16-01-2011, 06:48 PM
(This post was last modified: 16-01-2011, 07:30 PM by Darth Nico.)
Vampire 2006 - #8
Résumé : François Loren, Graziella de Valori et Anatole "Lapin de Garenne" sont en Asie pour retrouver le terroriste Bernard de Latréaumont, alias Shrek. Ce dernier a réussi à "retourner" Anatole, qui veut se venger de Paris. A eux deux, ils ensanglantent les nuits des mauvais quartiers de Beijing. Dans leur projet de vengeance, ils peuvent compter sur le soutien de la Fraternité Pourpre, une triade de Cathéens qui cherche à prendre le pouvoir sur l'Europe.
De leur côté, Loren et Graziella ont trouvé un allié en la personne de Tuang-Loc, membre de la Porte Azurée, triade qui a une délégation officielle et pacifique à Paris. Tous trois se rendent à Lhassa, quartier général de la Porte Azurée, pour s'assurer de leur aide contre la Fraternité Pourpre...

Graziella et Tuang-Loc s'étaient assis dans une minuscule épicerie qui avait deux tables pour les clients. Il y avait quelques légumes sur des rayonnages en bois, des boîtes de conserve dépareillées, quelques cartons de Coca-Cola. Ils étaient au pied du Potala, le monumental bâtiment qui avait abrité pendant des siècles les dalaï-lama. A la nuit tombée, les montagnes immenses disparaissaient presque mais on devinait encore leur présence démesurée.
Deux gamins jouaient dans la rue avec un ballon de foot. L'un d'eux avait un maillot brésilien.
- François Loren est fou d'aller voir directement la Porte Azurée, dit Loc. Et moi, j'ai eu tort d'indiquer à un étranger le quartier général.
- Loren l'aurait trouvé, même sans vous. Et faites-lui confiance, il a un culot d'acier trempé, il est capable d'obtenir ce qu'il veut. Sa détermination fait des miracles, parfois, je suis bien forcée de l'admettre.
- Son attitude va fortement déplaire aux Frères Supérieurs, mademoiselle. Ils ne vont pas supporter son attitude d'Ociddental vulgaire.
- Il va leur dire qu'il vient au nom de Lum-Khan, dit Graziella. Vos Frères Supérieurs ne pourront pas refuser la guerre contre la Fraternité Pourpre.
Les mères rentraient les deux garçons. Tuang-Loc reprit un verre. Il buvait du Panshen-Cola, la déclinaison locale de la boisson du vieux John Pemberton.
- Vous en voulez ?
- Non merci, dit Graziella, sans façon.
- Vous avez tort, c'est une boisson qui a un petit arrière-goût de réincarnation.
- Vous faites de l'humour maintenant ?... La réincarnation, très peu pour moi.
- Vous préférez l'immortalité ?
- Au moins, je sais ce que je fais de mon corps. Tandis qu'avec vos réincarnations, on peut se retrouver dans la peau d'un paysan du Mékong, merci bien...
Tuang-Loc ouvrit sa canette. La petite vieille derrière son comptoir en bois fit signe qu'elle fermait. Graziella se leva. Si on lui avait dit que...
Est-ce qu'elle allait raconter à Clémentine la Brujah qu'elle avait bu un verre dans une épicerie minuscule au pied du Potala !
Elle attendit Loc au bout de la rue. La petite vieille fermait boutique.
Ils marchèrent dans les rues en pente, retournèrent à l'hôtel après avoir bu le sang de deux agents de police.
Ils attendirent jusqu'à l'aube. Ils crurent que Loren allait passer la journée au palais. Ou qu'il avait déjà été saigné à mort pour son insolence.
Non, il arriva, frais et gaillard, peu avant l'aube.
- C'est signé, dit-il, avec l'air triomphant du patron qui vient d'obtenir un marché dans toute l'Asie.
- Vous avez signé quoi exactement ? dit Graziella, qui craignait d'être associée à ce contrat.
- La guerre contre la Fraternité Pourpre !
- En échange de quoi ?
- Davantage de permis de séjour pour eux à Paris.
- C'est malin, dit la Lasombra : nous allons être envahis de Cathéens.
- Ces gens de la Porte Azurée ont tout à fait le sens des affaires, j'apprécie cela.
- Comment leur avez-vous "vendu" votre guerre ?
- Comme je vendrais n'importe quoi : avec conviction !
Graziella soupirait.
- Vous, en tant que Vénitienne, vous devriez savoir le prix d'une négociation bien menée. Plusieurs familles de votre belle Cité vivent encore sur des tractations faites à la Renaissance !
- Vous avez pris une lourde responsabilité, dit Tuang-Loc.
