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Dossier #16 : Le client de chez Emma
#5
DOSSIER #16<!--sizec--><!--/sizec-->

Faivre et Morand travaillèrent une partie de la nuit. L'inspecteur mit en milieu stérile deux prises de sang : celle de Mélian, infectée par les unicellulaires, et une de lui, saine. Il voulait voir s'il y aurait contamination de la seconde par la première.

L'inspecteur appela ensuite un ami à lui, détective privé de son état, Augustin Mechkine.
- On est en pleine nuit...
Il n'avait pas l'air de dormir.
- Je ne te dérange pas au moins ? demanda Faivre, qui savait bien que si.
Il devinait Mechkine allumant la lumière, s'asseyant dans son lit, allumant une cigarette. Et une voix enjôleuse de femme lascive.
- Tu es le fossoyeur de mes nuits d'amour, Gustave...
- J'ai un service à te demander...
- Ça va te coûter cher, Gus.
- Ecoute, j'ai besoin de toi pour surveiller des gens. Je vais te donner leur adresse. Les Phonos. Je vais t'expliquer...
- Tu as idée de mes tarifs horaires ?
- J'ai surtout besoin que tu sois discret et que tu me rapportes tout ce que tu peux trouver sur cette famille...
- Je suis censé trouver quoi ? Un cadavre dans le placard ? Dans la poubelle ?
- Un fils disparu qui rôde, par exemple.
Faivre dit le peu qu'il savait. Il entendait Mechkine griffonner, sa compagne sortir du lit, sûrement très mécontente.
- C'est tout ?
- Je te laisse continuer ta nuit.
Le détective grommela quelques mots et raccrocha.
Faivre dit à Morand qu'ils avaient bien travaillé. Et l'inspecteur alla finir la nuit chez la prostituée qu'il protégeait plus ou moins, Sélène. Ils passèrent des heures dans les vapeurs d'opium.


¤


Maréchal était passé en fin de journée aux Célestes, au théâtre où Antiphon avait eu son numéro de magie.
- Comment l'avez-vous recruté ? demanda-t-il au directeur.
- Ma foi, à l'ancienne... Il est venu un jour me montrer ses tours, il y a six mois. Je les ai trouvés intéressants, j'ai dit oui.
- Vous ne savez pas d'où il sortait ?
- Ma foi, s'il fallait aller fouiller le passé de ces gens... Je préfère me contenter de jauger leur talent.
Maréchal était rentré sans s'attarder. Il lisait au lit le Livre des mille étoiles d'un oeil distrait. A ses côtés, Nelly lisait aussi, des catalogues d'objets d'art. Maréchal n'aimait pas trop ces lectures, derrière lesquelles il soupçonnait des intentions malhonnêtes.
- Tu as entendu parler de Penthésilée depuis la fin de la guerre ? répliquait Nelly. Non ? Alors bon...
- Sache juste que ces bibelots de luxe ne sont pas dans mon budget.
- Pfff...
Ce n'était pas avec un fonctionnaire de SÛRETÉ qu'elle allait mener la vie de château !
Maréchal s'endormit sur sa page. Il ouvrit l'oeil, au bar d'Emma, au moment où celle-ci lui servait une bière. Il se frotta les yeux.
Il n'était pas "revenu" ici depuis avant-guerre.
- La bière du vétéran ! disait la patronne. Offerte par la maison.
- C'est bien aimable, dit Maréchal, le temps de trouver une contenance...
Le pianiste était à sa place, avec sa voix rauque et ses accords nocturnes hargneux. Une fille se déshabillait sans entrain sur scène. Les clients discutaient à voix basse, jouaient aux cartes, aux fléchettes.
- Ça n'a pas trop changé par ici, dit Maréchal.
Il se frottait les yeux, il se sentait bien.
- On est toujours le plus classe des claques miteux, dit Emma en crachant sur le comptoir avant de l'essuyer au torchon. C'est ça que la clientèle cherche. Ils veulent du rêve crasseux, toujours plus charmant que leur vie de bureau... Le client, il veut voir qu'il y a plus sale que son quotidien.
Maréchal sourit et reprit un verre.
Le rendez-vous des insomniaques était bien le débit de boissons le plus insolite et le plus "fermé" de la Cité. N'y accédait pas qui voulait, et on n'y arrivait pas toujours volontairement ! Les gens avaient les traits tirés. Ils étaient mieux à s'ennuyer devant un verre qu'à se battre dans leur lit pour trouver un sommeil fuyant. Un client arrivait avec son journal, s'asseyait sur le tabouret tout à gauche du zinc.
- Lève ton cul de là ! lança Emma.
Le type releva la tête, étonné.
- C'est interdit de s'asseoir sur ce tabouret, fit Emma, catégorique.
- Ah tiens et pourquoi ?...
Emma baissa les yeux. Elle alluma une cigarette.
- C'est une longue histoire...
Les gens relevèrent la tête. Certains s'approchèrent du comptoir. La fille qui se déshabillait s'appuya sur le piano et le pianiste mit une sourdine.
- Pendant la guerre, j'ai eu un déserteur, racontait Emma à la cantonade. Oui, messieurs-dames, un vrai de vrai... Il était revenu du front blessé. Hôpital. On lui a dit qu'il était bon pour le service. Il n'a pas voulu y retourner. Il a fait le mur, il a fini ici. Il avait ses bandages sur la tête. Il était à bout le pauvre... Il disait qu'il allait se faire prendre, inévitablement. Il a dit qu'il avait entendu parler de chez Emma. Il arrive, me raconte son histoire... "Pour ton dernier soir, t'aurais pu aller aux putes, non ?" je lui dis... Il me dit "C'est mieux que le bobinard ici, Emma..." Croyez-moi ou pas les enfants, j'en ai eu les larmes aux yeux. Pourtant j'en ai vu passer des poètes de mes deux, des versificateurs à trois velles, des tâcherons du lyrisme, des ivrognes de la Muse -qui m'écrivaient quelques lignes... "Oh ma jolie Emma, tu es si belle, tu es la déesse du comptoir, l'inspiratrice de mes nuits", mon cul sur la commode je sais pas quoi. Hé bien pas un de ces lourdauds n'a réussi à m'émouvoir comme le déserteur...
"Il est resté jusqu'à l'aube, et là, il est parti, tout triste. C'était un vilain matin. Ça m'a brisé le coeur, je vous le dis, comme le jour où j'ai perdu mon gosse... Il est parti, il doit être collé au poteau, fumiers de galonnés... Il était assis sur ce tabouret, donc depuis, c'est sacré ! Ordre de la patronne... Plus personne ne s'assoit dessus, non, c'est le tabouret du déserteur.

