lanvin, encore une invasion de chez Maréchal.
- Un jour, dit Lanvin en s'approchant, je te jure qu'on va coffrer toute cette brigade de tire-au-cul. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Turov n'était pas encore habitué à l'humour particulier de l'Urbaine. C'était assez proche de l'humour marin, de l'humour docker et de l'humour char d'assaut.
- Je viens voir les anars qu'on a chopé à Rotor 32.
- Suis-moi.
Les Pandores en avaient attrapé deux. Ils passaient chacun un interrogatoire dans un bureau très serré. Turov entra dans le premier bureau.
Un jeune homme blond, assez mince mais musclé, était entouré de trois détectives.
- Je vous ai dis ce que je savais...
- Nous on veut parler à tes camarades...
- Pour la balance, vous vous trompez d'homme...
- Ton copain à côté a l'air mieux disposé à nous parler.
- Arrêtez avec vos vieilles ficelles... J'ai lu plusieurs manuels de criminologies, je connais vos techniques...
- Monsieur est un intellectuel. Mais tu vas parler, comme les autres.
L'imposant Turov entra à ce moment. L'anarchiste eut un tremblement en le voyant.
- Je viens te poser quelques questions...
- Sans blague. Et pour me derrouiller la gueule aussi ?
- Ça c'est une option...
- Je peux avoir une cigarette ?
- D'abord tu réponds, dit Lanvin.
Turov sortit une copie du chromato d'Antisthène à l'école militaire.
- Tu le connais ?
- Je ne fréquente pas les militaires, désolé.
- Antiphon...
- Lui c'est un sacré ravagé, dit le jeune homme. A côté, on passerait pour des modérés.
- Tu le reconnais sur ce chromato ?
- Oui, ça pourrait bien être lui, mais il y a quelques années...
- Cette repro date d'il y a sept ans.
- Alors oui, ça peut être lui.
Enfin une personne reconnaissant Antisthène comme Antiphon. Il en restait à interroger, comme les gens du théâtre où Antiphon avait eu son spectacle, et dans les maisons closes qu'il fréquentait.

- Parle-moi de lui, dit Turov.
- C'est lui qui nous a conseillé de venir nous établir à Rotor 32.
- Pourquoi il vous fréquentait ?
- J'imagine parce qu'il partageait nos idées...
- Il faisait quoi dans l'immeuble à côté de votre terrain vague ?
- Aucune idée. C'était pas nos affaires.
- Il vous demandait quoi en échange de la planque à Rotor 32 ?
- Rien... On fonctionne pas comme ça, nous. Et on connaissait rien à ce qu'il faisait en dehors... Chaque camarade mène sa barque comme il l'entend.
- Je vais retrouver tous les gens de ton réseau... On les arrêtera, on les fera parler...
Turov perdait patience.
- Bon courage...
Il reçut une claque d'un détective :
- Dis, tu te moques de qui, là ?
Turov sortit. Ce n'était pas gagné. Si retrouver Antiphon passait par le démantèlement de tous les groupes subversifs de la Cité, cela prendrait des mois. Des années.

Faivre et Turov se retrouvèrent dans la cour. Ils se mirent au courant de leur journée.
- Avant de monter ici, raconta Turov, j'ai voulu examiner soigneusement les combinaisons étanches... Je voulais faire de "l'ingénierisme rétroactif", comme on dit. Je n'ai rien trouvé. Le modèle ne porte pas de signes reconnaissables, le tissu, la coupe, tout est standardisé. Par contre, j'ai interrogé un des anars, qui a reconnu Antiphon sur le chromato de l'école militaire.
- Je suis certain qu'on tient une piste avec les Obre-Ignisses, dit Faivre. Moi j'ai fait des examens de sang... Mélian a le sang infecté par les unicellulaires. En quantité bien moindre que les deux femmes...
- Il y aurait un lien entre ces cellules et Antiphon ?
- Ceux qui s'approchent d'Antiphon, qui sont victimes de ses illusions, semblent infectés par ces unicellulaires. Voilà tout ce que je peux dire pour le moment... Je vais continuer les examens ce soir.
Ils entrèrent dans un café, d'où Faivre appela Morand :
- Nous avons du travail ce soir, détective. Je vais avoir besoin de vous.
Il manquait peut-être de vitamines, le Scientiste, mais pas de compétences. Faivre devait compter sur lui.


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