- Je suis chargé d'une mission : trouver Shrek. Si cela doit passer par une guerre entre Cathéens, ce n'est pas mon problème, surtout si ça se passe chez eux !
- Et quel rôle allons-nous jouer dans cette guerre ? dit Graziella.
- Nous les accompagnerons à Singapour : le QG de la Fraternité Pourpre est sur une île. Pulau quelque chose. Elles s'appellent toutes Pulau ces îles...
- Où sont Shrek ?
- D'après nos amis, dit Loren, il est à Beijing. On l'y a vu avec Anatole.
- D'une pierre deux coups, dit Tuang-Loc. Détruisons ces deux misérables.
- Bien d'accord avec vous, dit Loren.
- A Hong-Kong, dit Graziella, vous aviez pris des renseignements sur la flotte française.
- C'est exact. Ils ont un SNLE qui croise au large de Singapour.
- Un quoi ?
- Un sous-marin lanceur d'engins, Graziella.
- Attendez, vous voulez dire des engins nucléaires ?
- Rassurez-vous, nous n'allons pas atomiser le QG de la Fraternité.
- Je vous crois capable de donner l'ordre.
- Bien sûr, mais là, ce serait déplacé. Il faut penser à la Mascarade tout de même !
Que répondre à cela ?
- Donc nous partons pour Beijing ? dit Tuang-Loc.
- Et comment donc !
La Porte Azurée s'occupa du départ de nos trois héros. Ils partirent dans un wagon de marchandise d'un train qui allait traverser toutes les montagnes jaunes. Quatre jours plus tard, après avoir changé trois fois de train, ils étaient à Chengdu, d'où ils prirent un vol pour la capitale.
- Ici, ce n'est pas comme en Birmanie, expliqua Loren. Nous ne sommes pas "YOYO", comme disent les Américains.
Graziella détestait ces expressions Américaines qui envahissaient le langage.
- Quelle est encore cette histoire de yo-yo ?
- Ah, décidément, il faut vous adapter au monde moderne, ma chère. "YOYO" veut dire "you're on your own". Je voulais dire qu'à Beijing, nous avons une ambassade de la Camarilla.
- Qui peut bien être envoyé chez les Cathéens ?
- Nous, par exemple. Et à l'ambassade, c'est la Famille qui s'occupe de tout.
- Votre famille ?
Encore des Ventrues !
- Qui d'autre pourrait gérer une ambassade en Chine, voyons ? Vous croyez que les Toréadors en seraient capables ? Les Cathéens, la poésie et l'art lyrique, ça leur va deux minutes, mais après, ils veulent des gens fiables avec qui traiter.
Loren contacta l'ambassade. Il fallut aller à la soirée de sa Seigneurie Claude Garmand, ambassadeur de l'Elysium français près la Porte Azurée.
- Où se trouve l'ambassade ?
- Dans les sous-sols d'un Sheraton.
Graziella trouva cela vulgaire, comme tout ce qui touchait aux Ventrues. Encore un de ces massifs hôtels pour hommes d'affaires. C'était en effet propre, très grand, luxueux et sans charme.
Sieur Garmand attendait ses invités dans le grand restaurant du cinquième étage. Il salua Loren comme il se devait, se montra trop poli avec Graziella et distant avec Tuang-Loc.
C'est Loren qui fit la conversation. Il raconta une histoire à dormir debout à l'ambassadeur et à ses invités Cathéens. Tout le monde souriait, demandait des anecdotes sur Paris. On était charmé par ces visiteurs venus de loin. On termina la soirée dans la salle de réception du trente-deuxième, avec une terrasse panoramique.
- Ah, quelle ville fascinante, répétait l'ambassadeur.
Même pas un petit Toréador pour se divertir, songea Graziella. Au moins, ces gens ont de la conversation. Tandis qu'un Ventrue, sorti du business... Loren et Garmand parlaient, entre gens d'importance. Tuang-Loc parlait dans un coin de la terrasse avec un autre membre de la Porte. Graziella fut heureusement abordée par un groupe de cinq femmes, très semblables (des quintuplées ?), très fines, habillées de minces robes vertes moulantes.
- Parlez-nous de Paris...
Elle leur parla de la capitale. On dévia sur Venise.
- Nous adorons Venise...
Elles avaient les ongles violet, du fond de teint, des escarpins aux talons aiguilles. De vraies vamp', aussi sulfureuses que vulgaires.
- Nous aimerions tant visiter Paris...
Graziella fut contente quand la soirée se termina :
- Vous avez raconté un conte de fées quand on vous a demandé ce que nous faisions à Pékin, dit-elle à Loren, et personne ne vous a cru.
- Bien sûr que non, dit Loren, mais ça fait partie du jeu. Vous devriez le savoir. Sieur Garmand sait très bien qui nous sommes, et je suis sûr que les Cathéens aussi. Mais il faut préserver les apparences.