Petits applaudissements.
Difficile de savoir si c'était un conte ou pas. Le pianiste reprit ses ballades de paumés nocturnes. La fille avait les larmes aux yeux :
- Je voudrais dédier cette danse au déserteur, dit-elle, un sanglot dans la gorge.
- Alors mets-y de la passion ! dit Emma. Tu veux pas que je le fasse pour toi... Qui voudrait voir mes roberts, non mais sans blague tiens !
Deux clients sifflèrent d'admiration.
- Vous êtes mignons, dit Emma en regardant le reste de la salle.
- Et vous avez vu de nouvelles têtes par ici ?
Maréchal se sentait bien.
- Oui, on a un petit monsieur qui vient de temps en temps... Il a une tête de célibataire. Renfrogné... Il a l'air de se plaire, il ne fait pas d'histoire.
Les clochettes de la porte tintinnabulaient.
- C'est lui, souffla Emma.
Un petit monsieur en complet noir, avec des lunettes étroites, un chapeau ramolli. Il portait un gros cartable en cuir. Une allure de petit professeur de maths.
- Il est comptable, dit Emma.
L'homme s'asseyait à une table, dans un coin. Il adressait un petit sourire timide à la danseuse qui remuait des seins dans sa direction.
Maréchal finit sa bière. Il alla s'asseoir à sa table.
- Bonsoir...
L'homme était surpris, intimidé de cette intrusion dans son territoire. Il était sur le point de sortir une liasse de son cartable.
- Maréchal... Je suis un habitué des lieux. C'est ma première fois depuis la guerre.
- Bonsoir, dit le petit homme en avalant une pastille. Continus... Alphonse-François Continus, comptable.
- Vous venez depuis longtemps ?
- Oh, ce n'est que ma troisième fois. L'endroit est agréable oui... Je dors mal, comme tout le monde ici, hein...
Il souriait, toussotait.
- C'est très gênant, car il m'est arrivé de somnoler au travail. J'ai pris du retard, cela va m'attirer des remarques, car je m'efforce d'être méticuleux, habituellement.
- Vos nuits sont plus intéressantes que vos jours...
Il posait la liasse sur la table. Maréchal regarda : des tableaux de chiffres, des graphiques.
- Vous amenez votre travail ?
- Il le faut bien. Je ne vais pas rester à rien faire alors j'ai ces heures que je suis bien obligé de mettre à profit. Au delà de l'aspect strictement financier, il y a l'ordre, la régularité des chiffres, qui ont entre eux une harmonie secrète...
- Chacun ses vices, dit Maréchal avec le geste de dire "très peu pour moi".
L'inspecteur retourna discuter au comptoir.
- Il est joyeux comme la mort, dit-il, sans se préoccuper d'être entendu ou pas de l’intéressé.
Maréchal se tourna dans son lit. Nelly dormait profondément. Il était vaguement morose d'avoir rencontré ce Continus, mais content d'être revenu dans le bistrot de ses rêves.