- Vont-ils nous aider à trouver Anatole et Latréaumont ?
- Les trouver n'est pas le problème, tout le monde sait où ils sont : dans les quartiers appartenant à la Fraternité Pourpre, ce qui représente une petite zone de la capitale. Le problème, c'est d'y entrer.
- Je peux y aller, dit Graziella. Je suis impatiente d'en finir.
- Mais c'est prévu, figurez-vous. Vous irez avec les cinq créatures qui vous ont fait la conversation.
- Parfait, nous allons régler ça entre femmes. Shrek et Anatole vont le sentir passer. Cela va être délicieux.
- Je vous envierai presque de pouvoir dépecer Anatole, mais enfin, je ne peux pas tout faire : gérer la logisitique et aller sur le terrain.
- Vous êtes débordé, dit Graziella, et moi, je suis impatiente d'arracher les yeux du Lapin de Garenne.
- Voilà de vilaines pensées contre un allié de votre clan.
- Il a trahi tout le monde.
- Oui, il est pire que Sire Santi, ce n'est pas peu dire !
Graziella n'écouta pas ces perfidies. Elle partit dans sa chambre. La Bête en elle avait déjà des feulements de joie à l'idée du sang versé !

Sire Garmand invita le lendemain nos héros dans l'ambassade. Ils devaient y rencontrer les membres de la Porte Azurée.
- Voilà ce qui va se passer, dit Loren dans la limousine qui les conduisait au Sheraton, moi je vais rester discuter de Lum Khan, de la sagesse et des moyens de bomber l'île de la Fraternité. Pendant ce temps, vous Graziella, vous irez passer la nuit avec les cinq soeurs...
- Pourquoi ? Vous m'envoyez faire du shopping ?
- En quelque sorte. En fait, c'est une tradition, si j'ai bien compris. Ces cinq soeurs vont vous "initier". Ne me demandez pas en quoi ça consiste. Vous devrez procéder à un rituel pour devenir leur soeur de sang, car vous allez combattre ensemble.
- Attendez, de quelle nature est ce rituel ? Je n'ai pas envie de boire de leur sang, hein !
- Nous n'avons pas le choix. Il est bien possible que moi aussi je doive boire une coupe de leur sang. C'est comme ça : nous leur demandons un service.
"Donc vous verrez de quoi il s'agit. Ce que je sais, c'est que vous devrez passer du temps ensemble avant, pour apprendre à vous connaître.
- Du temps ensemble ?
- Si elles vous emmènent au lit, pensez à poser une caméra, vous vendrez ça très cher aux Toréadors parisiens...
- Qu'elles essaient seulement de me toucher...
- Je compte sur vous pour être conciliante. Il faut être très conciliant avec ces gens...
Graziella était positivement ravie !
Les cinq soeurs attendaient sur les marches de l'hôtel, avec leurs airs de femmes fatales d'opérettes. Elles prirent aussitôt Graziella par le bras et l'emmenèrent dans une limousine blanche.
- Votre amie est entre de bonnes mains, dit Sire Garmand en serrant la main de Loren.
- J'en suis certain.
Alors que la limousine démarrait, Tuang-Loc arrivait à moto et commençait la filature. C'est Loren qui lui avait demandé de veiller sur Graziella.
- On ne sait quand même pas de quoi sont capables ces cinq femmes...
La Lasombra fut contente de l'accueil : la limousine était spacieuse. On lui servit du champagne. Il y avait plusieurs jeunes gens, extasiés, qui attendaient qu'on leur pompe le sang à la gorge.
- Tiens, déguste...
Elles parlaient un peu anglais.
Graziella but. La limousine tournait sur les grandes avenues de la capitale inondées de lumière. On évoluait entre des immeubles de grandes marques de luxe français. Elles descendirent devant une galerie commerciale pleine de boutiques de parfums et de meubles. C'était clinquant, nouveau riche au possible. Un summum de vulgarité, des vitrines avec des sièges aux pots de panthère. Tout puait le mauvais goût goût crasse de l'arriviste. Graziella, la mort dans l'âme, fit semblant de trouver cela ravissant. Les lampadaires d'intérieurs en forme de palmiers cuivrés, les mini-bar en argenté réhaussé de fourrure rose... Graziella en aurait saigné des yeux.
Il fallait entrer dans des cafés branchés, avec une ambiance clubbing pour les fils de la nouvelle bourgeoisie. Il fallait boire des cocktails fluos, faire comme si on s'amusait... Graziella préférait encore la jungle, poursuivie par les paramilitaires du Sabbat !