¤

- Un petit café, Clarine...
Faivre émergeait à peine des vapeurs opiacées qui avaient enrobé sa nuit.
- Inspecteur, dit Clarine, je vous ferai un café jusqu'à la fin des temps.
Faivre se pinça : opium ou réalité ?
- Merci, merci Clarine...
Il se ressaisit :
- Ne croyez-vous pas, chère Clarine, qu'il serait temps que notre relation évolue ?
- Que ce soit vous qui me fassiez mon café, par exemple ?
- Oh, vous êtes bien audacieuse, là... Je suis sûr que cela cache vos sentiments profonds... Laissez-les s'exprimer, timide Clarine...
- Vous avez du courrier. Je l'ai mis sur votre bureau.
Faivre soupira bien fort, comme un éconduit.
Il prit les lettres : toujours pas de nouvelle de sa demande de réaffectation à la Brigade Urbaine.

Maréchal entrait :
- Réunion dans mon bureau.

Clarine refit du café pour tout le monde. Quand elle entra dans le bureau déjà enfumé, Faivre parlait haut et fort :
- Je suis révolté, inspecteur, révolté par ce qui arrive à Mélian ! Je n'accepte pas le sort qu'on lui réserve ! Il est innocent et on prépare déjà sa corde !
Maréchal, vaguement las, l'écoutait, les mains croisées sur le ventre.
- Je suis bien d'accord, bien d'accord...
- Il est de notre devoir, j'insiste, de notre devoir de trouver le vrai coupable. Enfin, inspecteur, vous rendez-vous compte de l'injustice qu'il, qu'il...
- L'enquête continue, Faivre.
Clarine posa le plateau et sortit.
- Reste qu'il a tué, dit Maréchal à mi-voix. Je ne crois pas trop à un adoucissement de la peine...
Faivre ne pouvait rien y redire. Il déplaça sa rage sur Morand :
- Et vous, vous faites quoi ? Vous deviez mettre au travail vos amis sur les analyses de sang ! Vous êtes de la police maintenant ! Remuez-vous, merde !
Morand voulut répondre, mais Maréchal lui fit signe qu'il valait mieux ne rien répondre. Faivre se leva et sortit. Il alla sur les quais fumer une cigarette.
- Laissez passer la tempête, dit Maréchal au détective.

Turov n'avait rien dit.
- Vous êtes prêt ? demanda l'inspecteur.
- Oui, nous appareillons ce soir, dit le marin.
- J'ai des tas de dossiers à traiter ici. Ils ont la ligne sur le navire ? Vous m'appelez ou vous envoyez un télégraphe, n'est-ce pas ?
- Bien sûr.
Faivre remontait.
- Il faut qu'on y aille, dit Turov.
- Je prends mes affaires pour la nuit et on y va, grogna l'inspecteur.

Les deux hommes partaient retrouver les épaves des navires Obre-Ignisses. Ils embarquaient, grâce aux relations de Turov, sur un navire de pêche.
- Pas d'imprudence, hein, dit Maréchal. Si c'est trop dangereux, s'il y a des courants, ne vous obstinez pas...
- Je connais la manœuvre, dit Turov. Ne vous en faites pas. S'il y a quelque chose à trouver dans ces carcasses, je vous le remonterai.