La virée nocturne continuait : un coup de limousine, et on arrivait dans une sorte de supermarchés à boîtes de nuits. Il y en avait une dizaine de différentes sur quatre petites rues. Les cinq soeurs entraient comme elles voulaient dans l'une ou l'autre, dansaient cinq minutes et repartaient. Et le pire était à venir : le karaoké !
Des minettes de même pas seize ans se déhanchaient sur des chansons niaises, avec des clips parfaitement kitschs. Graziella aurait pu trouver cela vaguement amusant, si elle n'avait pas dû y participer. Elle allait monter sur scène avec les cinq autres, quand un téléphone sonna dans sa poche.
Miracle, elle était sauvée !
- Dépêche-toi, on t'attend ! dit une des soeurs.
Graziella sortit dans la ruelle.
Elle sortit le portable, qu'elle ne connaissait pas. Elle regarda autour d'elle.
Inutile de chercher qui avait pu lui glisser ça dans la poche. Elle avait été au coude à coude avec des centaines de personnes depuis le début de la soirée.
Le téléphone sonnait toujours :
- Allô ?
Elle entendit un ricanement.
- Allô, ma jolie ! Tu t'éclates bien !
- Anatole...
Elle frissonna de peur et de rage.
- Pas mal les cinq petites pouffiasses ! Tu les as ramassées où ?
- Vous leur demanderez quand vous les trouverez en face de vous...
- Ah c'est ces salopes qui vont venir m'arracher les yeux ?
- Pas que les yeux...
- Ah, tu me fais trop rire, ma pauvre Graziella... Je parlais encore de toi avec Nanard, on rigolait !
- Où êtes-vous ? Finissons-en, Anatole...
- En ce moment, je suis avec mes potes de la Fraternité Pourpre... On rigole avec des étudiants en commerce. Peut-être qu'on leur prendra un peu de sang, peut-être qu'on va les écarteler dans notre cave... Ça dépendra de notre humeur...
- Vous m'appeliez juste pour me dire ça ?
- Pas seulement ! Je te proposais de te joindre à nous !
- Laissons les Cathéens hors de cela, Anatole. Réglons ça, vous et moi... Vous avez trahi mon clan...
- J'ai rien trahi du tout, poupée ! Je sais juste comment ça marche, et j'ai compris qu'il faut surtout ne pas se trahir soi... Or, tu vois, ça me fait de la peine de te voir jouer les suceuses devant Loren. Qu'en penserait Sire Santi ?
- Il penserait que vous méritez la mort pour nous avoir trahis.
- Ohoh, mais arrête ton char ! Si on veut, avec les copains, on vous retrouve, les cinq pouffiasses et toi, et on passe la soirée à jouer avec vous...
- Vous n'avez qu'à venir.
- La Fraternité est puissante ici. Elle prendra bientôt le contrôle de Beijing. Il est temps pour toi de faire un choix, ma jolie. De savoir si tu veux jouer la domestique pour les Ventrues, ou si tu veux aller au bout de ton désir de chasser les Ventrues de Paris. Et nous, on peut t'y aider.
"Latréaumont, il te connaît. Il a de grands projets pour toi. C'est un type visionnaire...
- S'il était visionnaire, Anatole, il ne se serait pas associé avec un traître comme vous.
- C'est un mec bien, mais ça, les petites prétentieuses comme toi ne peuvent pas le comprendre.
- Je méprise Loren mais lui au moins ne varie pas dans ses convictions. Mais vous, Anatole, vous êtes répugnant.
- Tu ne seras jamais que la sale petite putain des Ventrues.
- Vous ne savez pas le sort que vous réserve les Cathéens. Pour le moment, ils s'amusent avec vous et Latréaumont. Vous les divertissez. Le jour où ils seront lassés, là vous le sentirez passer...
- Ils ont trop de respect pour Latréaumont pour ça... Tu ne sais pas ce que c'est... Les Cathéens ont vu en lui un type visionnaire.
- Alors il sait déjà laquelle des cinq soeurs ou de moi vous portera le coup fatal.
Graziella raccrocha et jeta le portable dans une poubelle. Elle allait rentrer, pour faire son tour de karaoké, quand elle vit Anatole surgir du coin de la rue ! Il était entouré de cinq Cathéens balafrés.
- Je n'aime pas trop ta façon de me parler !
Graziella recula. Soudain, elle sentit un Cathéen l'assaillir par derrière. Anatole sortit une épée de sous son manteau et lui enfonça dans le coeur. Graziella sentit ses jambes se dérober.
On enfourna la Lasombra dans une Mercedes garée au bout de la ruelle. Anatole s'assit à côté d'elle, et décrocha son téléphone :
- Voilà, mon Nanard, on la tient !... Oui, on va bien rigoler !
A suivre...