Clarine appelait la compagnie de ballon-taxi Corben.
- Pour la Vague Noire, oui... Merci.
Les policiers attendirent sur le quai.
- Amusez-vous bien, dit Maréchal quand on vit apparaître le taxi.
- Ce sera bon de remettre les pieds sur un rafiot, sourit Turov, son balluchon sur l'épaule.
Maréchal ne répondit rien. Il n'aimait pas la mer, détestait naviguer et ne supportait pas les marins.
- Tenez, dit Clarine à Faivre, voici des pastilles contre le mal de mer...
- Vous êtes un ange, ma petite.
- Tout le monde à bord, décollage imminent, cria le pilote, avec ce ton habituel des fous volants qui ne savent plus parler que comme s'ils étaient en permanence dans le ciel.
L'engin décolla vers des nuages incertains.
Clarine rentra la première, frissonnant dans son manteau qu'elle avait juste posé sur ses épaules.
Maréchal alla manger un bout chez Gronski. Il resta dans ses pensées, sans lever le nez de son assiette. Le patron n'osa pas l'interrompre.
Il rentra, impatient, sans savoir de quoi et se mit à son bureau. Morand arrivait avec une caisse de livres.
- Je suis passé à la Fondation, dit-il. J'ai pris de la lecture...
Maréchal se demanda brièvement ce que c'était que cette Fondation scientiste. La Fondation des Joyeux Tortionnaires ?...
Morand ouvrit la caisse et sortit quelques volumes : des ouvrages d'occultisme. L'inspecteur y jeta un oeil distrait. Il en prit un au hasard, se fiant à son intuition, ou à sa bonne étoile.
- Les chroniques de la Cité cachée...
Il se gratta la tête, en se demandant si les contribuables seraient heureux d'apprendre qu'ils payent des fonctionnaires à lire des élucubrations pour concierges.
- Je le prends, je vais le lire si je ne m'endors pas avant...
Maréchal se cala dans son siège, les pieds sur le bureau. Il avait les paupières lourdes. Il sentait un délicieux endormissement l'engourdir. Il réussit à lire quelques pages, d'un oeil. "Je sens en moi les mille créatures microscopiques qui m'envahissent et s'agglomèrent peu à peu... Bientôt je rejoindrai la Cité cachée..."
Il se réveilla une heure après, et sortit dans le couloir en baîllant. Morand était à son bureau, comme un écolier modèle. Il rédigeait ses derniers rapports.
- Dites, ce n'était pas inintéressant... Je doute que l'enquête avance grâce à cela, mais qui sait ?...
- Il y a la suite si vous voulez.
L'inspecteur prit l'autre livre, en mauvais papier de champignon. Nouvelles chroniques de la Cité cachée. Maréchal se gratta la nuque.
- Je prends...
Il était mieux dans son bureau douillettement chauffé que ses deux collaborateurs, ballottés sur le gros navire de pêche !
Il mit la radio en sourdine pour avoir la météo marine, diffusée chaque début d'heure. Il parcourut le second volume, moins intéressant. Il baîlla, se dit qu'il avait assez perdu son temps. Il fit défiler les pages, énervé par cette sous-littérature. Il passa les pages jusqu'au troisième de couverture, sur lequel quelques mots au crayon avaient été dessinés. Maréchal se rassit d'un coup, relut. Le mot disait : "Penser à demander informations à Alphonse-François Continus. Poste IM 193-87-272."
Continus, le nom du comptable de chez Emma ! Il sortit demander à Clarine de contacter le poste indiqué.
- Trouvez avant de quoi il s'agit, dit-il, très agité ; l'indicatif 193 indique un poste de VOIRIE...
- Je cherche sur l'annuaire.
Maréchal dit à Morand de venir :
- Vous avez eu le nez creux, détective. Je ne sais pas où va nous mener cette coïncidence. C'est peut-être nous qui allons ferrer le gros poisson...
Clarine dit qu'elle avait localisé le poste de Continus.
- Passez-le moi...
- Le poste est occupé depuis tout à l'heure.
- Il a un terminal chromato ?
- Oui...
- Donnez-moi l'adresse, je vais lui écrire.
Maréchal s'installa devant la machine.
- Morand, vous me faites un café ?
- Laissez, je m'en occupe, dit la secrétaire.


¤


Les sirènes des navires retentissaient dans le port. C'était l'heure du départ pour les pêches en eau moyennes, sur un circuit balisé de deux jours.
Faivre et Turov appareillaient à bord du Repousse-Écume, vieux bâtiment qui avait ses vingt ans de service. Les hommes ne firent pas de commentaire sur la présence des deux policiers. Ils leur montrèrent leur cabine et leur expliquèrent les règles de sécurité à bord.
- Voilà le harnais, pour circuler dehors par gros temps. Vous vous attachez à la rambarde. Voilà le sifflet d'alarme, vos lampes...
Turov connaissait cela. Il rassurait les marins, qui savaient qu'il était des leurs. Par contre, Faivre avait typiquement une physionomie de terrien et personne ne s'y trompait. Le teint pâle et la démarche mal assurée. Faivre se dit même que certains reconnaissaient un opiomane. Comme si rien ne pouvait plus échapper à ces hommes à vif, habitués à braver la mort à chaque sortie.

Le second s'assura que les passagers avaient tout leur confort et mit les hommes au travail. Les policiers comprirent qu'on n'aurait pas le temps de s'occuper d'eux. Faivre s'allongea. Turov fit un tour dehors. C'était bon de reprendre contact avec l'océan. L'inspecteur, lui, fut vite malade. Ballotté comme s'il était sur un radeau de sauvetage, il ne trouvait rien à quoi se raccrocher dans cette cage en métal humide. Des sifflets de vapeur, des bourrasques de chaleur remontant des machines, mêlés à des courants d'air froid du dehors, et du mouillé qui imbibe et pénètre en profondeur dans les vêtements.
Faivre passa la plus longue fin de journée de sa vie. Il crut que cela dura une semaine. Alors qu'il parvenait à trouver un peu le sommeil, il fut réveillé, bizarrement, par un soudain calme. Il toucha son lit, les murs, se leva. Le navire ne remuait plus. Il s'habilla chaudement. Il passa dans les couloirs exigus, monta sur le pont, giflé d'une bourrasque violente. Un marin qui vérifiait des cordages lui fit signe d'aller à l'avant. Turov était là, avec le second. Deux marins montaient l'équipement de plongée. La combinaison en caoutchouc et le scaphandre couleur cuivre.
Le ciel n'était presque que noir, plein d'immenses formes tourmentées. Le grand océan, sombre comme le ciel, était plat. Il y avait un léger roulis, qui comptait pour rien après les hauts et bas perpétuels pendant des heures. Faivre s'avança, appuyé sur le mur. Turov lui tendit des jumelles : Faivre ne vit rien, sinon des vaguelettes innombrables...
- Plus à gauche...
Il aperçut un petit point rouge.
- La bouée du Tempêtueux.
Plus une terre en vue, quelques rares étoiles perdues dans le noir, de vagues reflets lointains, l'immense gémissement de l'océan.
Le second récita à Faivre, comme s'il connaissait ce début de poème par coeur :
- "Perdu dans les immenses solitudes, comme un exilé..."
Faivre se souvint avoir appris ce texte à l'école. Il ne retrouva pas la fin. Il fit semblant de connaître, bien sûr.
- "Et le cosmos tout entier devint un mal de mer..."
Le marin douta alors que Faivre connût ce poème. Il n'insista pas.
Turov vérifiait les pièces du scaphandre.
La bouée approchait doucement. Cette tâche rouge était le seul signe de mouvement, entre deux tissus noirs lisses, invisibles.
- Vous savez la température de l'eau ? demanda un marin à Faivre. Je veux dire, au niveau de l'épave... Regardez.
Il lui tendit les jumelles : Faivre vit des blocs de glace dériver. Certains allaient s'écraser sous peu sur la coque. Faivre monta au poste-radio, demande à envoyer un message.
- Rien ne passe, dit le radio.
Faivre laissa un message à transmettre à Maréchal dès que possible. Quand il redescendit, un iceberg était bien visible, tout proche.
- Illusion d'optique, sourit un marin. La pureté de l'air est trompeuse. En réalité, il est au moins à deux heures de nous.

Le navire, ce n'était pas un mirage, touchait presque la bouée rouge. Turov finissait de revêtir le scaphandre. On vérifiait le casque, les câbles. Le second expliqua comment marchait la radio à Faivre. On fit des essais. Turov, dans son casque, entendait parfaitement.

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Dossier #16 : Le client de chez Emma - by sdm - 30-10-2010, 02:40 PM
Dossier #16 : Le client de chez Emma - by Darth Nico - 03-11-2010, 09:59 PM
Dossier #16 : Le client de chez Emma - by sdm - 16-12-2010, 11:46 PM
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